Le Beauvallon

[visite en octobre 2011]
 

Ce dimanche, nous sommes allés nous promener du côté des berges de la Rivière des Roches, à l’ombre des pimpins, tandis que quelques pêcheurs, au loin, cuisaient littéralement au soleil, assis sur les galets, gaulette en main. Nous nous sustenterons au restaurant du coin, le Beau Vallon, qui propose outre la cuisine créole et chinoise, quelques plats métros, et affiche à sa carte pas moins d’une dizaine de spécialités de la mer, pour tous les goûts et tous les portefeuilles.

Nous sommes accueillis avec entrain et placés sur une table pas loin de la baie vitrée du fond. La salle, immense, toute de bois décorée, abrite une soixantaine de couverts éparpillés. La carte est assez exhaustive, et affiche quelques plats très traditionnels comme le cari de porc au bois de songe, le bouillon coquilles-la-rivière et le poulet fumé au baba-figue. A quelques mètres, le personnel s’affaire à l’installation d’un buffet à dominante chinoise. 

Avec la rivière des Roches à côté, il serait presque un crime de lèse-majesté de ne pas faire honneur au cari bichiques, pour peu qu’on ait calculé l’affaire et qu’on n’ait pas d’oursins dans les poches : 27 euros tout de même…  Nous finirons par passer commande d’un porc au bois de songes et d’un cari bichiques, donc, et entamons le repas avec une entrée baptisée «assiette de Bourbon», comportant achards de légumes, farce créole, salade de palmiste, fricassée de brèdes chou-de-Chine et gratin de chouchou. Un mélange que ne renierait pas notre diététicienne.
La vue de l’entrée nous met déjà en appétit, joliment présentée dans une assiette carrée. Et nous ne sommes pas déçus, si on excepte le fait qu’à la place de la farce annoncée, on découvre un (petit) morceau de boudin. Ce dernier s’avère assez bon, léger et pimenté à bonne dose, du genre qu’on peut trouver chez les charcutiers de quartier qui mettent un soin composé à la préparation de ce mets. De la bonne vieille recette de boudin créole, avec une juste mesure de mie de pain. Le gratin de chouchou ne se défend pas mal, goûteux et crêmeux
L’achard suit le boudin dans la qualité. Le palmiste émincé sur la longueur est légèrement résistant sous la dent, ce qui n’est pas désagréable d’autant que les sensations gustatives sont plus franches qu’avec des salades taillées davantage au cœur. Mention spéciale pour les brèdes qui sentent bon le gingembre et l’oignon fondu, et qui, bien que cuites à point, restent croquantes. L’entrée est expédiée. Les caris arrivent, accompagnés de lentilles parfumées au coriandre et d’un rougail citron.
Les bichiques sont présentés dans une jolie petite marmite, en quantité anorexique. A tout prendre, il doit y en avoir 150 grammes. Et ce n’est certes pas le meilleur cari bichiques que nous ayons dégusté. Cela manque de «croûtage», et la dose de curcuma est un peu forte : on ressent encore l’amertume caractéristique de l’épice orange. Un peu trop salé aussi. Toutefois le plat est correctement relevé, les bichiques ont un bel aspect, et dans l’ensemble, tout cela tient assez la route pour avoir un goût de «pas assez». Le porc s’en sort presque mieux. La saveur de la viande est très agréablement complétée par celle du songe, très fondant, aux accents lointains de poivre et d’ail transpirés dans une sauce onctueuse. Seule la présentation pèche un peu. Le plat ne ressemble pas à grand chose et la petite déco réalisée n’y change rien. La vaisselle vide est enlevée et nous optons pour finir sur la note sucrée d’un gâteau maison. Ce sera mousse de fruits et nougatine, qui remplissent correctement leur office. Addition : 73 euros et des arêtes de bichiques, pour deux personnes. Pas trop exagéré par rapport à la qualité globale, mais nous avons encore un peu faim. Pourrait mieux faire.
Le Beau Vallon est une bonne idée de sortie en famille, si vous n’avez pas envie de vous casser la tête à cuisiner et si belle-mère est tatillonne des papilles. L’endroit est agréable et vous pourrez à loisir y reconstituer l’ambiance «repas créole» comme à la maison, tout en dégustant des plats bien composés et d’un niveau acceptable. Si vous avez des bons mangeurs comme invités, le genre qui disparaissent derrière leur butte de riz et qui n’ont pas peur d’un coq entier, ou si votre grand-mère est du style : «reprend encore un peu mon enfant, vous lé blème», optez plutôt pour le buffet du dimanche. Et demandez l’assiette Bourbon, c’est toute la tradition familiale créole qui s’y retrouve, il ne manque plus que la tranche de rôti de porc (avec la peau bien entendu).
Quoiqu’il en soit, si le Beau Vallon propose une dégustation un cran au dessus de son voisin bénédictin le Vieux domaine, testé ici, il n’est quand même pas encore à la hauteur d’une fourchette en argent, même s’il n’en est pas loin. Nous lui attribuons par conséquent une fourchette en inox à considérer comme un encouragement à travailler la qualité de sa cuisine et de son service. Et un peu plus de bichiques dans la marmite!

 

Pour résumer
Accueil : bien • Cadre : bien • Plats : moyens/bons • Rapport qualité/prix: passable
Notre impression globale : moyen
Fourchette en inox

La Cascade blanche

[visite en octobre 2011]

Cette semaine nous nous arrêtons au pont de l’escalier, sur la route de Salazie, où un nouveau restaurant a vu le jour en lieu et place de la bâtisse moisie qui trônait de l’autre côté du parking, à l’opposé de la célèbre chapelle aux volets rouges. 

