L’Entrepotes

Aujourd’hui nous allons lézarder du côté de la rue Bois-de-Nêfles, celle qui monte vers la clinique de Sainte-Clotilde, pour mettre les pieds sous la table au restaurant Entrepotes, situé dans l’immeuble où se trouve la station service du coin, au rond-point. Une petite porte donne sur la caisse et le comptoir aux plats à emporter, avec dans le prolongement, une salle d’une vingtaine de couverts, plus une terrasse en bois « suspendue » attenante, de même capacité.

La salle climatisée est équipée d’écrans plats où défilent des clips vidéos. La terrasse est moins bruyante, nous nous y installons. L’accueil, féminin, est souriant et très serviable, autant que nous pouvons en juger à cette heure où la clientèle est encore peu nombreuse. 

On nous prie de choisir nos boissons dans l’armoire froide puis nous nous mettons dans la « file » pour choisir nos plats. Au menu du jour : cari de porc pomme-de-terre, poulet au chouchou (qui a « largué le corps » on dirait), sauté de poulet aux brèdes, cari de thon au combava, accompagnés au choix de riz blanc ou de riz-massalé, une originalité que nous nous faisons un devoir de goûter, avec des lentilles.
« Nous avons aussi des grillades » nous informe une jeune demoiselle, « avec un petit temps d’attente« . Effectivement, sur un tableau nous lisons: « entrecôte de bœuf frais (mot souligné !) sauce poivre, magret de canard au miel, filet de poisson grillé (du Merlu), salade du jour, bol renversé« , pour des tarifs allant de 9 à 18 euros.

Nous nous contenterons des créolités en optant pour le cari de porc et le sauté de poulet. Nous retournons nous asseoir avec des assiettes correctement garnies.

Le porc pomme-de-terre est assez bon. La viande est plûtot maigre que grasse, ce qui plaît à nos artères mais moins à notre palais. Les pommes de terre coupées en tranches d’un demi-centimètre ont une bonne tenue, même si la sauce un peu épaisse trahit une légère fonte. Peut-être eussent-elles été plus joyeuses avec un poelage adapté. La dose de sel est faible. Nous pensons d’abord que le féculent l’a un peu pompé. Fausse piste : le sauté de poulet nous révèlera que le chef a eut la main prudente sur l’exhausseur de goût. Nous qui vitupérons à qui mieux-mieux contre les icônoclastes sous toque qui nous chargent les plats en sel, nous n’allons pas nous plaindre.

Un œil sur la salle qui est déjà pleine de personnes

debout attendant leur tour. Le service suit le mouvement. Chez Entrepotes, ça dépote !

Le sauté, donc, affiche une macération délicate avec des brèdes un peu trop rares selon nous. Les morceaux coupés petits sont assez goûteux, même si dans l’ensemble tout cela manque un tantinet de pêche. Rien d’alarmant. Le riz-massalé soutient bien tout ça. La saveur du massalé est assez diffuse et aucunement agressive. Au final, elle nous reste un peu dans les sinus avant de tirer sa révérence, le temps de mastiquer la viande. Quand même, ça manque un peu de sel.
Rien à dire sur les lentilles. Les rougails, une sauce zoignons et un dakatine combavaté assez sage, apportent une précieuse contribution aux plats.

Nous terminons par un café gourmand, accompagné de petites pâtisseries dont certaines sont aux fruits confits, délicates, et pas trop sucrées.

L’addition s’élève à 28 euros et des bouts de brèdes, tout compris (la formule buffet-dessert-café est à 15 euros), soit 14 euros par personne. Très honnête en regard de la qualité globale.

Entrepotes est ouvert depuis 4 ans, au rond point de la rue Bois-de-Nêfles, et si on se base sur l’affluence, on peut en déduire qu’ils ont su se tailler une réputation respectable en proposant des plats de bonne qualité auxquels s’ajoutent des extras comme les grillades qui satisferont les clients désireux de sortir de l’ordinaire riz-cari. Si nous émettons un léger bémol concernant les plats que nous avons testés, gustativement parlant assez timides aujourd’hui, l’ensemble nous paraît plutôt dans la moyenne supérieure de ce que nous sommes en droit d’attendre dans ce genre d’établissement. La fourchette en argent s’impose donc logiquement. 

