Le Colosse. Nous nous extasions sur ce magnifique temple, un des sites touristiques de Saint-André, mais notre objectif est juste à côté : le restaurant le Velli. Nous avions déjà visité cette adresse il y a quatre ans, et n’en avions pas gardé un souvenir impérissable. Nous voulons voir si les informations qui nous sont parvenues depuis sont exactes : que des bonnes impressions.
Le Velli est donc au bord de la traversante de Champ-Borne, dans une case assez ordinaire de l’extérieur. L’intérieur est plus intéressant : une belle salle climatisée d’une trentaine de couverts ouvre à l’arrière sur une sorte de cour intérieure bordée d’une terrasse, ou d’autres tables sont dressées. C’est propre et net, et même assez chic. Chic aussi est le jeune serveur qui nous dépose la carte, après l’accueil souriant d’une jeune femme. L’uniforme est de rigueur ici, dirait-on.
La carte est riche, sans être pléthorique. Trois plats au menu du jour, donc un ti-jacque boucané et une pièce de bœuf. Nous leur préférons un cabri massalé, histoire de faire honneur à la tamoulité du site, et aussi parce que c’est l’un de nos plats test préféré, plus un rougail «zandouille». Un verre de jus de fruit frais, légèrement alcoolisé, nous tient lieu d’apéritif. 8 euros quand même. Il est assez bon et désaltérant, mais cher pour ce qu’il est.
Nous commandons une assiette créole, samoussas et bonbons piment, plus des olives (c’est créole les olives?). Les samoussas sont assez ordinaires : un peu de poisson pour parfumer le chou. Les bonbon-piments, plats et croquants, sont généreux en saveur, mais pas forts. On se demande d’ailleurs pourquoi on continue à appeler ça «bonbon-piment», puisque rares sont ceux qui en contiennent, du piment, tout ça sous prétexte de ménager les palais délicats. Les plats sont servis assez rapidement. Nous attaquons.
Le cabri-massalé, sans os, voudrait jouer les discrets qu’il ne le pourrait pas. Son humage révèle un tempérament corsé de fond de sauce épaisse où la poudre de massalé a délibérément été chauffée au fond de la marmite afin d’extirper et de magnifier ses saveurs. La sauce emballe d’ailleurs totalement la belle viande tendre et gustativement enjouée du cabri, à qui le caloupilé fait une cour assidue. Tout cela est fort proche de la perfection, d’autant qu’une main avisée en cuisine a eu l’excellente initiative de déposer deux petites branches de cotomili, presque timidement, comme une garniture. Garni-ture ? Elles sont vite mise à contribution ! Les bouchées n’en sont que plus délicieuses, avec cette fragrance de la coriandre verte qui nous émoustille les sinus.
Le rougail zandouille, pour sa part, est ode à la cochonnaille. C’est une andouille constituée principalement de tripes, visiblement, toute appareillée dans sa robe rouge foncée, et qui décharge son odeur musquée, avec des attaques vinaigrées, comme les dessous de bras d’Ernestine par des chaleurs comme aujourd’hui, après une semaine de macération. Une andouille catholique en somme. Non réformée et bonne pour le service. Tout à fait ce qu’on attend d’elle. En bouche, aucune déception. Ses effluves poivrées sont enivrantes. Le sel est un peu bavard, comme un titi parisien, mais reste tout de même toléré. Déplorons juste quelques morceaux d’estomac caoutchouteux, par-ci par là, qui nous obligent à les chiquer comme de la vieille semelle, et l’on y prend étrangement du plaisir, tant cette andouille est magnifique. Tout de même, une cuisson supplémentaire aurait été bienvenue pour ces morceaux-là.
Là-dessus un rougail étrange, avec du piment vert, des oignons et du vinaigre et du sel (un peu beaucoup, de sel), mixés. C’est la recette transmise des cuisines à notre demande, vu que la chose est très intéressante, et accompagne favorablement l’andouille. Que le diable nous patafiole si le chef ne nous a pas enfumé, car il nous semble bien y déceler le goût acidulé typique d’un citron, voire d’une margoze.
Les lentilles sont assez correctes dans l’ensemble. Un petite odeur de roussi vient même lui relever les audaces. Le riz en revanche n’a d’intérêt que parce qu’il est convenablement cuit. Le grain est cassé, presque en brisure, ce qui gâche un peu les sensations masticatoires. Dommage. Nous terminons par une tarte de papaye façon tatin. Celle-ci est divine. Voilà de la belle confiture de papaye éclatante, un peu collante et résistante sous la molaire comme on les aime, et qui diffuse son jus à chaque coup de dent, avec l’assistance beurrée d’une pâte très fine et la fraîcheur d’une glace à la vanille toute belle, au parfum prononcé. Un bonheur de dessert.
Addition : une soixantaine d’euros pour deux personnes tout compris. Le rapport qualité-prix est perfectible.
Voilà le Velli. Inutile de s’étendre davantage. L’établissement a connu des hauts et des bas, mais les informations que nous avons reçues se sont avérées exactes. Le niveau est assez haut. De la bonne cuisine réunionnaise, assez conforme à nos traditions, dans un endroit ou le touriste s’arrête. Nous regrettons juste des prix un peu chauds de restaurants ayant pignon sur rue, pourrait-on dire, même si certains plats peuvent se trouver à des tarifs plus élevés encore ailleurs, comme le cari de poisson rouge par exemple. Cela ne nous empêche pas d’attribuer au Velli une très belle fourchette en argent avec recommandation spéciale.
Pour résumer : Accueil : très bien • Cadre : bien • Présentation des plats: bien • Service: bien • Qualité des plats : très bons • Rapport qualité-prix: perfectible.
Impression globale : très bonne table
Fourchette en argent avec recommandation
Une réflexion sur “Le Velli”