Bac Rouge est un petit patelin assis sur les pentes de Saint-Paul, pour ainsi dire au début de la route du Maïdo, avant la Petite France. Nous y avons fait notre halte culinaire en mettant les pieds sous la table du restaurant le Quinquina. L’établissement fournit le manger, le boire et le quinté aux habitants du coin, et des coins avoisinants, depuis cinq ans.
Quelques tables sous parasols, quelques autres sous une longue varangue accueillent les clients qui veulent y faire une pause, pendant le défilé des barquettes. Le menu de ce jour est des plus classiques. Rougail saucisses, cari de poulet et rougail morue sont inscrits au panneau, et nous allons les tester aussi sec. Nous commandons au comptoir, et prenons place. Les assiettes suivent les apéritifs de près, avec sourire et amabilité. Dressage propre. La portion de riz nous paraît un peu juste, comparée au cari. Les « gros pois » sont servis à part, ainsi que le rougail tomate. Le rougail morue est appétissant par l’odeur et la couleur. Une bonne odeur de roussi de fond de marmite picotant le nez d’effluves épicées mais sans remontées revendicatives d’un gingembre syndical. La couleur est celle du rouge sombre des tomates en conserve qui ont sué puis attaché au feu avec des oignons revenus, et maintenant presque partis.
La morue est globalement bien émiettée, mais elle s’avère, sous la dent, raide comme «matante » récitant le « Je-vous-salue-Marie » avant confesse. La qualité du poisson sans aucun doute. Pas de quoi s’affoler puisqu’elle finit par céder, toute imprégnée puisqu’elle est de sa sauce magnifique où le doux acide joue à plein, avec un nez en tomate confite soutenu par les oignons fleurs et le persil, qu’il aurait été seyant de voir plus abondants.
Le cari de volaille est présenté découpé comme un civet lapin créole, en petits morceaux. Technique très efficace pour donner du volume au plat, cela peut se comprendre, mais ce n’est pas très pratique pour extirper les bouts de chair, et des éclats d’os piquent un peu les gencives. À revoir. Cela est d’autant plus dommage que nous aurions volontiers planté nos canines dans une belle cuisse entière, étant donné que le cari est très bon. Les belles sensations fournies par la sauce qui nous embaument les sinus avant de nous satisfaire le palais et sa suite, sont tout à fait raccord avec la campagne environnante, qui, bien qu’assez urbanisée, respire l’ambiance authentique des hauts de la Réunion. La volaille aussi a du répondant en terme de fermeté. C’est au minimum du poulet fermier, voire peut-être une bonne poule, de celle qui se mitonne dès potron-minet pour midi. Ils l’ont sans doute découpée menue pour éviter qu’elle ne s’évade de la marmite, dans sa robe curcuma, dont les restes lui impriment la peau. Côté rougail saucisses, l’on devine le même lignage que les précédents caris, tant au niveau de l’assaisonnement que de la cuisson.
Les saucisses sont un poil molles, cependant, car très moulues. Mais elles donnent de leur fumet sans mégoter, et com-me le chef n’est semble-t-il pas du genre à plaisanter avec les épices, il en résulte un plat bien en verve. Peut-être faudrait-il tenter une autre charcuterie pour avoir un peu plus de mâche. Quoi qu’il en soit, les caris ont cuit sur de la belle flamme. Une seule chose gâche un peu cette affaire : c’est beaucoup trop salé. Bien sûr les « bouches salées » y trouveront leur compte, leurs systèmes cardio-vasculaires un peu moins.
Attention à la main lourde sur le sel. Cet exhausteur de goût est là pour donner de l’éclat aux saveurs, donc, et pas pour faire l’intéressant au détriment de celles-ci. Le cari de poulet, les saucisses et les gros pois du jour sont particulièrement concernés. Rien à dire en revanche sur le riz, souple, très bon et le rougail tomates, même si c’était davantage un rougail « zoignons » et tomates !
Addition : 29 euros pour trois caris dont un à emporter. Le rapport qualité-prix est très bon.
Voilà un petit restaurant typique de chez nous, lové en pleine campagne Saint-Pauloise, très apprécié de ses clients, qui affiche un potentiel certain. Les améliorations extérieures pourraient donner davantage de cachet, sans tomber dans le touristique convenu. À commencer par revisser les tables (la nôtre branlait), et prendre garde à la propreté générale de la varangue, qui, ouverte à tous les vents, est hélas ramasse-poussière. Un investissement en baies vitrées réglerait le problème. La cuisine est savoureuse, à n’en pas douter. Nous mettrons cet excès de sel du jour sur le compte d’une faiblesse de poignet passagère. Quelques brèdes (notre vœu pieu) et un rougail supplémentaire, plus un rhum arrangé en fin de repas seraient un plus. Si les touristes ont tendance à grimper plus haut, dans les établissements connus comme «Chez Dou-dou», où l’on repassera, ils pourraient profiter au Quin-quina d’une ambiance et d’une cuisine réunionnaise vraies, simples, authenti-ques. Ainsi soit-il, puisque nous décernons au Quin-quina une très belle fourchette en argent. La recommandation spéciale, voire l’or, ce sera peut-être pour la prochaine fois.
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Pour résumer. Accueil : bien • Cadre : moyen • Présentation des plats : bien
• Service : très bien • Qualité des plats : bons • Rapport qualité-prix : bon. Impression globale : bonne table
Fourchette en argent
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Une réflexion sur “Le Quinquina”