Le Gadiamb

P1000501Le Gadiamb, Saint-Denis, à deux pas du Petit Marché a été testé en 2011, aux aurores de notre rubrique. La note fut honorable : une fourchette en argent. A cette époque elle récompensait la très bonne cuisine. Aujourd’hui cela correspond à la « recommandation de l’équipe », représentée par le logo en forme de tampon qui accompagne la fourchette en argent.

Au moment où nous y remettons les pieds, nous espérons pouvoir attribuer au Gadiamb le dit tampon, à minima. L’établissement jouit toujours de sa terrasse protégée et verdoyante, ainsi que de ses nombreux objets « lontan » qui lui donnent le cachet d’un petit musée ou de l’antre d’un brocanteur. Le patron est au service, avec une demoiselle à jupe rouge, façon danseuse de séga. Jugez un peu le souci du détail. Toujours la gouaille, l’aubergiste. Il est entier, on aime ou on n’aime pas. Pour notre part nous apprécions sa franchise, qualité que nous nous targuons de cultiver en toute saison. L’accueil fleuri de la jupe fait plaisir, et la demoiselle arbore le sourire professionnel.

Le service est rapide et efficace. Les attentions sont présentes. Les plats, un rôti de porc du jour, un cabri massalé et un rougail zandouilles, suivent le riz et les grains présentés dans les antiques plats en tôle blanche, à fleurs itou, que les Réunionnais de plus de quarante ans ont bien connu, surtout dans les Hauts, avec le far far, le maïs grillé et les commodités au fond de la cour.

Et nous lançons l’ordalie culinaire entre les trois plats. Qui sera vainqueur ? Bien difficile à dire à la première bouchée, car ils balancent tous dangereusement sur le fil tendu au-dessus d’un champ de fourchettes en inox dressées.

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P1000510Le rôti de porc s’accroche et finit par tomber. Viande pâle et sèche, absence de l’heureux gras et de la belle peau qui la caractérisent, plus une sauce très liquide au fond. Les saveurs sont vaporeuses et évaporées. Nous avons beau tourner cent fois la langue dans la bouche et rien. Pas moyen de trouver un quelconque intérêt à cette affaire.
Le cabri massalé s’en sort un peu mieux comme funambule. La force parfumée de la superbe sauce et son caloupilé enrobent la viande tendrement. Mais cette dernière, ingrate qu’elle est, le lui rend mal. C’est un peu dur par endroit, ça manque de fondant, mais heureusement quelques morceaux restent encore assez souples sous la dent. Manque de cuisson ?
L’andouille est sur le fil, bousculée par son propre sel insuffisamment domestiqué. La charcuterie est sauvée par son caractère. Les saveurs sont puissantes et les proportions de gras et de maigre sont équilibrées. C’est de l’andouille de village, qui régale les familles en pique nique le dimanche. Si le rôti avait pu en prendre de la graine…
P1000517Les accompagnements suivent le mouvement, pendus au fil. Le riz présente quelques grains pas asssez cuits, mais demeure correct. Les grains sont safranés à la tractopelle, avec (encore) un sel envahissant. Les rougails traversent sans souci le gouffre à fourchettes en inox où le rôti s’est misérablement empalé. Une bonne fricassée de chou apporte un peu de verdure à tout ça.

Résultat : 73 euros et de la poudre de massalé pour trois boissons, trois plats, un dessert et deux cafés. Soit un peu plus de 24 euros par tête. Le rapport qualité-prix suit le rôti.

Notre exigence et notre sévérité n’ont d’égale que le respect que nous devons au patron du Gadiamb. A l’énoncé des quelques couacs ci-dessus mentionnés, l’homme souligne ses difficultés à disposer de produits de qualité de manière régulière. « C’est très dur de trouver de la bonne viande » dit-il en exemple. « Je ne veux pas tomber dans la facilité et aller me fournir dans les supermarchés, je cherche des produits de qualité. Mais je ne suis pas une table d’hôte à la campagne, avec la proximité des agriculteurs pour trouver tout ce qu’il me faut. » Il est vrai que depuis des années, Le Gadiamb s’attache toujours à proposer une carte créole traditionnelle, enrichie de plats réinventés comme le cari la patte à sa façon, ou de mets ancestraux introuvables ailleurs comme le « cari d’zœuf ». C’est toute la réunionité qui lui en sait gré.
Ces quelques soucis au niveau des plats ont malheureusement gâché un repas qui n’était pas loin d’être correct dans l’ensemble. Il n’y a pas qu’une question de qualité de produit, il y a aussi du relâchement en cuisine, subodorons nous. La fourchette en argent ne parvient pas à s’imposer. Il est temps de se reprendre.

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Pour résumer : Accueil: bien • Cadre : très bien • Présentation des plats: bien
Service: bien • Qualité des plats: moyen / bons • Rapport qualité-prix: mauvais.
Impression globale : table moyenne
Fourchette en inox

La présente critique a été réalisée le 16 juin 2016, à partir de midi, et ne prétend pas être une vérité absolue et définitive. Notre point de vue est subjectif, par nature, mais parfaitement honnête. Nous certifions n’avoir aucun rapport de près ou de loin avec les propriétaires de ce restaurant et aucun intérêt à attribuer à ce dernier une bonne ou une mauvaise note. Dans tous les cas, le restaurant dispose d’un droit de réponse.

