Le Relais du Maïdo

[Visite en mai 2013]

Aujourd’hui nous prenons la direction du Maïdo, dans le sillage de notre fringuant randonneur Alain Dupuis, sorte d’elfe des forêts parcourant les monts et les vaux de notre belle île (sans collant vert ni chapeau pointu, Dieu merci !) qui nous a proposé ces dernières semaines une randonnée sur le bord du rempart. Nous ne sommes pas allés si haut, mais nous sommes arrêtés quand même dans les hauts des hauts, au royaume des trois « B » (Boeufs, Bois, Brouillard), au Relais du Maïdo et ses animations touristiques dont la luge qu’on ne présente plus. D’ailleurs, l’ancienneté des installations commence à se voir, il est vrai que l’humidité ambiante ne doit rien arranger. La grande salle tout en bois, elle, est confortable et chauffée par des poêles, l’ambiance est donnée.

Ce dimanche, c’est buffet pour les plats créoles, mais il y a aussi des plats plus « métros » à la carte (souris d’agneau, escalope d’espadon, rumsteck, magret de canard). Nous aurons donc, pour 17 euros, le choix de ne pas choisir entre le porc aux olives, le bœuf bourguignon, la cari de poisson (du grenadier) et le civet de coq, mais de tout goûter. En entrée, quelques crudités et un gratin sont au garde-à-vous. L’accueil est chaleureux et souriant. On nous installe, on vient prendre notre commande de boissons, et l’on s’enquiert de nos desiderata.

Nous décidons de tester les amuses-bouches salés qui consistent en diverses fritures classiques, plus une originalité du terroir : des beignets de poulet au géranium. Nous irons ensuite voir le buffet. Les samoussas, servis par lot de 3, à 2,50 euros, reviennent à un peu plus de 80 centimes pièce. Sachant qu’un samoussa se négocie dans « les bas » à 40 centimes prix public d’achat, la marge n’est pas mal, ils ont intérêt à être bons. Et ils le sont : farce fine et parfumée, pas gras.

Les beignets de poulet sont bons aussi et l’humeur de géranium est intéressante, tout en évitant d’être trop entêtante. C’est le plaisir d’essence. Mais nous ne décelons guère le goût de poulet, écrasé par celui du fromage qui compose le beignet. « Poulet » est sans doute signalé à l’adresse des personnes ne mangeant pas de boeuf ou de porc pour des raisons religieuses… Cette entrée en matière nous ayant à peu près satisfaits, nous fonçons vers le buffet ventre à terre. Nous n’y retournerons pas.

La salade de crudités fraîches, accompagnée d’une vinaigrette réussie, ni trop acide ni trop salée, est coupée presque en cheveux d’ange. Le résultat est un plaisir à la mastication et une belle odeur de choux et de carottes, de la bonne vieille salade classique et efficace. Place aux plats.

Nous allons être brefs. Le cari de porc aux olives est d’une banalité navrante, et les olives ne l’aident que peu. La viande est farineuse et peu goûtue.
Le cari de grenadier fait de la résistance, on ne peut pas trop lui en demander. Mais il aurait pu au moins être accompagné d’un piment vert «crasé» au caractère plus affirmé que le rougail « zognon » disponible au buffet. Globalement, c’est fade.

Le civet de coq est une véritable insulte. Déjà la viande est liquéfiée et les saveurs normalement franches et épicées d’un civet catholique (laurier, clou de girofle et vin) n’ont qu’une existence vaporeuse. Tout cela est mangeable mais ne nous amène que du regret. Ce ne sont pas les desserts qui nous consoleront. Une crêpe froide et un gâteau «ti son», dont il manque un peu de peau du dos (oser servir cela au client c’est du je-m’en-foutisme caractérisé). Le nom est un peu surfait. Disons que c’est un quatre-quart au lointain parfum de ti son, dont la texture épaisse fait dire au créole : « gâteau comblage ». Un verre d’eau là-dessus et ce n’est plus un dessert, c’est Bob l’Éponge.

Tout ça pour 41 euros et des poussières, sans l’apéro, soit un peu plus de 20 euros par tête de touriste.

Aurions-nous dû goûter aux plats à la carte ? Sans doute, parce que le buffet, lui, à l’instar de quelques autres que nous avons pu tester par ailleurs, est de piètre qualité. Ce n’est plus un mystère : la formule buffet permet aux restaurateurs de faire un maximum de chiffre avec des dépenses serrées. De là à servir du rata de temps de guerre en déguisant cela en cuisine « exotique », c’est se moquer ouvertement de la gastronomie réunionnaise. Tout cela sent la fourchette en plastique à plein nez.

Seconde dégustation

Aussi avons-nous décidé de donner une deuxième chance à ce restaurant qui est en première ligne sur le front du tourisme réunionnais. Nous avons voulu savoir comment étaient les plats à la carte et sommes retournés les tester quelques jours plus tard. Nous remarquons d’emblée que les plats métro « du jour » sont les mêmes que précédemment. Des plats du jour qui restent plusieurs jours… cela voudrait dire qu’ils n’ont pas été vendus ou qu’ils ne changent pas ?

