Le Ti Piment

IMG_3147Nous prenons aujourd’hui la direction de l’Est, pour une visite du restaurant le Ti Piment à Bras-Panon, situé à deux pas de la charcuterie Marianne, où l’on fait grande queue pour chercher ses boudins, saucisses, boucané, andouilles, tutti et quanti.

IMG_3152Le Ti Piment est situé sur la route principale, ou peu s’en faut. Les lieux affichent propreté et confort classieux mais non ostentatoire, avec son caillebotis, son mur décoré de pierres, ses plantes ici et là, dont des petits pots de faux piment, un clin d’oeil sans doute au nom de l’établissement. Les petits pots de vrais piments peuvent se trouver facilement, mais l’on objectera peut-être qu’il faut les entretenir un minimum et que la clientèle indélicate pourrait les faucher.

Nous sommes accueillis avec le sourire d’une jolie demoiselle montée sur batterie nucléaire, qui assure le service qui nous installe à la terrasse, à notre demande. Le Ti Piment c’est le restaurant, ou la serveuse ? Le tableau noir du menu affiche aujourd’hui cinq plats métros et sept plats créoles, plus trois entrées. Entrecôte charolaise, magret de canard, truite de Langevin tutoient vindaye de thon, sauté de boeuf au chouchou et sauce de camarons. Nous nous laissons tentés par un achard de papaye accompagné de boudin, le porc massalé et les camarades camarons.

IMG_3155Après les apéritifs, le achard ouvre le bal. Nous reconnaissons le boudin du charcutier sus-mentionné, à son aspect d’abord, régulier et luisant, et aussi au goût. Nous l’avions déjà dégusté au Ptit Koin Kréol à Hell- Bourg. Il est comme Julio, il n’a pas changé (Yé né pas chann’gé, yé soui toujours lé boudin que tu aimais…). Toujours cette magnifique texture équilibrée, ni trop dense, ni trop molle ; toujours ces petits oignons verts éclatants ; toujours cette farce au goût prononcé, chauffée par un piment joyeux déconseillé aux mauviettes. La papaye fraîche et croquante, coupée en fils, toute arrangée d’un subtil gras curcumaté, avec des graines de moutarde, complète parfaitement le moelleux de la farce et fait voir le boudin sous un jour différent, plus exotique en quelque sorte.

Les caris suivent sans tarder. La jolie demoiselle montée sur pile se montre efficace, et d’une distance courtoise très professionnelle.

IMG_3161Le porc roule des mécaniques et envoie sans se faire prier une vague de belles sensations gustatives, avec un massalé nuancé, parfumé, teinté par un caloupilé discret et une touche de coriandre fraîche. La viande elle-même ne déçoit pas. Du franc mordant dans les parties «sèches», qui ne le sont pas tant que ça, et des frissons dans notre échine quand les jolis bouts de peau et de gras sous-cutané nous glissent derrière la luette. Le sel est bien dosé.

IMG_3158Les camarons sont également très bons, nonobstant le fait qu’ils ne soient pas très en chair. Les pauvres. Pas grand-chose donc à avaler, mais beaucoup de jus à extraire de leurs carcasses envahissantes, que nous écrasons sans faire de chichis pour en sucer les recoins. La sauce abondante est délicieuse, avec son fumet de crustacé, vivifiée par un sel plus présent, sans doute, mais toléré. Nous regrettons l’absence d’un petit piment vert, justement, qui aurait pu la sublimer davantage. Une poubelle de table aurait été la bienvenue. Avec ce genre de plat, on en a plus dans son assiette à la fin du repas que lorsqu’on a commencé. Faut y penser.

Rien de spécial à dire sur les haricots, puisque fort bien exécutés. Nos foudres vont au riz. Encore. Aucun reproche spécifique concernant la cuisson, c’est le riz lui-même qui n’est pas à la hauteur, avec son odeur de poussière de cave, et son arrière goût de renfermé. Nous en faisons la remarque à la serveuse, qui va le répéter en cuisine, d’où fuse une réflexion sur un ton peu amène, mais dont nous ne saisissons pas la teneur. Serait-on rétifs aux remarques dans cet établissement ?
Le rougail «zognons» est très bon, mais pour un restaurant qui s’appelle le « Ti Piment », nous verrions bien une plus grande variété de rougails pour accompagner les caris. Un piment la pâte rouge est amenée à la table voisine. C’est déjà pas mal.

