Nous n’avons pas rendez-vous, mais c’est bien le Rendez-vous que nous décidons de tester aujourd’hui, un restaurant situé sur la voie de liaison portuaire, au front de mer côté nord du Port.
L’endroit est fréquenté des cadres et patrons de la zone. De l’extérieur, le restaurant ne paie pas de mine. Il est en effet installé dans ces préfabriqués type Algeco, et en cela il se fond parfaitement dans le paysage au point presque de disparaître. Nous poussons la porte et c’est un tout autre décor qui s’offre au regard : parquet flottant imitation bois, miroir encadrés, une touche orientale, joli mobilier, table dressées à l’équerre, belle vaisselle. Le contraste est saisissant.
Nous sommes très aimablement accueillis par deux dames fort souriantes, qui nous placent et nous amènent le menu du jour sur tableau. Malheureusement pour nous, une des chaises est posée pile à un endroit ou le parquet flotte un peu plus que la normale. Il ondule même à chaque fois que quelqu’un y met les pieds, et la chaise suit le mouvement. C’est désagréable mais nous ne mouftons pas. Le menu est créole pour l’essentiel, teinté de quelques plats métros et mauriciens comme le briani. Pas moins de 25 plats et 6 entrées sont proposés, des classiques rougails morue et saucisses au Ti-Jacque, en passant par les camarons et poissons. C’est un peu beaucoup. Nous ne nous faisons pas d’illusion : point d’armée en cuisine mais plutôt une belle chambre froide avec des caris préparés d’avance. Et les tarifs pratiqués sont un peu sévères pour du surgelé. Mais enfin après tout, si c’est bon…
Deux bonbons piments tout chauds, épais et savoureux, sont proposés en amuse-bouche. Un concentré de cotomili, de cumin et de curcuma qui envoie du lourd avec du piment. Nous adorons. Suit un jus de mangue et ananas tout à fait savoureux et rafraîchissant bien que très sucré.
Nous commandons un cari la patte cochon et un « riz chauffé saucisse pétée », plat traditionnel s’il en est. Nous entamons le repas avec un « méli-mélo de zourite – palmistes », une entrée à 14€. Celle-ci est présentée comme un tartare, sur lit de salade verte et quelques juliennes de carotte. C’est assez bien fait. Pas besoin de plusieurs bouchées pour se rendre compte que ce méli-mélo est vinaigré à la louche, et salé à la pelle. Conséquence logique : les saveurs subtile du palmiste et musquée du zourite ont quasiment disparu. Le mélange, qui promettait d’être intéressant, est gâché. Ne subsiste que le croquant des légumes, et plus grand-chose.
Le cari la patte-cochon est à l’inverse pauvre en sel, et en épices en général. Nous n’avons pas vu l’ombre d’une feuille de thym, ni senti le moindre poivre. La viande est certes abondante, ce n’est pas un « cari le zo » mais ne propose qu’une vague saveur de cochon brut, et devient très vite insipide sur la longueur. L’aspect de la sauce en dit long sur l’affaire : la patte a dû patauger dans quelques hectolitres de flotte en compagnie d’un oignon célibataire et du curcuma pour la couleur. Elle eut été plus colorée (dans tous les sens du terme) si elle avait accroché au fond de marmite en fin de cuisson à l’étouffée, avec des épices correctement roussies, puis déglacée pour en dégager les sucs.
Le riz chauffé saucisses pétées a usurpé son nom. D’abord, c’est au mieux un riz cantonnais au rabais, sinon un riz frit à la mauricienne, d’autant que les grains sont longs type basmati. Des œufs et des oignons verts l’agrémentent. Et il a été tourné dans un fond de sauce de poisson, vu les humeurs vaguement marines qui s’en dégagent. Les saucisses, moulues fin, ne sont absolument pas pétées. Trop maigres pour l’être. Ce sont des saucisses frites tout simplement. Pas mauvaises. On est loin du vrai riz chauffé, tourné à l’huile ou au saindoux, salé et chauffé au piment zoizo bien vert, avec du bon riz grain moyen, et pas cette chose sèche, qui accompagne aussi la patte-cochon.
Les lentilles sont correctes, sans étincelles. Deux rougails sont proposés : oignons et gros piment, plus dakatine. Bon point pour ce dernier, plus épais, plus « roots » et plus goûteux que les diarrhées de mimites rencontrées tantôt dans deux autres restaurants. Nous faisons l’impasse sur les dessert. L’addition se monte déjà à 54 € pour deux personnes. Le rapport qualité-prix est mauvais.
Dans la zone industrielle du Port, en face du parcours santé du front de mer, qui, soit dit en passant, est bien plus joli que le champ de ruines du littoral dionysien, le Rendez-vous est celui des chefs d’entreprises et de leurs collaborateurs et collaboratrices, triste dehors, confortable dedans. Des gens qui travaillent aux alentours, et/ou habitués, qui trouvent sans doute la cuisine de ce restaurant correcte. Il ne faudrait pas qu’un autre restaurant de bonne cuisine locale s’installe à proximité parce « Le Ren-dez-vous » va le sentir passer, au risque de finir par s’appeler « Le Lapin ». Un lapin posé par des clients qui réaliseront que cette cuisine est finalement très moyenne, si ça continue comme ça, bien sûr. Certes l’accueil et le service sont très pros, mais ça ne suffit pas. Il ne suffit pas non plus de mettre les plats dans de la belle vaisselle, dressée dans une jolie salle décorée chic, pour qu’ils soient bons. Il faut aussi les cuisiner correctement, faire en sorte que les aliments aient du goût, et pas seulement un goût de sel. Et cela passe sans doute par un menu moins pléthorique qui éviterait de déguiser de la nourriture de cantine en plats élaborés. Et tant qu’à faire, si on propose des plats traditionnels, autant qu’ils soient exécutés comme tels, pour qu’ils méritent leur nom. Des mesures qui contribueraient peut-être à justifier des tarifs éhontés. Voici un repas qui ne mérite pas plus qu’une fourchette en inox. Terne.
Pour résumer. Accueil : très bien • Cadre : très bien • Présentation des plats: bien • Service : très bien • Qualité des plats : moyens • Rapport qualité-prix: mauvais. Impression globale : moyen
Fourchette en inox
Une réflexion sur “Le Rendez-vous”