Chez Tonton

p1010089Le joli quartier de La Montagne ne nous a jamais été favorable : une fourchette en plastique, au tout début de la rubrique, et une fourchette en inox quelques années plus tard. Inutile de citer ces restaurants de nouveau ici, accordons leur le bénéfice du doute à défaut de celui de la remise en question, exercice difficile pour ces deux propriétaires qui sont descendus jusqu’au journal pour nous demander des comptes, l’un avec des gros bras, l’autre avec des insultes plein la bouche.

Aujourd’hui nous nous arrêtons chez Tonton, au bord de la départementale, à quelques centaines de mètres après le centre du village. L’endroit nous est connu de longue date, et nous avons gardé le souvenir de barquettes de rougails zandouillettes magnifiques, charcuteries cartilagineuses, musquées, et baignant dans une sauce rouge cramoisi.

Nous débarquons sans tambours ni trompettes, comme d’habitude. Il est 11h30 et la queue au comptoir des plats à emporter commence. A midi nous nous installons dans la petite salle d’une dizaine de couvert à l’arrière. C’est propre dans l’ensemble, et assez familial. Deux bouteilles de goyavlet et de punch garnissent une étagère qui mériterait quand même un bon coup de chiffon. L’accueil est souriant et sympathique. Les plats, choisis devant, nous sont servis en quelques minutes. Nous avons choisi le sauté de porc aux haricots verts et le porc massalé, plus un poulet sauce d’huître à emporter. Le tout est accompagné de lentilles avec un piment vert « crasé » et d’un rougail tomate. Le bol de riz est bien rempli.

C’est parti !

p1010070Le sauté de porc est bon. Il transpire de sa bonne odeur de sauce chinoisante et ses émincés glissent sous le palais avec souplesse. La dose de sel est correcte, mais nous regrettons quand même les haricots verts peu nombreux et pas assez croquants qui auraient pu apporter un équilibre au plat, surtout sur la texture. Son frère au massalé joue dans la même cour : correct mais perfectible. En effet le massalé est un peu timide. Il conviendra tout à fait aux palais délicats, mais certes pas à un descendant de malbar habitué aux assauts bruts et toniques de nos indianités dravidiennes ! Heureusement que le caloupilé apporte au massalé un peu de soutien car la viande du cochon ne s’en dédit point : elle est un peu forte, au nez surtout, mais reste assez moelleuse malgré les apparences. Le poulet sauce d’huître donne avec bonheur dans le sucré-salé du goût unique de cette sauce épaisse et collante avec cet arrière nez d’oignon fondu. La chair, étonnamment ferme pour un poulet de batterie, a gardé sa saveur. Quelques cubes de courgettes y font plus de figuration qu’autre chose, mais ont le mérite d’exister.

Les lentilles grises pour leur part affichent une belle saveur un peu gâchée par un sel trop présent. Même constat pour le piment vert, fort , mais sans aucun goût. Comme les piments vendus en vrac sur les marchés forains et en barquette au supermarché. Le rougail tomate s’en sort un peu mieux. Rien à dire sur le riz, de bonne qualité, et correctement cuit. Cela a l’air de tomber sous le sens, mais hélas nous tombons fréquemment sur des restaurants et snacks qui servent du riz encore dur.

Deux cafés plus tard, nous réglons une addition de 19 euros pour deux repas et une boisson, soit moins de dix euros par personne. Le rapport qualité-prix est correct.

Si l’on doit comparer avec des restaurants de même catégorie, nous avons déjà mieux mangé ailleurs, et de loin. La cuisine chez Tonton est tout de même assez satisfaisante dans l’ensemble mais il lui manque un je-ne-sais quoi qui lui donnerait un peu plus de « couleur » gustative. Peut-être est-ce là une certaine inclinaison à la facilité due à la routine, à un jour sans, à des produits moyens, allez savoir. Dommage que les andouillettes n’étaient pas présentes, question couleur : elles envoyaient ! Nous avons tout de même fini nos plats, donc nous recommandons l’adresse. Les barquettes transportées au parc du Colorado, pas très loin de là, y dégageront des effluves qui, mêlées à l’air frais, vous ouvriront l’appétit. Autant de raison qui font mériter au restaurant « Chez Tonton » une juste fourchette en argent.

