La Passion des Z’îles

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Saint-Leu sous le soleil d’hiver austral, avec une petite brise rafraîchissante, invite à la promenade sur le front de mer, la contemplation des quelques surfeurs tâtant de la « gauche », la flânerie en ville à la recherche d’un bon petit restaurant où remplir son goni vide.

Nous étions dernièrement à l’Auberge du Relais, nous voici aujourd’hui au restaurant « Passion des Z’îles », en bordure de route juste à côté du pont de l’entrée ouest de la ville. Une soixantaine de couverts environ, sous parasol publicitaire, tables et chaises en plastique, l’ambiance est posée.

Le menu est créole et métro, avec des métaphores comme le « tartare créole », composé de tomates, concombre, oignons et piment, une salade proposée à 16 euros. L’accueil est souriant et poli. Nous posons nos séants après avoir commandé un cari de coq, un cari de camarons, et les boissons. Disponibles également aujourd’hui : civet de canard, bœuf carottes, rougail saucisses, plus des chinoisetés dont un bol renversé. Les caris arrivent à l’assiette, en une dizaine de minutes, via une dame souriante en mode ralenti. C’est dressé simplement et proprement, même si le riz rase un peu les bords. C’est parti !

IMG_3955Les camarons, sous la dent, ont la texture grinçante caractéristique d’une cuisson non aboutie. Heureusement, ils sont tout de même assez cuits pour être mangeables. Leur saveur est timide, la sauce rouge cramoisie dans laquelle ils prennent leurs aises est bien plus franche, avec une acidité maîtrisée et confite, un poivre claquant et comme une réminiscence de romarin sur les bords, étrange dans un tel plat. L’ensemble est correct sans être transcendant. On aurait bouilli les crustacés, qu’on aurait placé cinq minutes dans une sauce de tomates en boîte avec un peu de sel et de fines herbes et le résultat aurait été le même. Pas de flambage visiblement, et pas de coques, légèrement attachées au fond de la marmite, qui pourvoient 90% du goût chez un cari de camarons bien né. Et pas de piment non plus, bien sûr. Sans doute le classique égard superfétatoire vis-à-vis des palais délicats de la « zoreillie » en goguette. Goûtons voir le Gallus gallus domesticus.

IMG_3958Le coq chante faux. Bien sûr, nous ne nous attendions pas à du coq la cour pour 11 euros, mais enfin tout de même. Si, au mordant, la viande se défend, ce n’est que pour révéler des saveurs éteintes, comme si l’emplumé avait cuit dans beaucoup trop d’eau, et trop peu de sel. La faute sans doute à un roussi d’épices fait à la va-vite. Enfin, le peu d’épices qu’il y a, s’entend. Quand on dit « coq » ou « canard », on s’attend généralement à des caris puissants en goût, généreux. Nous avons droit ici à un cari de coq de régime. C’est fadasse à en pleurer. Pour accompagner le boiteux et l’aveugle : des pois du cap encore bien entiers, parfaits pour des munitions d’un tromblon destiné aux voleurs de canards, et ce malheureux riz long grain de basse extraction, sec comme la pampa qui coiffe la ville, et qui n’aide donc pas les caris à relever un peu la tête. Un rougail Dakatine, encore, petit frère de celui que nous dégustâmes chez Sully tantôt, pimenté à dose moléculaire, achève ce triste tableau. Nous commandons des beignets de bananes en dessert. Ceux-ci sont faits à la minute et servis chauds, saupoudrés de sucre. Ils sont très bons ! Les morceaux de bananes fondent en bouche, en cramant quelques papilles au passage, mais ce n’est pas grave. Au moins cette douceur traditionnelle est très bien exécutée. L’addition se monte à 49 euros pour trois plats, trois boissons et deux desserts. Le rapport qualité-prix eut été correct si les plats avaient été de meilleure facture, mais là, la facture, elle est un peu dure, surtout pour le menu enfant. 11 euros la semelle de bœuf et les frites jaune clair.

IMG_3959Serait-il Dieu possible de trouver sur la côte balnéaire plus d’un restaurant de cuisine locale « touristique », qui tienne la route ? La passion des Z’îles présente bien, c’est aéré, confortable, roots, mais la cuisine est bâclée. Du tout-venant pour visiteurs pressés et touristes peu regardants ou ignorants. De la cuisine qui se bouffe, parfaite pour remplir le goni vide, et c’est tout. Si ce sont là les «spécialités», si c’est là toute la «passion» que l’établissement peut montrer, c’est désolant. Et à 13 euros le cari de camarons blèmes, cela frise l’insulte. Sans conteste, la passion a fait la place à l’économie et à la rentabilité. Malheureusement le bon dessert ne suffira pas à changer la note du jour : une fourchette en inox. Délabrée.

finoxPour résumer  Accueil : bien • Cadre : bien • Présentation des plats : perfectible • Service : perfectible • Qualité des plats : très moyens • Rapport qualité-prix :  mauvais. Impression globale : table très moyenne
Fourchette en inox

La présente critique a été réalisée le 10 août 2017, à partir de midi, et ne prétend pas être une vérité absolue et définitive. Notre point de vue est subjectif, par nature, mais parfaitement honnête. Nous certifions n’avoir aucun rapport de près ou de loin avec les propriétaires de ce restaurant et aucun intérêt à attribuer à ce dernier une bonne ou une mauvaise note. Dans tous les cas, le restaurant dispose d’un droit de réponse.

