[Visite en février 2013]
Salazie. Nous grimpons vers l’empire des chouchous sous la queue de Felleng. Inutile de vous dire qu’il pleut comme peu de vaches peuvent pisser. Après une légère accalmie, le village trempe dans une atmosphère gorgée d’humidité. Peu de monde dehors, à part quelques touristes dégoulinants. Le charme de la bourgade n’en est guère plus altéré, bien au contraire. Notre cible était le Petit bambou, face à l’église, mais c’est fermé. Nous nous rabattons sur le Faham, deux cent mètres plus bas, face à la Poste.
Le Faham est un hôtel restaurant d’une douzaine de chambres, sans étoile pour l’instant, mais qui fait bonne figure. La grande salle à la déco classique expose une quarantaine de couverts espacés où l’on est à son aise. L’accueil est souriant et un peu pressé. Nous avons à peine le temps de jeter un œil à la carte qu’on vient aussitôt nous demander ce que l’on veut manger, mais pas si nous souhaitons boire quelque chose. Nous commandons quand même le punch maison. Ce dernier est un tas de sucre. Un vrai sirop.
La carte propose des plats créoles habituels, quelques-autres chinois (shop-suey, bol renversé, mines), et même des omelettes et des pâtes. Nous optons pour le menu du jour : un ti-jacques boucané et un cari de crevettes, assortis de boudin au achard et d’un gratin de chouchous en entrées. Ces dernières sont inégales. Le boudin est sec et pâteux, pourtant il fleurait bon le sang frit, le poivre et le cochon en bonne santé. Pas terrible. Par-dessus le marché l’achard, très croquant au demeurant, est beaucoup trop salé. Le gratin de chouchous rattrappe le coup. Légume coupé en petits morceaux qui a une bonne odeur de thym ; du sel bien dosé (ouf) ; l’abbé Chamel et sa bénédiction onctueuse ; le fromage fondu, collant, au goût magnifique qui sait respecter celui du chouchou tout en vous laissant son piquant dans les gencives. La suite arrive vite.
Le cari de crevette, dans sa sauce orange foncé assez épaisse, est délicieux. Les crustacés ont gardé le bout de leur queue, pour plus de saveur, ce qui nous donne une bonne excuse pour en extirper le jus, en essayant de limiter les bruits de succion pour garder un peu de contenance. Le piment vert “crasé” que nous avons dû réclamer, et à juste titre, emporte le plat à deux niveaux supérieurs et nous emporte la bouche avec, déclenchant nos larmes masochistes.
Le cari de ti-jacques est pareillement fréquentable, bien qu’un peu sec (mais ce n’est pas entièrement de sa faute, nous le verrons dans un instant). Du ti-jacques frais et odorant battu maison, assez tendre, et au bon goût de fumé communiqué par un boucané civilisé, pas trop gras, et pas trop envahissant. La portion étant un peu légère, nous en commenderons une seconde. Le troisième convive pour sa part disparaît littéralement derrière son bol renversé, un monticule conséquent, qui sent bien bon l’œuf frit et le siave. Nous ne le goûterons pas, ayant assez à faire avec deux plats.
Seule ombre au tableau : la qualité médiocre du riz blanc. Ce dernier est convenablement cuit mais c’est du bas-de-gamme aux brisures nombreuses, et d’une platitude navrante. En bouche, il enlève toute dignité au pourtant respectable cari ti-jacques. Les grains blancs sont ordinaires. Nous ne touchons pas au rougail servi, sorte de melting-pot de plusieurs légumes pimentés, lui préférant de loin notre tortionnaire piment vert ! Nous terminons par un fondant au chocolat avec sa glace vanille, très bons.
Addition : 64 euros pour trois touristes, boissons comprises, avec un dessert et deux cafés, soit 21 euros et des gouttes de pluies par personne. Un rapport qualité-prix acceptable.
Le Faham propose au cœur du village de Salazie un cadre confortable, à la décoration un peu convenue, dans lequel on déguste une cuisine créole correcte mais qui manque d’originalité, ne serait-ce qu’au niveau de la présentation des plats (mais c’est hélas assez courant ailleurs). On nous a précisé catégoriquement que le service n’allait pas au delà de 14 heures, contraintes de personnel sans doute. Nous ne regrettons pas notre passage, nous étant convenablement sustentés, nonobstant un riz médiocre, à proscrire quand on prétend recevoir, surtout pour la clientèle touristique. Une visite qui nous fait décerner au Faham une fourchette en argent juste, tout juste !
Pour résumer :
Accueil : bien • Cadre : bien • Présentation des plats : perfectible • Service : moyen • Qualité des plats : bons
Impression globale : bonne table
Fourchette en argent