Le Cap Horn

p1110972S’appeler Barbe et avoir le poil ras sur le caillou relève peut-être d’une sorte d’autodérision qui irait bien au personnage. Étienne Barbe, chef de talent, commence l’aventure du Cap Horn un soir de Saint-Valentin, comme une énième déclaration d’amour à sa maîtresse de toujours : la cuisine.

Les gens du quartier vous le diront : la bâtisse des années soixante de la rue Charles-Gounod a vu défiler pas mal d’enseignes avant ce 14 février 2014 qui a vu le Cap Horn larguer les amarres. La dernière en date n’avait tenu que quelques mois. C’est un peu par accident qu’Étienne retient l’endroit.
Son projet original était d’ouvrir un restaurant créole, dans la zone industrielle du Chaudron. « Tout était ficelé, l’argent était sur le compte, quand la commission de sécurité a mis son veto » nous raconte-t-il. Jusqu’à ce qu’il tombe sur l’annonce de « La Gourmandine », sitôt ouverte et sitôt fermée. « Vu la configuration des lieux, je me voyais mal faire un restaurant à buffet créole ici. Je décide donc de changer mon fusil d’épaule et d’ouvrir un restaurant spécialisé dans le poisson. J’ai toujours adoré travailler le poisson et les crustacés. J’ai beaucoup appris au Charlot, place de Clichy. » D’où le nom « Cap Horn », trouvé par hasard en surfant sur Internet. La fermeture du DCP de Saint-Denis avait certes laissé un boulevard pour un établissement de ce type. Étienne s’y rue joyeusement, avec quand même la frustration de ne pouvoir proposer des crustacés vivants, attrapés dans le vivier devant le client, par manque de place.

p1110994« Je voudrais faire davantage de poisson cru également, mais les contraintes sont draconiennes, et ma cuisine trop petite » regrette-t-il, avant d’avouer que si d’aventure une opportunité d’un local plus grand et accessible se présentait, il n’hésiterait pas à déménager. En attendant, le Cap Horn a su se construire une solide réputation, qui dépasse les limites du chef-lieu. Dans les assiettes : crustacés bien sûr, des noix de Saint-Jacques et des pélagiques (thon, espadon, marlin, dorade) « La langouste grillée à la plancha et le thon mi-cuit sont appréciés des clients » souligne Étienne. Il hausse le thon notamment avec du sésame parfumé au wasabi, à la prune ou au curry, préférant utiliser le traditionnel combava dans ses desserts. Sans oublier la cassolette de la mer en croûte. Une carte réalisée avec des produits frais, qui change tous les six mois en fonction de leur disponibilité chez Réunion Pélagique ou à Rungis.

Ne vous attendez pas à trouver un restaurant au décor surchargé évoquant grossièrement la mer et son univers, avec des filets de pêche et des aquarelles montrant des barques et des phares. La mer est dans l’assiette. « Un bon chef est celui qui ne trompe pas le client, tant sur le prix et la qualité que sur la quantité » justifie Étienne. On ajoutera qu’un bon chef est celui qui met de l’amour dans sa marmite, et celle d’Étienne n’en manque pas.

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L’équipage du Cap Horn autour de son capitaine

LE CV DU CHEF

Étienne Barbe, 50 ans tout frais, est tombé dans la marmite quand il était marmaille, en regardant sa mère cuisiner. Il commence ses études en hôtellerie et restauration à l’INFA. Six mois lui apportent les bases du métier qu’il mettra en pratique à Paris au poste de commis de cuisine dans des restaurants et brasseries comme Chez Charlot, roi des coquillages, spécialisé en fruits de mer, où l’idée du Cap Horn a dû sans doute germer. Il gravit les échelons petit à petit, puis atterrit chez Androuet, gare d’Austerlitz, maître fromager réputé.
Après 10 ans dans la capitale, notre Saint-Andréen rentre au pays. Il est embauché par Marcel Sabine au Roland Garros, où il reste 14 ans comme second de cuisine. En 2004, Étienne met enfin sa toque de chef au Bistrot de la porte des Lilas, avant d’en prendre la gérance en tant qu’associé pendant deux ans. Il achète aussi l’Auberge à Mare à vieille place en pleine crise du chik, et participe à l’ouverture du Restaurant de La Réunion à Paris. Puis ce sera le Phœnix au ciné Cambaie en 2011 comme directeur, puis le Luxor à la Possession où il obtiendra notre fourchette en argent pour son « rougail trois cousins » (morue, sounouk, hareng) une recette de Patrick Ramassamy. Ses maîtres en cuisine ? « Je n’ai pas de mentor people, c’est pas mon truc. Je me souviens plutôt de Monsieur Juin, une étoile Michelin chez Androuet, à Paris, qui faisait une excellente cuisine à base de fromages. Et aussi de Joseph Maillot, un Portois que j’ai rencontré à l’hôtel de Boucan Canot où il exerçait depuis 20 ans. Il était analphabète, mais c’était un génie, avec un savoir-faire incroyable. J’étais sidéré par ses connaissances. On a beaucoup appris l’un de l’autre. » Aux paillettes et aux projecteurs, le pudique chef Étienne, qui a grimpé les échelons du métier un à un, préfère la chaleur de sa cuisine, le travail et la satisfaction de ses clients. Bon vent capitaine !

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