Le Colorado

[Visite en février 2013]

Aujourd’hui nous partons pour le Colorado, à la Montagne, paradis des pique-niqueurs en goguette, des amoureux, et des familles nombreuses, avec ses grands espaces verts et son parc de jeux dont raffole la marmaille. Nous arrivons sur le parking du restaurant « Le Colorado » sous des trombes d’eau (encore!) à ne pas mettre un canard dehors. Le restaurant a l’air fermé, malgré le panneau « Restaurant ouvert » et nous allons nous réfugier sous son porche, comme des naufragés dans une tempête, qui collent au radeau.

Nous sommes accueillis avec surprise. On ne nous attendait pas, et pourtant, nous avions réservé la veille. Le message n’est pas passé, visiblement. Pas sérieux. Heureusement, il y a de la place, et tout juste à manger. On nous prévient que les caris du midi, aujourd’hui, se réduisent au nombre de deux, un rougail saucisses et un massalé cabri. Ah bon ?

Le menu change tous les jours. Et ce soir, c’est fête. Le restaurant est en effet coutumier des repas de groupes pour les occasions les plus diverses. Qu’à cela ne tienne, vu le déluge, et l’heure, pas question de redescendre à Saint-Denis. Nous nous contenterons des deux caris disponibles et on nous place sur la terrasse, qui profite d’une belle vue, et où 50 couverts sont dressés, en plus des tables à rallonge qui attendent les convives du soir, à l’intérieur.

A notre demande (« vous avez des entrées ? »), on nous sert une entrée de fritures créoles diverses : samoussas, nems, beignets bringelles, sur un lit de laitue et de tomates, avec de la vinaigrette industrielle. Après la dégustation du punch maison bien parfumé, nous attaquons.

Pas grand-chose à dire. Les fritures sont bonnes, mais pas extraordinaires. Les samoussas et les nems sont fourrés au fromage. L’un ou l’autre aurait pu être farci d’autre chose, quand même, parce que là, à part la forme, on ne voit pas bien la différence entre les deux. Les beignets de bringelles sont assez réussis, bien qu’un peu gras. Les beignets de crevettes sont au-dessus du lot. 

La salade verte est à pleurer. A la décharge du restaurant, il n’est sans doute pas facile de trouver de la bonne salade en ce moment, mais celle que nous avons dans notre assiette n’a ni goût ni sentiment, autant manger de l’eau. Les caris arrivent peu après dans des marmites. Nous saluons l’effort de présentation, même si c’est du vu et du revu. 

Le rougail saucisses est moyen. Des saucisses fermes, moyennement grasses, moyennement salées, trempant dans une sauce étique et moyennement bonne. Du rougail saucisses de camion-bar. 5 euros.

Le massalé de cabri est aussi décevant. Et il l’est d’autant plus que nous fûmes accueillis par l’odeur caractéristique de la poudre de massalé en train de chauffer, ce qui nous avait fait saliver. Là, les saveurs du massalé sont atteintes d’autisme. En bouche, elles laissent parler d’abord le sel avant de révéler timidement leur existence, « je voudrais surtout pas déranger, faites comme si j’étais pas là. » Les feuilles de caloupilé sont aux abonnés absents, et la viande elle-même est un poil farineuse, comme un cabri grabataire qui aurait cuit depuis la veille. Si c’est du cabri pays, ça, il est pas né d’hier. Un mot sur les grains : du petit calibre pour la chasse aux cailles. Bien secs ! Premier prix au rayon « tôles » des supermarchés.

Les desserts enfoncent le radeau. Une mousse au chocolat et une crème brûlée qui ont visiblement pris un bon congé sabbatique en chambre froide, et dont le réchauffage, pour la seconde, a été fait à la vitesse de la lumière. Qualifier cette pâte compacte que nous avons sous les yeux de mousse au chocolat ce n’est plus de la mauvaise foi, c’est une farce ubuesque ! Quant à la crème brûlée… on va dire tout simplement qu’elle ne fut pas bonne du tout, en vous passant les détails, autant par charité chrétienne (c’est carême) que par égard, cher lecteur, pour votre estomac ! Nous ne pouvons faire autrement que de signaler l’infâmité de la crème au personnel, et le responsable présent aura la courtoisie de nous la retirer de l’addition, et la mousse avec, en nous disant : « Nous sommes preneurs de toute critique, cela nous permet de nous améliorer. » Ils sont servis !

Tarif : 50 euros pour deux personnes (sans les desserts). Vu la qualité, c’est cher. Très cher. Le genre d’addition qu’on a un peu en travers des amygdales !

Voilà donc un restaurant bien placé, dans le parc verdoyant du Colorado, on peut dire aux premières loges des endroits touristiquement fréquentés, jouissant de surcroît d’une réputation certaine, nous a-t-on laissé entendre, et qui fait pâle figure ce midi, avec une cuisine plus que moyenne. Nous avons l’impression d’être mal tombés. Nous osons espérer que le chef et son équipe se décarcassent un peu plus que ça pour leurs convives du soir, et que ceci explique peut-être cela (sans l’excuser, bien sûr). Mais il nous vient alors une question : pourquoi ce restaurant, en définitive pas très loin de Saint-Denis est-il si souvent déserté le midi en semaine, comme nous le confirme le responsable présent ? Est-ce là la conséquence d’un choix délibéré de privilégier les repas de groupe ? En ce cas, au lieu de servir aux gens des plats aussi piètres que ceux que nous avons dégustés, pourquoi ne pas fermer tout simplement le midi ? Disons-le tout net, la prestation du Colorado, ce jour, n’est pas au niveau. Et les desserts ont bien failli faire tomber la fourchette en plastique. L’accueil et le service sont corrects, les caris juste mangeables, nous attribuons donc au Colorado une fourchette en inox, à prendre comme un signal d’alarme.

