La Case Volcan : bonne cuisine heureusement

P1100850Par un dimanche ensoleillé, nous voilà repartis chatouiller les contreforts du volcan sur la route des laves. Nous avons jeté notre dévolu sur la Case Volcan, restaurant pittoresque situé à la sortie de la coulée de 2007 en venant de Sainte-Rose. Notre curiosité à son endroit fut amplement aiguisée par des appréciations positives de plusieurs personnes.

Du dehors, l’aspect général n’est pas très flatteur à première vue, mais en définitive, cette terrasse en bois un peu roots, accolée à une boutique de souvenirs, ne manque pas d’un certain charme propre à enchanter les touristes. Une quarantaine de clients peuvent y tenir aisément, mais chaudement quand le soleil i pwak, sous la tôle. Et pas un brasseur d’air aux alentours. Fort heureusement, le léger souffle d’une brise de mer vient tempérer l’étuve. L’accueil est poli et pressé.

P1100852Nous choisissons une table où seuls les verres sont disposés, avec les couverts à l’intérieur. Et elles sont toutes comme ça. Pas de nappe, ne fût-ce qu’en papier, pas même des sets, rien. Le service se fera les assiettes sur le bois. Le côté authentique, c’est bien, mais on frise les limites, quand on pense qu’on recouvre même les tables de pique-nique… Juste avant de prendre la commande des boissons, on nous dépose sur la table des échantillons des plats à la carte (qui consiste en une feuille A4 dans un plastique écrasé, c’est négligé). Voilà une originalité intéressante. Ces bouchées de découverte nous annoncent déjà une dégustation enjouée. Une petite salade de palmiste nous est également proposée, fort avenante à tout le moins, assaisonnée avec précision. La saveur délicate du palmiste est bien mise en valeur. C’est rare.

Nous choisissons le rougail saucisses, le cari de poisson et le poulet au coco, laissant un boucané bringelles prometteur avec un légume abondant et goûteux, des crevettes au chouchou aux abords frais et ensoleillés et un papaye boucané au sel un peu bavard. Les boissons sont servies, dont un excellent jus de fruit frais au goyavier, puis les plats arrivent, dans de la vaisselle usagée. Et point d’eau. Le personnel est déjà en train de courir, et on oublie (encore!) de nous demander si on veut de l’eau plate, pétillante, en carafe… et nous sommes obligés de réclamer.

P1100879Attaquons.
Le rougail saucisses commence le repas favorablement. Nonobstant un sel un peu trop présent dont le riz modère heureusement les ardeurs, les saucisses dégagent un fumet léger avec une texture un peu grasse mais pas désagréable. Peu de sauce, mais elle est bien rouge-cramoisie. Le plat est très correct.
Le poulet au coco fait mieux. Sa sauce épaisse, lactée et parfumée, envoie sa douceur caractéristique à une viande qui a un peu de tenue, même si elle n’a visiblement pas été élevée au grand air. Cela se ressent quand même à la texture, avec un mordant décevant. Peu importe, le coco sublime tout ça, et la sauce nous arrange un risotto agréablement.
Le cari de poisson nous laisse perplexe avant d’y goûter. Nous avons vainement demandé de quelle espèce était le poisson, le personnel pressé n’a retourné aucune réponse. Et nous en voyons débarquer la tête ! Ce pourrait-il que le chef soit doué à ce point de divination pour qu’il soit au courant de notre prédilection pour ce morceau de choix ? Car il nous paraît quelque peu risqué, voire cavalier, de donner la tête de poisson à n’importe qui, comme ça ! Un client lambda, peu habitué, aurait trouvé que cela manque de chair et qu’il y a trop d’arêtes. Et la chair ! Quelle merveille. Fraîche elle est, comme pêchée du matin, tant les réminiscences ondoyantes et un peu sauvages des effluves d’iode, de corail et d’océan remué à la houle l’imprègnent profondément. Ajoutez à cela la fragrance acidulée du rougail citron-oignon au gingembre- mangue magnifique, et vous avez un plat qui, à lui seul, vaudrait largement une fourchette d’or.

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La suite est maigre. Quelques simples glaces, plus proches du sorbet que de la glace, artisanale tout de même, à la sapotille et cerise pays. Intéressante mais posée sans dressage dans l’assiette comme des restes destinés aux indigents. Addition : une soixantaine d’euros pour trois adultes et un enfant. Au regard de la qualité de la cuisine, c’est très honnête. Pendant que ça court dans tous les sens, nous croupissons pendant près d’une demi-heure autour des restes.

Voulant tester le professionnalisme du personnel, nous jouons au client mauvais coucheur en réclamant vertement un nettoyage. Le résultat est édifiant : la jeune dame nous répond, sur un ton énervé. Sa collègue, parvient à garder (difficilement) son calme quand elle vient débarrasser.

