Le Bertel

imag2059C’est un pur hasard qui nous conduit aujourd’hui jusqu’à la rue d’Après, et la table du Bertel, restaurant-snack-pizzeria installé en face de la station service qui fait l’angle avec la rue Bois de Nêfles, depuis quelques années, à l’initiative du sieur Lebeau.

Les plats à emporter sont proprement alignés dans leur longue vitrine, et la queue se forme déjà à 11h30, qui pour déjeuner sur place, qui pour emporter les barquettes ou les sandwichs. Ceux qui décident de rester profitent des quelques tables installées devant et sur le côté. Nous commandons nos plats et on nous les apporte en terrasse.

imag2061Nous choisissons le rougail morue (c’est vendredi), assorti de quelques cuillérées d’une version à la mangue, et un poulet au coco. Puis nous demandons un rougail saucisses à emporter. Le service est rapide et aimable, tout comme le fut l’accueil, l’assiette n’est pas une œuvre d’art mais nous saluons l’effort consenti à la présentation, avec la petite salade colorée qui offre le croquant frais très agréable avec un cari.

Le rougail morue nous avait déjà tapé dans l’oeil avec ses atours rouge-orange, coagulé par touches, et son aspect sec et luisant tout à la fois. Le riz nous est témoin : point de gras superfétatoire, nulle trace d’huile suintante. Ce rougail morue sait se tenir, et la dégustation vient le confirmer. En bouche il nous montre un moelleux de bonne facture, avec quand même la sensation de la chair sous la dent qui ne veut pas qu’on oublie qu’elle fut salaison et sèche. De la morue dans le gant de velours d’une sauce tomate en juste quantité pour emballer les morceaux comme un paquet cadeau. Des morceaux que nous avons trouvé grossièrement émiettés, de prime abord, mais qui à la longue ne s’est pas révélé gênant. Les saveurs sont authentiques : l’équilibre entre l’acide délicat et fruité de la tomate mûre et le caractère fumé de la morue est parfait, assisté des réminiscences roussies d’oignons discrets et d’un sel tenu en laisse.

Ceci nous porte à nous interroger sur la version à la mangue. Bien sûr, les morceaux de mangue là-dedans ne sont pas mauvais en soi. Ils donnent une petite douceur de début de maturité qui n’est pas inintéressante, mais qui, au final, n’apporte pas grand chose. Il aurait mieux valu, peut-être, imaginer mélanger au rougail morue un rougail mangue bien pimenté, juste quelques minutes avant de servir, le temps que le piment vert au contact de la chaleur commence à chanter, entraînant la mangue verte. Car c’est précisément l’effet obtenu en assiette, puisqu’un rougail mangue est servi en accompagnement.

imag2065L’effet rougail mangue est tout aussi fort, voire davantage, sur le poulet au coco. Les morceaux de viande, coupés version shop-suey, sont enduits de la belle sauce jaunie par un curry magnifique. A l’instar de la plupart des épices, le curry demande un dosage millimétrique que seule l’expérience permet de maîtriser. Trop peu : on ne le sent pas ; trop : il devient « ragoulant ». Ici, il porte la douceur du coco comme il faut, même s’il a tendance parfois à mal maîtriser sa propre force. Et c’est là que l’acidité pimentée de la mangue joue son rôle à plein : elle rééquilibre tout et y mettant sa petite claque. En bouche c’est un bonheur. La viande glisse toute seule, et le curry s’attarde un peu au nez, le temps que la fourchette ramène la bouchée suivante.

Le rougail saucisse ressemble comme un frère à celui que nous avons dégusté la semaine dernière au P’ti Koin Kréole, à la différence que la sauce est plus homogène et moins salée. Les saucisses, bien que de qualité inférieure à celles de chez Marianne, moulues et non battues, mais pas moulue trop finement tout de même, en tirent un plus large bénéfice, pour un résultat comparable. Nous retrouvons le bon goût du rougail saucisse réunionnais qui a fanafouté tout ce que l’Hexagone peut nous envoyer comme zoreils, surindexés ou pas, en cravate ou en savates. Rien de particulier à dire sur le riz, de meilleure qualité qu’à bien d’autres endroits, ni sur les grains. Nous considérons qu’il ne serait pas raisonnable de céder aux desserts, étant donné l’aspect de notre épiderme du ventre : bien tendu ! Deux cafés suffisent à nous faire redécoller, non sans avoir réglé une addition d’une vingtaine d’euros et des poussières de morue, pour trois caris dont un à emporter. Le hasard fait bien les choses, a-t-on coutume de dire. Ce n’est pas cette fois que nous démentirons.