IMG_3164Nous terminons le repas par une tarte tatin maison très gourmande et sucrée, avec une belle pâte fondante. L’addition se monte à 49 euros et des grains de piment, pour deux boissons, une entrée, deux plats, un dessert et un café. Le rapport qualité- prix est correct.

Le Ti Piment est, jusqu’à preuve du contraire, le meilleur restaurant que nous ayons testé dans le secteur (si l’on veut de la fourchette d’or, il faut pousser jusqu’à La Cabane aux Epices à quelques encablures de là). L’endroit est propre et confortable, un brin chic, le service est efficace.
Quelques remarques tout de même. D’abord une présentation à l’assiette assez bateau, et pas parfaitement propre… quelques grains rebelles du piteux riz se sont fait la malle. Quitte à dresser une assiette autant que ce soit joli, sinon c’est simplement inutile. Ensuite la poubelle de table absente, et pourtant indispensable avec le camaron. Enfin : un riz hors jeu, de notre point de vue. La cuisine quant à elle est très bonne. Les plats sont correctement assaisonnés et préparés, et nous repartons repus mais un peu frustrés quand même. Il manque en effet un je-ne-sais- quoi pour que les caris soient tout à fait magnifiques : encore plus de saveurs, plus de surprise, plus de fumet, davantage d’authenticité. La fourchette d’or ne tombera pas cette fois, mais une belle fourchette en argent tout de même.

FourchettesPour résumer : Accueil : bien • Cadre : bien • Présentation des plats : perfectible • Service: très bien • Qualité des plats : bons • Rapport qualité-prix :  correct. Impression globale : bonne table
Fourchette en argent

La présente critique a été réalisée le 10 juin 2017, à partir de midi, et ne prétend pas être une vérité absolue et définitive. Notre point de vue est subjectif, par nature, mais parfaitement honnête. Nous certifions n’avoir aucun rapport de près ou de loin avec les propriétaires de ce restaurant et aucun intérêt à attribuer à ce dernier une bonne ou une mauvaise note. Dans tous les cas, le restaurant dispose d’un droit de réponse.

La Carangue

Dans la petite bourgade de l’Étang-Salé-les-Bains, on peut se restaurer dans divers endroits, proposant plusieurs sortes de mets, dont deux établissements aux cartes pléthoriques, l’un d’eux ayant récolté une fourchette en inox il y a quelques années. On y retournera.

Celui que nous visitons aujourd’hui ne peut pas être manqué : il se trouve pile en face de la voie d’accès au village quand on quitte la route des Tamarins finissante. C’est La Carangue, juste à côté de l’église. Carte et buffet sont proposés. Nous choisissons le buffet, avec ses entrées de crudités, et ses sept caris à déguster, accompagnés de lentilles, de riz jaune et blanc, plus deux rougails, citron-oignons et zévis. La salle d’environ 80 couverts est confortable, rafraîchie par une climatisation et deux énormes ventilateurs (crasseux) qui font un vacarme d’ATR au décollage.

Salade CatangueCivet de porc, cari d’espadon, cari de canard et de coq, canard au baba-figues se retrouvent dans notre assiette. Nous laissons les rôtis de porc et de poulet, ainsi que le porc aigre-doux. Auparavant, nous goûtons aux salades et au achard de légumes. Tout est très croquant et rafraîchissant, mais étant encore à température de chambre froide, les saveurs sont un peu éteintes. Le achard manque notamment de peps, mais reste mangeable.

IMG_2968Nous entamons les plats de résistance par l’espadon. Ce dernier offre des sensations convenables, grâce à un gingembre qui ressort en pointillé. La chair moelleuse du poisson est goûteuse, mais pas sauvage. La sauce de cari l’a bien domestiquée. Les rougails l’accompagnent judicieusement, surtout le rougail zévis, l’autre étant un vrai tas de sel.

