Le « coin marmites » du Choka Bleu

IMG_7194C’est un soleil d’été en septembre qui tape aujourd’hui sur la plage du Trou d’eau. Il est 11H30. Un peu plus loin en direction de Saint-Leu, le restaurant le Choka Bleu vient d’ouvrir ses portes. Les pieds dans l’eau, et la tête au milieu d’un no-man’s-land de cailloux et de poussière. On ne saurait dire depuis quand cette visite était envisagée, nous y voilà enfin.

La grande salle ouverte sur l’océan comprend une soixantaine de couverts, balcon compris, plus une trentaine d’autres dans une salle fermée adjacente. On nous y accueille avec sourires et égards. On nous propose la carte, et on nous explique le fonctionnement du « coin marmite », ce pour quoi nous sommes venus. 25 euros à volonté. C’est un peu au-dessus des tarifs pratiqués jusqu’ici dans d’autres établissements qui adoptent le système du buffet. Nous serons donc conséquemment plus vigilants encore. Prévenons tout d’abord les hululements scandalisés des effarouchés de la critique culinaire : la présente concerne uniquement la qualité du buffet « marmite » du Choka Bleu et en aucun cas les plats d’inspiration métropolitaine, et réalisés avec des produits locaux, figurant à la carte. Le dessert, puisque dessert il y a, est cité à titre purement anecdotique.

IMG_7176Du côté des marmites, présentées « à la façon feu de bois », mais cul au gaz, tous les caris réunionnais typiques se sont donnés rendez-vous : cari la patte cochon (écrit « la pâte », un porc de chez Panzani ?), le rougail morue, un civet de canard, un massalé cabri, un cari camaron, avec des brèdes cresson. Nous avons déjà croisé du cresson lors de nos pérégrinations, en salade, du côté de Salazie, mais c’est la première fois que nous les voyons cuites en brèdes dans un restaurant. Voilà qui est encourageant. Trois rougails sont aussi présents. Taïaut.

Nous entamons la dégustation avec le massalé cabri. Difficile de dire qu’il n’est pas bon. La viande est presque fondante sur ses parties grasses, les os se détachent facilement. La saveur typique et complexe de la poudre de massalé fait un passage sur nos papilles, mais n’en fait pas deux. Malgré le soutien du caloupilé, tout cela reste timide, fugace. Les ancêtres malbars n’ont pas inventé le massalé pour être fugace, mais pour envahir les cavités buccales et nasales comme un tsunami. C’est un roussi à la sauvette qui est probablement responsable de ce résultat, ou une poudre éventée. Passons au canard.

Le civet n’est pas beaucoup plus enjoué que le massalé. Cette fois encore les saveurs, bien que présentes, rasent les murs. Heureusement que la viande de canard a du potentiel et se suffit à elle-même. Le vin cuit, qui se manifeste à peine au nez, n’est même pas soutenu par du girofle ou même du laurier, comme la cavalerie sauve de la Bérézina.

Nous commençons a froncer les sourcils, mais la cavalerie arrive avec la morue. Bien que présentée en morceaux de grosseur hétéroclite, le poisson présente sans honte ses saveurs de dessous de bras caractéristiques, celles-ci étant portées par le côté chauffé des morceaux de gros piment. Le sel est bien dosé. Malgré ses côtés secs, la morue se faufile jusqu’à l’estomac en distribuant du contentement.

Le plaisir se poursuit à la dégustation des camarons. Pas des camarons de rivière, vu les accents marins qu’ils envoient. C’est puissant, relevé, et leurs coques se mastiquent avec une patience consommée, jusqu’à épuisement total de leurs charmes. Le rougail citron vert apporte ici sa juste contribution.

IMG_7181Retour à la terre avec le cari la patte cochon. Nous l’accompagnons des brèdes cresson et du rougail tomate. Ce cari est un peu plus goûteux que le cabri et le canard, bien qu’arborant une couleur pâlotte. Evidemment, c’est la chasse au trésor dans la marmite pour débusquer les morceaux les plus charnus, et la cuillère en bois mise à disposition n’est pas très pratique surtout pour aller chercher la sauce au fond. Des réminiscences de thym et d’épices roussies assurent le minimum syndical. Les brèdes cresson croquantes illuminent le cari avec leur amertume piquante. Le rougail tomate est également très parfumé, mais les tomates ont semble-t-il un peu rendu de leur eau. C’est en tout cas plus sympathique que les tomates hachées gros-doigt qu’on trouve trop souvent par ailleurs.

Le riz et les lentilles ne valent pas la peine qu’on s’y attarde. Le riz est cuit, mais sec, en grains longs détachés, pas du tout adaptés pour absorber les sauces. Les lentilles sont du même acabit : secs et durs, sans une once de velouté.

Nous terminons avec la tarte au citron meringuée de la carte, joliment présentée. La « meringue » est molle. Le dessert est bon, mais pas transcendant Malheureusement, « Nout’ Racines », le dessert phare de l’établissement, était aujourd’hui porté pâle. Nous repartons en réglant une note de 59 euros pour deux personnes, dont plus de 45 euros pour le buffet marmite, un cocktail, un dessert et un café. Le rapport qualité-prix est perfectible.

Perfectible en effet un rapport qualité-prix pour ce buffet affiché à 25 euros. Sans doute paye-t-on le décor, la vue, ou le service dont on peut dire qu’il est très professionnel, et même largement au-dessus de celui qu’on rencontre dans d’autres établissements de même catégorie.

IMG_7172IMG_7190Cela aurait pu être pire. Si l’on prend pour comparaison les « buffets créoles » proposés sur la côte balnéaire, et dont certains ont été durement vilipendés ici même avec fourchette en plastique pour récompense, celui du Choka Bleu est assez respectable, en dépit d’une fuite patente de goût. Il faudrait voir à ne pas glisser vers les prestations médiocres de certains établissements qui prennent les touristes pour des pigeons voyageurs, en s’asseyant au passage sur la tradition culinaire réunionnaise, avec la bonne dose de je-m’en-foutisme de rigueur. Et ce n’est pas TripAdvisor qui le dit. Le Choka bleu n’en est heureusement pas là, et souhaitons-le, jamais. Il n’y a aucune fourchette entre l’inox et l’argent. Donc, pour son « coin marmite » (et uniquement) nous délivrons au Choka Bleu une juste fourchette en argent, en attendant mieux.

Les plats à la carte sont une toute autre affaire, et nous vous recommandons d’aller y goûter.

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Farg2
Pour résumer. 
Accueil : très bien • Cadre : très bien • Présentation des plats : buffet
 Service : très bien • Qualité des plats : moyens/bons
• Rapport qualité-prix : mauvais. 
Impression globale : assez bonne table

Fourchette en argent

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