L’Auberge créole

[Visite en avril 2013]

Quelques semaines après notre passage à Sainte-Anne, aux Trois orangers, vous voici de retour dans ce quartier de Saint-Benoît, à l’église fameuse et repeinte, mais empestant hélas la moisissure à rendre malade les allergiques (Mais que font les responsables de cet édifice ?) Nous ne nourrirons donc pas nos âmes ici, aujourd’hui, mais il n’en ira pas de même pour notre corps, qui, midi tapante, réclame sa pitance. Justement, presque en face il y a l’Auberge Créole, au fond d’une allée. L’endroit, pittoresque, donne sur la grande plage de galets. Le bâtiment semble avoir bénéficié de quelques rénovations et aménagements, mais il reste beaucoup à faire pour rendre l’endroit accueillant.

Nous sommes accueillis par un personnel souriant et sympathique, et nous nous installons à une table non loin de la baie vitrée qui donne sur une grande terrasse en caillebotis ouvrant elle-même sur le rivage. Nous y respirons l’air marin à plein nez, avec ses embruns consécutifs à une mer agitée. Des embruns qui n’épargnent pas les baies vitrées d’ailleurs : elles sont sales. Les chaises aussi ont subi les assauts salins : les pieds en fer sont attaqués par la rouille. Pas top. Un remplacement du mobilier ne serait pas du luxe. La salle est taillée pour les réceptions, mais ce midi une trentaine de couverts attend les clients.

Une jeune demoiselle fort accorte nous emmène la carte. Grosse carte (ce qui n’est pas forcément un bon signe). Zoreil, créole, chinois, et des pizzas: on sait tout faire à l’auberge créole, qui devient du coup l’auberge internationale ! Nous faisons notre choix en sirotant un excellent punch coco maison, « préparé avec amour », nous fait le serveur, qui nous détaillera la composition de l’affaire. Nous notons à notre surprise grande que la demoiselle sus citée prend la peine de nous remplir les verres. Ça c’est du service ! Nombreuses sont les fois où on nous a juste déposé les canettes sur la table, sans même les ouvrir !

En entrée, nous testerons du foie de volaille poêlé et un gratin de chouchou, que suivront un cari canard fumé et un cari poulet palmiste.

Et ça commence pas trop mal. Le gratin est passable, avec des morceaux de chouchous assez fermes sous la dent, et dont la saveur délicate n’a pas été écrasée par le fromage fondu. La béchamel a été dosée à l’économie, mais ce n’est pas désagréable et le plat ne s’en trouve que plus léger.

Le foie de volaille assure aussi, avec son petit arrière-goût de vinaigre, dans son lit de salade à l’assaisonnement raisonnable en sel (un miracle!). Idéal pour préparer nos papilles à l’arrivée du canard fumé. Les entrées sont prometteuses. Mais après…

Après nous avons droit à deux caris plutôt réussis, dans l’absolu, mais pour le moins standards. Le poulet palmistes nous en met pourtant plein les sinus, dans sa sauce convenablement épicée, mais qui s’avère assez grasse par ailleurs. La viande pour sa part est sèche, même les morceaux « de choix » comme la cuisse, et ne nous procure aucun plaisir. Les larges tranches de palmistes ont bu le fond de sauce et sont goûteuses mais en revanche filandreuses. Même affaire pour le canard fumé, dont, a priori, on pardonne plus volontiers le côté gras : Le cari canard n’a pas pour réputation d’être un plat léger. La viande, là aussi, est assez sèche et le côté « fumé » est un peu en berne. Ce qui est fort dommage.

Les deux plats nous laissent assez dubitatifs. Si la préparation des caris, le dosage des épices, la couleur de la viande et l’odeur de roussi nous semblent conformes aux canons de la cuisine créole authentique, l’ensemble au final n’est pas à la hauteur de nos espérances. C’est un peu éteint. Est-ce la qualité des volatiles, qui n’ont certes pas dû être trucidés de la veille, ou alors l’huile utilisée ? Toujours est-il que les caris nous resteront sur l’estomac jusqu’au lendemain, lourds comme des enclumes.

Le riz s’avère être peu ou prou le même que celui dont nous a affligé l’Ambéric il y a quinze jours, à la différence près qu’il est ici mieux cuit et sans odeur de vieux ! Côté accompagnement : les lentilles baignent un peu dans la flotte, en compagnie de quelques haricots ; le rougail tomate est quant à lui très satisfaisant, dans le taux de sel comme dans le dosage du piment.