Pour résumer
Accueil : bien • Cadre : bien • Présentation des plats : passable
Service : bien • Qualité des plats : très moyens
Impression globale : très moyen
Fourchette en Inox

Note août 2013 : La gérante est descendu jusque dans nos locaux, furieuse, beuglant et braillant sans nous en laisser placer une, réfutant le peu d’argument qu’elle nous laissait avancer, faisant preuve d’une mauvaise foi caractérisée, et finissant par nous insulter.

Le Faham

[Visite en février 2013]

Salazie. Nous grimpons vers l’empire des chouchous sous la queue de Felleng. Inutile de vous dire qu’il pleut comme peu de vaches peuvent pisser. Après une légère accalmie, le village trempe dans une atmosphère gorgée d’humidité. Peu de monde dehors, à part quelques touristes dégoulinants. Le charme de la bourgade n’en est guère plus altéré, bien au contraire. Notre cible était le Petit bambou, face à l’église, mais c’est fermé. Nous nous rabattons sur le Faham, deux cent mètres plus bas, face à la Poste.

Le Faham est un hôtel restaurant d’une douzaine de chambres, sans étoile pour l’instant, mais qui fait bonne figure. La grande salle à la déco classique expose une quarantaine de couverts espacés où l’on est à son aise. L’accueil est souriant et un peu pressé. Nous avons à peine le temps de jeter un œil à la carte qu’on vient aussitôt nous demander ce que l’on veut manger, mais pas si nous souhaitons boire quelque chose. Nous commandons quand même le punch maison. Ce dernier est un tas de sucre. Un vrai sirop.

La carte propose des plats créoles habituels, quelques-autres chinois (shop-suey, bol renversé, mines), et même des omelettes et des pâtes. Nous optons pour le menu du jour : un ti-jacques boucané et un cari de crevettes, assortis de boudin au achard et d’un gratin de chouchous en entrées. Ces dernières sont inégales. Le boudin est sec et pâteux, pourtant il fleurait bon le sang frit, le poivre et le cochon en bonne santé. Pas terrible. Par-dessus le marché l’achard, très croquant au demeurant, est beaucoup trop salé. Le gratin de chouchous rattrappe le coup. Légume coupé en petits morceaux qui a une bonne odeur de thym ; du sel bien dosé (ouf) ; l’abbé Chamel et sa bénédiction onctueuse ; le fromage fondu, collant, au goût magnifique qui sait respecter celui du chouchou tout en vous laissant son piquant dans les gencives. La suite arrive vite.

Le cari de crevette, dans sa sauce orange foncé assez épaisse, est délicieux. Les crustacés ont gardé le bout de leur queue, pour plus de saveur, ce qui nous donne une bonne excuse pour en extirper le jus, en essayant de limiter les bruits de succion pour garder un peu de contenance. Le piment vert “crasé” que nous avons dû réclamer, et à juste titre, emporte le plat à deux niveaux supérieurs et nous emporte la bouche avec, déclenchant nos larmes masochistes.

Le cari de ti-jacques est pareillement fréquentable, bien qu’un peu sec (mais ce n’est pas entièrement de sa faute, nous le verrons dans un instant). Du ti-jacques frais et odorant battu maison, assez tendre, et au bon goût de fumé communiqué par un boucané civilisé, pas trop gras, et pas trop envahissant. La portion étant un peu légère, nous en commenderons une seconde. Le troisième convive pour sa part disparaît littéralement derrière son bol renversé, un monticule conséquent, qui sent bien bon l’œuf frit et le siave. Nous ne le goûterons pas, ayant assez à faire avec deux plats.

Seule ombre au tableau : la qualité médiocre du riz blanc. Ce dernier est convenablement cuit mais c’est du bas-de-gamme aux brisures nombreuses, et d’une platitude navrante. En bouche, il enlève toute dignité au pourtant respectable cari ti-jacques. Les grains blancs sont ordinaires. Nous ne touchons pas au rougail servi, sorte de melting-pot de plusieurs légumes pimentés, lui préférant de loin notre tortionnaire piment vert ! Nous terminons par un fondant au chocolat avec sa glace vanille, très bons.

Addition : 64 euros pour trois touristes, boissons comprises, avec un dessert et deux cafés, soit 21 euros et des gouttes de pluies par personne. Un rapport qualité-prix acceptable.

Le Faham propose au cœur du village de Salazie un cadre confortable, à la décoration un peu convenue, dans lequel on déguste une cuisine créole correcte mais qui manque d’originalité, ne serait-ce qu’au niveau de la présentation des plats (mais c’est hélas assez courant ailleurs). On nous a précisé catégoriquement que le service n’allait pas au delà de 14 heures, contraintes de personnel sans doute. Nous ne regrettons pas notre passage, nous étant convenablement sustentés, nonobstant un riz médiocre, à proscrire quand on prétend recevoir, surtout pour la clientèle touristique. Une visite qui nous fait décerner au Faham une fourchette en argent juste, tout juste !

Pour résumer :
Accueil : bien • Cadre : bien • Présentation des plats : perfectible • Service : moyen • Qualité des plats : bons
Impression globale : bonne table
Fourchette en argent