Aux petits Chandeliers, Paris : entre tradition et adaptation

« Aux Petits Chandeliers » est l’un des plus vieux, sinon le plus vieux restaurant réunionnais de Paris. Ouvert en 1962 par un certain Monsieur Lakermance, l’établissement se situe dans le 14e arrondissement, rue Daguerre, bien après la partie piétonne très fréquentée.

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La déco, très « exotique », pour des zoreils
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La carte : 18 entrées (dont des originalités) et 12 plats, avec six accompagnements…payants !


Pour cette petite visite hors des sentiers battus, si l’on peut dire, nous avons choisi de goûter à deux de nos plats emblématiques : le rougail morue et le cabri massalé. Le tout est accompagné comme il se doit de riz, de grains et d’un rougail tomate, avec des brèdes chou-de-Chine en sus.
Nous entamons le repas avec un achard de légumes. Celui-ci est bien orange : pas à cause du curcuma mais plutôt des carottes surnuméraires. Cela déséquilibre un peu les saveurs, où le côté piquant est aux abonnés absents. D’autre part la découpe des légumes est anarchique. Et que font des feuilles de brèdes là-dedans ?

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Le rougail morue s’est avéré moyen. Les morceaux n’étaient pas assez émiettés, la chair semblait avoir tâté de l’eau chaude et le tout n’était pas aussi sec qu’on aurait pu le souhaiter à cause d’une sauce trop abondante. Les saveurs, bien qu’en retrait par rapport à ce qu’on peut déguster chez nous, étaient néanmoins au rendez-vous.

Le cabri massalé fait un peu mieux, même si la viande est beaucoup trop cuite. La sauce est très parfumée, et n’a guère à rougir à côté des bons massalés barquette. C’est globalement correct.

IMAG1548Bon point pour les grains rouges bien en crème, et goûteux, ainsi que pour le riz ni trop sec, ni trop cuit. Le rougail tomate est arrangé pour préserver la sensibilité de la clientèle métropolitaine. Pour un réunionnais, c’est fade. Les brèdes Chou-de-Chine ont gardé un peu de croquant et sont satisfaisantes.

Riad Nassurally, gérant depuis six ans, nous assure être régulièrement approvisionné de produits de chez nous, en plus de ce qu’il peut trouver sur place. En revanche il avoue avoir du mal à imposer certains plats réunionnais tels quels. « Quand c’est trop épicé ou trop pimenté, souvent ça ne plaît pas. » Frappé de plein fouet par la crise, il a dû s’adapter et faire des concessions aux palais délicats de nos compatriotes hexagonaux. Dommage pour la tradition réunionnaise.

Commentaire : A la base, quand on fait la démarche d’entrer dans un restaurant proposant une gastronomie différente de la sienne, c’est justement pour la découvrir telle qu’elle est vraiment, et non pas une sorte d’erzats adaptée à ses propres goûts. Sinon quel intérêt ? Tenter satisfaire le plus de client possible en sacrifiant la tradition ne nous paraît pas être une bonne stratégie.

S’il faut sans doute éduquer les palais en y allant piano sur le piment par exemple, il faut offrir des plats authentiques, même en petite quantité si nécessaire. Voilà pourquoi, aussi, le fait de vouloir proposer une carte exhaustive n’est peut-être pas la meilleure solution. Mieux vaudrait un menu de cinq caris et rougails qui changerait chaque semaine, avec un assortiment plus riche en accompagnements, compris dans le prix. De plus la présentation des plats mérite un travail. Pourquoi pas des assiettes dressées ?

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Riad Nassurally

 

Riad Nassurally est bien conscient de ce qui reste à faire mais pointe un manque de main d’œuvre criant. « J’ai reçu des apprentis venant de la Réunion. La première chose qu’ils ont demandé c’est combien ils étaient payés. Quand je leur ai répondu « le smic », ils sont repartis ! ». A Paris, comme à la Réunion, il y a vraiment un gros problème chez nos jeunes qui entrent dans ces métiers.

« Une adorable escale exotique, qui ensoleille les faubourgs de Denfert-Rochereau avec sa belle cuisine métissée, épicée avec mesure. On adore son cadre charmeur style colonial, avec ses murs en bois blanc laqué, sa jolie tapisserie végétale accrochée sur un côté de la salle, et son petit bar aux murs tapissés de bouteilles multicolores de punchs divers et de « Rhums arrangés ». Un cadre idéal pour apprécier d’exquis mets réunionnais, qui conjuguent les épices de l’Inde, de l’Afrique et de l’Asie » peut-on lire sur bestrestaurantsparis.com.
Pour ce qui concerne le cadre, un rafraîchissement est quand même nécessaire pour attirer le chaland.
Pour ce qui concerne le goût, le restaurant « Aux Petits Chandeliers », sait faire découvrir les saveurs de notre île, parfois adaptées aux exigences métropolitaines, mais jamais sans se trahir, et cela nous l’avons apprécié. Nous avons vu bien pire sous nos propres latitudes ! Souhaitons à Riad une bonne continuation, malgré les difficultés et les défis qui se posent à lui.