Le Relais des pitons

IMG_3526Aujourd’hui nous voilà partis prendre le frais à la Plaine-des-Palmistes. Les platanes sont nus, le temps est magnifique, les trains de voitures filent en direction de l’autre Plaine, quelques badauds font la queue dans les snacks du coin pour chercher pitance.

Nous grimpons, le nez en l’air, l’escalier qui mène à la statue de la Vierge, juste après la mairie, histoire de prendre un peu de hauteur pour quelques clichés. Là, subrepticement, une odeur de cari vient nous titiller les sinus. C’est la cuisine du restaurant situé juste en contre-bas, Le Relais des pitons. Il n’était pas prévu au programme, qu’à cela ne tienne : nous changeons notre fusil d’épaule et décidons de voir si son ramage se rapporte à son plumage.

Le Relais des pitons a pris ses quartiers dans une jolie petite case créole. L’accueil est souriant et même gai, d’une hospitalité non feinte. De quoi donner l’envie d’entrer et de s’asseoir. Le menu est créole, des plats classiques sont affichés, avec une originalité : du poulet basquaise. L’entrée et le plat sont proposés à 15 euros. Nous optons pour une salade de palmiste, moyennant un petit supplément sur la formule, et un civet de canard. Une sauce crevette tiendra lieu de deuxième plat, à emporter. Après avoir fait marcher Johnny, avec modération, nous attaquons l’entrée.

IMG_3509Les fines juliennes de palmiste sont posées sur un tapis de salade verte, avec des rondelles de radis par-dessus. La vinaigrette est à part, pour un assaisonnement personnalisé. Merci. Celle-ci est très bonne, pas trop acide et illumine la salade convenablement. C’est tant mieux, parce que le palmiste lui-même est trop timide. Beaucoup trop. Il laisse à peine deviner sa saveur lactée avant qu’elle ne disparaisse. Ne subsiste qu’un léger croquant. Nous l’avons déjà constaté par ailleurs : un découpage hétérogène favorise davantage la perception du goût du palmiste. Ce n’est pas le cas ici.

IMG_3513Le civet suit sans tarder. Vous connaissez les fantômes de plats ? Des plats qui portent un nom qui vous évoque des saveurs particulières, et qui, en bouche, s’avèrent spectraux. Ce civet n’a de civet que le nom. On ne sent rien. D’ailleurs le canard lui-même est flasque. Si ce palmipède est palmiplainois, nous, on est Donald Duck. Le tarif le dit déjà. La chair qui part en sucette « façon puzzle », comme dirait l’autre, en est la preuve. Le chef s’est sans doute imaginé qu’étant canard, la viande aimerait la flotte, parce que c’est bien dans une sauce déliée et sans consistance qu’elle baigne. Pour les épices, c’est pareil : girofle zéro, laurier zéro, poivre zéro, et sel aussi, quasiment.

Les crevettes dégustées plus tard font beaucoup mieux. Elles n’ont pas de mal. Les saveurs sont au moins là, assistées d’un piment vert écrasé compétent. En revanche, les pois du Cap ne leur rendent pas service, pas plus que le riz grain long, détaché, correctement cuit mais peu enclin à absorber quel que sauce que ce soit. Un passage appuyé en fond de marmite, avec un léger cramé suivi d’un déglaçage aurait révélé des saveurs plus intéressantes et donné plus de tonus aux crustacés.

Les pois du cap font de la concurrence au canard pour ce qui est de la brasse coulée. Il y a longtemps que nous n’avions vu des pois du Cap aussi mal roussis, avec une sauce aussi claire. C’est incontestablement bâclé. La petite sauce de piment citron arrive à peine à sauver tout ça. Pourtant elle a du mérite. L’agrume dégage des fragrances lumineuses, comme si elle a été cueillie du matin, avec un piment discret en soutien.

IMG_3523Nous terminons par un crumble de papaye et ananas correct, malgré un fond liquide lui aussi. Addition : 32 euros pour une formule entrée plus plat, un plat à emporter, un dessert et un apéritif. Le rapport qualité-prix est perfectible.

