L’Iloha

[visite en septembre 2011]

Ce dimanche, nous mettons les pieds sous la table d’un hôtel-restaurant Saint-Leusien, l’Iloha. L’établissement est niché dans un creux de verdure dans le quartier de la Pointe-des-Chateaux, sur la route des Colimaçons. 

Le lieu respire le calme, les vacances et les touristes en goguette. A peine arrivé, le personnel nous accueille avec bonne humeur et se montre aux petits soins. Nous sommes placés sur l’une des tables en bois décorée d’un anthurium et de jolies vaisselles. Les moineaux viennent nous dire bonjour, tandis que le personnel nous apporte la carte. Une carte riche et classe ou se côtoient différents mets gastronomiques métropolitains, teintés de couleur locale, avec quelques exotismes comme le filet de kangourou ou le pavé d’autruche. Les plats traditionnels créoles ne sont que 4. Nous nous y attendions un peu. Nous choisissons de tester le poulet palmiste et le civet zourite, et commençons les hostilités par des entrées faites d’amuses-bouches typiques (samoussas, bouchons frits, beignets de crevettes…), plus une salade de palmiste.

Deux cocktails du jour sont proposés ; avec et sans alcool. Ils sont frais et délicieux, quoiqu’un peu sucré pour celui sans alcool où nous avons crû déceler l’arrière goût d’un jus de fruit exotique industriel bien connu localement. La salade de palmiste arrive, joliment présentée, et déjà assaisonnée. Bonne surprise : l’assaisonnement, à base d’huile d’olive, vient relever avantageusement la saveur fragile du palmiste, lequel est légèrement croquant. On a de bonnes sensations en bouche. Peut-être un peu trop salé, mais c’est sans importance : c’est délicieux et l’assiette est vite terminée. Les amuses-gueule s’en tirent tout aussi bien. Du beignet de crevette au samoussas en passant par le achards maison : tout est bon et proche de la tradition.

C’est avec un astucieux repose-plats qu’on vient nous servir la suite, présentée dans des petites marmites individuelles. Très joli, mais ce n’est plus original. Le « Reflet des îles » testé il y a quinze jour, fait cela depuis longtemps, et beaucoup ont suivi. D’abord, le poulet. Un seul regard : la messe est dite.La petite marmite révèle…cinq pilons, cinq, au milieu de plusieurs morceaux de palmiste jaune-safran. La première bouchée confirme nos soupçons : il s’agit de viande surgelée bas de gamme, fade, sans consistance. Les morceaux de palmiste s’en sortent un peu mieux, mais la dose d’épices injectée dans le plat ne suffit pas à lui donner un tant soi peu de tenue. 

Le civet zourite est un ton au-dessus, mais à peine. Rien à voir avec l’excellent civet dégusté au Gadiamb, à Saint-Denis, il y a deux mois. Ici le zourite est bien plus récalcitrant sous la dent, et sa sauce pourtant de belle couleur, est sans caractère. Du réchauffé. Mauvais point aussi pour le riz, bas de gamme à n’en point douter, la présence de brisures et la texture farineuse en font foi. Les desserts remontent quelque peu notre moral. Une mousse aux fruits rouges, à la saveur de goyavier, rafraîchissante et délicate vient terminer ce médiocre repas, pour lequel nous nous demandera, accrochez-vous : 84, 50 centimes pour deux personnes ! (Cocktail, entrées, plats et desserts). Dire que le rapport qualité-prix est particulièrement mauvais relève du doux euphémisme. C’est sans doute le tarif pour manger au bord de la piscine. Cette critique bi-mensuelle a pour objet de tester les plats créoles. Nous vous laissons donc apprécier par vous-même la cuisine métropolitaine de l’Iloha, mais si vous voulez mangez créole, ce n’est certes pas une adresse que nous vous recommandons. Et c’est dommage.

Dommage que dans un hôtel de ce standing, osant afficher des prix comme ceux-là, la cuisine créole soit la cinquième roue du carrosse, alors que ce genre d’établissement est en première ligne pour défendre et promouvoir le tourisme.  Servir de la nourriture bas de gamme, préparée par-dessus la jambe, aux touristes souvent ignorants de notre gastronomie, mais avides de découvertes, c’est d’abord leur manquer de respect, et aussi s’asseoir sur la cuisine locale. Seuls les entrées et le dessert, à la hauteur, parviennent à sauver l’Iloha de l’hallali, qui, aujourd’hui, arrache péniblement une misérable fourchette en inox.

Pour résumer
Accueil : très bien • Cadre : très bien • Plats : insignifiants • Service : très bien • Rapport qualité/prix : scandaleux
Notre impression globale : cuisine médiocre
Fourchette en inox

Le Reflet des îles

[visite en septembre 2011]

Aujourd’hui, nous rendons visite à l’un des mammouths de la gastronomie créole du chef-lieu, angle des rues Pasteur et Issop Ravate: le Reflet des Iles. Mammouth par son âge d’abord : l’établissement officie depuis pas moins de 38 ans. Mammouth par le nombre de couverts aussi : 150 au compteur, et mammouth encore par le nombre de plats à la carte puisque nous en avons dénombré en tout près de 37, oui madame, sans compter les grillades et les brochettes, 28 affichés, c’est comme on vous le dit, monsieur.  

