Par un dimanche ensoleillé, nous voilà repartis chatouiller les contreforts du volcan sur la route des laves. Nous avons jeté notre dévolu sur la Case Volcan, restaurant pittoresque situé à la sortie de la coulée de 2007 en venant de Sainte-Rose. Notre curiosité à son endroit fut amplement aiguisée par des appréciations positives de plusieurs personnes.
Du dehors, l’aspect général n’est pas très flatteur à première vue, mais en définitive, cette terrasse en bois un peu roots, accolée à une boutique de souvenirs, ne manque pas d’un certain charme propre à enchanter les touristes. Une quarantaine de clients peuvent y tenir aisément, mais chaudement quand le soleil i pwak, sous la tôle. Et pas un brasseur d’air aux alentours. Fort heureusement, le léger souffle d’une brise de mer vient tempérer l’étuve. L’accueil est poli et pressé.
Nous choisissons une table où seuls les verres sont disposés, avec les couverts à l’intérieur. Et elles sont toutes comme ça. Pas de nappe, ne fût-ce qu’en papier, pas même des sets, rien. Le service se fera les assiettes sur le bois. Le côté authentique, c’est bien, mais on frise les limites, quand on pense qu’on recouvre même les tables de pique-nique… Juste avant de prendre la commande des boissons, on nous dépose sur la table des échantillons des plats à la carte (qui consiste en une feuille A4 dans un plastique écrasé, c’est négligé). Voilà une originalité intéressante. Ces bouchées de découverte nous annoncent déjà une dégustation enjouée. Une petite salade de palmiste nous est également proposée, fort avenante à tout le moins, assaisonnée avec précision. La saveur délicate du palmiste est bien mise en valeur. C’est rare.
Nous choisissons le rougail saucisses, le cari de poisson et le poulet au coco, laissant un boucané bringelles prometteur avec un légume abondant et goûteux, des crevettes au chouchou aux abords frais et ensoleillés et un papaye boucané au sel un peu bavard. Les boissons sont servies, dont un excellent jus de fruit frais au goyavier, puis les plats arrivent, dans de la vaisselle usagée. Et point d’eau. Le personnel est déjà en train de courir, et on oublie (encore!) de nous demander si on veut de l’eau plate, pétillante, en carafe… et nous sommes obligés de réclamer.
Attaquons.
Le rougail saucisses commence le repas favorablement. Nonobstant un sel un peu trop présent dont le riz modère heureusement les ardeurs, les saucisses dégagent un fumet léger avec une texture un peu grasse mais pas désagréable. Peu de sauce, mais elle est bien rouge-cramoisie. Le plat est très correct.
Le poulet au coco fait mieux. Sa sauce épaisse, lactée et parfumée, envoie sa douceur caractéristique à une viande qui a un peu de tenue, même si elle n’a visiblement pas été élevée au grand air. Cela se ressent quand même à la texture, avec un mordant décevant. Peu importe, le coco sublime tout ça, et la sauce nous arrange un risotto agréablement.
Le cari de poisson nous laisse perplexe avant d’y goûter. Nous avons vainement demandé de quelle espèce était le poisson, le personnel pressé n’a retourné aucune réponse. Et nous en voyons débarquer la tête ! Ce pourrait-il que le chef soit doué à ce point de divination pour qu’il soit au courant de notre prédilection pour ce morceau de choix ? Car il nous paraît quelque peu risqué, voire cavalier, de donner la tête de poisson à n’importe qui, comme ça ! Un client lambda, peu habitué, aurait trouvé que cela manque de chair et qu’il y a trop d’arêtes. Et la chair ! Quelle merveille. Fraîche elle est, comme pêchée du matin, tant les réminiscences ondoyantes et un peu sauvages des effluves d’iode, de corail et d’océan remué à la houle l’imprègnent profondément. Ajoutez à cela la fragrance acidulée du rougail citron-oignon au gingembre- mangue magnifique, et vous avez un plat qui, à lui seul, vaudrait largement une fourchette d’or.
La suite est maigre. Quelques simples glaces, plus proches du sorbet que de la glace, artisanale tout de même, à la sapotille et cerise pays. Intéressante mais posée sans dressage dans l’assiette comme des restes destinés aux indigents. Addition : une soixantaine d’euros pour trois adultes et un enfant. Au regard de la qualité de la cuisine, c’est très honnête. Pendant que ça court dans tous les sens, nous croupissons pendant près d’une demi-heure autour des restes.
Voulant tester le professionnalisme du personnel, nous jouons au client mauvais coucheur en réclamant vertement un nettoyage. Le résultat est édifiant : la jeune dame nous répond, sur un ton énervé. Sa collègue, parvient à garder (difficilement) son calme quand elle vient débarrasser.
On ne demande pas un service de palace dans un restaurant de campagne, mais il y a un minimum, et des erreurs à ne pas commettre. Le client paie, quand même. Il n’a pas à subir les conséquences du manque patent de gestion correcte d’une salle. Lui proposer de l’eau, lui suggérer un plat pendant un peu plus que deux secondes et trente-dixièmes, faire attention à la vaisselle qu’on pose sur sa table (que celle-ci sans être luxueuse soit au moins propre et en un seul morceau) ne pas le laisser mariner devant ses restes, ne pas mal lui répondre s’il est énervé et éventuellement faire un petit geste commercial pour lui faire oublier un désagrément, le raccompagner, bref, la base de toute bonne formation en hôtellerie-restauration est encore loin d’être assimilée dans certains restaurants. S’il fallait noter sur ces faits, la Case Volcan aurait hérité d’une fourchette en fer blanc. Fort heureusement, le chef rattrape tout avec une cuisine authentique, généreuse, goûteuse, et qui s’autorise quelques originalités. Un vrai bonheur dans l’assiette, fut-elle abîmée. Pour ce bon moment de gastronomie réunionnaise, nous décernons à la Case Volcan une belle fourchette en argent. Pour l’or, il faudra améliorer le service, et les couverts !
Pour résumer :
Service: perfectible • Qualité des plats: très bons • Rapport qualité-prix: correct.
Impression globale : Très bonne table