FourchettesPour résumer : Accueil : bien • Cadre : bien • Présentation des plats: bien • Service: très bien • Qualité des plats : bons • Rapport qualité-prix: très correct.
Impression globale : bonne table
Fourchette en argent 

La présente critique a été réalisée le 21 septembre 2016, à partir de midi, et ne prétend pas être une vérité absolue et définitive. Notre point de vue est subjectif, par nature, mais parfaitement honnête. Nous certifions n’avoir aucun rapport de près ou de loin avec les propriétaires de ce restaurant et aucun intérêt à attribuer à ce dernier une bonne ou une mauvaise note. Dans tous les cas, le restaurant dispose d’un droit de réponse.

Le Cap Horn

p1110972S’appeler Barbe et avoir le poil ras sur le caillou relève peut-être d’une sorte d’autodérision qui irait bien au personnage. Étienne Barbe, chef de talent, commence l’aventure du Cap Horn un soir de Saint-Valentin, comme une énième déclaration d’amour à sa maîtresse de toujours : la cuisine.

Les gens du quartier vous le diront : la bâtisse des années soixante de la rue Charles-Gounod a vu défiler pas mal d’enseignes avant ce 14 février 2014 qui a vu le Cap Horn larguer les amarres. La dernière en date n’avait tenu que quelques mois. C’est un peu par accident qu’Étienne retient l’endroit.
Son projet original était d’ouvrir un restaurant créole, dans la zone industrielle du Chaudron. « Tout était ficelé, l’argent était sur le compte, quand la commission de sécurité a mis son veto » nous raconte-t-il. Jusqu’à ce qu’il tombe sur l’annonce de « La Gourmandine », sitôt ouverte et sitôt fermée. « Vu la configuration des lieux, je me voyais mal faire un restaurant à buffet créole ici. Je décide donc de changer mon fusil d’épaule et d’ouvrir un restaurant spécialisé dans le poisson. J’ai toujours adoré travailler le poisson et les crustacés. J’ai beaucoup appris au Charlot, place de Clichy. » D’où le nom « Cap Horn », trouvé par hasard en surfant sur Internet. La fermeture du DCP de Saint-Denis avait certes laissé un boulevard pour un établissement de ce type. Étienne s’y rue joyeusement, avec quand même la frustration de ne pouvoir proposer des crustacés vivants, attrapés dans le vivier devant le client, par manque de place.

p1110994« Je voudrais faire davantage de poisson cru également, mais les contraintes sont draconiennes, et ma cuisine trop petite » regrette-t-il, avant d’avouer que si d’aventure une opportunité d’un local plus grand et accessible se présentait, il n’hésiterait pas à déménager. En attendant, le Cap Horn a su se construire une solide réputation, qui dépasse les limites du chef-lieu. Dans les assiettes : crustacés bien sûr, des noix de Saint-Jacques et des pélagiques (thon, espadon, marlin, dorade) « La langouste grillée à la plancha et le thon mi-cuit sont appréciés des clients » souligne Étienne. Il hausse le thon notamment avec du sésame parfumé au wasabi, à la prune ou au curry, préférant utiliser le traditionnel combava dans ses desserts. Sans oublier la cassolette de la mer en croûte. Une carte réalisée avec des produits frais, qui change tous les six mois en fonction de leur disponibilité chez Réunion Pélagique ou à Rungis.