Nous sommes reçus très aimablement par le personnel et nous nous installons dans l’espace ouvert sur un joli jardin intérieur qui nous fait oublier la ville et le boulevard tout proche. L’endroit a grandi au fur et à mesure et se pare d’une décoration traditionnelle créole en bois vert et blanc. Nous prenons le temps d’éplucher la carte avant que le serveur vienne prendre la commande. Le choix est impressionnant. Entre les plats du jour assez classiques, où on retrouve entre autre cari de porc, poulet palmiste et canard à la vanille, et la carte qui, mine de rien, fait la part belle aux produits de la mer et des eaux vives (camarons, bichique et coquilles la rivière), on ne sait plus où donner de la tête. Nous y trouvons même des plats dits de « tradition lontan », comme les brèdes songes à la morue, petit salé-brèdes manioc et du riz chauffé !
Nous faisons notre choix en plaisantant avec le serveur, qui ne manque pas de gouaille. Jus de fruits frais et punch coco viennent ouvrir le bal, de jolie façon puisque le jus est très désaltérant et ensoleillé, et le punch est satisfaisant quoiqu’un peu trop sucré à notre goût.

Nos entrées arrivent : un gratin de chouchou, « de Salazie » nous précise-t-on, et des boulettes de morue. Enfin, « de morue » : la première bouchée révèle qu’il s’agit plus de boulette de pommes de terre à la morue. Pas mauvaises, au demeurant, mais plutôt bourratives. Les estomacs d’oiseau se contenteront d’une ou deux sur les quatre qui remplissent l’assiette. Le gratin est plus satisfaisant : de jolis petits morceaux de chouchoux bien verts, qu’on dirait cueillis à la treille le matin même, trempent dans une superbe sauce blanche poivrée. Le chouchou est ferme et parfumé. Un vrai délice pour zenfan d’mon’ne d’Hell-Bourg !
Les assiettes enlevées, nous terminons nos jus de fruits. La salle continue de se remplir, sous l’oeil alerte et vigilant du sieur Banon, patron des lieux. Voici qu’apparaissent le cari de légine et le rougail «zandouille» que nous avons sélectionnés, avec peine. Cassons le mythe : on nous a souvent rebattu les oreilles avec la légine, ce poisson des eaux froides n’a pourtant rien d’extraordinaire gustativement parlant. Et c’est encore pire si on parle des morceaux de second choix congelés (joues) qu’on trouve couramment. Tout ça pour dire que le cuisinier, c’est Harry Potter : il a réussi une vraie symphonie de saveurs avec la chair a priori filandreuse de la joue de légine. Un concert magique d’une sauce ou le gingembre répondait à la tomate, ou le parfum d’iode chantait avec le piment. Notre magicien a tout de même eu la baguette un peu lourde sur le sel, sans quoi le plat aurait été parfait.

Le rougail « zandouille » joue dans le même registre, c’est même mieux, si on juge la dose de sel. La viande, coupée en petits morceaux et couverte de persil émincé, baigne dans une magnifique sauce rouge cramoisie. La chair fondante glisse littéralement en bouche sans qu’une seule fois on se dise : « c’est gras ». Son odeur naturellement assez forte a été très domestiquée par des tomates bien mûres et une cuisson lente. De la cuisson à la presque-braise où l’on rajoute régulièrement des doses d’eau homéopathiques en exerçant sur la sauce un contrôle rigoureux. Cela se sent en bouche mais aussi au nez. Et l’andouille fut. Nous testons la tarte tatin au dessert. Elle est bonne. La pâte est plus goûteuse que les pommes. Le tout passe très bien avec la boule de vanille qui termine ce repas comme il avait commencé : dans la fraîcheur. Addition : 77 euros pour deux personnes, (apéritifs, entrées, plats et dessert). Ouf.

A ceux qui ne connaissent pas (encore) le Reflet des Iles, allez-y les yeux fermés et le porte-monnaie grand ouvert, pour peu que vous fassiez comme les hordes de clients qui ont emmené là leurs amis touristes pour goûter aux joies de la gastronomie locale ! Le restaurant, après 38 ans, vaut encore le déplacement. C’est un bel exploit, que d’autres, testés ici, n’ont pas réalisé. La cuisine est très bonne, même si c’est devenu quelque peu cantine. Il n’y a plus ce charme d’avant. Le progrès est passé par là, et l’âme créole, celle qui donne cet indéfinissable « plus » au fond des marmites, a quelque peu pâli. Pourtant, elle n’a pas disparu. Il appartient à ceux qui font vivre le restaurant de lui redonner sa vraie place. C’est avec cet encouragement et nos félicitations pour ce parcours que nous attribuons au Reflet des Iles une belle fourchette en argent.

Pour résumer
Accueil : très bien • Cadre : très bien • Plats : très bons • Service : très bien • Rapport qualité/prix : correct
Notre impression globale : Très bonne table
Fourchette en argent