La Ferme du Pêcher Gourmand

Depuis le temps qu’on nous rebat les oreilles avec la Ferme du Pêcher gourmand, nous avons décidé de tester cet établissement de la Plaine-des-cafres, à la faveur d’un déjeuner dominical entre amis. L’endroit se situe à trois minutes de Bourg-Murat, en descendant vers le Tampon. Un panneau bien visible sur la RN3 vous invite à prendre un petit chemin bordé de filaos qui vous conduit à un vaste parking. Une grande maison, un jardin immense, équipé de jeux d’enfants qui vont vous débarrasser de la marmaille remuante, laquelle s’empressera d’aller torturer les lapins en liberté et faire tourner le lait des poules. La salle, décorée façon chalet, cheminée comprise, peut accueillir confortablement jusqu’à 120 convives.

IMG_0315Nous sommes accueillis avec le sourire par une dame sympathique. Les suggestions du jour sont à l’ardoise. Aujourd’hui sont proposés une salade de lentilles de Cilaos au magret de canard frit, un parmentier de canard, riz frit aux légumes et aux crevettes, une « petite marmite des ô » avec lentilles de Cilaos, cuisse de canard confite et saucisse frites, et deux desserts classiques : profiteroles et coupe de glace. Total entrée, plat et dessert : entre 30 et 38,50 euros, par personne. Vu les tarifs, nous espérons que la qualité va suivre.

IMG_0325La spécialité de la ferme est le canard, cuisiné en cari, grillé, confit, en cassoulet, en magret, sans oublier le foie gras et les rillettes que les propriétaires vous vendent aussi en bocaux, pour prolonger le plaisir chez vous. Toutefois la carte comprend aussi un rougail saucisses au ti-jacque et un cari crevette à choisir dans une formule pour 25 euros. Le menu marmaille à 10 euros comprend un cari canard fumé, le même que celui qui figure parmi les plats de résistance. Nous optons pour la « marmite des ô », avec un foie gras de canard mi-cuit en entrée, plus un cari de canard fumé. Le temps que les apéritifs soient éclusés, la danse des canards commence, avec une petite mousse légère et des petits pains savoureux en amuse-bouches.

IMG_0334L’entrée est assez bien présentée. Salade fraîche et petites juliennes de carottes croquantes côtoient un confit d’oignon et la tranche de foie gras sur pain de mie. Confit d’oignon qui n’est pas si confit que ça. Pain de mie qui manque de couleur, et de croquant, pour qui préfère les toast chauds et dorés qui vont bien avec le foie gras dont la tranche est ici un peu mince. à 18 euros nous nous attendions à une entrée plus gourmande. Le foie gras fond en bouche, et donne un peu de fumet au nez. Effectivement le confit d’oignon ne casse pas trois pattes à… vous devinez.

Les plats de résistance suivent, mais l’un des convives reste en plan. Le cari canard a du retard. En jargon musical on appelle ça un… vous devinez ?
Dans un établissement pratiquant ce genre de tarif, l’on est en droit d’attendre que tout le monde soit servi en même temps, comme il sied chez les bonnes gens.

IMG_0343La «petite marmite des ô», renifle bon la lentille gorgée de soleil poussée dans la terre caillouteuse comme du côté d’Ilet à Cordes, la graisse de canard fondue au cul de marmite, la peau frite du palmipède, et le piquant frais et léger des oignons verts disséminés. Tout cela se retrouve en bouche. Belle mâche de viande avec la peau «in ti guine» croustillante qui appelle les bouchées suivantes, lentilles en crème remplies de cette subtile saveur terreuse caractéristique, mais quid des saucisses ?

Les quelques tranches qui baignent dans les lentilles sont assez fades, comme des saucisses de conserve. Elle n’apportent rien de particulier au plat. 

IMG_0344Le cari de canard fumé (au bois d’acacia) est très bon. Sa sauce collante aux gencives amène un franc caractère de thym, de poivre et d’oignon fondu, avec la belle longueur du fumé. La viande rouge foncé se laisse mordre à cœur en offrant juste assez de résistance pour procurer du plaisir. Le sel est maîtrisé. C’est gras, bien sûr, mais sans exagérations rédhibitoires. C’est du bon cari des hauts, assez proche de celui qu’on trouve à la marmite des cordons bleus des familles. A déguster avec les doigts, pour nettoyer les os.