« La cascade blanche », s’affiche aussi comme relais touristique et accueille dans ses murs un fleuriste. Le lieu est verdoyant et aménagé de kiosques et d’un espace gazonné tout à fait propice aux pique-niques. L’intérieur est décoré avec goût, et s’inspire largement de la luxuriance de la nature. L’établissement propose une petite trentaine de couverts. « Nous somme en train de terminer l’aménagement de la salle derrière, pour les réceptions », nous informe le patron. Du reste, avec un tel emplacement, nous avons le choix entre déjeuner à table, au restaurant, ou profiter du bon air pour pique-niquer dans l’herbe ou sous un kiosque, puisque « la cascade blanche » a la bonne idée de proposer aussi des plats à emporter.
Nous optons pour le kiosque, histoire de changer. A la bonne franquette, ou à la bonne barquette plutôt. Concernant l’accueil, c’est déjà très bien. Il est très détendu, quasi-familial. La bonne humeur et le sourire sont de rigueur. Nous faisons donc l’impasse sur l’entrée et les desserts, (gâteaux locaux et tout-venant sucrés) et qu’on nous annonce plus nombreux le dimanche, pour cause d’affluence.

Nous nous concentrons sur le civet de canard et le ti-Jacques boucané, choisis parmi les plats du jours, traditionnels (rougail saucisse, boucané brigelles, rougail morue et cari de poisson… et un confit de canard sauce poivre vert pour l’originalité). Du fond de la gorge étroite que franchit le pont de l’escalier, la chanson perpétuelle des eaux vives monte jusqu’à nous, accompagnant la délicieuse odeur du civet, libérée à l’ouverture de la barquette. La couleur confirme notre humage : ce civet-là a bien été cuit au feu de bois, comme on nous l’a annoncé un peu plus tôt. Et au palais, c’est bingo ! On a touché la timbale de saveurs du vrai civet de chez « momon », avec son parfum de vin rouge cuit, son fumet extraordinaire, un peu sauvage, qu’on va dénicher en suçant le moindre petit os baladeur non sans délectation. Manque juste le bouquet frais de persil hâché par-dessus, et peut-être un dose d’huile en moins (le riz du fond baigne un peu) pour que ce soit parfait. Pause.

Nous attaquons le Ti-Jacques, qui fait presque aussi bien. Le fruit vert est délicieux mais presque trop fondant : on aurait aimé un peu plus de résistance sous la dent. Mais le boucané est parfait, ni trop gras, ni trop maigre, avec une saveur authentique qui vaudrait à elle seule un certificat de traçabilité. «La cascade blanche» se prévaut non seulement d’une cuisson au feu de bois mais aussi de produits frais achetés avec les éleveurs et les agriculteurs du coin. Pour finir, le riz, du grain long parfumé, est sans reproche tant au niveau de la cuisson qu’à celui du goût, et les lentilles, servies généreusement, restent dans la moyenne. Un petit « rougail zognons » vient relever le tout sans agressivité, à noter qu’il accompagne mieux le civet.
Les barquettes vides vont au sac poubelle de pique-nique, les jambes s’étirent et on attend un peu pour terminer au café cet excellent repas, avant de monter du côté de Hell-Bourg, dire bonjour aux chouchous. Avec des tarifs compris entre 9,50 et 15 euros, on peut dire que le rapport qualité-prix est honnête. C’est le cuir du ventre en peau de tambour que nous reprenons la route, en laissant au passage une belle fourchette en argent qui vient ici récompenser la cuisine familiale de la « Cascade blanche ». 

Voilà une escale intéressante sur la route du cirque vert. A tout point de vue. « La cascade blanche » est de ces petits restaurants sans prétention qui vous préparent de la bonne cuisine traditionnelle avec l’ingrédient principal de tout bon cari : le plaisir. Venez en famille, vous avez le choix entre la belle table de l’intérieur, la terrasse ou la nature au dehors, et votre progéniture en bas âge pourra se dégourdir les jambes à loisir. Le dimanche, l’établissement met les petits plats dans les grandes feuilles de bananes, pour encore plus de couleur locale. Demandez un rince-doigt et allez-y alors franco, à la main ! Demandez le poisson. « Le dimanche, c’est poisson rouge » nous promet-on. Réservez, c’est plus prudent.

Pour résumer
Accueil : très bien • Cadre : bien • Plats : bons • Rapport qualité/prix : correct
Notre impression globale : bonne table
Fourchette en argent

Note août 2013 : Cette critique est l’une de celles qui a déchaîné le plus de passion, notamment par commentaires interposés sur l’ancien blog. Evidemment nous ne pouvons pas savoir si les gens qui postent des commentaires sont de bonne foi ou non. Ils peuvent très bien être téléguidés par un concurrent, par des malfaisants en tout genre, ou par la famille ou des amis, et ce pour venir appuyer ou aller dans le sens contraire de la critique, selon les intérêts. Comme souvent, nous sommes repassés voir les gérants de la Cascade Blanche un an après. Ils nous ont remerciés pour l’article, en nous informant que « certains » leur en voulaient pour avoir eu cet emplacement en or, et que depuis une personne en particulier leur mettait des bâtons dans les roues. Il s’agit d’une personne très connue sur la place et dont nous tairons ici le nom pour des raisons évidentes.