Aujourd’hui direction Dos d’Ane, à dos de cheval vapeur, dont les amortisseurs souffrent un peu pour cause de travaux en plein Pichette. Dos d’Ane est un village réunionnais des hauts agréable, tout vert et rafraîchi par l’altitude, point de départ ou d’arrivée de randonneurs en rang d’oignons sur le sentier de la Roche Verre-bouteille, déboulant sur un point de vue dont la mairie, tutti et quanti, semble se ficher comme de l’an quarante tant le site est à l’abandon. Désolant.
Au numéro 1 du chemin Cap Noir, qui mène à cet endroit, le Ben île ouvre ses portes aux clients du coin et de loin. C’est une salle propre d’une trentaine de couverts, plus une vingtaine en terrasse pour les jour de soleil. Nous arrivons de bonne heure, comme d’habitude et en profitons pour jeter un œil sur les articles vendus dans le vide-grenier attenant.
L’accueil de la patronne est jovial. Trois plats au menu du jour : rougail saucisse, cari poulet fumé et rougail morue du vendredi. Nous choisissons les deux derniers, plus un gâteau patate et une tarte au coco pour le dessert. Après le rafraîchissement mousseux, les deux plats sont servis à l’assiette, avec un dressage simple et propre, dont des feuilles de salade bien vertes et fraîches. C’est parti.
Le poulet fumé nous paraît d’entrée trop timide en goût. Le fumet est présent, mais pas assez. Heureusement que la sauce du cari vient l’aider. Celle-ci, au demeurant, par sa consistance et la prédominance tomatée, a plus de point commun avec celle d’un poulet basquaise qu’avec celle de notre cari de poulet national. Cela manque de franchise au niveau des épices. Pour autant, c’est bon. Le riz profite bien de cette belle sauce rouge. Clairement, il faut revoir la volaille elle-même, pas assez goûteuse.
Le rougail morue fait meilleure figure malgré, là aussi, d’une humidité surnuméraire. La chair est émiettée trop gros, comme celle des morues en barquette. Un séchage plus prononcé, terminé par une croute de fond de marmite aurait donné davantage de relief à la salaison en relevant son fumet. Du piment vert « krasé » aurait enlevé tout ça davantage encore. Ces détails mis à part, le plat se tient aussi.
Les accompagnements ne sont pas mis en défaut : très bon riz grain long correctement cuit, souple ; magnifiques pois du Cap bien en crème, veloutés et épicés ; très bon rougail tomates, correctement coupé et écrasé, même s’il manque un peu de piquant à notre goût. Même les quelques feuilles de salade sont très bien assaisonnées.
Les desserts terminent ce repas en fanfare. La tarte au coco et le gâteau patate, chacun dans leur registre, adoptent une texture moelleuse et se délitent en bouche pour un plaisir décuplé. Le petite glace est parfaite. Deux pâtisseries exécutées avec justesse. Efficaces et déjà regrettées quand l’assiette est terminée.
Si nous tenons compte de la tradition culinaire réunionnaise, impossible de dire que les deux plats que nous avons dégustés sont des modèles du genre. Ils sont quelque peu à part. Ce qui ne les empêche pas d’être correctement préparés et de satisfaire le palais. Une bonne entrée en matière pour faire découvrir notre gastronomie aux touristes, avant de les emmener vers des préparations plus authentiques, et sans doute plus grasses et plus épicées.
Car le positif est aussi dans un dosage de sel correct, peut-être trop léger sur le poulet tout de même, et un bon équilibre en gras. Une première visite nous avait également satisfait, avec un cari de poulet très correct, et un boucané ti-jacques honnête bien que nous aurions préféré du ti-jacques boucané. Autant d’arguments qui, ajoutés à la qualité de l’accueil et du service, nous font décerner au Ben Ile une jolie fourchette en argent.
Pour résumer. Accueil : bien • Cadre : moyen • Présentation des plats: bien • Service : très bien • Qualité des plats : bons • Rapport qualité-prix : bon. Impression globale : bonne table
Fourchette en argent