Les accompagnements sont corrects. Le riz est civilisé, avec des grains souples et absorbants, le rougail chouchou apporte un croquant et une fraîcheur opportune sur ces plats par nature lourds. Les masochistes de la capsaïcine se sont vu offrir une coupelle de piment vert « krasé », sans demander. Seules les lentilles servies à part avec le cari canard pêchent par manque d’assaisonnement. Trop peu de sel, pour une fois. Et leur sauce est plus claire que celle de la « marmite des ô ». Comme si c’était servi dans l’urgence.

Nous faisons l’impasse sur les desserts, pour ne pas nous alourdir l’addition, et les estomacs. Nous réglerons tout de même une note de 80 euros pour trois boissons, une entrée, trois repas dont un menu enfant à 10 euros et deux cafés. Soit une moyenne de plus de 33 euros pour deux adultes. Le rapport qualité prix est perfectible.

IMG_0352La Ferme du Pêcher Gourmand est incontestablement une adresse prisée de la Plaine-des-cafres. Le lieu est bucolique, au creux de la verdure des hauts, et offre un espace idéal pour les enfants. Très bon accueil du personnel présent aujourd’hui, mais quelques couacs dans le service, sans gravité.  La cuisine, axée sur le canard, respecte la tradition réunionnaise, dans une certaine mesure : celle du nombre de clients. En effet, si tous les plats étaient bons dans l’ensemble, on pourrait tout de même souhaiter un « petit supplément d’âme » comme chantait France, moins dans le cadre que dans l’assiette.

Il est vrai que la stratégie du nombre et la cuisine « lontan » comme « chez momon », est un exercice d’équilibre délicat.  La Ferme du Pécher Gourmand ne s’en sort pas trop mal, mais jusqu’à quand ? Aussi longtemps que possible, souhaitons-le, sachant que les tarifs pratiqués commandent d’être irréprochable. Pour aujourd’hui, nous serions injustes d’attribuer à cet établissement et à son équipe autre chose qu’une fourchette en argent avec recommandation.

 

_____________________

Fargent

_____________________

Pour résumer. Accueil : bien • Cadre : très bien • Présentation des plats : moyen
• Service : bien • Qualité des plats : très bons
• Rapport qualité-prix : perfectible
Impression globale : très bonne table

Fourchette en argent avec recommandation

Les délices du Moulin joli

IMG_3153La Possession. Les Délices du Moulin Joli. Un restaurant à caser dans la catégorie des lieux de rendez-vous du midi pour les personnes qui travaillent dans le quartier, comme il en existe partout sur l’île. Et plus si affinités, car l’on y organise aussi des soirées et autres événements privés ou familiaux. La surface conséquente qui dénombre déjà 150 couverts les midis ordinaires, autorise les grosses fêtes. Le parking est également spacieux, bien que passablement poussiéreux et caillouteux.

Nous débarquons là par hasard, passé midi de peu. On nous accueille très poliment, et nous prenons une table chez les non fumeurs. De toute manière la terrasse abritée sous chapiteaux est assez vaste et ventilée pour le pas trop subir les fumées cancérigènes des suceurs de clous de cercueil.

Une pression, et nous nous intéressons au buffet à volonté, politique choisie par l’établissement. Sept salades diverses et un gratin de chou-fleur se posent pour les entrées, avec quelques amuse-gueules comme des nems au poulet et des samoussas bien frits, moulus fins, pas trop gras. Vous pouvez aussi passer directement aux caris. Dix plats de résistance attendent. Aujourd’hui, entre autres : poulet au citron, massalé d’agneau, cari de dorade, cari coq estampillé «fermier», rougail saucisses, et une étrangeté nommée « agneau-poulet et merguez mouton au poivre vert » …

Tout cela est accompagné au choix de riz blanc ou riz jaune, plus deux rougails. De quoi faire baigner les dents du fond. Voyons tout de suite si la qualité est aussi au rendez-vous.