imag2071Le Bertel n’est pas un restaurant prétentieux. Il a pignon sur la rue d’Après : on est quand même loin du carré d’or de Saint-Denis. Il n’affiche aucun décor particulier. Mais ses clients ne s’y trompent pas : dans la barquette ou dans l’assiette : il assure. Voilà de la vraie bonne cuisine réunionnaise comme on aimerait la voir plus souvent : simple, goûteuse. Ce qui n’empêche pas le cuistot de sortir de temps à autre des sentiers créoles battus en proposant des plats moins courant ou originaux. Cette curiosité et cette ouverture d’esprit est la marque des grands chefs. Il ne nous en faut pas davantage pour décerner au Bertel une juste fourchette en or.

Fourchettes

Pour résumer : Accueil : bien • Cadre : bien
• Présentation des plats: bien • 
Service: très bien • Qualité des plats : très bons
• Rapport qualité-prix: très bien
Impression globale : très bonne table
Fourchette en or 

La présente critique a été réalisée le 21 octobre 2016, à partir de midi, et ne prétend pas être une vérité absolue et définitive. Notre point de vue est subjectif, par nature, mais parfaitement honnête. Nous certifions n’avoir aucun rapport de près ou de loin avec les propriétaires de ce restaurant et aucun intérêt à attribuer à ce dernier une bonne ou une mauvaise note. Dans tous les cas, le restaurant dispose d’un droit de réponse.

Le P’ti Koin Kréol

p1120450Un samedi matin, par un temps magnifique, Le bourg du marquis de Hell a fait le plein de touristes. Ceux-ci compulsent avec intérêt et curiosité les menus des différents restaurants du village, du plus petit au plus gros. Nous mêmes n’avons pas encore fait le tour, et certains méritent une mise à jour, mais ce sera pour plus tard. Aujourd’hui nous gravissons les quelques marches menant au nouvel emplacement du Ti’coin créole, qui n’est donc conséquemment plus si « ti » que ça, à quelques pas du ‘Ti’chouchou » naguère testé et (mal) noté.

L’établissement est logé dans une case créole en bois sous tôle traditionnelle, et a récupéré en même temps l’arrière cour où feu « La coco lé la » régalait jadis sa clientèle. Le menu du jour consiste en un cari et un civet de poulet, un rougail saucisses et un cari de thon (congelé, nous précise-t-on). Va donc pour les trois premiers. Il est 12h15. Les seuls clients à part nous : six personnes.

p1120459En entrées, nous goûtons au gratin de chouchou et au boudin. Du boudin de chez Marianne, charcutier à Bras-Panon, nous indique-t-on quand nous nous enquérissons de son origine. Idem pour les saucisses.
Fameux le boyau farci ! C’est rare de trouver du boudin qui ne soit pas chargé en mie de pain, compact et plus chauffe-palais que goûteux. Celui-ci est tout à fait civilisé : moelleux sous la gencive, musqué mais pas trop, avec son fumet de sang cuit aux herbes fraîches, et son piquant de circonstance.
Le gratin est également très bon, même s’il manque d’épaisseur. L’excellente béchamel, correctement dosée, laisse parler un chouchou volontaire qui transpire encore sa saveur subtile de treille fraîche du matin. Le fromage est resté sage également, grâce à un dosage étudié et un gratiné modéré. Si la suite est comme ça, c’est de bon augure.

p1120461

Les caris arrivent. Nous dégustons d’abord le civet. La viande, assez ferme, est portée par une belle humeur de vin cuit, peut-être un peu timide, mais heureusement assistée du girofle et du poivre. Le plat, d’une jolie couleur, est honnête dans l’ensemble.

p1120465Le cari en revanche nous pose question par la présence d’une sauce abondante aux tomates surnuméraires qui nous ferait lui trouver une parenté avec du poulet basquaise, poivron en moins. Rappelons que pour beaucoup, la tomate dans le cari de poulet est aussi assassin que le safran dans les brèdes mourongue, comme chantait l’autre. Qu’est-ce donc ? Il n’y a d’ailleurs pas que la tomate qui est envahissante, le safran suit pas loin derrière ! La viande est de plus assez peu imbibée par sa sauce, ce qui trahit une incorporation dans cette dernière après coup. Tiens donc.
Fort heureusement, elle est aussi ferme que celle du cousin civet, bien frite et l’ensemble, nonobstant les tomates, offre un résultat satisfaisant.