Ne vous attendez pas à trouver un restaurant au décor surchargé évoquant grossièrement la mer et son univers, avec des filets de pêche et des aquarelles montrant des barques et des phares. La mer est dans l’assiette. « Un bon chef est celui qui ne trompe pas le client, tant sur le prix et la qualité que sur la quantité » justifie Étienne. On ajoutera qu’un bon chef est celui qui met de l’amour dans sa marmite, et celle d’Étienne n’en manque pas.

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L’équipage du Cap Horn autour de son capitaine

LE CV DU CHEF

Étienne Barbe, 50 ans tout frais, est tombé dans la marmite quand il était marmaille, en regardant sa mère cuisiner. Il commence ses études en hôtellerie et restauration à l’INFA. Six mois lui apportent les bases du métier qu’il mettra en pratique à Paris au poste de commis de cuisine dans des restaurants et brasseries comme Chez Charlot, roi des coquillages, spécialisé en fruits de mer, où l’idée du Cap Horn a dû sans doute germer. Il gravit les échelons petit à petit, puis atterrit chez Androuet, gare d’Austerlitz, maître fromager réputé.
Après 10 ans dans la capitale, notre Saint-Andréen rentre au pays. Il est embauché par Marcel Sabine au Roland Garros, où il reste 14 ans comme second de cuisine. En 2004, Étienne met enfin sa toque de chef au Bistrot de la porte des Lilas, avant d’en prendre la gérance en tant qu’associé pendant deux ans. Il achète aussi l’Auberge à Mare à vieille place en pleine crise du chik, et participe à l’ouverture du Restaurant de La Réunion à Paris. Puis ce sera le Phœnix au ciné Cambaie en 2011 comme directeur, puis le Luxor à la Possession où il obtiendra notre fourchette en argent pour son « rougail trois cousins » (morue, sounouk, hareng) une recette de Patrick Ramassamy. Ses maîtres en cuisine ? « Je n’ai pas de mentor people, c’est pas mon truc. Je me souviens plutôt de Monsieur Juin, une étoile Michelin chez Androuet, à Paris, qui faisait une excellente cuisine à base de fromages. Et aussi de Joseph Maillot, un Portois que j’ai rencontré à l’hôtel de Boucan Canot où il exerçait depuis 20 ans. Il était analphabète, mais c’était un génie, avec un savoir-faire incroyable. J’étais sidéré par ses connaissances. On a beaucoup appris l’un de l’autre. » Aux paillettes et aux projecteurs, le pudique chef Étienne, qui a grimpé les échelons du métier un à un, préfère la chaleur de sa cuisine, le travail et la satisfaction de ses clients. Bon vent capitaine !

Le Petit Gourmet

p1000945Aujourd’hui, nous remontons une fois de plus les sinuosités saint-pauloises pour nous rendre aux portes du Maïdo.

Un site où nous avons déjà testé trois restaurants ces dernières années, avec plus ou moins de bonheur, et plutôt moins que plus dailleurs puisque deux des établissements visités s’en sont sortis avec des fourchettes en inox.

C’est conséquemment plein d’espoir et carnet de chèque en poche que nous décidons de mettre les pieds sous la table du Petit Gourmet (qui n’accepte pas les cartes bancaires). Impossible de le manquer, en bord de route, avant la luge, sa tour Eiffel miniature posée sur le socle d’un alambic. Le restaurant d’une quarantaine de couverts est confortable et accueillant, avec sa cheminée où quelques braises appaisent les fraîcheurs hivernales, et ses petits bouquets sur les tables. C’est simple, mais coquet. A la carte : steack hâché au poulet (précisé pour les enfants), rougail saucisses, persillade de camarons aux baies roses flambée au pastis, cari poulet, civet zourite et civet de pied de porc. Gâteaux péi et crèpes sont disponibles au dessert.