De l’ananas frais sera notre dessert, bien sucré et parfumé comme il sied à notre Victoria.

Addition : 72 euros et des embruns pour deux personnes, en tout et pour tout, avec un café, soit 36 euros par tête de yab. Et la note de rejoindre le canard sur l’estomac !

L’Auberge créole, ou internationale, bénéficie d’un emplacement en or, pour le moment pas exploité à fond, mais cela est certainement dans les projets des responsables. Vous y trouverez un accueil chaleureux, un service plus que correct et une salle en partie de bois habillée s’ouvrant sur l’océan, idéal pour les mariages, baptêmes, et autres réjouissances familiales saisonnières. Pour ce qui est de la qualité de sa cuisine, l’Auberge créole est dans la moyenne, et nous avons longtemps hésité sur la note finale. Nous avons quand même été un peu déçus par la tournure des plats de résistance. Nonobstant la lourdeur relative des caris, imputable peut-être aux viandes et à la qualité de l’huile utilisée (si nous pouvons nous permettre d’oser quelques conjectures) l’ensemble manquait de « punch », comme des plats ayant perdu leur saveur au congélateur et au micro-onde. Nous n’avons donc d’autre choix, pour le moment, que d’attribuer à l’Auberge Créole une fourchette en inox, même si l’argent n’est en définitive pas très loin.

 
Pour résumer :
Accueil : très bien • Cadre : perfectible • Présentation des plats : moyen
Service : très bien • Qualité des plats : moyen
Impression globale : moyen

Fourchette en inox

 

 

L’Ambéric

[Visite en avril 2013]

Après toutes les recommandations que nous avons eues au sujet du restaurant l’Ambéric, au Tampon, dont certaines dithyrambiques, notre curiosité est allée grandissante. « Cuisine créole au feu de bois » peut-on lire sur l’enseigne indiquant l’entrée de l’établissement, niché au creux d’un lotissement verdoyant en plein Trois-Mares. Un paradis pour jardinier.

Passer le portail de l’Ambéric, c’est un peu comme rentrer « chez d’moune ». Le jardin est magnifique, et la salle d’une quarantaine de couverts ne l’est pas moins. Propre, classe, richement décorée, tirée à quatre épingles. On nous a proposé la varangue donnant sur le jardin. Il fait beau, les oiseaux chantent. Nous nous installons, quelque peu surpris par la paix régnant en ces lieux et par les chaises créoles traditionnelles, raides comme la justice. Un silence rassérénant, mais à la longue un peu pesant quand même. Une douce musique d’ambiance n’aurait pas été de trop.

Au-dessus de nos têtes, des plantes grimpantes ont fait un toit. C’est plutôt sympathique, mais un petit filet tendu pour retenir les résidus de feuilles mortes permettrait de protéger les tables, et les plats ! Puis nous repérons un pied de verre ébréché. Dans un endroit classe comme celui-là… c’est le détail qui fait tâche, comme le pet d’une nonne en pleine messe. Nous cessons de chercher la petite bête quand la carte nous est déposée.

Sauf erreur, point d’entrées à la carte. Celles-ci sont annoncées de vive voix par le sympathique chef de rang (ou maître d’hôtel) qui s’occupe de nous et consistent en un gratin de bois de songes, une salade de palmiste, et des larves de guêpes (pour les amateurs). Va pour le bois de songe, déjà.

C’est la liste des grands classiques pour les plats de résistance, avec un civet de queue de bœuf, comme plat sortant de l’ordinaire. Cela va des rougails saucisses et zandouille au cari de canard en passant par le civet de zourite et le boucané baba-figue, sans baba-figue aujourd’hui puisque remplacé au pied levé par de la papaye.

La bonne nouvelle c’est que les brèdes sont de la partie, c’est assez rare pour mériter d’être noté. Les tarifs s’étagent entre 13 (pour une omelette créole) et 29 euros pour la queue de bœuf. Nous nous décidons pour un cari la patte cochon et un rougail zandouille. Point de jus de fruits frais pour nous désaltérer. Hélas. Nous nous rabattons sur du tout venant de multinationales. Le service est rapide. La seule autre table occupée nourrit deux personnes débarquées en même temps que nous. Après des amuses bouches, des feuilles de patates douces et des beignets de fruit à pain accompagnés d’une sauce au céleri et à la menthe pas vilaine du tout, les gratins sont servis chauds. Ils sont très bons, mais allez savoir pourquoi, nous leur trouvons un goût dominant de sauce de cari la patte ! Le bois de songe a peine à s’exprimer dans cette avalanche d’épices, mais les gratins sont sifflés quand même.