IMG_3137Le coq, en tout cas, a bien l’air de ce qu’il prétend : fermier. La chair tient bien à l’os, et le couteau standard fourni est à la peine. La mâche est bonne, mais nous nous laissons dire que quelques minutes de cuisson supplémentaires n’auraient pas fait de mal. La saveur est honnête, mais manque de punch, et si l’on espère que la sauce aide un peu, c’est raté. En effet, cette dernière est salée juste au-delà du raisonnable pour les palais éduqués au sel éthique. Les autres n’y verront que du feu. à la place, nous aurions aimé un thym plus présent sur un croûtage d’épices efficace. Globalement, on a l’impression que sauce et viande se regardent en chien de faïence au lieu de s’épouser.

L’agneau massalé suit le même chemin. Sur cette viande cuite tendre le massalé s’exprimerait mieux, de concert avec le caloupilé, si le sel ne venait pas mettre la zizanie. 

Le poulet au citron est un ton au-dessus. Sans doute l’acidité parfumée de l’agrume compense-t-elle quelque peu le…sel ! Toujours est-il que le poulet s’en sort mieux que le réveil de basse-cour susmentionné, bien accompagné d’émincés de concombre dans une sauce épaissie riche en sensations gustatives appuyées par le mordant des tranches de citron.

Nous terminons l’assiette par l’étrangeté. Drôle de plat en effet que ce poulet-agneau-merguez au poivre vert, tout imbibé de sa sauce à la crème. Il ne fait pas exception à la règle : son sel est bavard. Néanmoins, le plat est assez urbain pour nous procurer du plaisir. Le poivre vert, sévère, saute au nez et au palais sans faire semblant, tout en se mariant assez bien avec l’agneau (surgelé, mais bon), et les merguez de caractére. Ce n’est pas un plat pour les mauviettes, mais pour des badass habillé(e)s en cuir, bottes jusqu’aux genoux et munitions en bandoulière. Vous voyez le genre ?

Tout cela est bel et bon, mais en définitive nous nous interrogeons sur la pertinence du poulet dans cette histoire. Quitte à donner dans le puissant, une pintade fournirait plus de répondant aux ovins. Après tout ce sel, heureusement que l’eau vint.

Une crème brulée termine, froidement, ce repas, complétant ainsi une addition qui se monte à 23,60 euros pour une boisson, un buffet et un dessert. Le rapport qualité-prix est correct.

IMG_3155Pour conclure, parlons d’abord du service : aimable, souriant, professionnel, efficace.
Concernant la cuisine, cette fois encore, nous avons rencontré celle d’un chef qui a une faiblesse de poignet quand il se saisit de la salière. C’est dommage, car les caris se seraient bien mieux portés sans cet excès de chlorure de sodium. Nous connaissons la chanson, on nous l’a assez chantée : « les clients aiment comme ça, si on diminue le sel, ils réclament. » Dans ce cas, il y a toujours le recours à la salière de table, n’est-il pas ? Mais faut-il céder aux désidératas de gens dont les palais sont formatés à la nourriture industrielle, salée par nature, au risque d’oblitérer les vraies saveurs des aliments, que le sel est censé relever, et seulement relever. Pas écraser.

Jugez donc de la difficulté de noter un tel repas. Il vaut plus qu’une fourchette en inox, car nous avons relativement bien mangé. En revanche, cette cuisine en grande quantité n’est pas assez aboutie. On ne lui demande pas du raffinement, mais davantage de subtilités gustatives sans leurre, com-me dans le poulet au citron. La fourchette en argent s’impose donc, par défaut.

 

____________________

Farg2
Pour résumer. 
Accueil : bien • Cadre : moyen • Présentation des plats : buffet
• Service : très bien • Qualité des plats : bons • Rapport qualité-prix : correct Impression globale : bonne table

Fourchette en argent

____________________

Le Néflier

IMG_0118Nous débarquons aujourd’hui dans un de ces petits restaurants de quartier, où l’on a souvent d’heureuses surprises, sur la route montant à la clinique Saint-Clotilde. « Le Néflier » est son nom. Nous espérons ne pas y aller pour des Nèfles.

IMG_0126L’endroit est sympathique, au fond d’une allée très fleurie, et vous fait oublier la route fréquentée où trouver une place pour se garer est impossible. Pour ce faire, vous pouvez tenter la ZAC Finette, en contre-bas. Près de cinquante couverts, dehors et dedans. Un dedans très ouvert remarquez, avec vue sur un petit jardin. Nous sommes accueillis par un barbu aux atours de patron pêcheur, casquette sur la tête, sourire franc du collier et gouaille portée sur le ballon rond, et une dame de tempérament au service des barquettes derrière son comptoir, où quelques fins de salade sont exposés.

