L’Auberge du Relais a pignon sur la traversante de la bonne et guillerette ville de Saint-Leu. Le restaurant ouvre a midi. Pile. L’heure où nous débarquons, sans tambour ni trompette, comme d’habitude.
Nous sommes reçu par un aubergiste jovial, voire kasseur lé kui sur les bords, qui nous propose une table, puis sa carte, où sont listés la plupart des caris classiques : du rougail saucisse au boucané ti-jacques en passant par le cari de poisson, le cari de crevette ou son cousin cari camarons. Pour nous aujourd’hui ce sera un rougail zandouille (encore), et un civet de canard. Un ti punch excellent, bien citronné, nous chauffe les amygdales avant les hostilités.
Les plats ne tardent pas, d’autant qu’une mise en bouche est servie pour nous faire patienter : du boudin avec du achard de légumes. Ce dernier est coloré, comme de juste, et aussi très croquant. Il dégage son joli parfum de curcuma pimenté, associé à une petite l’acidité de bon aloi, ce qui réveille nos papilles et nous met en appétit. Le boudin est pâteux, mais son léger goût sauvage rattrape un peu sa consistance « mie de pain ».
C’est conséquemment bien disposés que nous accueillons l’andouille et le canard.
La cochonnaille nous paraît un peu grasse, au premier regard, et assez palote. Les premières bouchées sont toutefois encourageantes : c’est ample et moelleux. Point d’éléments cartilagineux à croquer, ce qui est un peu dommage quelque part, mais les saveurs sont là, soutenues par un sel tout à fait courtois. Des saveurs concentrées dans les petits morceaux de gras, justement, dont nous nous délectons, avec modération tout de même. Globalement, la puissance en bouche fait place à une délicatesse poivrée, au fumet domestiqué, même si les effluves musquées auguraient davantage de tempérament. En fin de bouchée, nous percevons une amertume-acide rappelant la fragrance caractéristique du citron-galet. Très intéressant.
Un petit piment vert « crasé » demandé en supplément du rougail citron moulu donne plus d’éclat au plat, qui, pour les amateurs, se sert pimenté à dose déconseillée aux mauviettes.
Le canard, dans son degré, emboîte le pas de l’andouille, si on considère sa force en goût. C’est sage, civilisé, tout en nuance. Rien à voir avec les civets torchés au gros rouge qui tâche, pilonnés au girofle. Tout de même, sans aller jusqu’à ces extrêmes, nous n’aurions pas boudé des sensations plus punchy. C’est un civet presque doux, qui décoincerait efficacement ceux qui n’aiment pas ça. La viande est standard. Non ce n’est visiblement pas un de ces bons vieux « canor » des hauts, élevé dehors, à l’eau de pluie. Le goût de la viande est conséquemment en retrait, bien que celle-ci offre une prise de dents convenable. Heureusement que l’assaisonnement est tout à fait correct. Le plat se mange donc sans faim, et sans grimace.
Les lentilles sont très bonnes. Elles nagent dans une jolie sauce légèrement épaisse, et leur velours est sublimé par la puissance poivrée d’un ravensare joyeux. Cela rappelle un peu l’odeur de terre mouillée à la campagne, après une ondée matinale. Le piment citron très moulu fait son travail. Le riz est correct, servi en bonne quantité.
Hélas, les desserts, très centrés sur les glaces, ne nous tentent pas. Pas de gâteau, ni de tarte aujourd’hui. Tant pis. L’addition se chiffre à 33 euros pour deux yabs. Le rapport qualité-prix est satisfaisant.
L’Auberge du Relais ne date pas d’hier. Et si nous en jugeons par ce que nous avons dégusté aujourd’hui, le chef n’est pas non plus né de la dernière averse, et Saint-Leu n’est pas réputée pour la fréquence de ses pluies ! Nous avons apprécié des plats exécutés avec maîtrise, au sel bien dosé, aux saveurs académiques, même si les produits ne sont pas forcément de très haute tenue, et peut-être un petit peu trop cuits, si on pousse un peu le bouchon. La gouaille du patron et la salle accueillante font oublier un aspect extérieur rébarbatif de vieille bâtisse brute de l’ante-pénultième siècle. Nous ne pouvons que souhaiter encore bien des années de bonne cuisine à l’auberge, et à l’aubergiste, Nicolas Périassaminadin, pour régaler la clientèle habituée et de passage. Tout cela vaut bien une belle fourchette en argent, avec recommandation de l’équipe.
Pour résumer : Accueil : bien • Cadre : bien • Présentation des plats: moyen • Service: très bien • Qualité des plats : bons • Rapport qualité-prix : correct.
Impression globale : bonne table
Fourchette en argent avec recommandation
Une chose me chagrine quelque peu , et ce n’est pas l’envolée lyrique et descriptive. ..C’est la vaisselle que je vois sur la photo. Ne peut-on faire un effort et présenter les plats dans une vaisselle plus raffinée , ou du moins colorée .On ne demande pas Villeroy et Boch , mais avouez que ça fait « service malbar » , et je trouve, et ce n’est que mon avis, que cela gâche le plaisir.
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Bien d’accord avec vous. C’est hélas encore monnaie courante, mais certains restaurants créoles commencent à faire des efforts.
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