Nous commandons le cari de poisson, de l’espadon nous annonce-t-on, et la fricassée créole estampillée spécialité maison, à base de charcutailles diverses et de bringelles.

Le poisson qui arrive, servi à l’assiette, est de l’espadon… en cube ! Pourquoi ne sommes-nous pas surpris ? Le plat est mangeable, loin s’en faut, mais très ordinaire. Un anglophone dirait : »cheap » !

La fricassée se défend un peu mieux. Des petits morceaux d’andouilles assurent le goût pour l’essentiel, encore qu’à minima, et les bringelles presque fondues confèrent au plat une certaine homogénéité de texture, tout en accompagnant la viande du mieux qu’elles peuvent gustativement parlant. Rien d’extraordinaire au final. Et le rougail tomate, formaté pour les palais sensibles, est parfaitement inintéressant. Seul le morceau de gâteau de patate douce fait mieux que le pitoyable « ti son » servi trois jours auparavant, bien qu’encore trop dense.

Globalement, les plats à la carte sont un ton au-dessus de ceux du buffet, mais c’est timide. Rien de tout cela ne nous a emballés.

Le Relais du Maïdo est une cantine. Allez-y si par malheur vous avez oublié le pique-nique, ou si mémé est tombée en panne de gaz en pleine cuisson du civet de canard! Vous aurez la satisfaction d’avoir l’estomac plein, et guère plus. Dans un endroit comme celui-là, c’est quand même dommage. Vu le potentiel touristique évident, dire que nos visiteurs se font servir de la tambouille cuisinée avec des produits de bas de gamme, c’est un véritable gâchis ! Le Relais du Maïdo récolte donc une bien généreuse fourchette en inox !

Pour résumer :
Accueil : très bien • Cadre : bien • Présentation des plats : buffet / moyen • Service : bien • Qualité des plats : très moyens
Impression globale : très moyen
Fourchette en inox

Le Latanier

[Visite en mai 2013]

Grand-Bois. Ce quartier de Saint-Pierre au passé sucrier, il n’y a pas si longtemps encore enquiquiné par les embouteillages, est en pleine mutation. Un établissement a connu toutes les transformations de ce tranquille village puisqu’il y propose le gîte et le couvert depuis plusieurs décennies, niché au bord de la côte rocheuse comme un paille-en-queue, au souffle des alizés. Il s’est appelé Demotel, puis Océan Maloya, et se nomme aujourd’hui Le Victoria. C’est son restaurant, le Latanier, que nous passons à la moulinette.

Visiblement l’hôtel a bénéficié récemment de certaines améliorations concernant l’accueil et le confort de la clientèle, même s’il reste encore à faire. Il en résulte que le restaurant, qui peut accueillir 70 personnes, est coquet, apaisant et très convivial.

Convivial aussi est le personnel qui nous reçoit. Par cette belle journée ensoleillée, nous nous installons à la terrasse qui fait face à la piscine autour de laquelle quelques épidermes blanchâtres de touristes tentent de bronzer. Des cocktails nous sont proposés, nous choisirons un « ti punch » pour nous fouetter les gencives et un jus de fruits frais. La carte est assez restreinte, mais, comme nous le confirmera le chef à la fin du repas, tous les produits sont frais.

Quatre entrées, poissons et camarons, quelques viandes et deux caris créoles au menu : rougail saucisses et cari de poisson. Ce sera donc rougail saucisses et filet mignon de porc, pour nous. Nous entamons les hostilités avec une salade de chèvre chaud « pané cornflakes et miel coco » plus une salade de palmiste.

Cette dernière nous surprend agréablement. En effet, outre une présentation soignée, le palmiste coupé en morceaux hétéroclites se trouve très correctement assaisonné. C’est rare. Nous avons assez maugréé contre ces assaisonnements trop citronnés qui tuaient la saveur subtile du cœur de palmiste. Ici nous avons une sauce toute en finesse, à l’huile d’olive, qui nous emballe le palmiste et ses accompagnements avec délicatesse, un vrai plaisir pour le palais.

Le chèvre chaud ne fait pas moins bien. Le fromage, sage comme une image (presque trop), crémeux et épais, avec un panage croquant et savoureux qui amène d’entrée de jeu l’humeur sucrée et parfumée du miel, est un délice sacré pour berger à biques. En finale il nous laisse comme une guillerette saveur de noisette. Nous terminons les entrées avec le plein d’émotions gustatives, et la suite nous est amenée dans la bonne humeur et la célérité.