p1120462Le rougail saucisse se hisserait allègrement sur le podium d’un concours si ce n’était un sel trop bavard, bien plus encore que dans les caris précédents, à tel point que le riz seul peine à le faire taire. Si l’on fait abstraction de ce surdosage d’amoureux (ou du manque de dessalage), les saucisses elle-mêmes, qui sortent de chez le charcutier précédemment cité, sont de la bel ouvrage artisanal, battues, autant qu’on puisse en juger par les morceaux de viande qui les composent, avec des épices qui montent au nez. Elles baignent dans une jolie sauce rouge, justifiée celle-ci, qui aurait été encore plus polie si elle exhibait un peu moins ses oignons.

p1120463Le riz pour sa part n’est pas mauvais, mais sans plus. Les grains en revanche sont aussi des haricots de compétition, bien en « creume » et correctement assaisonnés. Le rougail « zognons » est un peu bateau. Sur demande, on nous apporte un piment la pâte rouge accommodé au gingembre mangue qui eut été fort seyant sur le thon.

Un gâteau patate et un autre au chocolat ferment la marche. Très bons dans l’ensemble. Sauf la densité un peu trop importante pour le gâteau patate.

Addition : 63 euros pour trois personnes, soit 21 euros par tête de touriste, boissons comprises. Le rapport qualité-prix est perfectible.

p1120455Depuis que Francine Edwige a pris ses quartiers dans les nouveaux locaux, elle se sent un peu plus à l’aise. A l’aise et débordée par moment, puisqu’elle nous informe que sur certains plats, elle s’est faite aidée par un « extra ».
Ceci explique donc les quelques entorses au bon goût créole que nous avons constaté. Explique mais n’excuse pas. Attention aux extras. Les patrons de restaurant devraient goûter les plats qu’ils proposent à leurs clients (ce que Francine a fait) et en aucun cas les envoyer s’ils constatent un trop de ceci ou pas assez de cela. Rien de dramatique quand même aujourd’hui. Certaines « bouches salées » n’y auront sans doute vu que du feu, et n’y a que les ayatollahs du cari de poulet qui auront remarqué une sauce trop tomatée. Francine dit respecter davantage la tradition, et nous pouvons supposer que ses caris à elle sont un cran au dessus.
Attention quand même au service aussi. Il est très aimable et agréable mais un peu long. D’autant plus long qu’il n’y avait pas foule. Nous sommes sortis de table à 14h30 passés. Certains clients pressés pourraient y trouver à redire. Qu’est-ce qu’il se passe quand il y a affluence ?
Autant de remarques nous espérons constructives afin que le Ti’coin créole trouve rapidement sa nouvelle vitesse de croisière, et qui ne nous empêchent pas de lui attribuer une belle fourchette en argent pour la qualité globale de sa cuisine, en attendant mieux.

FourchettesPour résumer : Accueil : très bien • Cadre : bien
• Présentation des plats: moyen • 
Service: moyen • Qualité des plats : bons
• Rapport qualité-prix: perfectible
Impression globale : bonne table
Fourchette en argent 

La présente critique a été réalisée le 15 octobre 2016, à partir de midi, et ne prétend pas être une vérité absolue et définitive. Notre point de vue est subjectif, par nature, mais parfaitement honnête. Nous certifions n’avoir aucun rapport de près ou de loin avec les propriétaires de ce restaurant et aucun intérêt à attribuer à ce dernier une bonne ou une mauvaise note. Dans tous les cas, le restaurant dispose d’un droit de réponse.

Ô Libané

14435181_1160079780695464_1537535101926668241_o-1Après 8 ans d’ouverture sur Le Tampon de son restaurant Éclats d’Aromes, Chef Roula et son compagnon David ont décidé de poursuivre leur route culinaire libanaise sur les douces pentes bucoliques de la commune de l’Entre-Deux avec une nouvelle enseigne : Ô Libané.

Ce choix s’apparente tout d’abord à un choix de vie : « Depuis longtemps nous souhaitions emménager sur la commune de l’Entre-Deux dont nous sommes tombés amoureux depuis de nombreuses années déjà, mais attendions de trouver la bonne habitation pour pouvoir également y implanter notre restaurant libanais » nous explique la chef Roula Eid.

Fin 2015, c’est chose faite avec l’acquisition d’une maison créole inscrite au patrimoine de l’Entre-Deux, recouverte d’un bardo pure tradition et située à l’entrée de la commune juste derrière l’office du tourisme. « Nous avons eu un véritable coup de cœur pour cette demeure qui possède tant de cachet. Nous avons dû faire de nombreux travaux d’aménagement et de rénovation avant de pouvoir enfin ouvrir mi-septembre, quasiment un an plus tard » continue Roula. Mais le jeu en vaut la chandelle : le cadre est raffiné et intimis-te avec des jeux de lumières soignées éclairant çà et là des cadres photo design, les banquettes et coussins élégants, et bien entendu ce fameux bar-do traditionnel des maisons créoles. Un nouveau concept de gastronomie libanaise Côté carte, la créativité culinaire de la chef a évolué depuis le restaurant Éclats d’Arômes.

