Un samedi matin, par un temps magnifique, Le bourg du marquis de Hell a fait le plein de touristes. Ceux-ci compulsent avec intérêt et curiosité les menus des différents restaurants du village, du plus petit au plus gros. Nous mêmes n’avons pas encore fait le tour, et certains méritent une mise à jour, mais ce sera pour plus tard. Aujourd’hui nous gravissons les quelques marches menant au nouvel emplacement du Ti’coin créole, qui n’est donc conséquemment plus si « ti » que ça, à quelques pas du ‘Ti’chouchou » naguère testé et (mal) noté.
L’établissement est logé dans une case créole en bois sous tôle traditionnelle, et a récupéré en même temps l’arrière cour où feu « La coco lé la » régalait jadis sa clientèle. Le menu du jour consiste en un cari et un civet de poulet, un rougail saucisses et un cari de thon (congelé, nous précise-t-on). Va donc pour les trois premiers. Il est 12h15. Les seuls clients à part nous : six personnes.
En entrées, nous goûtons au gratin de chouchou et au boudin. Du boudin de chez Marianne, charcutier à Bras-Panon, nous indique-t-on quand nous nous enquérissons de son origine. Idem pour les saucisses.
Fameux le boyau farci ! C’est rare de trouver du boudin qui ne soit pas chargé en mie de pain, compact et plus chauffe-palais que goûteux. Celui-ci est tout à fait civilisé : moelleux sous la gencive, musqué mais pas trop, avec son fumet de sang cuit aux herbes fraîches, et son piquant de circonstance.
Le gratin est également très bon, même s’il manque d’épaisseur. L’excellente béchamel, correctement dosée, laisse parler un chouchou volontaire qui transpire encore sa saveur subtile de treille fraîche du matin. Le fromage est resté sage également, grâce à un dosage étudié et un gratiné modéré. Si la suite est comme ça, c’est de bon augure.
Les caris arrivent. Nous dégustons d’abord le civet. La viande, assez ferme, est portée par une belle humeur de vin cuit, peut-être un peu timide, mais heureusement assistée du girofle et du poivre. Le plat, d’une jolie couleur, est honnête dans l’ensemble.
Le cari en revanche nous pose question par la présence d’une sauce abondante aux tomates surnuméraires qui nous ferait lui trouver une parenté avec du poulet basquaise, poivron en moins. Rappelons que pour beaucoup, la tomate dans le cari de poulet est aussi assassin que le safran dans les brèdes mourongue, comme chantait l’autre. Qu’est-ce donc ? Il n’y a d’ailleurs pas que la tomate qui est envahissante, le safran suit pas loin derrière ! La viande est de plus assez peu imbibée par sa sauce, ce qui trahit une incorporation dans cette dernière après coup. Tiens donc.
Fort heureusement, elle est aussi ferme que celle du cousin civet, bien frite et l’ensemble, nonobstant les tomates, offre un résultat satisfaisant.
Le rougail saucisse se hisserait allègrement sur le podium d’un concours si ce n’était un sel trop bavard, bien plus encore que dans les caris précédents, à tel point que le riz seul peine à le faire taire. Si l’on fait abstraction de ce surdosage d’amoureux (ou du manque de dessalage), les saucisses elle-mêmes, qui sortent de chez le charcutier précédemment cité, sont de la bel ouvrage artisanal, battues, autant qu’on puisse en juger par les morceaux de viande qui les composent, avec des épices qui montent au nez. Elles baignent dans une jolie sauce rouge, justifiée celle-ci, qui aurait été encore plus polie si elle exhibait un peu moins ses oignons.
Le riz pour sa part n’est pas mauvais, mais sans plus. Les grains en revanche sont aussi des haricots de compétition, bien en « creume » et correctement assaisonnés. Le rougail « zognons » est un peu bateau. Sur demande, on nous apporte un piment la pâte rouge accommodé au gingembre mangue qui eut été fort seyant sur le thon.
Un gâteau patate et un autre au chocolat ferment la marche. Très bons dans l’ensemble. Sauf la densité un peu trop importante pour le gâteau patate.
Addition : 63 euros pour trois personnes, soit 21 euros par tête de touriste, boissons comprises. Le rapport qualité-prix est perfectible.
Depuis que Francine Edwige a pris ses quartiers dans les nouveaux locaux, elle se sent un peu plus à l’aise. A l’aise et débordée par moment, puisqu’elle nous informe que sur certains plats, elle s’est faite aidée par un « extra ».
Ceci explique donc les quelques entorses au bon goût créole que nous avons constaté. Explique mais n’excuse pas. Attention aux extras. Les patrons de restaurant devraient goûter les plats qu’ils proposent à leurs clients (ce que Francine a fait) et en aucun cas les envoyer s’ils constatent un trop de ceci ou pas assez de cela. Rien de dramatique quand même aujourd’hui. Certaines « bouches salées » n’y auront sans doute vu que du feu, et n’y a que les ayatollahs du cari de poulet qui auront remarqué une sauce trop tomatée. Francine dit respecter davantage la tradition, et nous pouvons supposer que ses caris à elle sont un cran au dessus.
Attention quand même au service aussi. Il est très aimable et agréable mais un peu long. D’autant plus long qu’il n’y avait pas foule. Nous sommes sortis de table à 14h30 passés. Certains clients pressés pourraient y trouver à redire. Qu’est-ce qu’il se passe quand il y a affluence ?
Autant de remarques nous espérons constructives afin que le Ti’coin créole trouve rapidement sa nouvelle vitesse de croisière, et qui ne nous empêchent pas de lui attribuer une belle fourchette en argent pour la qualité globale de sa cuisine, en attendant mieux.
Pour résumer : Accueil : très bien • Cadre : bien
• Présentation des plats: moyen • Service: moyen • Qualité des plats : bons
• Rapport qualité-prix: perfectible
Impression globale : bonne table
Fourchette en argent
Une réflexion sur “Le P’ti Koin Kréol”