En ce mois de février torride et humide la route des Plaines est particulièrement fréquentée. La famille bien calée dans la voiture, sus donc aux hauteurs rafraîchissantes ! Bourg-Murat, sympathique petit patelin coiffant la commune du Tampon, où les restaurants vont bientôt être plus nombreux que les vaches, nous accueille avec le beau temps. Cela ne va pas durer, mais pour les citadins qui cuisent dans des bas, même le brouillard est appréciable.
Nous descendons au Panoramic, restaurant à côté de l’hôtel l’Écrin, situé pour ainsi dire à l’entrée sud du village, sur la gauche dans le sens montant. L’établissement, indiqué par des panneaux assez visibles, est en retrait de la route, ce qui est parfait pour déjeuner dans le calme. Comme d’habitude nous arrivons de bonne heure. Une jeune fille nous accueille avec le sourire et nous invite à nous installer. La salle, en deux parties, de 80 couverts environ, affiche un décor simple et agréable. Tout est propre.
La carte se compose de trois entrées et douze plats, dont six grillades, et huit desserts classiques. On y retrouve le « cari » de saucisse (tiens, c’est pas un rougail?), cari de poulet fermier, sauté de bœuf gros piments, magret de canard, filet mignon de porc, entrecôte et autres, plus un gratin et deux salades, dont une crudité, choux carotte laitue tomate, un grand classique des familles qui sent un peu la naphtaline, façon de parler bien sûr. A 7 euros. Les caris s’étagent entre 15 et 18 euros. Quelques plats du jour entre 16 et 23 euros complètent la carte : un foie gras maison, un boucané bringelles, un cari camarons, un civet d’espadon et un rougail morue aux babas figues. Des tarifs qui ne souffrent pas l’approximation en cuisine. Voyons donc ça.
Nous choisissons le boucané et la morue, avec une assiette de fritures créoles diverses, promise avec du achard maison, qui n’arrivera jamais. Un oubli total puisqu’elle ne sera même pas portée sur la note. Nous entamons la dégustation après l’apéritif. On ne nous propose pas de vin, ni d’eau d’ailleurs.
Le boucané bringelle devrait s’appeler « boucané aux molécules de bringelles », car de la bringelle il y en a fort peu. Une dose homéopathique qui compose un fond de sauce étriqué. Le légume a été débarrassé de sa peau, car nous n’en avons trouvé trace. Certes, son goût puissant ne plaît pas à tout le monde, mais est-ce une raison pour le brimer ainsi, car même dégusté seul pour le peu qu’on puisse en avoir, il apparaît bien éteint. Fort heureusement le boucané lui-même, coupé gros et bien cuit, est très goûteux et équilibré en gras-maigre. Son beau fumet nous fait presque oublier l’inexistence de la bringelle et se marie bien avec les haricots blancs en crème.
Le rougail morue au baba-figue pour sa part est peu courant et bienvenu. En soi, le plat est satisfaisant. Le goût de la morue et l’amertume maîtrisée du baba-figue font bon ménage. Au nez, les oignons verts accompagnent les humeurs du poisson assez efficacement pour faire saliver. En revanche il conviendrait d’appeler ça plutôt « sauté de morue au baba-figue » car la tomate est quasi-absente. Ce qui est sans doute voulu. D’autre part les morceaux sont inégaux et assez secs, et la sauce un peu trop liquide. Chacun voit midi à sa porte, mais nous préférons la morue quand sa chair bien émiettée est un peu plus huilée, sans excès, ce qui lui confère davantage d’amplitude et de souplesse en bouche. Et le baba-figue a dû rendre la pluie de ces derniers jours. Le plat est tout de même intéressant, et que le diable nous patafiole si le chef n’y a pas ajouté une indianité quelconque dont le parfum subtil, bien enrobé par le baba-figue, ne nous a pas échappé. Nous avons tenté de tirer les vers du nez du patron : rien à faire !
Un mot sur l’unique rougail de concombre : très bon, mais un peu maigre. Terminé en deux coups de cuillère. A 16 ou 17 euros les plats, deux ou trois rougails différents ne sont pas de trop. Nous terminons nos assiettes sur une impression mitigée.
Colonel, dame blanche, profiterolles, crème brûlée, etc. les desserts sont ordinaires et ne nous tentent guère. L’addition se monte à 54 euros et des miettes de morue. Le rapport qualité-prix n’est pas terrible. Et pour ce qui est du « menu enfant », il est carrément mauvais : douze euros pour quelques nuggets et des frites, fussent-elles maison, c’est cher.
Repris au mois d’avril de l’année dernière, le Panoramic présente une carte traditionnelle (surtout sur les desserts) et dont la présentation imprimée est un peu misérable. Les grands classiques ont toujours une clientèle qui appréciera. Ceux qui veulent sortir des sentiers archi-battus par les gratins et salade de crudité, bananes flambées et tartes tatin iront vers le menu du jour, au moins pour certains plats. Le service est approximatif, tout en demeurant souriant, ce qui est déjà bien. Ne pas oublier un plat, proposer de l’eau ou du vin, c’est le b-a-ba. La cuisine est assez bonne dans l’ensemble mais perfectible si l’on en juge par les plats que nous avons dégusté, et nous soupçonnons de n’avoir pas choisi les plus réussis. Nos « indics » nous avaient en effet vanté le massalé cabri, mais ce dernier n’était pas au menu aujourd’hui. Se renouveler et faire de la qualité jusque dans les détails. C’est comme ça qu’on gagne de la clientèle, laquelle, de plus en plus exigeante, est à la recherche de sensations nouvelles. Cela, d’autres établissements du coin l’ont bien compris. Toutes ces considérations nous font attribuer au Pano-ramic une jolie fourchette en argent d’encouragement à rechercher l’excellence, pour justifier davantage ses tarifs. Car seule l’excellence finit par payer.
Pour résumer :
Service: perfectible • Qualité des plats: bons • Rapport qualité-prix: perfectible.
Impression globale : assez bonne table