Le Relais des pitons, à côté de la mairie de la Plaine-des-Palmistes, présente bien. Joli cadre, très bel accueil et service attentionné. On a envie d’y entrer. On augure un bon repas traditionnel et l’on s’en délecte d’avance. Pour nous, aujourd’hui en tout cas, c’est raté. Sans doute ce genre de cuisine convient-elle aux personnes peu difficiles ou aux néophytes de la gastronomie réunionnaise, mais les exigeants dont nous sommes ne peuvent s’en contenter. Quelle fourchette croyez-vous que ce canard noyé, ces grains subaquatiques et ces crevettes pâles peuvent-ils mériter, à votre avis ?

finoxPour résumer : Accueil : très bien • Cadre : bien • Présentation des plats: perfectible • Service: très bien • Qualité des plats : très moyens • Rapport qualité-prix:  perfectible. Impression globale : table moyenne
Fourchette en inox

La présente critique a été réalisée le 15 juillet 2017, à partir de midi, et ne prétend pas être une vérité absolue et définitive. Notre point de vue est subjectif, par nature, mais parfaitement honnête. Nous certifions n’avoir aucun rapport de près ou de loin avec les propriétaires de ce restaurant et aucun intérêt à attribuer à ce dernier une bonne ou une mauvaise note. Dans tous les cas, le restaurant dispose d’un droit de réponse.

Le Bistrot Case Créole

BCC3Aujourd’hui, nous mettons les pieds sous la table du Bistrot Case Créole, établissement saint-gillois posé au bord de l’artère principale du village balnéaire. Une belle salle d’une cinquantaine de couverts, sobrement décorée, tableaux aux murs, finit, au fond, par les marmites de caris du buffet à volonté de 19 euros. À la différence de certains autres restaurants à buffet, le Bistrot ne vous force pas à manger «à volonté» et vous fait l’assiette à 10 euros pour un seul service. Bonne initiative.

L’accueil est souriant et aimable. Nous nous installons et lisons le menu. Rougail saucisses – boucané, poulet au citron, cari de poisson et massalé cabri attendent dans les marmites, avec les accompagnements habituels. Des plats plus « métros » sont aussi proposés : brochettes de bœuf, tartare de thon, magret de canard et pavé de légine, mais ce n’est pas ce que nous allons noter. Quelques gorgées de mousse fraîche plus tard nous passons à l’assaut.

BCC1Nous entamons notre assiette bien pleine avec le massalé cabri. L’odeur en dit déjà long sur l’animal. C’est du vieux bouc surgelé, avec ce goût prononcé de «lait», comme dit le créole, doucereux et musqué. Sans doute aurait-il été plus aimable assaisonné en civet, mais là, avec le massalé grossier dans lequel il baigne, sans l’ombre d’un caloupilé à l’horizon, il manque singulièrement de classe. De la viande de second choix cuisinée à la va-comme-je-te-pousse, et caoutchouteuse par-dessus le marché. Ce plat est une insulte. Le poisson n’a pas de mal à faire mieux. Il n’est sans doute pas frais, lui non plus, mais affiche une saveur intéressante. Heureusement. Parce que la sauce, huileuse, n’apporte rien en terme de sensation. Les épices sont mortes, aucune énergie, aucun parfum, le peu de tomate fait pitié. Ce plat est insignifiant.

Le rougail saucisses ne se détache pas du lot. Les saucisses trop moulues ont certes un peu de goût, mais elles dansent dans l’huile avec le compère boucané dans une sarabande écœurante. Ce plat est un concentré de gras, qui n’a même pas la politesse de proposer ne serait-ce qu’un tant soit peu de fumet.

Les rougails, tomates et concombres, sont seulement salés, c’est tout. Les grains sont limite durs, des haricots qu’on sert à l’armée en temps de guerre, l’armée d’avant, celle d’aujourd’hui fait sans doute mieux. Le riz achève les plats comme on achève les chevaux. Mais qu’est-ce que c’est que ce riz ? À première vue en grain, il se délite en bouche pour devenir pâteux et farineux à la fois, laissant une sensation désagréable qui n’arrange pas la médiocrité des caris. Nous comptions sur les achards de légumes pour amener de la fraîcheur dans tout cela, en vain. A la vue, on peut déjà soustraire le « s » de  «légumes». Avec 98% de chou, c’est du achard de chou, ou du manque de respect pour ce plat emblématique. Aucun intérêt.

Addition : 20 euros donc pour deux Réunionnais, ce qui constitue un crime, et pour deux touristes qui découvriraient la cuisine locale avec «ça», ce qui constitue du mépris. Le rapport qualité-prix est conséquemment mauvais.