On ne demande pas un service de palace dans un restaurant de campagne, mais il y a un minimum, et des erreurs à ne pas commettre. Le client paie, quand même. Il n’a pas à subir les conséquences du manque patent de gestion correcte d’une salle. Lui proposer de l’eau, lui suggérer un plat pendant un peu plus que deux secondes et trente-dixièmes, faire attention à la vaisselle qu’on pose sur sa table (que celle-ci sans être luxueuse soit au moins propre et en un seul morceau) ne pas le laisser mariner devant ses restes, ne pas mal lui répondre s’il est énervé et éventuellement faire un petit geste commercial pour lui faire oublier un désagrément, le raccompagner, bref, la base de toute bonne formation en hôtellerie-restauration est encore loin d’être assimilée dans certains restaurants. S’il fallait noter sur ces faits, la Case Volcan aurait hérité d’une fourchette en fer blanc. Fort heureusement, le chef rattrape tout avec une cuisine authentique, généreuse, goûteuse, et qui s’autorise quelques originalités. Un vrai bonheur dans l’assiette, fut-elle abîmée. Pour ce bon moment de gastronomie réunionnaise, nous décernons à la Case Volcan une belle fourchette en argent. Pour l’or, il faudra améliorer le service, et les couverts !

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FourchettesPour résumer : 

Accueil: bien • Cadre : bien • Présentation des plats: moyen
Service: perfectible • Qualité des plats: très bons • Rapport qualité-prix: correct.
Impression globale : Très bonne table

Fourchette en argent

La présente critique a été réalisée le 20 mars 2016, à partir de midi, et ne prétend pas être une vérité absolue et définitive. Notre point de vue est subjectif, par nature, mais parfaitement honnête. Nous certifions n’avoir aucun rapport de près ou de loin avec les propriétaires de ce restaurant et aucun intérêt à attribuer à ce dernier une bonne ou une mauvaise note. Dans tous les cas, le restaurant dispose d’un droit de réponse.

« Nous vous souhaitons une excellente dégustation »

Peut-être faudrait-il dire « Nous vous promettons une excellente dégustation« . Quoi qu’il en soit le service dans un restaurant compte autant que la cuisine. Peut-être même plus. Qui n’a pas pesté contre une attente trop longue, un personnel peu souriant ou des plats qui ne correspondent pas à sa commande ? Et même si la dégustation se passe bien, le moment est un peu gâché. Petit tour du pourquoi et du comment.

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Photo D.R.

« Je ne conçois pas d’aller au restaurant pour me servir moi-même. Si je vais au restaurant c’est pour passer un bon moment et pour me faire servir. » tranchait un chef d’entreprise et patron lui-même d’un établissement de Saint-Denis, alors que le sujet de conversation tournait autour de la qualité des buffets. Une position franche qui peut se comprendre, avec laquelle nombre de restaurateurs ne seraient pas d’accord.

Etre servi, et correctement, cela paraît normal, naturel, quand on décide d’aller au resto. Le plaisir de mettre les pieds sous la table et d’être l’objet d’attentions compte presque autant que celui d’apprécier de la bonne cuisine. Mais en ce qui nous concerne, nous constatons encore trop souvent des manquements lors de nos visites, dont certains sont récurrents.
Des manquements sur l’accueil, d’abord. Bien que ce soit heureusement de plus en plus rare, on rencontre encore des visages fermés, sans sourire, des gens stressés, pressés, parfois même malpolis ou obtus, surtout pendant les « coups de feu ». On nous a cité souvent l’exemple d’un brasseur connu sur la place, mais il n’est pas le seul.

Les oublis ou la confusion de plats, ensuite, sont surtout le fait d’apprentis ou de jeunes encore inexpérimentés, ce qui reste compréhensible dans ce cas. D’autre part, en principe, les dames et les personnes âgées sont servies en premier, et ce n’est pas toujours le cas.
L’oubli de l’eau est assez fréquent, particulièrement dans les restaurants de cuisine réunionnaise. De l’eau qu’on est souvent obligé de réclamer.
L’attente trop longue des plats est un des points qui a tendance à s’améliorer, d’après notre expérience. Il y a trois ans, nous avions posé la question à un professeur du lycée de la Renaissance à ce sujet : « A partir de combien de minutes peut-on considérer que le service est long ? » et il avait répondu : « Il n’y a pas de temps donné, à partir du moment où le client à l’impression que c’est long, c’est long », si on parle bien sûr d’un client standard, pas spécialement pressé.
En revanche la cohérence dans l’envoi des plats pose encore quelques soucis, notamment quand il faut faire en sorte que une tablée de plusieurs personnes mange en même temps. L’enlèvement des assiettes peut parfois être également long, mais c’est plus rare.
Autre carence, assez générale celle-ci, et surtout dans les restaurants créoles : le manque de communication vis à vis du client, que ce soit en terme de conseil, d’information, ou simplement d’attention à ce que tout se passe bien. Trop souvent le personnel se borne à servir et débarrasser, et ne sait pas répondre à des questions simples comme par exemple : « De quel poisson s’agit-il ? » ou « Quel vin me conseillez vous avec ce plat ? ».
Autre carence encore, quasi générale : le raccompagnement. Dès que le client a payé, il s’en retourne chez lui avec tout juste un « merci », et guère davantage.