Pour résumer : 
Accueil : bien • Cadre : bien • Présentation des plats : buffet
Service : très bien • Qualité des plats : bons
Impression globale : bonne table
Fourchette en argent

L’Anse des cocos

S’il est bien un lieu où l’on bucole dans le presque sud sauvage, prisé des campeurs et pique-niqueurs du week-end, c’est Grand-Anse. L’attrait de l’endroit y a fait pousser ces dernières années un hôtel de grand luxe et attiré les bungalows et autres chambre d’hôtes. L’Anse des cocos, installé au bord de la route descendant au site de Grand-Anse en fait partie. Et nous avons décidé de tester son restaurant. Ce dernier est logé dans le bâtiment principal sous l’aspect d’une grande maison créole comportant une salle et une terrasse ombragée ouverte sur le jardin et les bungalows. La déco, créole chic mais sans chichis, et la disposition des lieux, vous invitent à la détente et aux vacances.

Côté menu, aujourd’hui, nous avons droit à une formule unique à 25 euros, composée d’une entrée, d’un plat de résistance au choix et d’un dessert. Six plats sont proposés : rougail zandouille, camarons persillés, civet de coq, sauté de poisson, civet de boucané et porc trois merveilles, plus crêpe à la banane et coupe de glace en dessert.

Après quelques apéritifs communs, l’entrée, unique, nous est servie. Il s’agit d’une salade « fraîcheur » sous un oeuf-mayonnaise. La salade porte bien son nom. Les légumes sont en effet frais, assaisonnés d’une vinaigrette légère. C’est sans prétention mais tout à fait efficace pour nous éveiller les papilles. L’entrée est expédiée sans formalités et nous attendons la suite avec impatience. Et dans ce cadre magnifique et accueillant, par un temps superbe, voici la grande descente de notre estime.

Cela commence pourtant pas mal avec des camarons qui présentent bien et « font le job ». Leur saveur de crustacé toute concentrée par le passage à la poêle, aidée de la persillade, reste tout à fait dans les canons du plat. Encore heureux. Les camarons étant intrinsèquement un produit goûteux, pas besoin d’avoir été apprenti chez Robuchon pour savoir les cuisiner, surtout de cette façon-là.

Nous passons au rougail zandouille, qui, au nez, fleure bon l’oignon et les tomates… Et c’est à peu près tout. En bouche ce n’est guère mieux. La charcuterie a perdu de son sel, au sens propre comme au figuré, car il semblerait que toutes ses saveurs de poivre et de tripes soient parties avec le bouillon à la fosse, ce qui nous laisse, comme cette dernière, sceptiques.

Sus donc au porc trois merveilles. Une merveille d’insignifiance. La viande est sèche comme coco de pain rassis oublié au soleil, avec les champignons chinois et les pousses de bambous qui se battent en duel. Le plat présente un arrière-goût désagréable. C’est mangeable mais tout juste. 

Avec un espoir désespéré nous goûtons au sauté de poisson. Celui-ci est un peu mieux que le plat précédent, mais à peine. Forcément, c’est du poisson surgelé en cubes dont la nullité gustative n’est pas dissimulée par l’assaisonnement à la chinoise façon « Grand-mère », qui a davantage profité aux légumes trop cuits.

Et voilà le dessert : la crêpe à la banane. C’est le pompon ! La crêpe est froide. La banane aussi. Des rondelles de banane pas assez mûre sans aucun doute, au goût de Frigidaire, posées telles quelles dans la crêpe, avec deux noix de chantilly, pour dire. Pas de réchauffage, pas un semblant de je ne sais quoi pour habiller les bananes. Rien. Ce dessert est à la limite du « foutant ». 

La vraie insulte vient avec l’addition si on considère la médiocrité globale de ce repas : 152 euros pour cinq personnes, boissons et cafés compris, soit une trentaine d’euros par tête de touriste. 

Aller dans un restaurant qui présente des dehors agréables et mal manger cela peut arriver. Mais si par dessus le marché le repas ressemble à une vaste farce dont nous nous sentons les dindons, là ça devient compliqué. Nous osons espérer que nous sommes mal tombés et que ce samedi-là était un jour « sans ». Quand même, nous étions les seuls clients, alors que d’autres établissements du coin semblaient avoir du monde. Il est clair que ce n’est pas avec ce genre de cuisine qu’on appâte le créole. Seuls les touristes ignorants peuvent se laisser prendre. Rien de plus à dire. Aujourd’hui, pour l’Anse des coco à Grand-Anse, la fourchette en plastique est de rigueur.