Voici l’andouille : Coupée en tranches d’un centimètre, la charcuterie ne s’est pas effondrée à la cuisson. Normal, elle est composée essentiellement de viande entrelardée, à tendance plus sèche que grasse. Les tranches ont les pieds dans une jolie sauce d’un rouge appétissant. Peu ou pas de tripes composent l’affaire, et cela se sent tout de suite en bouche. Nous cherchons vainement le goût tonique et un peu fermenté caractéristique de l’andouille créole comme la sœur Anne. Rien. L’andouille se défend avec ce qu’elle a, et cela reste très correct par ailleurs, d’autant que la dose de sel est acceptable et que les humeurs poivrées se font discrètes. Mais cela manque justement un peu de « punch », ce que du piment vert aurait pu apporter. Il y a des plats comme ça, à l’instar du poisson, que les palais créoles préfèrent relevés « in utero », en plus de l’apport des rougails.

Voici la patte cochon : de beaux morceaux à la couleur luisante, cuivrée, avec presqu’autant de viande que de peau. Le plat est conforme à nos attentes : rond, onctueux, salé comme il faut, avec le caractère franc des épices roussies en partie dans le gras fondu des morceaux et dans une sauce épaisse et parfumée au lointains airs de quatre-épices. Ce plat, qui a ses adeptes qui ne jurent que par lui, ne déçoit pas. Il se marie particulièrement bien avec le rougail margoze, dont l’amertume particulière contrebalance avec justesse le côté un peu épais de la patte.

Les rougails, parlons-en : Margoze, dakatine (pilée maison s’il vous plaît), bringelles, tous corrects. Des grains bien en crème et parfumés, un sauté de chou et des brèdes chouchous accompagnent les plats. Les brèdes sont pas trop mal, bien que la cuisson soit sujette à caution : pas assez croquantes à notre goût, mais très bonnes par ailleurs pour tout-un-chacun. La quantité en revanche pèche franchement. Il aurait fallu au moins un bol par cari. Quitte à mettre des brèdes, autant en profiter pour équilibrer un peu l’assiette par un apport conséquent de végétal non ? Mais nous ne boudons pas notre plaisir… nous les apprécions à leur juste valeur, le peu qu’elles sont.

Par contre, nous sommes loin d’apprécier l’ingrédient principal de toute agape créole bien née : le riz. En effet, celui qui nous est servi est raide (comme les chaises!), sec, bien en grain mais un peu trop, pour le coup, et sent le vieux. C’est la deuxième fois cette année. Il est regrettable que des restaurateurs ne fassent pas plus attention à leur riz ! C’est la base quand même ! On a comme l’impression qu’on essaye parfois de fourguer aux gens du riz de second choix pour marger un maximum. La transition est toute trouvée pour parler de l’addition, les desserts, classiques, ne nous ayant pas tentés.

78 euros pour deux personnes, apéritifs, entrées, plats et cafés. Très cher. Un peu exagéré même. Vous venez à quatre et vous prenez du bon vin et des desserts, vous en avez pour près de 200 euros ! Un prix que la qualité des plats ne justifie pas, si l’on se base sur ce que nous avons dégusté. 

L’Ambéric, à Trois Mares, 7 ans d’existence, nous a fait découvrir aujourd’hui une cuisine correcte, respectant la tradition créole, mais de manière un peu aseptisée, comme pour satisfaire de la clientèle affectant les endroits feutrés et les jardins entretenus au fil à plomb et taillés au millimètre. Joli jardin d’ailleurs. Ces dehors bon-chic-bon-genre cachent quelques imperfections : un pied de verre ébréché, un service perfectible au regard des règles de la profession (mais cela ne compte que peu dans la note finale de cette rubrique), et une cuisine qui semble ronronner un peu, d’où sortent quelques mets peu courants et des plats (encore) de bon niveau mais pas exceptionnels. Pour l’Ambéric, aujourd’hui, si le silence de son jardin est d’or, la fourchette est d’argent. Pour information, l’Ambéric a reçu la distinction de «Maître Restaurateur» de la préfecture en 2011.

Pour résumer :
Accueil : bien • Cadre : très bien • Présentation des plats : moyen
Service : bien • Qualité des plats : bons
Notre impression globale : bonne table
Fourchette en argent