11698604_893101120726666_112276562377359679_nL’enrichissement du vocabulaire précède la découverte culinaire : Labné, Mehché Malfouf, Chiche Taouk, Atayef bel achta… et leur définition, annoncent déjà la couleur. « Ce sont des menus uniques à 35€ qui sont proposés avec un choix entre 3 entrées, 3 plats et 3 desserts, renouvelés tous les mois. On retrouve naturellement les classiques de la cuisine libanaise, mais le plus souvent revisitée d’une touche féminine qui ravive les papilles, comme ce taboulé libanais où le boulgour est remplacé par du quinoa. » Les épices et saveurs du Liban sont bel et bien respectées, mais l’élégance des assiettes et l’association des mets sont indéniablement montées en gamme par rapport au restaurant du Tampon. Toujours dans la pure tradition libanaise, les viandes mijotées, les grillades ou à l’inverse les plats purement végétariens sont à l’honneur, tout comme les fameux desserts arrosés de fleur d’oranger et de sirop de rose. « Nous avons voulu continuer à entretenir les arômes qui plaisaient à nos clients du Tampon tout en prenant un virage dans la manière de composer la carte et les assiettes« . Les clients semblent apprécier ce tournant, depuis la quinzaine de jours d’ouverture du restaurant, la salle de désemplit pas : à noter que le restaurant n’est ouvert que du mercredi au samedi uniquement les soirs, et ne peut accueillir que 17 couverts. ` « Là encore, c’est un choix de vie : aujourd’hui nous souhaitons nous consacrer aussi à notre famille, notre enfant, et la restauration est un métier difficile pour concilier le tout, tout en continuant d’exercer ce métier avec passion ». Un choix qui se respecte. Souhaitons à Roula et David de pouvoir nous faire apprécier encore longtemps les belles saveurs du Liban.

14543878_1168516969851745_4513846586493014859_o

Portrait de Chef

olibane-chef
David Elwert et Roula Eid

 

Roula Eid, originaire du pays au cèdre, est arrivée à la Réunion en 2007, après une douzaine d’année d’expérience professionnelle à Paris, où elle a exercé son talent à l’Arpège notamment (3 étoiles Michelin) et au restaurant de l’hôtel le 123 Elysées, rue Faubourg Saint-Honoré, dans le 8e. « Je voulais voir autre chose, changer ma vie parisienne et retrouver un peu cette chaleur de mes racines. » Elle la trouvera à La Réunion, avec son compagnon David Elwert, au point de ne plus vouloir en repartir. Roula, comme beaucoup d’autres, a été séduite par la qualité de vie de notre ti pei, et ses petits plats comme le rougail morue et le civet de zourite, son préféré. « La cuisine libanaise est méditérannéenne et se rapproche beaucoup de la cuisine grecque. Il y a en revanche peu de point commun avec la cuisine réunionnaise, si ce n’est le caviar d’aubergine et aussi la façon d’amener les plats, avec tous les accompagnements. C’est une cuisine très parfumée mais peu relevée. » On laisse le piment vert qui arrache à notre civet de zourite !

Ô Libané 16, rue Césaire, L’Entre-Deux : 0692 24 82 10 • Facebook

La Marmite (l’Ermitage)

L’Ermitage, fin d’hiver austral, il faut déjà chaud et la plage est bondée. A proximité de la boutique Carpaye, le restaurant «La Marmite» s’apprête à ouvrir son «baro». Cet établissement a été récompensé en 2011 de la première fourchette d’or de cette rubrique. Depuis le changement de propriétaire, des informations inquiétantes nous sont parvenues de sources diverses. Nous décidons donc d’y remettre les pieds, le nez, la langue et le reste, pour en avoir le cœur net.

p1120103L’accueil est souriant, nous nous installons et observons les lieux. La grande salle de soixante-dix couverts environ joue la carte touristique à fond, avec les rhums arrangés alignés et les fameuses marmites au feu de bois. Le principe est toujours celui du buffet à volonté avec différentes formules, selon les «options», à partir de 18 euros. Nous passons commande des apéritifs dont un «Ti punch». Ce dernier est si avare en rhum que nous ne craignons pas l’affolement de l’éthylotest. Passons au buffet.

