Champ-Borne, 11H30. Sur la grande ligne droite qui longe la mer, après le Colosse, avant la mairie annexe, le restaurant du même nom a ouvert ses portes. Avant de mettre les pieds sous la table, petite visite à l’étal d’une marchande de fruits un peu plus loin, sous les pinpins. Quelques dernières mangues carotte, des citrons, des petits ananas, des gros longanis et des mangoustans, fruit rare vendu au tarif éhonté de 6 euros pièce. Mais qu’attend-on pour développer un peu la culture de ce fruit délicieux aux vertus médicinales ?
Du côté du restaurant, des clients sont arrivés. Nous prenons une table côté terrasse vitrée. Mauvais choix. Les baies ont beau être grandes ouvertes, il y fait une chaleur à cuire des crevettes au bain marie. Pas de ventilateur pour soulager le client. Seule la salle à l’intérieur est climatisée, mais plus sombre et sans autre vue que les murs.
La carte propose des plats créoles classiques au nombre de douze, avec quelques originalités comme la pintade aux olives et la carangue massalé. Quasi autant pour les entrées, froides et chaudes confondues. Les grillades et plats chinois sont aussi de la partie, plus cinq plats dits « gastronomiques » comme le magret de canard aux letchis, des escalopes de poulets aux champignons de Paris ou des entrecôtes. On ne voit pas bien ce qu’il y a de gastronomique là-dedans. Les tarifs peut-être, entre 18 et 20 eu-ros, auquel cas leur rougail morue est aussi un plat gastronomique. Bref, pas moins de quarante-deux plats sont à la carte. La chambre froide est bien pleine, et le coq que nous commandons n’est certainement pas un coq péi.
Une bonne mousse vient tenter d’abaisser la température. Elle est suivie d’une salade de chou de coco, avec vinaigrette à part, qui permet un assaisonnement personnalisé. Présenté en julienne, le chou offre une belle mâche agréable. Même si la saveur est molle du genou, elle reste correcte. Des morceaux plus gros auraient aidé. Toutefois, nous détectons comme une réminiscence fugace d’odeur de vieux.
Un civet de coq pointe le bec. Il est «rouge». Pas écarlate évidemment, mais nous n’avons pas affaire ici au civet aux couleurs sombres. La viande est entourée d’une sauce épaisse, sont la dégustation révèle soit une prééminence de l’oignon, soit l’utilisation de tomate en boite, par un côté légèrement doux, en finale de l’acidité parfumée du vin. Quel vin ? Nous ne sommes pas devins. Mais ce dernier se voit parfaitement équilibré par les épices, dont un poivre revendicatif et un girofle chantant.
Le coq lui-même ne chante plus. Il est même muet. La viande est sèche comme une gouvernante acariâtre, et à peu près aussi frigide. Heureusement que la sauce vient la sauver, pour donner au plat des saveurs assez vives.
Les saucisses aux bringelles, prises en barquette, au même tarif que sur place (16 euros) notez-le, sont assez passables. « Des saucisses de Vayaboury, les meilleures » commente l’homme qui nous sert. Oui, pas mauvaises saucisses, un peu grasses quand même. De là à dire que ce sont les meilleures, c’est largement exagéré. Les bringelles sont odorantes et assez goûteuses, mais très salées.
Les accompagnements sont plutôt bons. Excellent rougail tomate cotomili ; le citron et la pâte de piment vert font le job. La sauce des lentilles est plus claire qu’on ne l’aurait souhaité, mais ces dernières sont parfumées. Le riz grain long, bien que parfaitement cuit, n’est pas assez absorbant. En bouche les grains s’éparpillent comme des volailles chassées par le coq (qui chante encore), amenuisant les sensations.
Une glace artisanale, vanille et goyavier, vient clore agréablement ce repas en demi-teinte. Nous réglons une note de 55,50 euros tout compris. Le rapport qualité-prix est mauvais.
Ceux qui prétendent que la critique est facile se trompent lourdement. Elle est facile quand elle est gratuite, et faite dans le but de nuire. Mais quand on passe un tel repas au peigne fin, il est très difficile de juger. Si l’on s’en tient à la qualité gustative pure, les plats sont mangeables mais donnent quand même l’impression que la quantité et privilégiée par rapport à la qualité. Le Champ-Borne est de ces restaurants qui persistent à proposer des cartes à rallonge, et des plats cuisinés avec des produits standards, voire bas de gamme. Les tarifs, eux, sont ceux des restaurants qui cuisinent des produits frais, de saison, et de qualité, avec une carte resserrée, qui change tous les jours. Alors que paye-t-on au juste ? Les serviettes en tissu ? Il y a un souci quelque part. Le service est aimable et plutôt de bonne volonté. Toutefois, si montrer au client un échantillon de desserts disponibles est une bonne initiative, c’est encore mieux de lui installer son assiette et son couvert avant, et pas après. Gros bémol sur la température. Quand on a une terrasse fermée, on la climatise, tant qu’à faire. Ce qui permettrait de fermer les baies et réduire le bruit des véhicules sur la départementale contigüe, par la même occasion.
Le repas que nous avons fait ce jour vaut un peu plus qu’une fourchette en inox, mais moins qu’une fourchette en argent. Ce sera donc l’inox, pour un rapport qualité prix perfectible et une cuisine sans passion. Il faudrait faire mieux.
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Pour résumer. Accueil : bien • Cadre : moyen • Présentation des plats : moyen
• Service : bien • Qualité des plats : moyen
• Rapport qualité-prix : mauvais. Impression globale : moyen