Aujourd’hui nous voilà partis prendre le frais à la Plaine-des-Palmistes. Les platanes sont nus, le temps est magnifique, les trains de voitures filent en direction de l’autre Plaine, quelques badauds font la queue dans les snacks du coin pour chercher pitance.
Nous grimpons, le nez en l’air, l’escalier qui mène à la statue de la Vierge, juste après la mairie, histoire de prendre un peu de hauteur pour quelques clichés. Là, subrepticement, une odeur de cari vient nous titiller les sinus. C’est la cuisine du restaurant situé juste en contre-bas, Le Relais des pitons. Il n’était pas prévu au programme, qu’à cela ne tienne : nous changeons notre fusil d’épaule et décidons de voir si son ramage se rapporte à son plumage.
Le Relais des pitons a pris ses quartiers dans une jolie petite case créole. L’accueil est souriant et même gai, d’une hospitalité non feinte. De quoi donner l’envie d’entrer et de s’asseoir. Le menu est créole, des plats classiques sont affichés, avec une originalité : du poulet basquaise. L’entrée et le plat sont proposés à 15 euros. Nous optons pour une salade de palmiste, moyennant un petit supplément sur la formule, et un civet de canard. Une sauce crevette tiendra lieu de deuxième plat, à emporter. Après avoir fait marcher Johnny, avec modération, nous attaquons l’entrée.
Les fines juliennes de palmiste sont posées sur un tapis de salade verte, avec des rondelles de radis par-dessus. La vinaigrette est à part, pour un assaisonnement personnalisé. Merci. Celle-ci est très bonne, pas trop acide et illumine la salade convenablement. C’est tant mieux, parce que le palmiste lui-même est trop timide. Beaucoup trop. Il laisse à peine deviner sa saveur lactée avant qu’elle ne disparaisse. Ne subsiste qu’un léger croquant. Nous l’avons déjà constaté par ailleurs : un découpage hétérogène favorise davantage la perception du goût du palmiste. Ce n’est pas le cas ici.
Le civet suit sans tarder. Vous connaissez les fantômes de plats ? Des plats qui portent un nom qui vous évoque des saveurs particulières, et qui, en bouche, s’avèrent spectraux. Ce civet n’a de civet que le nom. On ne sent rien. D’ailleurs le canard lui-même est flasque. Si ce palmipède est palmiplainois, nous, on est Donald Duck. Le tarif le dit déjà. La chair qui part en sucette « façon puzzle », comme dirait l’autre, en est la preuve. Le chef s’est sans doute imaginé qu’étant canard, la viande aimerait la flotte, parce que c’est bien dans une sauce déliée et sans consistance qu’elle baigne. Pour les épices, c’est pareil : girofle zéro, laurier zéro, poivre zéro, et sel aussi, quasiment.
Les crevettes dégustées plus tard font beaucoup mieux. Elles n’ont pas de mal. Les saveurs sont au moins là, assistées d’un piment vert écrasé compétent. En revanche, les pois du Cap ne leur rendent pas service, pas plus que le riz grain long, détaché, correctement cuit mais peu enclin à absorber quel que sauce que ce soit. Un passage appuyé en fond de marmite, avec un léger cramé suivi d’un déglaçage aurait révélé des saveurs plus intéressantes et donné plus de tonus aux crustacés.
Les pois du cap font de la concurrence au canard pour ce qui est de la brasse coulée. Il y a longtemps que nous n’avions vu des pois du Cap aussi mal roussis, avec une sauce aussi claire. C’est incontestablement bâclé. La petite sauce de piment citron arrive à peine à sauver tout ça. Pourtant elle a du mérite. L’agrume dégage des fragrances lumineuses, comme si elle a été cueillie du matin, avec un piment discret en soutien.
Nous terminons par un crumble de papaye et ananas correct, malgré un fond liquide lui aussi. Addition : 32 euros pour une formule entrée plus plat, un plat à emporter, un dessert et un apéritif. Le rapport qualité-prix est perfectible.
Le Relais des pitons, à côté de la mairie de la Plaine-des-Palmistes, présente bien. Joli cadre, très bel accueil et service attentionné. On a envie d’y entrer. On augure un bon repas traditionnel et l’on s’en délecte d’avance. Pour nous, aujourd’hui en tout cas, c’est raté. Sans doute ce genre de cuisine convient-elle aux personnes peu difficiles ou aux néophytes de la gastronomie réunionnaise, mais les exigeants dont nous sommes ne peuvent s’en contenter. Quelle fourchette croyez-vous que ce canard noyé, ces grains subaquatiques et ces crevettes pâles peuvent-ils mériter, à votre avis ?
Pour résumer : Accueil : très bien • Cadre : bien • Présentation des plats: perfectible • Service: très bien • Qualité des plats : très moyens • Rapport qualité-prix: perfectible. Impression globale : table moyenne
Fourchette en inox