Neuf heures pétantes. Nous fuyons le chef lieu. La chaleur nous tombe dessus comme la vérole sur le bas clergé. Elle nous suivra jusqu’aux premières pentes de la Plaine-des-palmistes, dans la grande ligne droite aux platanes, avant d’arriver à l’aire de la petite pyramide, après quoi un fond d’air frais venu des hauteurs nous soulage les glandes sudoripares.
Pour ouvrir cette nouvelle saison des critiques, nous avons hésité entre les restaurants Les Platanes et La Ferme du Pommeau, qui sont dans la même rue ou peu s’en faut. Tous les deux ont jadis obtenu une fourchette en argent, quoiqu’un peu plus terne pour «la Ferme». Cette dernière ayant été visitée en 2012, nous estimons qu’il est grand temps d’aller y mettre le nez, le palais et le reste, d’autant que l’affaire a été rachetée il y a deux ans.
Force est de constater que rien n’a vraiment changé, extérieurement tout du moins. Les mêmes bâtiments, dont le dernier rafraîchissement semble dater. La salle, d’une quarantaine de couverts, est toujours agréable, avec sa cheminée, son beau carrelage en nid d’abeille, les rhums arrangés colorés, et les tables bien mises où seules les serviettes en papier jurent un peu. Bien entendu cela doit faire des économies de lessive, mais ce ne sont pas les deux ou trois tables occupées ce midi qui rempliront la machine à laver…
Nous sommes accueillis avec le sourire par une dame très aimable et loquace. Elle nous met à l’aise et nous propose le menu du jour : salade de patate douce et gésier confit, salade de palmiste ou gratin de citrouille pour les entrées ; suprême de volaille sauce forestière, filet de daurade sauce basilic ou civet de porc façon créole pour les plats de résistance ; tatin aux pom-mes, mousse au chocolat et panna cotta vanille pour les desserts. Notre choix fait, un vin blanc frais et quelques olives nous font patienter. Les entrées se pointent, nous tirons.
Le gratin de citrouille est un échantillon avachi. C’est minuscule. L’intérieur n’affiche pas l’orange syndical d’un gratin de citrouille militant. En bouche, il faut bien chercher la saveur du « cucur-bitaceae », derrière le fromage autoritaire et la béchamel épaisse, roulant du poivre et du sel pour faire les interessants. Sept euros, «ça».
La salade de patate douce est aux antipodes de ce à quoi nous nous attendions. Nous nous attendions à une mousseline, légère et parfumée de muscade, posée sur une base de juliennes de patates croustillantes, surmontée des gésiers confits coupés menus et revenus à la poêle avec un filet de sirop de gingembre et une pointe poivrée, qu’une autre épaisseur de mousse de patate vient chapeauter. Au moins.
Là, non. Nous avons droit à un palet de hockey sur glace, compact. La patate douce bouillie est mélangée à du persil et des tranches de gros piments sans goût ni force, avec des morceaux de gésier fades ici et là. Kréol i apèl ça « comblage ». Ni fait, ni à faire. Les plats de résistance suivent très vite. Ce n’est guère mieux.
Le civet de porc « façon créole » est une ode tonitruante au girofle. Ce n’est plus un civet, c’est un pansement dentaire. La viande est bien cuite, et assez tendre, pour peu que l’on tombe sur des morceaux pas trop épais. Les autres donnent dans la texture sèche et filandreuse, que le sel dosé au godet de tractopelle se propose de faire passer. Quant à l’aspect, c’est jeté comme le contenu d’une boite de viande pour toutous, la gélatine en moins. Pour accompagner cette chose, des lentilles en conserve et un rougail de sel parfumé au piment.
Le filet de dorade est le dernier. Nous le savons car une tablée fraîchement débarquée en commande une, et se voit proposer des crevettes à la place. Peut-être sont elles plus joviales que ce pauvre filet trop cuit qu’une médiocre sauce au basilic vient envelopper comme une loque. Dommage car le poiscaille avait du potentiel. A côté : des légumes bouillis, dont des haricots verts qui sentent le vinaigre et la « mok en tôle ». Plus des pommes sautées molles qui ont tout de même la décence d’être correctement parfumées d’ail et de persil. Un plat d’hôpital.
Nous évitons les desserts. L’addition se monte à 51 euros pour deux personnes, sans compter les boissons et le menu enfant. Soit plus de 25 euros par tête de yab.
Le rapport qualité prix est scandaleux.
Nous repartons vers la fournaise des bas quelque peu désappointés, pour utiliser un euphémisme. Ce n’est pas aujourd’hui que nous aurons bien mangé à la Plaine des palmistes, dont la plupart des restaurants nous ont déçu par le passé, exception faite des Platanes et peut-être du Relais des plaines, sans oublier une Feuille songe hélas disparue.
A la Ferme du Pommeau, la cuisine est clairement bâclée. Est-ce mieux les week-ends, quand il y a davantage de monde ? Aujourd’hui nous avons été servis de plats grossiers, sans finesse, sans dressage, qui ont des relents de cantine bon marché. C’est dommage de proposer ça dans un cadre campagnard, avec cette salle chaleureuse qui invite à la détente. Rien à dire sur l’accueil et le service, efficace et sympathique (à pondérer compte tenu du fait que la clientèle était rare ce midi). Il manque peut-être un vrai chef ou, au moins, un peu plus de créativité et sans doute de motivation en cuisine. Rien d’autre à ajouter, sinon de décocher à la Ferme du Pommeau une pauvre fourchette en plastique.
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Pour résumer. Accueil : très bien • Cadre : bien • Présentation des plats : nulle
• Service : très bien • Qualité des plats : mauvais
• Rapport qualité-prix : mauvais. Impression globale : très décevant