Chez Moustache

IMG_4318Saint-Philippe. La pluie joue au chat et à la souris en ce samedi de juillet, et sur la route du côté de Sainte-Rose, certains pilotes de rallye ont l’air de s’estimer dispensés de prendre garde à la vie des autres usagers de la route, en doublant dans les virages. Cela nous frise les moustaches. Elles le sont encore, frisées, quand nous arrivons chez Moustache, le restaurant, à quelques encablures de la Case Volcan, fourchette en argent.

La jolie petite case créole traditionnelle, avec portes sur la route, accueille le client dans sa salle de bois et plafond de paille de décoration, avec une terrasse à l’arrière. Juste à côté, un feu de bois chauffe karays et marmites.

IMG_4331Une jolie collection de rhums arrangés variés ornent deux coins de mur près de la caisse. Dans un bocal, une couleuvre, un margouillat et une « babouk » macèrent depuis on ne sait combien de temps dans une étreinte éthylique. Et le bocal est à moitié vide. La décoration générale est très « touristique », avec une guirlande de cartes postale et une carte de France géante. Voilà pour l’ambiance.

L’accueil est souriant et détendu. Nous nous installons juste sous la liste du menu du jour: salade de palmiste, cuisse poulet vanille, rougail saucisse, cari camarons, cari filet de perroquet, cari bichiques, cari poulet quatre épices et « Medley »… Renseignement pris, le «Medley» est simplement un rougail saucisses, boucané et zandouille mélangés. Va donc pour le «Medley», avec un cari poulet et une salade de palmistes.

IMG_4332La salade se pointe assez vite après les apéritifs. A 10 euros, une pour deux suffit amplement, d’autant qu’elle est assez bien servie. La découpe trahit le geste de connaisseurs. Pas en grandes filasses, comme certains restaurants s’échinent encore à présenter le palmiste, sous prétexte que ça fait joli. Ici, les morceaux assez épais donnent une belle mâche qui aide à percevoir la saveur délicate du produit, sous les assauts citronnés et poivrés de l’assaisonnement. Le pain aux céréales fourni accompagne parfaitement cette entrée. On irait même jusqu’à penser qu’il serait intéressant de déguster le palmiste en compagnie de sésame, de cacahuètes ou de noix de cajou non salées.

Le poulet et le « Medley » sont un peu plus longs à venir. Plus longs par rapport au temps auquel d’autres établissements nous ont habitués, bien sûr. Tout est relatif, comme disait un autre moustachu. Mais tout vient à point à qui sait attendre. En fait, la patronne vient nous chercher. Ici, il faut lever sa majesté pour aller se servir soi-même !

IMG_4333Le Medley de cochonnailles remugle un parfum fort qui tire presque sur le gibier, et écarte les narines. La couleur foncée, luisante, est appétissante. En bouche les morceaux donnent un vrai festival de saveurs. Les épices et les tomates fondues, douces au palais et acidulées sur l’arrière langue, les viandes à la friture poussée qui laisse des bords croustillants, et les belles odeurs de dessous de bras pas rasés de l’andouille portent ce «Medley» au hit-parade du cochon. 

Nous croyons même un instant que ce qui nous colle les molaires n’est autre que du bon graton. Pas du tout. Il s’agit bel et bien de morceaux de peau, comme du porc-pété, frit jusqu’à presque fondre, qui composent l’andouille. Ces charcuteries viendraient de la maison Selly. Quelques morceaux de bringelles ajoutent leur fondant à la texture générale.  

IMG_4334Le cari poulet, emballé dans le parfum éclatant du quatre-épices, est le digne représentant de sa race, avec et sans tomate, depuis que les arriè-res grand-mères de nos grand-mères font tâter aux volailles du fond de leur marmite propre dedans, noire dehors, dans les cuisines en bois sous tôle fumantes des campagnes, les dimanches où i reçoit d’moune. La chair présente bien, dans sa robe orange curcuma, en restant souple sous la dent, imbibée de sauce délicieuse, et distribue sans avarice ses charmes gustatifs de poulet péi. Le goût, le vrai, oté, et pas ôté.

Les accompagnements sont dans la même veine. Riz presque collant, et « presque » c’est important, aux grains fermes qui boivent la sauce pour de belles bouchées enjouées. Lentilles au savant goût fumé de caloupilé, veloutées, avec un sel qui les chatouille juste assez pour les réveiller. Rougail d’avocat crémeux, apportant fraîcheur et gourmandise sur une allégorie pimentée subtile, adaptée aux palais rétifs à la capsaïcine. Ces réjouissances terminées, nous goûtons au gâteau coco-chocolat, bon, mais quelconque par manque de chocolat. Il manque clairement deux desserts plus élaborés pour finir en beauté un tel repas. Mais il faut pour cela du temps, et des compétences. Pourquoi ne pas sous-traiter ?

La note se chiffre à 44,50 euros pour une entrée, deux plats, deux boissons, un dessert et deux cafés. Le rapport qualité-prix est excellent.

Pour la petite histoire, une critique de Chez Moustache a été faite en 2011, au tout début de la rubrique. Critique non parue pour des raisons techniques, mais que vous pouvez retrouver ici. Notre déception de l’époque laisse place aujourd’hui au contentement pâteux du Réunionnais repu, paupières lourdes et sourire idiot plaqué en travers de la cafetière, qui n’attend plus que son rhum arrangé pour aller digérer tranquillement. Voilà de la belle cuisine réunionnaise authentique et familiale, réalisée ce jour par Sydney, 27 ans au compteur, jeune papa, et « bon mangeur » comme il se qualifie lui-même, bien que n’affichant point les entournures ventrues de nombre d’entre ceux qui revendiquent ce titre, dont nous sommes.

Les bacchantes tout à fait défrisées, et pour un bout de temps, nous repartons en catapultant sur le restaurant « Chez Moustache » une jolie fourchette en or. 

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For
Pour résumer. 
Accueil : bien • Cadre : très bien • Présentation des plats : sans objet
 Service : bien • Qualité des plats : très bons • Rapport qualité-prix : très bon. Impression globale : très bonne table

Fourchette en or

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