Nous commandons le rougail saucisses, le civet de pied de porc et les camarons aux baies roses, le tout accompagnés de riz, grains et rougail tomate.

p1000993Le rougail saucisses, fumées, ressemble comme un jumeau à celui que nous avons dégustés tantôt au Moulin à eau. Belle sauce rouge coagulée, à la tomate en tôle, saucisse moulue, poivre causant, sel raisonnable. Du rougail saucisses standard certifié Réunion. Sans surprise bonne ou mauvaise.

p1000995La patte cochon s’en sort bien mieux, même si, sous la dent, la viande ne propose pas la souplesse fondante à laquelle nous nous attendions. En revanche, la belle peau au reflet cuivré cède sans difficulté. Le tout offre une saveur de vin cuit toute en subtilité, qui laisse s’exprimer les épices dans un fond de sauce au fumet intéressant. Ce n’est certes pas le meilleur civet la patte que nous avons mangé, mais il se situe dans une moyenne très honorable.

p1000994Les camarons baignent avec bonheur dans leur sauce à la crème, dont le riz profite largement, avec des baies roses heureuses qui apportent à l’ensemble leur parfum poivré et floral unique. Quelle belle idée ! Heureusement pour les crustacés qui pêchent par un léger défaut de goût. Un passage au fond de marmite trop rapide sans doute, qui manque de sucs, et qui aurait mérité un déglaçage flambé avec Johnny qui marche, ou Jack, selon les affinités, plutôt qu’avec le Pastis, dont l’inimitable saveur est ici trop timide en face des puissantes baies. Peut-être aurait-il fallu en mettre moins. Le persil y joue honorablement sa partition, en diffusant sa fraîcheur picotante. Pour accompagner tout cela, des grains rouges hélas trop salés et un rougail tomates haché et non pilé, calibré pour les touristes, sur l’échelle de Scoville, et assez bon.

p1000998Nous terminons avec deux parts de gâteau maison : ti-son et patate, joliment apprêtés de chocolat fondu et de chantilly. Le Ti-son est comme Vahiné : gonflé, nous irions jusqu’à dire aérien. La pâte est souple et un parfum légèrement caramel-café s’y déploie magnifiquement. Le gâteau patate est un peu plus dense, mais sans aller jusqu’au degré que le créole appelle « comblage ». Très bon aussi. Addition : 75 euros pour quatre personnes, boissons comprises, soit un peu plus de 18 euros par personnes. Le rapport qualité-prix est acceptable.

En dix ans, le Petit Gourmet a bien évolué. Il ne ressemble plus à la cabane pour randonneurs des origines et a gagné en confort. Dans l’assiette, ça s’est amélioré aussi, y compris le dressage. Une petite marmite pour les grains, une fleur de capucine, quelques éclats de tomates… on sent l’effort pour présenter aux clients une assiette la plus appétissante possible. D’autres restaurants devraient prendre exemple. Il y a largement matière à aller plus loin, ce ne sont pas les produits qui manquent à commencer par les graines de capucines, qui, confites, rappellent la saveur des câpres, et peuvent aussi servir de décoration. Une cuisine locale très bonne, un plat qui sort un peu des sentiers battus (et qui, espérons le, n’est pas le seul), un accueil souriant, un service efficace, un dressage soigné : autant de raisons valables pour décerner au Petit Gourmet une belle fourchette en argent avec recommandation de l’équipe.

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FourchettesPour résumer : Accueil : bien • Cadre : bien • Présentation des plats: bien • Service: très bien • Qualité des plats : bons • Rapport qualité-prix: très correct.
Impression globale : bonne table
Fourchette en argent 

La présente critique a été réalisée le 21 août 2016, à partir de midi, et ne prétend pas être une vérité absolue et définitive. Notre point de vue est subjectif, par nature, mais parfaitement honnête. Nous certifions n’avoir aucun rapport de près ou de loin avec les propriétaires de ce restaurant et aucun intérêt à attribuer à ce dernier une bonne ou une mauvaise note. Dans tous les cas, le restaurant dispose d’un droit de réponse.