Pour résumer : 
Accueil : bien • Cadre : très bien • Présentation des plats : moyen
Service : bien • Qualité des plats : très médiocre
Impression globale : médiocre
Fourchette en plastique

Le Corail

Aujourd’hui nous prenons la route en direction de Piton-Sainte-Rose où à 200 mètres de l’église de Notre-Dame-des-Laves, le restaurant Le Corail propose une cuisine « tradition kréol » avec « saveurs d’antan ». Il n’en faut pas plus que que nous décidions d’y mettre le nez, et le reste.

L’établissement consiste en une terrasse agréable, abritée, d’une quarantaine de couverts, adossée à une boutique à touristes dans le genre de celles qu’on peut voir dans l’Ouest, proposant à la vente cartes postales, savates deux doigts, divers piments confits et autres babioles. Une jolie collection de rhums arrangés est également exposée et offerte à la dégustation. En revanche la route est très proche, et les véhicules bruyants qui y circulent deviennent vite insupportables.

La carte est essentiellement créole, avec quelques plats métros. Les rougails traditionnels sont là, les caris aussi, avec deux ou trois plats moins courants comme le canard à la vanille et les pieds de porc flambés au Cognac. En suggestion du chef, du porc caramel, mais nous décidons de nous en tenir au menu du jour, avec un cari zourite et un boucané bringelles.

Pas d’entrées. L’apéritif est suivi très vite des plats, servis à l’assiette, et fort joliment d’ailleurs. Nous attaquons sans tambours ni trompettes. 

Le boucané-bringelles présente plûtot bien. Le légume à la teinte verte est quasi en purée, avec quelques morceaux de peau par-ci par-là, entourant peu de boucané. C’est plûtot un bringelles-boucané on va dire. En bouche la bringelle est discrète. Cela conviendrait parfaitement à ceux qui fuient l’arôme particulièrement prononcé de certaines variétés de ce légume. Souci : le boucané suit le même chemin, tout en étant trop cuit. Les morceaux n’ont aucune espèce de consistance. Dans l’ensemble le plat est correct, mais manque singulièrement de fumet.

Le zourite est un cran en dessous. Le céphalopode, du surgelé bien entendu, est bien cuit. Pas de sensation caoutchouteuse sous la dent, mais ses saveurs sont aux abonnés absents. Seule la sauce bien poivrée donne un soupçon d’intérêt au plat qui de toute façon est beaucoup trop salé. Du sel pour cacher l’ennui sans doute. Seul le rougail zoignons sauve un peu l’affaire assisté par des grains blancs de conserve pas trop mauvais. La maigre salade posée là en guise de garniture est elle aussi trop assaisonnée et trop salée.

Bref, déjà qu’en regardant les tarifs affichés nous nous sentions pousser des plumes, vu la qualité globale des plats, nous commençons maintenant à roucouler. Ce n’est pas le dessert, un gâteau de 

patate douce, qui nous fera changer d’avis. Ce gâteau servi chaud est du « comblage » sans goût ni sentiment. La patate est passée au mixeur apparemment, avant le frigo, avec un coulis caramélisé aux humeurs de confiture de papaye, pathétique tentative pour sauver la face.

Nous partons en réglant l’addition : 41 euros tout compris, avec l’apéro, soit plus de 20 euros par tête de touriste. Franchement cher au regard de ce que nous avons dégusté.

Créer une boutique dans le genre balnéaire dans un endroit pareil, après tout pourquoi pas. Lui adjoindre un restaurant en communiquant sur des plats « kréol » de « tradition » est une bonne idée, encore faut-il que cela se vérifie dans les faits. Or c’est survendu, si nous nous fions à ce que nous avons mangé ce jour. De la tradition créole pour le visiteur étranger ignorant ça oui, qui va acheter des souvenirs et avoir l’impression de manger authentique. En ce qui nous concerne, nous avons plutôt l’impression d’être tombés dans un piège à touristes. 15 euros le cari zourite tout-venant, 17 euros le cabri massalé… des prix un peu exagérés pour une qualité globale moyenne bien loin des promesses affichées. Résultat logique : peut mieux faire.  Fourchette en inox.

Pour résumer : 
Accueil : bien • Cadre : bien • Présentation des plats : très bien
Service : bien • Qualité des plats : moyens
Impression globale : moyen et cher
Fourchette en inox