Chez Sully

La plupart des villes réunionnaises ont un restaurant « institution ». Un restaurant de cuisine locale, existant depuis assez longtemps pour mériter ce titre, d’une cinquantaine de couverts au moins, qui peut faire des plats à emporter, et dont la qualité est suffisante pour drainer les travailleurs du coin ou les gens de passage, même si cette dernière est sujette à variations, il va sans dire.

Saint-Denis a son Reflet des îles, Saint-Pierre son Gros Louis, l’Etang-Salé son été indien, Salazie son P’tit Bambou, Saint-André son Kom la Case… et Saint-Paul son Chez Sully.

IMG_3733Et c’est à cette adresse que nous débarquons en ce mois de juillet finissant, après avoir profité du front de mer refait de la sous-préfecture de l’ouest, nous ne parlons pas du ponton qui tombe en ruine… Le restaurant est précisément posté à l’angle des rues Rhin et Danube et Evariste de Parny, sous le bras de la sous-préfecture, pour ainsi dire. Deux salles, dont la plus grande est également la plus lumineuse, abritent une soixantaine de couverts, sans doute davantage. Ici, c’est du semi-self-service. Et on choisit les plats à rebours : d’abord les desserts, les entrées à la caisse. Au menu du jour : des sautés chinois, du bœuf bourguignon, du boucané-bringelles, du cari d’espadon, du poulet frit… Le poisson, le bœuf et le boucané se retrouvent dans nos assiettes. Quelques tran-ches de patates sautées feront office d’entrée. Les hostilités peuvent commencer.

IMG_3721Les patates, bien qu’un peu molles, ont suffisamment de goût pour être intéressantes. Les petits légumes deci-delà, associés à de l’ail et des oignons vert, apportent leur obole. Une friture plus poussée aurait tout de même été bienvenue, quitte à faire des tranches plus fines, sans aller forcément jusqu’au chips.

Le rougail boucané présente mal. Visuellement il ne ressemble à rien. Les couleurs sont pâlottes, et les bringelles pas assez nombreuses, indéniablement. D’où notre (bonne) surprise à la dégustation. C’est un honnête boucané parfumé comme il faut, à tendance grasse quand même, et qui opère un bel échange en bouche avec le peu de bringelles existant. Le légume propose sa saveur picottante avec bonheur, et cela est d’autant plus frustrant qu’il pèche par la quantité. Le rougail satisfera pleinement les timides de la bringelle.

IMG_3716Le cari d’espadon est correct. Par moment, des humeurs de combava se manifestent, en alternance avec le goût du poisson, lui-même un peu éteint, il faut bien le dire, quand on est habitué à l’espadon frais et ses emportements musqués de fond d’océan, teinté d’iode et de corail. Certains morceaux sont un peu secs aussi, étrangement. Il manque un bon piment vert « crasé », avec une pointe de gingembre-mangue, pour redonner du tonus au pélagique.

IMG_3719Le bœuf bourguignon, lui, est excellent. Si la viande est tendre, fondante comme cuite à la cocotte-minute, elle est aussi un peu grasse, enrobée d’une sauce épaisse qui laisse un fond d’huile dans l’assiette. Les saveurs sont bien présentes et satisfaisantes. Cela fait du bien de manger un bon plat cuit au vin, qui embaume, assaisonné d’un girofle riant et d’un laurier efficace. Le vin peut-être et les carottes davantage y laissent une touche sucrée, sans exagération tout de même, et heureusement. Les grains blancs en accompagnement sont farineux. Le riz est bon, et bien cuit. Le rougail dakatine est liquide comme le résultat d’une digestion de matou malade. Pas mauvais, mais négligé. Nous terminons le repas avec un gâteau tison. Etouffe-chrétien, hindou, musulman, athée… Sec comme un tas de poussières.

Addition : 38 euros et des miettes de tison, pour quatre repas, quatre boissons et deux couillonnades en desserts. Soit moins de 10 euros par tête de yab. Un rapport qualité prix excellent, proche du record.

Chez Sully est une institution en centre-ville de Saint-Paul qui nourrit ses clients habitués ou de passage avec des plats créoles et « chinois » de bonne facture, dans tous les sens du terme. Si le service se limite au remplissage des assiettes et au paiement, l’accueil est souriant et très aimable. Les locaux sont propres, même si le mobilier accuse le poids des ans. Rien de particulier à dire sur ce que nous avons mangé aujourd’hui, sauf peut-être de sortir un peu des sempiternels rougails dakatine, concombre, etc, et proposer du simple piment vert quand il y a du poisson au menu, ce qui doit arriver souvent. Vous n’aurez pas de feux d’artifice dans l’assiette mais une cuisine correcte et pas chère. Une bonne adresse si vous voulez manger un cari à deux pas du front de mer, ou même sur le front de mer en mode barquette. Nous attribuons donc à Chez Sully une logique fourchette en argent.

FourchettesPour résumer  Accueil : bien • Cadre : moyen • Présentation des plats : self • Service: bien • Qualité des plats : bons • Rapport qualité-prix:  correct. Impression globale : bonne table
Fourchette en argent

La présente critique a été réalisée le 26 juillet 2017, à partir de midi, et ne prétend pas être une vérité absolue et définitive. Notre point de vue est subjectif, par nature, mais parfaitement honnête. Nous certifions n’avoir aucun rapport de près ou de loin avec les propriétaires de ce restaurant et aucun intérêt à attribuer à ce dernier une bonne ou une mauvaise note. Dans tous les cas, le restaurant dispose d’un droit de réponse.