Par ces nouvelles chaleurs de l’été approchant, nous allons prendre le frais à Bourg-Murat, où il y aura bientôt plus de restaurants que de boeufs. Pour rappel, Le QG et le Ti Resto Lontan ont déjà été notés les années précédentes, deux fourchettes d’or, d’autres établissements ont reçu notre visite incognito, et c’est « Chez Alex » que nous testons aujourd’hui.
L’établissement, situé en face du Palais du Fromage, à deux pis du QG, a fait pour ainsi dire peau neuve il y a un peu plus d’un mois en mettant à la disposition de sa clientèle une belle salle d’une quarantaine de couverts espacés, très agréable quand il pleut comme vache qui pisse, ou quand, comme on dit : « brouillard i marche quat’ pat’ « , avec les températures qu’on sait, surtout en hiver.
Le menu est au tableau noir. Quelques banalités métros (entrecôtes, frites, steak) ; des classiques créoles pour l’essentiel, comme du canard pays à la vanille, cabri massalé et cari de coq fermier, et des plats plus intéressants comme le magret de canard au cidre et miel ou du thon banane frais.
Aucune entrée proposée. Nous goûterons le cari de coq fermier et le rougail saucisses fumées.
Les plats sont servis sans chichis. Pour le coup (et pour le prix) nous aurions apprécié quelques chichis. Il devient lassant de voir arriver des caris sans aucune espèce de semblant de présentation (une feuille de laitue, une touffe de persil …). Certes la tradition créole ignore peut-être ce genre de coquetterie, encore que. Mais la tradition créole est d’abord domestique, comme celle qu’on retrouve dans les tables d’hôtes, qui, pour beaucoup, font assez attention quand même à l’esthétique de leurs plats.
Cette parenthèse refermée, nous ouvrons la bouche sur la cuisse du coq. C’est bien un coq fermier. Et pas un coq la cour. Néanmoins tonique, et goûteux, il présente sa viande ronde avec quelques tâches rouges cramoisies à l’intérieur. Dans sa sauce réduite jaunie du safran, il offre de correctes sensations gustatives, tout à fait dans les normes d’un bon cari qu’Ernestine ne renierait pas. Le sel est bien dosé, ce qui préserve la saveur de la chair.
Le rougail saucisse n’est pas au niveau. Moins à cause de la préparation, aussi réussie que celle du coq, qu’à cause des saucisses elles-mêmes. Ces dernières sont tout à fait mangeables et donnent au nez une agréable odeur de fumaison. En revanche en bouche, les saucisses fumées manquent de fumet. D’autre part, leur chair est moulue et non battue. Très moulue même. C’est gramoune qui va être content s’il a oublié ses dents à la case. Du coup, rien à mâcher. Et nous nous disons que le fumet disparu est peut-être parti dans l’eau bouillante.
Le riz grain long est sans intérêt. Les pois du Cap pour leur part affichent une jolie odeur d’épices roussies et sont bien en crème. Les rougails tomates et bringelle, formatés pour les touristes délicats et les palais juvéniles, sont plutôt bons. La bringelle est un peu blème, sans défaut ni accroc comme un manequin photoshopé, mais son goût est bien amené par une trace vinaigrée. Les tomates sont mûres et intéressantes tant par l’odeur que par le goût.
Les plats totalement vides sont enlevés. On vient nous proposer un dessert. Nous prenons un moelleux au chocolat. Ce dernier nous emballe avec son petit coté cacao amer qui fait passer le sucre comme une lettre à la poste .
Addition : 50 euros pour deux personnes, apéritifs, plat et desserts, soit 25 euros par tête de yab. Un peu cher quand même quand on sait qu’il n’y a pas eu d’entrées.
Chez Alex présente bien. Si on en juge par le défilé au comptoir des plats à emporter, c’est une adresse connue et prisée, sachant qu’à deux pas se trouve l’aire de pique nique qui brosse le dos du tout nouveau musée du Volcan. L’accueil est pas mal, le service est attentionné, même si on n’a pas toujours su répondre à nos questions. La cuisine y est très correcte, mais certains points mériteraient d’être améliorés : présentation et sélection des produits notamment. Espérons que le patron (ou la patronne) ne sera pas tenté d’augmenter ses marges au détriment de la qualité, pour rentabiliser ses investissements.
En attendant, c’est repus et assez satisfaits que nous avons pris congé, non sans avoir décoché au restaurant « Chez Alex » une belle fourchette en argent.
Au diable le menu enfants
Au tableau des menus de Chez Alex, nous avons retrouvé le sempiternel « menu enfant » à 9 euros. Qu’il nous soit permis ici de lancer un cri à ce sujet. A l’heure où l’on parle de manger des légumes et des fruits, d’alimentation équilibrée et variée, et où tout ce qui a un rapport avec la cuisine est tendance, il serait bon que nos chers restaurateurs envisagent autre chose que le misérable « menu enfant » constitué de steak frites ou de poulet rôti.
C’est hélas une évidence : nos progénitures en culottes courtes raffolent de ce genre d’alimentation qui rappelle certains produits dont ils peuvent s’empiffrer notamment aux mangeoires de deux enseignes multinationales bien connues. Bien entendu, c’est pratique pour les restaurateurs de proposer (et de vendre) ce genre de menu, très rentable. Mais ne serait-ce pas là une façon de considérer les enfants comme de « sous-consommateurs » abrutis et dénués de tout sens gustatifs ? Ne serait-ce pas plus intéressant, pour leur édification personnelle, de leur proposer simplement une déclinaison en plus petite quantité des plats à la carte tout en faisant en sorte que le patron du restaurant s’y retrouve financièrement parlant ? N’oublions pas que les enfants d’aujourd’hui deviendront clients demain.
Pour résumer :
Impression globale : bonne table
Fourchette en argent