Il fait chaud, ce vendredi de juillet, sur les pentes de Bellepierre. Le seul lieu où l’on peut se poser un instant pour se rafraîchir autour d’un verre est le restaurant Oncle Sam, installé là depuis des lustres, et dont les samoussas aux parfums variés ont longtemps fait la réputation.
Nous décidons d’y déjeuner. La salle grande ouverte peut accueillir une quarantaine de couverts, plus une quinzaine en terrasse. L’accueil est poli. Nous nous installons à une table « classique » du fond. Celles qui constituent l’essentiel du mobilier sont en effet «design» mais semblent peu pratiques. Et leurs dessus en verre ne sont pas de la plus grande netteté pour certaines. Les étagères en bois non plus d’ailleurs, ornées d’une belle couche de poussière. Si la cuisine est faite comme le ménage, ça promet.
Outre les supposés fameux samoussas, Oncle Sam propose aussi des sandwichs divers et aussi 21 plats cuisinés, pour des tarifs allant jusqu’à 14 euros.
Pas l’ombre d’un cochon à la carte. Les saucisses et boucané sont au poulet, et certains plats sont clairement destinés aux végétariens, comme le « rougail saucisse veggie ». Une stratégie orientée qui satisfera la clientèle anti-porc. Nous optons pour le ti-jacque boucané, poulet donc, et un cabri massalé à emporter.
Des samoussas au poulet pimenté et aux bringelles seront nos amuses-bouche. Leur pâte épaisse, un brin farineuse et grasse, emballe une (petite) farce effectivement très épicée pour le poulet, qui assassine la saveur de la viande. On pourrait aisément y mettre n’importe quelle viande blanche sans qu’on trouve de différence. Le samoussa bringelle est d’ailleurs sensiblement du même acabit, à la nuance près qu’il présente la texture gluante particulière du légume cuit. Des samoussas pas vraiment mauvais, mais faire des kilomètres pour les déguster, comme des amateurs le faisaient auparavant, serait aujourd’hui un gaspillage de carburant.
Le cari Ti-jacque, disons le tout net, est insignifiant. Le fruit, battu à la va-vite comme certains le font gros-doigts dans les marchés forains, manque singulièrement de cette légère fermeté croquante qui procure du plaisir sous la dent. Le jacque serait-il déjà adolescent ou a-t-il été noyé ? Ce tas mou accompagne du boucané de poulet à peu près insipide. On ne s’en rend pas compte tout de suite, étant donné que le plat est curcumaté à la truelle et gingembré au karcher, ce qui laisse une amertume prononcée au palais. Pour ajouter au déplaisir, une profusion de petits os brisés et de morceaux de bois de thym viennent nous piquer les gencives. C’est ni fait, ni à faire.
Le cabri massalé s’en sort mieux. Remarquez il n’a pas de mal. La viande comporte quelques morceaux gras. Elle est tout à fait fondante, et arbore les saveurs recherchées de la poudre d’épice, soutenues par le caloupilé. Mais le plat reste assez brut de décoffrage dans l’ensemble, loin de valoir les 12 euros affichés.
Le riz est correct, les longs grains passent bien avec le massalé. Les gros pois sont farineux et froids mais convenablement parfumés. Le rougail tomate, bien pimenté, est davantage un rougail gingembre couleur tomate. Il faut croire qu’ils veulent écouler tout un container du tubercule. On ne sent presque plus le combava, sauf quand un éclat passe sous la dent. Derrière cet assaut féroce nous croyons même déceler du cotomili, enfoui comme une victime sous les gravas après un tremblement de terre. A quoi sert-il de faire un rougail tomate boute-feu s’il n’est pas capable de mettre d’abord en avant une saveur intéressante ?
Nous concluons le repas avec un café et il nous en coûte trente euros et des poussières de gingembre pour quatre samoussas, une boisson, deux plats (même tarif à emporter et sur place pour le cabri) et le petit noir. Le rapport qualité-prix est perfectible.
Le restaurant Oncle Sam, installé dans un décor qui se voudrait moderne, mais en réalité fatigué et mal entretenu, nous a proposé aujourd’hui une cuisine très moyenne, bâclée, composée de plats qui ressemblent fort à des sorties de congélateur, et dont on maquille la médiocrité à grandes louches d’épices, à des tarifs où, en centre-ville, on peut avoir de bien meilleures (et plus fraîches) assiettes. Même les samoussas, gras, ne sont plus à la hauteur de ceux que nous avons connu autrefois. A tout prendre, ceux d’un semi-industriel de la place sont meilleurs, tout en étant aussi variés. Le service est quant à lui correct mais on aimerait voir plus de sourires sur ces visages blasés. C’est bien dommage pour la clientèle des futurs professeurs d’en face, qui ont naguère maugréé au sujet de la qualité de leur propre cafétéria (laquelle a fait l’objet d’une enquête de satisfaction en fin d’année dernière), et pour celle des hospitaliers, un peu plus bas, dont les patients préfèreraient, peut-être, le ti-jacque du jour à la pitance à laquelle ils sont accoutumés.
Le cabri massalé a fait ce qu’il a pu mais pour la qualité, chez l’Oncle, on reste dans l’attente. Nous décernons donc à ce restaurant de Bellepierre une très charitable fourchette en inox.
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Pour résumer. Accueil : bien • Cadre : moyen • Présentation des plats : moyen
• Service : bien • Qualité des plats : très moyen • Rapport qualité-prix : perfectible. Impression globale : négative
Fourchette en inox
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