[Visite en janvier 2013]
Le mois dernier, à l’occasion de l’une de nos tournées, nous surprenons la conversation d’une cliente assise à deux mètres de nous, la cinquantaine pomponnée et le petit doigt en l’air, qui déclarait en substance, sur un ton du plus parfait mépris : « Je ne comprends pas que les créoles aillent manger créole dans les restaurants, c’est vraiment de la paresse ! ». Sur le fait, nous eussions de loin préféré la surdité plutôt qu’ouïr un tel monceau d’âneries. Mais cette personne ne connaissait visiblement pas le QG.
Testé en 2011, ce restaurant de La Plaine-des-Cafres situé à Bourg-Murat sur la route du volcan, avait récolté une très injuste fourchette en argent. C’était en effet le premier d’une longue liste, et nous ne voulions pas décerner d’entrée la fourchette d’or. Cette nouvelle visite était donc prévue depuis longtemps, compte-tenu des nombreuses remontées que nous avons eu de la part de clients pour le moins satisfaits.
En presque deux ans, le cadre, très roots, s’est largement amélioré, un mélange réussi de Réunion et d’Afrique qui se traduit aussi dans la musique d’ambiance où le kayamb côtoie le balafon. La cheminée est toujours là, offrant la douce chaleur de son feu aux arrivants, avec ses andouilles « pendillées » !
Installés tout près, nous taillons une bavette avec Abdou qui, comme à l’accoutumée, nous annonce la carte et prend les commandes de tête. Il faut dire qu’Abdou n’est pas n’importe qui. Ce grand Sénégalais a fait la connaissance de sa yab de femme à Nice, alors qu’il travaillait au Novotel. Et question standing, l’homme pourrait vous en conter.
Cari de coq, cabri massalé, cari la patte cochon, rougails zandouille et saucisses sont toujours au menu, avec quelques plats métro, dont des moules marinières que nous nous ferons un plaisir de goûter. Sachant ce qui nous attend, nous ne prenons pas d’entrées. Rupture de stock en revanche sur le civet gourmand, visiblement très prisé, trio de langoustes, de camarons et de noix de Saint-Jacques ! En attendant l’arrivée des plats, nous sirotons un punch maison à base de fruits frais, très léger, avec la modération circonstanciée. De la cuisine toute proche nous parvient le parfum caractéristique des épices qui ont chaud aux fesses, et « not’ bouche i fé d’leau ! » Puis les moules font leur apparition, et les caris suivent de près.
Les papilles émoustillées, nous attaquons le coq. L’emblème français n’a pas perdu de son tonus. La superbe cuisse se laisse déguster en se déshabillant lentement comme une playmate ! Un coup de dent à l’os certifie d’un lignage racé qui a dû faire frémir nombre de poules « la cour ». Nous poursuivons avec le cari de porc dans sa peau moelleuse enrobé. Si le plat nous semble manquer un peu de « réduction » au niveau de la sauce, l’ensemble est assez conforme à nos souvenirs : parfumé et bien collant comme cela doit être, avec des reflets de miel d’Acacia.
S’il est un plat qui vous révèle tout de suite l’excellence d’une cuisine créole, c’est le rougail saucisses. Le plat référent, s’il doit y en avoir un. En effet, déjà pas facile de trouver de bonnes saucisses. Il y a souvent du trop ou du pas assez : trop grasse, trop ou pas assez sèche, pas assez épicée, trop salée, trop moulue… Alors quand vous trouvez un bon charcutier, vous le gardez ! Au QG, ils ont trouvé. Les saucisses sont un modèle d’équilibre à tout point de vue, et dans leur belle sauce rouge toutes leurs épices contenues vous chantent leur créolité en bouche, avec le délicieux riz Basmati et ses longs grains, avec les crémeux et très odorants pois du Cap et la touche fortissimo du piment vert « crasé ».
Pour finir, nous quittons la tradition créole pour une incursion dans le Nord-Pas-de-Calais, avec les moules marinières. Des moules dodues comme Juliette avant Roméo, fleurant bon le vin blanc, l’iode et la marée, accompagnées des bonnes vieilles frites qu’on oubliera finalement tant les mytiloïdes étaient goûtues. Quelques respirations plus tard, on nous apporte les desserts : crème brûlée et bananes flambées. Le contraste de saveur, après les moules, profite à la banane, dont le sucre un peu caramélisé nous laisse sur la longueur sa douceur fruitée accompagnée d’une légère acidité très agréable. La crème brûlée est bien tiède, veloutée et nous envoie son parfum de vanille bien de chez nous en guise de point final à ce plantureux repas.
Addition : 81 euros, hors boissons, pour quatre, soit une vingtaine d’euros par tête de yab, avec cette qualité-là !
Bon. Oubliez tout ce que vous venez de lire. A vrai dire, cela ne sert à rien. Pourquoi ? Il y a deux ans, l’équipe du QG aurait pu avoir une fourchette d’or. Vous croyez qu’ils en ont besoin ? Que Nenni. Quand on a atteint ce niveau, à l’exemple de tous les autres restaurants bien notés que nous avons testés, pas besoin de titre de reconnaissance. Le bouche à oreille est et demeurera la principale publicité, la plus authentique, celle qui vous remplira les salles ou les videra. La salle du QG est remplie. Et tous les jours. Le QG est plus qu’un restaurant, c’est un peu chez soi, un peu d’ailleurs. Le QG se vit. Si vous, créole, qui adorez la cuisine de votre grand-mère ou votre mère, vous voulez lui faire le plaisir de mettre les pieds sous la table, pour une fois, vous l’emmènerez dans la fraîcheur de Bourg Murat, aux bons soins d’Abdou. Que peut-on ajouter ? Allez : une fourchette d’or ! Méritée depuis longtemps. Avec nos plus sincères remerciements et nos encouragements à Abdou et toute sa joyeuse compagnie afin qu’ils puissent continuer ainsi pour bien des années encore !
Pour résumer :
Accueil : très bien • Cadre : très bien • Présentation des plats : bien • Service : très bien • Qualité des plats : excellents
Impression globale : très bonne table
Fourchette en or
Je publie votre commentaire, mais je suis très étonné. Vraiment. Etes vous sur que c’était celui de la Plaine-des-Cafres ? Parce qu’il y en a un autre à Saint-Gilles.
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Un parent sans doute, lol… non sérieusement, le patron du QG est sénégalais… et ne s’appelle pas Bègue. Ou alors il y a eu du changement ces derniers temps…
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