La Kaz

img_1520En septembre 2014, nous débarquons Chez Alex, restaurant de Bourg-Murat, en face du Palais du fromage. Ce dernier, en dépit de quelques couacs, hérite d’une juste fourchette en argent. Depuis les choses ont changé.

Repris il y a un an par les Técher et consors, desquels fait partie Bouba, ex du réputé QG, son voisin. Si la disposition des lieux est en tout point la même, nous notons un léger effort pour rendre cette salle béton-carrelage, aseptisée et froide, un tant soi peu accueillante. Il y a encore du travail.

L’accueil c’est aussi les sourires du personnel, patronne incluse, malgré un l’affairement du coup de feu de 12h45, heure à laquelle nous posons nos séants à la table réservée. Nous profitons de l’occasion pour enclencher le chronomètre et faire une petite expérience. Pas loin de 10 minutes s’écoulent avant qu’on vienne nous porter le menu , auxquels s’ajouteront 6 minutes avant qu’on vienne s’enquérir de notre choix. Nous avions jeté notre dévolu sur le cabri-massalé, mais cabri : c’est fini. Tout est parti. La patte-cochon et le cari de coq « la cour » feront l’affaire. Encore presque 10 minutes avant d’être servis, copieusement. Compte tenu des circonstances (manque de personnel) l’attente reste raisonnable.

img_1514Nous attaquons le coq. Le chef de basse-cour est indiscutablement d’origine « la cour » contrôlée. Ses cuisses en attestent, et le reste aussi. C’est ferme, presque rugueux pour le blanc, et l’on perçoit en bouche la rondeur de sa viande de caractère. Peu de sauce, et à priori pas de tomate, pour une cuisson à l’ancienne. Cependant, même si elle paraît avoir connu les rigueurs bénéfiques du grand air, la viande nous déçoit quelque peu gustativement. Tout cela est bien timide en effet, comme par manque d’épices. Il faut vraiment aller chercher le roussi entre les côtes pour retrouver les saveurs de fond de marmite, respirant l’ail et l’oignon fondu, le thym et le poivre. Peut-être cela manque-t-il tout simplement de sel, et nous ne lui en ferons aucun grief tant cet exhausteur de goût est trop souvent utilisé avec exagération par ailleurs.

img_1519La patte-cochon est plus joyeuse. Son fond de sauce autorise un arrosage du riz, et compense un peu les pois du Cap sans intérêt servis en accompagnement. Un peu trop en grains, les pois, et assez standard en goût. Là encore, la matière première est soigneusement choisie car nous ne nous retrouvons pas avec un tas d’os à ronger, mais bel et bien avec de respectables morceaux de viande, surmontés de leur gras-gluant-collant et de leur peau cuivrée. Ces derniers ont tendance à être assez fermes aussi, à quelques exceptions anatomiques près, et ce n’est pas forcément ce qu’on attend d’eux. Rien de grave. Les sensations demeurent très correctes, y compris au niveau des saveurs, même si nous avons déjà dégusté des pattes-cochon bien meilleures.

Le rougail concombre en accompagnement est clairement insuffisant. Si son croquant acidulé et pimenté contrebalance bien la relative lourdeur de la patte, est c’est pour cela qu’il est là, nous eussions aimé avoir le choix entre deux ou trois rougails. Un piment vert « crasé » nous est apporté sur demande, pour mieux agrémenter les cuillerées de riz jauni à la sauce des caris. Cela est d’autant plus nécessaire que le dit riz est de piètre qualité. Du riz en brisure, un peu trop sec, fortement désagréable en bouche et sans saveur. C’est bien de faire attention à ses marges, mais quand on sert du cari à 18 euros et plus, le client s’attend à des accompagnements respectables, et c’est loin d’être le cas. Nous faisons l’impasse sur les desserts.

Addition : 70 euros pour quatre personnes. Un rapport qualité-prix perfectible. A noter que si d’aventure vous ne commandez pas de plat pour votre marmaille, considérant que son appétit sera largement satisfait par les caris des adultes, il vous en coûtera 5 euros. « Normal », nous fait la patronne, qui sert comme argument le plat non commandé pour une place assise mobilisée. A chacun d’apprécier la méthode à sa façon.