Le canard, fumé ou pas, en cari ou au baba-figues, n’est pas très joli à voir. La viande est décharnée. Au demeurant, heureusement qu’il est affiché « canard au baba-figues », car le baba fait plus de la figuration qu’autre chose. On ne sent son goût qu’à peine, même en prenant son temps pour rassembler le peu qu’il y a, et en le dégustant seul. Bien triste. Nous aurions plutôt préféré un baba-figues au canard, en fait. Il est certain que les baba- figues ne sont pas forcément courants (encore que…), mais ce n’est pas une raison pour les noyer ainsi dans un cari, juste pour faire genre. Pourquoi ne pas envisager plutôt un plat à part, bien pimenté, quitte à ce qu’il n’y en ait pas pour tout le monde ?

Cari CaranguesLe cari de coq est plus intéressant, à tout point de vue. Les épices roussies, où dominent le poivre joyeux, l’ail et le thym qui s’extirpent avec plaisir des recoins osseux. Le fumet est là, volontaire et presque conforme à nos attentes, même si la viande, estampillée fraîche ne propose pas le mordant des coqs la cour traditionnels.

Le civet de porc est dans la même veine que le coq. Très joli fumet, surtout avec le vin cuit qui nous pose au nez une humeur appétissante. Les morceaux de poitrine, plus que dorés, font alterner les sensations masticatoires, entre le moelleux du gras, la légère fermeté du maigre et le collant de la peau. Quasiment pas de sauce, et c’est tant mieux. Le riz s’en accommode très bien, les lentilles aussi.

Ces dernières pour leur part sont assez crémeuses et goûteuses. Le riz jaune paraît un peu gras aux entournures, mais donne de bonnes sensations en accompagnant les caris. C’est tendre, enveloppé, gourmand. Son frère blanc ne fait pas moins bien. Mention spéciale pour les brèdes chinois, croquantes à souhait, et éclatantes en bouche de leur saveur poivrée teintée d’une légère amertume, avec une touche de moutarde.

Addition tout compris (boisson, buffet et café) pour une personne : 19 euros. Le rapport qualité-prix est bon.

Avec un buffet à 15 euros, il ne faut pas vous attendre à trouver à La Carangue des plats préparés avec des produits haut de gamme. La tenue approximative des volailles le prouve. Qu’importe, tous les caris que nous avons dégustés sont parfaitement cuisinés, dans la tradition créole. Les saveurs sont là, sans être déguisées, et le sel est bien dosé, sauf accident dans un rougail. Nous pourrions juste remarquer une tendance générale des plats à être gras. C’est vrai que le porc et le canard ne sont pas spécialement des viandes maigres, mais justement, point n’est besoin d’exagérer sur l’huile plus que le nécessaire, comme autrefois, où tout ce gras était « fané » pendant le travail aux champs ou ailleurs. Rien de méchant. Nous avons en revanche apprécié le riz (c’est si rare d’en trouver de bonne qualité, et bien cuit, au restaurant), le rougail zévis qui sort de l’ordinaire et la présence des brèdes. Le chef connaît bien son affaire, cela ne fait aucun doute. Encore un peu de travail, et La Carangue pourra revendiquer l’or, pourquoi pas. Pour l’instant, nous avons le plaisir de lui octroyer une belle fourchette en argent.

FourchettesPour résumer : Accueil : bien • Cadre : bien • Présentation des plats: buffet • Service: bien • Qualité des plats : bons • Rapport qualité-prix :  correct.
Impression globale : bonne table
Fourchette en argent

La présente critique a été réalisée le 29 mai 2017, à partir de midi, et ne prétend pas être une vérité absolue et définitive. Notre point de vue est subjectif, par nature, mais parfaitement honnête. Nous certifions n’avoir aucun rapport de près ou de loin avec les propriétaires de ce restaurant et aucun intérêt à attribuer à ce dernier une bonne ou une mauvaise note. Dans tous les cas, le restaurant dispose d’un droit de réponse.