Sous les marmites, le feu crépite encore. Déjà une chose nous interpelle : aucune odeur ne se dégage spécialement. Nous commençons par un gratin de pommes de terre, puis abordons les caris, massalé cabri en tête. Afin de goûter à un maximum de plats, nous nous servons en petites quantités.

D’abord nous nous posons une vraie question sur le gratin. L’affaire est flasque et sans autre goût que celui de l’eau, aplati au fond de son bac comme une trace de pneu, sans la moindre molécule de béchamel. Ça commence bien ! La question est : qu’est-ce donc que cette chose ? Passons.

p1120120Dans notre assiette les cuillerées de caris entourent un piton de riz jaune. Le massalé cabri affiche ses feuilles de caloupilé, mais aussi des bouts de viande caoutchouteux et dont il serait bien difficile à un aveugle de dire de quoi il retourne. En effet, la saveur du massalé est spectrale. Même le caloupilé, pourtant d’ordinaire puissante épice, a de la peine à sortir de ce brouillard gustatif. Passons.

Le civet de canard est du même acabit que le cabri : fantomatique au niveau du goût. La viande est molle, le vin est éteint, le girofle aux abonnés absents, de même que le poivre. Nous avons rarement vu un civet aussi plein de rien. Il faut quand même faire fort pour retirer sa saveur à un canard.

p1120116Le rougail boucané est-il bien un rougail ? Car excepté les gros morceaux de viande qui nagent le crawl dans leur marmite d’huile, on ne voit pas bien la trace des tomates. En bouche, c’est d’abord le sel qui cause, puis un vague fumet aussi ectoplasmique que les cabri et canard sus-mentionnés. Chose positive : nous arrivons à les mastiquer. Ce n’est pas le cas de leurs congénères qui garnissent le ti-jacques et qui se transforment très vite en boulettes filandreuses de viande sèche qu’on finit par recracher comme un matou sa boule de poils. Le Ti-Jacques d’ailleurs est tout à fait bouilli. Le résultat est clair : pas l’ombre d’une sensation gustative autre que celui de la flotte. A côté de ça, les pires plateaux-repas des hôpitaux font figure d’exploit culinaire de grands chefs. Passons encore.

Nous tournons notre fourchette vers le civet zourite. Celui-ci, visiblement préparé au gros rouge qui tache, tente de faire mieux. Le mollusque congelé déclare vite forfait après avoir révélé sa consistance de papier mâché trempé dans la piquette. Un cari se détache cependant : le rougail saucisses (avec tomates celui-là), si l’on passe sur un sel là encore excessif et une texture ultra moulue qui laisse une impression de gras rédhibitoire.

Nous retournons au buffet chercher espoir dans le cari de poulet, mais sa seule vue nous dissuade : les chairs du gallinacé partent en lambeaux. Pas beaux. Nous allons arrêter là et faire l’impasse sur les accompagnements. Un petit mot sur le riz jaune peut-être : c’est un simulacre. Sans goût ni sentiment lui non plus. A croire que même le curcuma a perdu de sa saveur. Addition de cette alignement d’ersatz : 54,50 euros pour deux adultes et un enfant. A noter que le menu enfant comprend lui aussi le buffet «à volonté» mais à 15 euros. Quelle blague !

Compte tenu de la médiocrité générale, le rapport qualité-prix est très mauvais.

p1120109Que dire ? Une fois de plus, hélas, nous avons affaire ici à ce qui ressemble à un piège à touriste. Comment de nos jours peut-on encore oser proposer ce genre de cuisine à des clients ? C’est sûr que pour le touriste ignorant et les gens sans palais, ça passe. C’est bien là le problème, car on trompe ces gens. La cuisine créole authentique est heureusement à des lieues de cette bouillie, aux épices inexistantes, faite à l’économie. La passion a disparu de ces marmites. Et c’est d’autant plus dommage que l’accueil, le service et le cadre sont très agréables. Au Moyen-Age, des alchimistes ont vainement cherché à transformer le plomb en or. A la Marmite de l’Ermitage, ils ont changé l’or en plastique !

FourchettesPour résumer : Accueil : bien • Cadre : très bien • Présentation des plats: buffet marmite • Service: bien • Qualité des plats : médiocre • Rapport qualité-prix: mauvais.
Impression globale : à éviter
Fourchette en plastique

La présente critique a été réalisée le 25 septembre 2016, à partir de midi, et ne prétend pas être une vérité absolue et définitive. Notre point de vue est subjectif, par nature, mais parfaitement honnête. Nous certifions n’avoir aucun rapport de près ou de loin avec les propriétaires de ce restaurant et aucun intérêt à attribuer à ce dernier une bonne ou une mauvaise note. Dans tous les cas, le restaurant dispose d’un droit de réponse.