Le restaurant La Kaz sert une bonne cuisine réunionnaise traditionnelle, et fait tout pour satisfaire ses clients, même lorsque le personnel est réduit, et débordé. Très bon accueil, le sourire est présent, et les quantités sont généreuses. Nous déplorons aujourd’hui un man-que de pêche au niveau du goût des caris, particulièrement sur le coq, sans que cela soit dramatique. Plusieurs rougails seraient bienvenus, des grains plus en crème, et surtout un riz de meilleure qualité. Un bouquet de fleur ou une déco quelconque rendrait les tables plus accueillantes dans cette salle encore très froide. Des détails qui pourraient faire voir l’or un jour à la Kaz. En attendant, la fourchette en argent est toujours de mise.

FourchettesPour résumer : Accueil : très bien • Cadre : bien • Présentation des plats: moyen • Service: bien • Qualité des plats : bons • Rapport qualité-prix: perfectible.
Impression globale : bonne table
Fourchette en argent

La présente critique a été réalisée le 8 janvier 2017, à partir de midi, et ne prétend pas être une vérité absolue et définitive. Notre point de vue est subjectif, par nature, mais parfaitement honnête. Nous certifions n’avoir aucun rapport de près ou de loin avec les propriétaires de ce restaurant et aucun intérêt à attribuer à ce dernier une bonne ou une mauvaise note. Dans tous les cas, le restaurant dispose d’un droit de réponse.

La Roz i Dor

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Sainte-Rose. Cette jolie commune abrite bien des trésors, qu’il faut préserver de la modernité et du béton.

Son littoral sauvage, sa jolie marine où il semblerait qu’un restaurant soit en construction, son Anse des cascades prisée des pique-niqueurs, sa forêt primaire… les touristes, extérieurs ou locaux, ont de quoi y passer un excellent séjour. Il y a même un petit hôtel pour les héberger à l’entrée Est de la ville. Pour ce qui concerne le manger, on ne peut pas passer à côté du restaurant de l’Anse des cascades, une ancienne fourchette d’or, victime dernièrement d’incongruités administratives.

Sans aller aussi loin, un plus modeste restaurant ouvre ses portes aux gens du coin, ou de passage, sur la ligne droite au sortir du village en direction de Piton Sainte-Rose, côté gauche. C’est la Rose-i-dor. Allez-y pianissimo sur la pédale de droite sinon vous allez rater l’entrée. Nous décidons de tester leurs caris, suite à une bonne critique d’une blogueuse publiant sous le pseudo d’Avis d’assiette, que vous trouverez sur Facebook. Le restaurant se niche dans une petite case créole traditionnelle en bois sous tôle, sur un terrain occupé par un parking et quelques plantes aromatiques : romarin, quatre-épices, combava, plus un gros citronnier et un résineux qui abrite deux tables en bois. Trois autres tables occupent la terrasse et quelques-unes sont au frais, à l’intérieur. L’ambiance nous rappelle un peu celle du kiosque des Mandarines à Takamaka : simple et familiale. Ici, point de carte.

Le menu est composé de deux caris, persé met’sec. Les rougail saucisses et cari poulet du jour se retrouvent donc dans nos assiettes dressées et nous y plongeons la fourchette avec entrain, les naseaux émoustillés par leurs parfums.

img_1352Le rougail saucisses nous semble être quelque peu en manque de tomate, mais les fines tranches ne semblent pas s’en plaindre. Dans leur pellicule d’oignon vert, sans gras superflu, elles affichent une qualité honnête de saucisse standard, avec une touche de caractère musqué sur les bords, et sans gras envahissant. Elles sont moelleuses, et les haricots blancs en crème les accompagnent très bien (ces derniers manquent tout de même un peu de l’essence vivifiante d’un thym frais). Ce n’est pas du rougail saucisses paré de frusques inutiles, comme chantait Jacqueline, mais celui de tous les jours, simple, goûteux, efficace.