Il nous prie de nous installer, s’enquiert de nos choix, et nous rapporte les assiettes dressées séance tenante. Nous testerons le cari de grenadier, le civet de cerf et l’agneau au menu du jour, qui côtoient un « boucané aubergine », ici on dit « bringelles », des cuisses de poulet aux oignons et un agneau au curry, cousin métrosexuel putatif de notre cabri massalé. Les assiettes ont un semblant de présentation, voyons si le ramage se rapporte au plumage.

IMG_0122Le civet de cerf n’est pas mauvais. La viande ne fait pas mystère de son ADN de gibier en dégageant son caractère musqué, même si ce dernier a été assagi par un vin qui laisse sur les entournures quelques acidités non dérangeantes. C’est cuit fondant, et la sauce donne du liant à un riz en grain, qui renâcle à s’en imbiber. Mais si la viande est archi-cuite, elle manque tout de même de rondeur. Globalement, ce n’est pas très fin.

IMG_0123Le cari de grenadier ne voltige pas non plus dans les hauteurs gustatives, fut-il assaisonné au gingembre mangue comme croit bon nous préciser le patron. Sa chair en équilibre instable entre la finesse poissonnière et la sécheresse, a quand même le mérite d’être correctement cuite, pour ne pas gâcher le produit. La sauce, gingembre mangue ou pas, reste cependant superficielle, et a du mal à pénétrer le poisson, comme le riz d’ailleurs, pour les mêmes raisons mentionnées plus haut. Elle propose une humeur correcte, enrobée de douceur, mais sans casser des briques.

L’agneau au curry est sucré. Il affiche une parenté plus proche avec la gastronomie maghrébine que celle des indianités auxquelles nous sommes accoutumés par chez nous. Nous y décelons d’ailleurs ce qui ressemble fort à des raisins secs. Pour tout dire, c’est gras, très fort en goût et le côté sucré est écœurant. Si curry il y a là-dedans, il est atomisé.

Nous avons déjà parlé du riz. Les lentilles sont relativement bien apprêtées. Le rougail tomate est misérable. Encore un de ces rougails hachés gros doigts, plus proches de la salade de tomate fadasse que du bon rougail au pilon. Notons la présence louable de brèdes chouchou, pas mauvaises  mais définitivement trop cuites à notre goût, et passablement mal triées. Des fils subsitent ici et là.

IMG_0125En dessert, on nous propose quelques pâtisseries maison. Nous optons pour un « gâteau de crêpes au chocolat », qui « manque d’un peu de froid » de l’aveu même du patron. C’est effectivement mou, mais se mange sans faim pour qui aime le chocolat en bonne quantité. Une petite chantilly eut été bienvenue, pour donner une touche aérienne à ce pavé gourmand.

Nous prenons congé en réglant une adition de plus de 40 euros, pour une boisson, trois repas (dont un à emporter) et un dessert. Le plat est à 14 euros ! Eu égard à la qualité globale, c’est cher.

Le Néflier semble tourner avec sa petite clientèle d’habitués, au creux de Sainte-Clotilde, sans se poser de question. Le cadre est agréable, l’accueil et le service sympathiques, mais la cuisine est assez moyenne. Nous n’attendions pas forcément un feu d’artifice gustatif dans l’assiette, mais au moins un minimum syndical que n’autorise sans doute pas des produits bas de gamme et surgelés, préparés avec une routine handicapante. Une impression nette de laisser aller et de désinvolture… qui va jusqu’à la propreté de la table : des couverts vieillissants et tâchés, des sets de tables sales, et le tutoiement de la dame au moment de payer alors que nous n’avons pas gardé les cabris massalés ensemble.

Sans être une mauvaise adresse (il y a sans doute de meilleurs jours, souhaitons le) le Néflier, aujourd’hui en tout cas, ne nous a pas motivé à sortir ne serait-ce qu’une brave fourchette en argent. L’inox tombe donc logiquement.

 

_____________________

Finox

_____________________

Pour résumer. Accueil : bien • Cadre : bien • Présentation des plats : moyen
• Service : très bien • Qualité des plats : moyen
• Rapport qualité-prix : mauvais
Impression globale : décevant

Fourchette en inox