[Visite en juillet 2012]
C’est un peu par accident que nous débarquons aujourd’hui à l’Etoile de Mer, au Cap méchant. En effet, notre destination d’origine était Vincendo, mais le restaurant que nous devions tester (recommandé par un fidèle lecteur)n’ayant aucun plat créole au menu ce jour, nous avons poussé un peu plus loin.
On ne présente plus le Cap méchant : ses vacoas, sa pelouse épaisse, sa mer d’un bleu intense, ses pique-niqueurs du dimanche, ses balades sympa et sa dame exentrique bien connue des riverains et des visiteurs qui poursuit les gens en déblatérant des insanités bibliques, ce dont, visiblement, les autorités n’ont cure. On nous accueille aimablement dans une gigantesque salle toute de bois décorée où nous comptons pas moins d’une centaine de couverts. La grande baie vitrée permet de profiter du décor, qui nous invite déjà à une belle promenade digestive.
A la carte : rougail saucisse, cari poulet et cari canard (au feu de bois), camarons, langoustes, bichiques (congelés bien sûr) et poisson rouge (tout frais) sont de la fête. Une très nette tendance maritime donc. Nous décidons de tester le cari de poulet, plus un civet zourite, qui est en plat du jour. Inutile de préciser que le poisson et les langoustes flirtent avec les 30 euros voire plus, et que les bichiques, vendus en double portion, tutoient presque les 50 euros.
Double portion obligatoire également pour la salade de palmiste de rigueur sous ces latitudes saint-philippoises. Nous resterons sages avec des entrées plus abordables : un gratin de palmistes et des beignets de poisson. Le temps de retourner des commodités (fatiguées, les toilettes), les beignets sont là, tout chauds. Et pas mauvais, en fait, même si nous nous attendions à quelque chose de plus proche des accras, on devine le goût de poisson sous la couche de mie de pain. Ils ne sont pas trop gras, ce qui n’est déjà pas si mal. Le gratin est beaucoup mieux. Béchamel onctueuse et bien veloutée, fromage gratiné doré comme il faut, et qui, malgré son arôme tyrannique, laisse quand même le palmiste s’exprimer. De douces lamelles fondantes au fumet délicat. Pas mauvais début, voyons voir ce que nous réserve la suite. Voici venir le poulet, jaune et la zourite, en rouge foncé. Et là…patatras !
Si le gallinacée est visiblement de la race des bouffeurs de vers de terre, nourri aux galets de la cour, (fermier, donc), si l’odeur qu’il dégage s’approche de la déontologie culinaire créole 100% pure tradition feu de bois, et s’il baigne dans une sauce en raisonnable quantité, de quoi colorer le riz juste ce qu’il faut, le plat, misère, s’avère épouvantablement salé. De quoi faire marcher un hypertendu au plafond. Même le riz ne parvient pas à faire « passer » le sel. Nous nous rabattons sur le zourite. Belote, et rebelote ! Salé itou, le mollusque, et pour le coup la saveur caractéristique du civet passe aux oubliettes, adieu girofle, vin, et autre laurier. Le seul goût qui persiste est celui, amer, des épices un peu attachées au fond, relevé, hélas, par le sel. Dommage car le zourite était bien tendre. L’excentrique iconoclaste citée plus haut vient juste à ce moment nous casser les oreilles avec ses boniments. Au lieu de la repousser gentiment et de fermer la porte, le personnel, blasé, nous sort un « on ne peut rien faire».
Seul le plat de lentilles, qui sent bon le thym et l’oignon roussi nous console un peu en atténuant ce couple de salaisons. Un maigre rougail fait de la figuration. Tomates trop mûres ou trois jours de frigo, ou les deux, l’accompagnement présenté comme « pimenté » ne ferait pas peur à un palais de marmaille zoreil tout juste sevré. Au traditionnel « ça c’est bien passé ? » de fin de service nous interrogeons l’employé au sujet des éventuels émois galants du cuistot. « C’était trop salé ? » , un peu ! « Il fallait nous le dire, on aurait renvoyé les plats et servi autre chose ». Oui, on aurait pu, mais c’est trop tard !
Une crème brûlée de ce matin ou d’hier, chaude dehors, froide dedans, vient clore toute cette affaire.
Addition : 50,50 euros pour deux personnes. Hors boissons (offertes par geste commercial). Bon tarif mais nous avions jadis mangé mieux dans cet établissement.
L’Etoile de mer n’est pas une mauvaise table en soi. Ce n’était sans doute pas son jour, mais il semble quand même que la qualité des plats soit un peu expédiée. Le côté cantine y est certainement pour quelque chose, pourtant, il n’y avait pas grand monde aujourd’hui. Aucune excuse donc pour ne pas prendre le temps de bichonner les mets. Un peu de persil sur le zourite, par exemple. Un tapis de salade sous les beignets. Un autre rougail. Des brèdes (là on en demande trop!). La présentation des plats est plus que minimaliste, c’est presque un manque de respect du client. Si en plus le sel avait été mieux dosé, on aurait même chanté un cantique avec l’autre phénomène qui voit le diable partout. Diablement moyen tout cela, oui. Ce qui explique, hélas, la fourchette en inox plantée dans la carte de l’Etoile de mer.
Pour résumer :
Accueil : bien • Cadre : bien • Présentation des plats : nulle
Service : moyen • Qualité des plats : moyen
Notre impression globale : moyen
Fourchette en inox