img_1355Le cari poulet fait encore mieux. D’autant mieux que nous avons affaire ici à un gallinacé de base, nourri en batterie. En effet, il a beau être de basse extraction, l’animal donne des morceaux qui restent dignes dans l’assiette, tout en étant parfaitement cuisinés. Point de sécheresse désagréable des chairs, bon assaisonnement avec des épices vigoureuses dont un curcuma claquant en première bouchée, belle humeur de roussi, particulièrement au mordant des tendres os, que nous finissons par sucer méticuleusement, les doigts tout collés, au mépris d’une bienséance qu’en ces circonstances nous trouvons déplacée. Car oui, ce genre de caris, nous autres réunionnais y mettons allègrement les doigts, voire la main tout entière, avec ou sans feuille de banane. C’est du cari authentique, certifié, copyrigthé même. Quel aurait été ce plat avec un bon poulet la cour ? « Le poulet ou le canard la cour c’est le dimanche », nous révèle la chef.

Avec les haricots blancs (en sachet, pas en boîte, selon toute évidence), un excellent rougail « zognons » vient relever les plats. Du rougail de luxe pourrait-on dire, pimenté mais sans excès, avec une amertume en arrière-bouche qui nous évoque la griffe joyeuse et volontaire du margoze matinal, cueilli à la rosée.

Mention spéciale pour le riz, du grain long parfumé au jasmin, cuit mou mais non collant. Ce riz-là s’agglutine merveilleusement en buvant les sauces et leurs épices afin d’obtenir des bouchées amples, généreuses, moelleuses, que le piment acide-amer fouette judicieusement pour qu’elles glissent plus facilement encore. Cela fait un sacré bout de temps que nous n’avons dégusté ce type de riz, cuisiné de cette façon. Bien des établissements devraient en prendre de la graine, y compris les plus « chics » qui osent servir du riz bas de gamme, sec, sentant le rance, ou carrément pas cuit.

img_1366Nous terminons par une tarte aux pommes-cannelle maison. Si sa savoureuse pâte manque d’un rien de cuisson supplémentaire, pour un croquant des bords plus enjoué, la délicatesse des pommes relevée par la jolie cannelle laisse en bouche un souvenir délicieux. La présentation est un peu brute cependant. Une feuille de menthe par-ci, une noix de chantilly (même en bombe) par-là, quelques perles de gelée de fruit… cela ne coûte pas beaucoup plus cher, et s’expédie en quelques secondes. Addition : 32 euros et des poussières, pour trois caris, les boissons, le dessert et deux cafés. Le rapport qualité-prix est imbattable.

La Roz-i-dor est un petit restaurant sans prétention, lové dans le cocon vert de Sainte-Rose, où les habitués du coin viennent chercher leur repas, mais qui commence à se tailler une certaine réputation en dehors des frontières du Sud sauvage. Une réputation non surfaite, d’après ce que nous avons pu voir et goûter. Certes le jardin mériterait qu’on s’en occupe un peu mieux, et peut-être qu’une entrée de légumes croquants, ou des brèdes, devrait compléter le menu. Pour le reste, pas grand-chose à dire, sinon que c’est de la bonne cuisine réunionnaise traditionnelle et authentique comme on en voit de plus en plus rarement par ailleurs. La gentillesse des propriétaires, leur accueil et le service efficace, (on pense par exemple à déposer une carafe d’eau sur la table. Ne riez pas, ce n’est hélas pas si courant) et le côté pittoresque du lieu sont le letchi sur le gâteau. Ceteris paribus, il ne serait pas juste d’attribuer à la Roz-i-dor une autre récompense qu’une belle fourchette en argent, avec recommandation de l’équipe, pour bien commencer l’année. L’or n’est plus très loin.

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FourchettesPour résumer : Accueil : bien • Cadre : bien • Présentation des plats: bien • Service: très bien • Qualité des plats : bons • Rapport qualité-prix: très correct.
Impression globale : très bonne table
Fourchette en argent avec recommandation

La présente critique a été réalisée le 2 janvier 2017, à partir de midi, et ne prétend pas être une vérité absolue et définitive. Notre point de vue est subjectif, par nature, mais parfaitement honnête. Nous certifions n’avoir aucun rapport de près ou de loin avec les propriétaires de ce restaurant et aucun intérêt à attribuer à ce dernier une bonne ou une mauvaise note. Dans tous les cas, le restaurant dispose d’un droit de réponse.