La Marmite (l’Ermitage)

L’Ermitage, fin d’hiver austral, il faut déjà chaud et la plage est bondée. A proximité de la boutique Carpaye, le restaurant «La Marmite» s’apprête à ouvrir son «baro». Cet établissement a été récompensé en 2011 de la première fourchette d’or de cette rubrique. Depuis le changement de propriétaire, des informations inquiétantes nous sont parvenues de sources diverses. Nous décidons donc d’y remettre les pieds, le nez, la langue et le reste, pour en avoir le cœur net.

p1120103L’accueil est souriant, nous nous installons et observons les lieux. La grande salle de soixante-dix couverts environ joue la carte touristique à fond, avec les rhums arrangés alignés et les fameuses marmites au feu de bois. Le principe est toujours celui du buffet à volonté avec différentes formules, selon les «options», à partir de 18 euros. Nous passons commande des apéritifs dont un «Ti punch». Ce dernier est si avare en rhum que nous ne craignons pas l’affolement de l’éthylotest. Passons au buffet.

Sous les marmites, le feu crépite encore. Déjà une chose nous interpelle : aucune odeur ne se dégage spécialement. Nous commençons par un gratin de pommes de terre, puis abordons les caris, massalé cabri en tête. Afin de goûter à un maximum de plats, nous nous servons en petites quantités.

D’abord nous nous posons une vraie question sur le gratin. L’affaire est flasque et sans autre goût que celui de l’eau, aplati au fond de son bac comme une trace de pneu, sans la moindre molécule de béchamel. Ça commence bien ! La question est : qu’est-ce donc que cette chose ? Passons.

p1120120Dans notre assiette les cuillerées de caris entourent un piton de riz jaune. Le massalé cabri affiche ses feuilles de caloupilé, mais aussi des bouts de viande caoutchouteux et dont il serait bien difficile à un aveugle de dire de quoi il retourne. En effet, la saveur du massalé est spectrale. Même le caloupilé, pourtant d’ordinaire puissante épice, a de la peine à sortir de ce brouillard gustatif. Passons.

Le civet de canard est du même acabit que le cabri : fantomatique au niveau du goût. La viande est molle, le vin est éteint, le girofle aux abonnés absents, de même que le poivre. Nous avons rarement vu un civet aussi plein de rien. Il faut quand même faire fort pour retirer sa saveur à un canard.

p1120116Le rougail boucané est-il bien un rougail ? Car excepté les gros morceaux de viande qui nagent le crawl dans leur marmite d’huile, on ne voit pas bien la trace des tomates. En bouche, c’est d’abord le sel qui cause, puis un vague fumet aussi ectoplasmique que les cabri et canard sus-mentionnés. Chose positive : nous arrivons à les mastiquer. Ce n’est pas le cas de leurs congénères qui garnissent le ti-jacques et qui se transforment très vite en boulettes filandreuses de viande sèche qu’on finit par recracher comme un matou sa boule de poils. Le Ti-Jacques d’ailleurs est tout à fait bouilli. Le résultat est clair : pas l’ombre d’une sensation gustative autre que celui de la flotte. A côté de ça, les pires plateaux-repas des hôpitaux font figure d’exploit culinaire de grands chefs. Passons encore.

Nous tournons notre fourchette vers le civet zourite. Celui-ci, visiblement préparé au gros rouge qui tache, tente de faire mieux. Le mollusque congelé déclare vite forfait après avoir révélé sa consistance de papier mâché trempé dans la piquette. Un cari se détache cependant : le rougail saucisses (avec tomates celui-là), si l’on passe sur un sel là encore excessif et une texture ultra moulue qui laisse une impression de gras rédhibitoire.

Nous retournons au buffet chercher espoir dans le cari de poulet, mais sa seule vue nous dissuade : les chairs du gallinacé partent en lambeaux. Pas beaux. Nous allons arrêter là et faire l’impasse sur les accompagnements. Un petit mot sur le riz jaune peut-être : c’est un simulacre. Sans goût ni sentiment lui non plus. A croire que même le curcuma a perdu de sa saveur. Addition de cette alignement d’ersatz : 54,50 euros pour deux adultes et un enfant. A noter que le menu enfant comprend lui aussi le buffet «à volonté» mais à 15 euros. Quelle blague !

Compte tenu de la médiocrité générale, le rapport qualité-prix est très mauvais.

p1120109Que dire ? Une fois de plus, hélas, nous avons affaire ici à ce qui ressemble à un piège à touriste. Comment de nos jours peut-on encore oser proposer ce genre de cuisine à des clients ? C’est sûr que pour le touriste ignorant et les gens sans palais, ça passe. C’est bien là le problème, car on trompe ces gens. La cuisine créole authentique est heureusement à des lieues de cette bouillie, aux épices inexistantes, faite à l’économie. La passion a disparu de ces marmites. Et c’est d’autant plus dommage que l’accueil, le service et le cadre sont très agréables. Au Moyen-Age, des alchimistes ont vainement cherché à transformer le plomb en or. A la Marmite de l’Ermitage, ils ont changé l’or en plastique !

FourchettesPour résumer : Accueil : bien • Cadre : très bien • Présentation des plats: buffet marmite • Service: bien • Qualité des plats : médiocre • Rapport qualité-prix: mauvais.
Impression globale : à éviter
Fourchette en plastique

La présente critique a été réalisée le 25 septembre 2016, à partir de midi, et ne prétend pas être une vérité absolue et définitive. Notre point de vue est subjectif, par nature, mais parfaitement honnête. Nous certifions n’avoir aucun rapport de près ou de loin avec les propriétaires de ce restaurant et aucun intérêt à attribuer à ce dernier une bonne ou une mauvaise note. Dans tous les cas, le restaurant dispose d’un droit de réponse.

Une réflexion sur “La Marmite (l’Ermitage)

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