Le filet de porc, un chouïa cramé aux entournures, sous ses dehors bruts de décoffrage et un peu secs, s’avère goûteux et souple en bouche, rappelant avec moult civilités sucrées-salées les atouts parfumés de son cousin rôti créole. Au bal du cochon, le filet est accompagné fort à propos par une magnifique daube de citrouille veloutée, cucurbitacé au caractère affirmé que, le diable nous patafiole, nous rencontrons trop rarement aux menus de nos restaurants créoles, à part quelques gratins par-ci, par-là. Un risotto rafraîchissant apporte au couple porc-citrouille son cachet « exotique » (pour nous) et tout à fait original. Au même bal, voici le rougail saucisses. Des saucisses fumées, coupées en tranches fines, toutes habillées d’une sauce bien rouge comme une seconde peau, mais qui n’étale aucune huile dans le fond du plat. Elles sont savoureuses, sèches mais pas trop, et portent à nos sinus la nostalgie des bons rougails au feu de bois des familles, simples et appétissants, des saucisses reines des piques-niques avec leurs zembrocals de maris ! 100% top créole. Dans toute cette affaire, le sel est savamment dosé, et Dieu sait si nous sommes tatillons sur le sujet. Nous regrettons simplement le rougail concombre un peu faible, tant en quantité qu’en puissance.

Les caris laissent la place au dessert : une tarte tatin à la papaye confite fraîcheur orange sanguine. La papaye, crue ou cuite, est, il est vrai, notre péché mignon. Nous n’en sommes que plus exigeants à son sujet. Cette papaye-là n’est peut-être pas la meilleure que nous ayons dégustée, nous la préférons un peu plus dure et plus collante, mais elle est tout de même très bonne, et son goût caramélisé est sublimé par le contraste de la glace acidulée et surtout par la menthe fraîche. Nous laissons une feuille de menthe collée à la paroi d’une joue, diffusant sa tonicité en continu tandis que la papaye, la glace et la chantilly se mélangent : un bonheur !

Addition : 76 euros pour deux personnes. Ce n’est pas donné, mais au regard de la qualité des plats, nous nous estimons satisfaits. Pour information les formules du jour vont de 15 à 20 euros (aujourd’hui une grillade de thon et du mérou frais qui sentaient bon l’iode et la marée).

 

Le Latanier est ouvert depuis septembre 2012 à l’hôtel le Victoria de Grand-Bois. Il vous propose une carte de petits plats amoureusement préparés à base de produits frais. Si vous êtes amateurs de poissons, c’est une adresse à conserver. On vous y reçoit avec simplicité et gentillesse, dans un cadre bucolique où vous trouverez paix et sérénité. La cuisine est de haut niveau, pour l’aperçu que nous en avons eu, et le jeune chef, qui n’est plus un « bleu », y met tout son savoir-faire et sa passion. Une cuisine simple, à la présentation soignée, qui fait honneur aux produits locaux, en mariant à merveille plats traditionnels créoles et standards métropolitains. Une carte qui va se renouveler sous peu, gageons qu’il y aura encore de belles surprises en perspective.  Nous sommes repartis ravis, en leur décochant au passage une très jolie fourchette d’or.

Pour résumer :
Accueil : bien • Cadre : très bien • Présentation des plats : Très bien

Service : très bien • Qualité des plats : excellents 
Impression globale : très bonne table
Fourchette en or

Note août 2013 : C’est le Chef du Latanier qui nous a appelé, répondant à l’annonce qui paraît avec la rubrique. Bien entendu nous ne lui avons pas dit quand nous viendrons. Nous avons attendu deux mois avant de nous y rendre. Et c’est la première fourchette d’or de cette année !

Commentaire Août 2014, par Christelle : « C’était cher on le savait au départ, et franchement il y a vraiment du laissez aller dans ce cas. Le buffet d’entrée c’était bof, rien d’original, un truc vite fait qu’on peut tous faire chez soi (i vaut pas les oeufs mimosa de ma belle mère) … j’ai pris un carry d’espadon et mes hommes un rougail saucisse fumées, les gros pois étaient hyper salés, rougail saucisse trop salé aussi et un peu gras, le carri espadon manque de goût et d’épices et tant qu’au buffet des desserts (mon dieu seigneur) c’était franchement pas bon du tout, je n’ai pas un super palais mais quand je dis que c’est pas bon ben ça ne l’est pas. Les tartes choco et coco : on dirait du surgelé (pâte pas croustillante, toute molle), l’espèce de truc qui ressemblait à un tiramisu avec une fraise dessus qui était un peu passé, pas de goût fait avec une crème pâtissière un peu de cacao et hop envoyé c’était pas bon, un gâteau dont je n’ai pas trouvé le parfum (je me suis demandé si c t pas un gâteau do lo) : génoise baignant dans son sirop sans goût avec une crème pâtissière pas bonne (ça existe encore ce genre de gâteaux ?), un gâteau péi dont je n’ai pas réussi à trouver ce que c’était : hyper sec, baignant dans un truc qui ressemblait à une crème anglaise avec plein de sirop sur le dessus. Bref, on s’est dit ça vaut une fourchette en plastique, on aurait dû aller manger chez Jo à manapany … »

Et vlan !  Il semblerait en effet que depuis la qualité a baissé.