BCC2Sur le logo du restaurant on peut lire « tradition, bistronomie ». Parce que c’est ça la Tradition ? De quelle tradition parle-t-on ? Pas de la tradition réunionnaise en tout cas. Jusqu’à preuve du contraire, les plats que nous avons dégustés aujourd’hui sont la conséquence d’un je-m’en-foutisme patent. Créol i apèl ça « foutant ». C’est bien beau de faire des présentations à la marmite avec les cochonailles suspendues pour faire « genre », mais le Bistrot Case Créole nous a surtout illustré magistralement à quel point notre belle et riche gastronomie est insultée, dénigrée, rabaissée, dans ces lieux fréquentés des touristes, là où, précisément, il conviendrait d’en donner la meilleure image possible. Sous la présentation soignée et le cadre attrayant, il n’y a… rien. Rien qu’une cuisine fadasse, sans éclat, faite à l’économie, sans recherche, sans travail, sans cœur. L’établissement est bien noté sur TripAdvisor, mais ce que nous avons avalé aujourd’hui ne mérite guère qu’une misérable fourchette en plastique.

Pour résumer
Accueil : bien • Cadre : bien • Présentation des plats: buffet • Service: bien • Qualité des plats : médiocre • Rapport qualité-prix: mauvais.
Impression globale : médiocre
Fourchette en plastique

La présente critique a été réalisée le 30 juin 2017, à partir de 19h30, et ne prétend pas être une vérité absolue et définitive. Notre point de vue est subjectif, par nature, mais parfaitement honnête. Nous certifions n’avoir aucun rapport de près ou de loin avec les propriétaires de ce restaurant et aucun intérêt à attribuer à ce dernier une bonne ou une mauvaise note. Dans tous les cas, le restaurant dispose d’un droit de réponse.

Découverte : le Bougainvillier

Bougainvillier 3Jannick Maillot et Kelly Robert sont deux enfants des hauts, de naissance sinon de cœur. L’une n’est autre que la fille de l’indéracinable Gilbert Robert, de la réputée Auberge Piton Fougères, culminant Sainte-Marie. Un « vieux de la vieille » de la tradition culinaire réunionnaise. Jannick pour sa part, est originaire de Grand-Ilet, un rempart plus loin pour ainsi dire.

Bougainvillier1« J’ai travaillé pendant vingt ans dans le bâtiment, mais maintenant le corps ne suit plus, alors je me suis reconverti« , nous apprend-il. Pas mécontent de sa reconversion d’ailleurs, puisqu’il a toujours aimé faire la cuisine. Une passion qui le tient au corps, comme beaucoup d’autres réunionnais, qui apprécient les bonnes choses et veulent les partager. Il a d’ailleurs donné un coup de main à son beau-père, et travaillé également à l’Escale de Saint-André.

Bougainvillier2Les deux amoureux ouvrent le Bougainvillier le 6 mars dernier, sur la route du Moufia. Ils ont beau être à côté d’un coiffeur, leur restaurant ne coupe pas les cheveux en quatre: c’est de la bonne et authentique cuisine locale, améliorée de plats traditionnels comme le bouillon brède saucisses frites, le rôti de porc, ou la curiosité charcutière que nous avons dégusté : saucisses, boucané et andouillettes accommodées avec des brèdes manioc, dont la saveur tannée caractéristique se marie bien avec le poivre et les fumets divers des cochonailles !

Son civet de canard, qui colle aux doigts comme on aime, nous a également émoustillé les papilles, avec de belles envolées olfactives. Jeannick sait s’adapter aux désirs de sa clientèle, dont un petit noyau d’habitués s’est déjà constitué. Les sautés de mines poulet « minute » ont un vrai succès, et le chant de son karail résonne régulièrement pour ses shop-suey, jusque dans la petite salle toute neuve d’une trentaine de couverts. « En revanche, allez savoir pourquoi, les grains ne marchent pas. Les clients n’aiment que les lentilles !« , constate-t-il, un brin amusé. Sept caris tournent tous les jours de la semaine, avec des gratins divers.

Jeannick prévoit de compléter son offre avec des sarcives et des grillades. Gâteaux patates, manioc et chocolat sont proposés au dessert, mais également de la bonne confiture de papaye et de pamplemousse, une merveille pour gourmets en quête d’échanges savants entre le sucre et l’amertume fruitée de l’agrume. Avec un rapport qualité prix imbattable (9 € le cari sur place), Jeannick et Kelly ont toutes les chances de prospérer, et de faire du Bougainvillier une étape incontournable de Sainte-Clotilde, comme il l’est presque devenu dans le quartier. Nous leur souhaitons bon vent. Le Bougainvillier est ouvert tous les jours de 11h à 14h et de 18h à 20h30, sauf le lundi et le dimanche soir. Le service traiteur est possible sur demande.

Le Bougainvillier : 92, rue Marcel-Hoarau Sainte-Clotilde 0262 93 28 94. Facebook : Restaurant Bougainvillier