Le Petit randonneur

P1020182Cilaos. Ses lentilles, ses broderies, sa roche merveilleuse, son vin traditionnel et son chai, son eau, ses hôtels dont le plus vieux qui trône comme une verrue au-dessus du village (dans l’indifférence générale, dirait-on) et ses restaurants. Nous en avons testé deux pour vous. Aujourd’hui, nous som-mes allés mettre les pieds sous la table du Petit randonneur, assis là aux pieds de l’Eglise. C’est l’un des plus anciens de Cilaos, et son allure de brasserie aux stores jaunes le rend visible de loin.

L’accueil est courtois, le sourire est présent, et on nous conseille la terrasse protégée pour cause de météo capricieuse en cette période de fête où tout bon créole hausse des épaules fatalistes quand il faut replier le barbecue sous les hallebardes.

La carte est avancée. Eclectique, elle est, avec une tendance locale quand même prononcée. Ainsi, en tête des plats on trouve les saucisses aux lentilles, comme de bien entendu, suivies d’émincés de poulet à la vanille, des andouillettes fumées à la créole, du steak de bœuf à la chinoise, crevettes à l’ail, magret de canard, thon grillé, etc. 14 en tout. Et trois entrées : gratin de chouchou, cocktail de crevettes (pochées) et quiche maison, plus des crêpes. Nous commandons les andouillettes et les saucisses aux lentilles. Un verre de vin blanc frais du chais de Cilaos nous émoustille la glotte et nous rince la luette, avec sa petite pique acide capiteuse. Il ne manque plus que les tonnelles etc.

Nous sonnons la charge.

P1020195Les saucisses, estampillées « made in Bras-Sec », sont de la famille des moulues. Voire très moulues. Elles n’en demeurent pas moins compactes et proposent un mordant souple et sans petits morceaux rebelles qui vous bouchent les dents creuses. Leur fumet est intéressant, un peu sauvage sur les bords. Elles ont ce parfum de cochon au groin consciencieusement enfoncé dans le conflore comme autrefois, avec le piquant poivré et l’éclat odorant du thym après l’averse. Peu de gras emballe tout cela, et les lentilles crémeuses et parfumées leur en sont reconnaissantes. Ces dernières ont la saveur des terres rocailleuses et ensoleillées de l’îlet à Cor-des. Elles épousent les saucisses de Bras Sec dans une union merveilleuse pile entre ces deux patelins. Cette convergence géographique et culinaire se voit traitée de la manière appropriée : l’élimination jusqu’au dernier grain.

P1020192L’andouillette se montre très sage. Nous nous attendions aux envolées wagnériennes des andouillettes qui ont des tripes, associées à un poivre puissant. Que nenni. Même le sel respecte les convenances. Pour autant, la charcuterie ne s’en exprime pas moins, avec grâce et sans trop de graisse, offrant une mastication ludique de ses morceaux de cartilage qui envoie au nez leur humeur fumée à chaque coup de dent. Il est vrai que la belle sauce épaisse et rouge coagulé, qui enrobe les andouillettes, magnifie l’effet en ajoutant sa douceur de tomate mûre.

L’ensemble est bien soutenu par un riz abondant et bon, et des grains veloutés. Le rougail « zognons » trop ordinaire nous ayant fait réclamer un autre piment plus costaud, nous avons le plaisir de voir débarquer un bocal de piment « la pâte » des familles, rouge cramoisi, mariné depuis assez longtemps dans sa propre capsaïcine huilée pour dégager les sinus de son parfum aux autours profonds de gingembre confit. De quoi réclamer du rab pour finir le pot. Cette sensationnelle chose est vendue 4€ sur place.

IMAG1029Nous terminons par un café gourmand ou une bonne boule de glace artisanale rattrape un gâteau patate un peu trop dense. Excepté un gâteau patate, justement, les autres desserts sont assez classiques. L’addition se monte à 90 euros pour quatre adultes et un menu enfant, boissons comprises, soit un peu plus de 22 euros par tête de touriste. Très honnête compte tenu de la qualité globale.

Nous sommes rassurés. Nous aurions pu finir par croire que tous les restaurants ayant pignon sur site touristique n’offraient à leurs clientèle que des ersatz de cuisine créole mal fagotée, qui privilégie la rentabilité au détriment de la qualité, en profitant de l’ignorance naturelle des visiteurs d’outre-océan. Nous avons de nombreux exemples en magasin, hélas. Nous sommes donc rassurés, car ce n’est pas le cas du Petit randonneur. L’établissement propose en effet une honnête cuisine créole authentique, avec une carte qui peut contenter tout le monde sans pour autant ressembler à un bottin ! Bien sûr un effort serait peut-être à faire sur la présentation des plats, mais l’endroit se prête davantage à la convivialité. Le service est correct, bien qu’un peu plus lent quand la clientèle se fait nombreuse, mais sans que cela n’entame le plaisir du moment. Tout cela justifie amplement que nous décernions au Petit randonneur une belle fourchette en argent.

Fourchettes

 

Pour résumer : 

Accueil: bien • Cadre : bien • Présentation des plats: perfectible
Service: bien • Qualité des plats: bons • Rapport qualité-prix: correct.
Impression globale : bonne table
Fourchette en argent
La présente critique a été réalisée le 24 décembre 2015, à partir de midi, et ne prétend pas être une vérité absolue et définitive. Notre point de vue est subjectif, par nature, mais parfaitement honnête. Nous certifions n’avoir aucun rapport de près ou de loin avec les propriétaires de ce restaurant et aucun intérêt à attribuer à ce dernier une bonne ou une mauvaise note. Dans tous les cas, le restaurant dispose d’un droit de réponse.

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