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Photo D.R.

Quelles sont les explications au manque de service de qualité ?

On aurait tendance à pointer du doigt les formations, en désignant les divers organismes où les jeunes apprennent le métier. Mais pour le peu que nous en sachions, ce sont des formations de qualité. La motivation des jeunes serait peut-être à regarder de près. Combien de jeunes suivent ces formations ? Combien parmi eux veulent en faire leur métier ? Considèrent-ils le travail en salle comme un vrai métier à part entière ou simplement comme un « premier boulot » ou un tremplin vers autre chose ? Combien de jeunes ont atterri dans ces formations « par défaut » ? Combien en sortent, pleinement conscients des contraintes du métier et prêts à les assumer ? Les contraintes d’un métier certes difficile, mais valorisant, pour le peu qu’on cesse de confondre service et servitude, réminiscence putride de l’esclavage, qui reste encore quelque part dans l’inconscient collectif de beaucoup de réunionnais.

Autant de questions auxquelles il faudrait répondre. Toujours est-il que nous rencontrons fréquemment des restaurateurs qui se plaignent du manque de motivation et d’ambition des jeunes, et qui arrivent difficilement à les garder à leur service.

Mais c’est justement le manque de formation qui serait également une explication. En effet, bien des restaurants sont des entreprises familiales qui font travailler les membres de la famille, et les amis, parce que le gérant a confiance en eux et qu’il souhaite faire profiter ses proches avant tout. Des gens qui se forment « sur le tas », ou qui font ce travail pour « gagner une petite monnaie », qui n’ont aucune approche commerciale ou relationnelle du métier. Dans le cas des entreprises familiales en particulier les critiques, même constructives, sont parfois très mal vécues, car celles-ci sont prises au premier degré comme des attaques personnelles, et c’est la fierté qui prend un coup, à tort, bien sûr.

Pour conclure, il est évident qu’on ne peut exiger partout un service de palace. Surtout dans les restaurants de campagnes, ou les petites structures. En revanche, il y a un minimum à satisfaire, partout. Et force est des constater qu’il y a encore beaucoup de travail.

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Pour en savoir plus : 
Les 17 commandements d’un bon serveur
Le blog des experts

Qu’en pensez-vous ?

Nous avons lancé un petit sondage au sujet du service dans les restaurants à La Réunion sur notre page facebook, via le site Survey. Il ne vaut certes pas la fiabilité et l’autorité d’un sondage d’Ipos mais donne tout de même des tendances. 100 avis ont été pris en compte. 84% des personnes ayant répondu vont régulièrement ou très souvent au restaurant, ce qui nous fait une bonne base. 70% fréquentent les restaurants de cuisine réunionnaise et les restaurants de cuisine métropolitaine.

A la question « Dans tous les restaurants où vous avez été depuis un an, diriez-vous qu’en général le service est de qualité… », « correcte » a été la réponse pour 48% des personnes, contre « moyenne et insuffisante » pour 34%, ce qui est quand même notable. 17% juge la qualité du service très satisfaisant et personne ne la trouve déplorable. Une tendance positive donc.
A la question « dans quel type de restaurant diriez-vous que le service est de meilleure qualité ? », une majorité répond que celle-ci n’a rien à voir avec le type de cuisine. Une réponse consensuelle et politiquement correcte, qui ne masque pas le fait que 10% des personnes disent « les restaurants de cuisine métropolitaine » contre 2% seulement pour « les restaurants de cuisine réunionnaise. »
45% des personnes ayant répondu sont davantage exigeantes sur la qualité du service dans les restaurants pratiquants des tarifs élevés. 43% exigent la qualité dans tous les types de restaurant. On en veut pour son argent, et bien davantage quand c’est cher. Le rapport qualité-prix est un critère décisif. En cas de problème dans le service, 42% des clients décident de ne plus remettre les pieds dans le restaurant fautif. 37% sont plus modérés et réservent leur décision en fonction de la réaction du personnel ou du patron quand il leur font la remarque. 15% veulent bien donner une seconde chance au restaurant, un peu plus tard.
Enfin, concernant les critères indispensables d’un service de qualité, plusieurs réponses étaient possibles. Ainsi 88% des clients estiment que le sourire et l’accueil sont importants, 63% préfèrent une attitude professionnelle et réservée de la part du personnel de salle, contre 11% seulement pour un comportement décontracté. 60% sont sensibles aux attentions de la part du personnel de salle vis-à-vis des clients, et 58% demandent également un service efficace et rapide.