Chez Noël

[visite en mars 2011]

Ce samedi midi , on s’est arrêté chez Noël. L’établissement, situé dans le haut de la rue Suffren à Saint-Pierre, est niché dans un cadre très
« ambiance la cour », avec sa petite case en bois sous-tôle, sa grande varangue et ses plantes traditionnelles qu’on retrouve dans les jardins créoles d’antan. Au fond le long de la varangue, nous avons trouvé le père Noël affairé à côté d’un four à pizzas. Car le restaurant est aussi une pizzeria, mais nous ne sommes pas là pour ça. 

Nous nous installons à l’intérieur. C’est coquet, mais il y fait chaud, magré toutes les portes et fenêtres ouvertes, et nous nous étonnons de ne pas voir  un seul brasseur d’air. La salle forme un L autour d’un bar intérieur où trônent dans l’ombre des rhums arrangés qui, à vue de nez, ne datent pas de la dernière distillation. Il y fait décidément très chaud et nous nous inquiétons de la chose auprès de la jeune dame qui nous a accueillis. « le brumisateur est en panne » explique-t-elle. Tant pis, on fera avec. La dame nous dépose la carte. Celle-ci propose une pléthore de plats créoles. Pas moins de 17, plus 12 au menu. Tout y est : de l’inébranlable rougail saucisse au cabri massalé, en passant par les caris de gallinacés divers. Nous commandons donc un cabri massalé, un civet de lièvre et un cari de boucané-baba figues. L’attente commence, nous essayons de nous ventiler comme nous pouvons.
D’autres clients arrivent doucement, et la varangue se remplit. Le fumet délicat d’un cari au feu de bois parvient à nos narines émoustillées. Encore quelques minutes, et notre commande est là, accompagnée de gros pois et de deux rougails, l’un à la mangue, l’autre au concombre, ce dernier se marie effectivement bien avec le cabri massalé. Et la touche de vert qui va bien : une fricassée de brèdes cresson. Les portions sont très, très, généreuses. C’est parti. Nous attaquons bille en tête le baba figues, n’ayant pas l’occasion d’en manger souvent. On peut dire que ca commence bien : le baba est cuit mais toujours légèrement croquant, et a totalement perdu de son amertume tout en conservant sa saveur si particulière, qui marié au goût fumé du boucané évoque à tous les créoles de vieux souvenirs de réunion de famille ou de pique-nique dans les hauts. Pour un peu, on entendrait les oies glousser au fond de la cour… pourtant, le boucané n’a pas l’air plus artisanal que cela. Il est cuit à point, luit d’une belle couleur légèrement orangée, et, point positif, n’est pas gras.
Vient le tour du massalé cabri et c’est la déception. D’abord, la viande est coupée en trop gros morceaux, qui s’avèrent un peu durs. La sauce est quelconque, comme s’il y avait encore trop d’eau dedans, et le goût du massalé lui-même est approximatif. Nous ne nous attardons pas et visons le civet de lièvre. L’aspect en est très satisfaisant. D’abord, l’odeur caractéristique de la viande préparée au vin rouge, et qui a légèrement attaché au fond. Ensuite cette couleur cuivrée presque noire, signe d’une cuisson poussée qu’on a surveillée de près. Enfin, cet arôme délicat du persil haché au dernier moment, et lâché en pluie pardessus. La viande est légèrement sèche et résistante, ce qui nous étonne, avant de nous souvenir que c’est du lièvre, et non du lapin. Nous apprécions, mais restons quand même sur notre faim. La saveur en bouche est trop sage. Nous aurions aimé trouver la petite claque du girofle, et un peu plus du parfum subtil du laurier.
Rien à dire sur les accompagnements, dans l’ensemble corrects, avec bémol peut-être pour les brèdes cresson un peu durs des bâtons. La table met un peu de temps à être desservie. La dame s’en excuse, et nous voyons bien qu’elle est seule, et pas mal de monde est arrivé depuis que nous avons attaqué le repas. Du coup, pas le temps de prendre de dessert, nous finissons par un café et nous enquerrons de l’addition. On nous propose spontanément un doggy-bag. 27 euro, un carri + un café (et une boisson rafraîchissante !). C’est relativement correct en regard des quantités servies. Mais la note risque de grimper très vite si on s’accorde la « totale » : entrée, plats, dessert et vin.
On est bien chez Noël. Le cadre est sympa, on peut choisir la grande varangue conviviale ou la petite case plus intimiste, dommage toutefois qu’aucun brasseur d’air ne vienne rendre plus agréable l’atmosphère en été. Même si le brumisateur fonctionne, ce ne serait pas du luxe. On mange bien chez Noël. Pour autant, le baba-figue excepté, ce que nous avons dégusté ne nous laisse pas un souvenir impérissable. Une table à recommander sans problème si on est de passage dans le sud et qu’on a affaire en ville. Il ne manquerait pas grand-chose pour que l’établissement décroche la fourchette d’argent : plus de confort, encore un peu plus d’authenticité dans les saveurs, moins de quantité au bénéfice de la qualité, et peut-être du personnel supplémentaire. Nous lui attribuons donc la fourchette en inox, avec nos encouragements. 
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Pour résumer
Accueil : bien • Cadre : très bien • Plats : moyens • Service : bien
Rapport qualité/prix : passable.
Notre impression globale : bonne table mais peut mieux faire
Fourchette en inox