Aujourd’hui nous grimpons à Bourg-Murat pour une mise à jour de fourchette. En effet, la fourchette d’or du Ti Resto Lontan est déjà vieille de six ans.
Nous débarquons de bonne heure comme à l’accoutumée, et l’on nous accueille avec le sourire. Nous nous posons à une table préalablement réservée et l’on nous apporte la carte sous sa forme originale propre à l’établissement : dans un vanne, qui était plus «artisanal» (et plus authentique) auparavant. Les lieux sont aussi propres et bien ordonnés que dans nos souvenirs, nonobstant le fait que les orchidées sont remplacées par une petite plante, type Chlorophytum elatum, dont certaines manquent d’un peu d’entretien.
La carte est toujours aux couleurs locales, avec quelques plats originaux tout de même, dont un poulet au miel et au citron, qui attire notre curiosité. Dans le registre des plats moins courants, nous notons aussi la présence d’une salade de foie de volaille à la crème, d’un gratin de songe, d’un millefeuille d’espadon aux brèdes sauce crème gingembre et des camarons crème vanille, combava ou porto. La tripotée locale classique des divers caris et rougail sont au nombre de treize, pas moins. Nous y piochons le rougail zandouille.
Si l’on compte les grillades, les entrées, le tutti et le quanti, le «vanne-carte» présente une quarantaine de plats différents. Quarante ! Une réflexion nous vient : Il y a encore des brontosaures qui s’imaginent qu’en ratissant large ils vont satisfaire tout le monde, avec l’illusion de pouvoir garder la qualité, même s’il y a la quantité. Il y a encore des restaurateurs qui font de leur établissement des usines à bouffe.
Le service est en tout cas efficace, agréable et professionnel. Testons donc.
Le poulet au miel et au citron est intéressant. Les émincés de poulet, coupés peut-être un peu épais, baignent dans une sauce crémeuse douce et acidulée,
veloutée, tout en finesse. Le miel et le citron se répondent en parfait équilibre. Quand l’un avance sa saveur boisée et profonde, l’autre donne son éclat frais d’agrume. Dommage que la plupart des morceaux de viande aient la consistance du carton pâte sur les bords, mais la sauce les aide bien à descendre.
Le rougail zandouille est présenté dans l’assiette comme du vomi. Il affiche en effet un aspect flasque et prédigéré peu engageant. Evidemment, quand on a quarante plats à la carte, sans une armée pour les cuisiner, on surgèle la plupart, et quand on réchauffe, cela peut donner cette chose. Et si encore l’andouille n’était que vilaine, on aurait pu pardonner. Mais elle aussi totalement exsangue de goût, ce qui est un comble tout de même pour cette charcutaille, qui, généralement, envoie du lourd. Celle-ci a été bouillie et rebouillie, on peut l’attaquer à la paille. Un plat d’hôpital. A 19 euros, oui m’sieur-dame. Nous réalisons soudain que la véritable andouille n’est peut-être pas celle qui gît dans l’assiette.
Un mot sur les à-côtés. Le riz, jaune ou blanc, est insignifiant en consistance comme en goût. Les grains, c’est encore pis. Pas une once d’épice, pas un grain de sel. Comme s’ils avaient été juste cuits à l’eau, et puis c’est tout. La (toute) petite fricassée de brèdes qui fait de la figuration a un goût de renfermé. Aucun intérêt. Seul le rougail de courgettes sauve un peu l’honneur.
Juste un mot sur le menu enfant, à douze euros. Douze, pour quelques frites navrantes et une saucisse. Là, on frise l’escroquerie. Heureusement, un supplément de frites est offert, ce qui n’explique en aucun cas le tarif.
Des beignets de bananes fort joliment présentés, très bons, croustillants dehors, tendres et chauds dedans, et leur chocolat fondu, viennent tempérer notre humeur jusqu’à ce que nous réglions l’addition : plus de 72 euros pour trois repas, apéritif et cafés compris. Le rapport qualité prix est mauvais.
Force est de constater que le Ti’ Resto Lontan nous a déçu aujourd’hui. La stratégie des cartes pléthoriques n’est pas celle qui mettra en valeur nos produits locaux dans une cuisine de qualité. Tout cela pourquoi ? Pour offrir du choix ? A quoi bon le choix si les plats doivent en pâtir. Ou alors cela devient du business. Au feu de bois, mais du business quand même, et cela est inacceptable.
Honte à la cuisine-business. Honte aux caris et rougails médiocres qui ne satisfont plus que les clients sans palais formatés à la mal-bouffe industrielle, ou les touristes qui ne connaissent pas la vraie gastronomie réunionnaise. C’est d’autant plus dommage ici que le Ti’ Resto Lontan, avec ses plats originaux, pourrait aisément se positionner différemment par rapport aux autres établissements alentours, en proposant, en sus de deux ou trois caris classiques correctement réalisés, une cuisine locale nouvelle pleine de saveur et d’éclat. Du gâchis. Six ans après, la fourchette d’or s’est changée en fourchette en inox.
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Pour résumer. Accueil : bien • Cadre : bien • Présentation des plats : moyen
• Service : très bien • Qualité des plats : moyen
• Rapport qualité-prix : mauvais. Impression globale : décevant