À La bonne table paysanne des Fiarda

En haut du Chemin de Ceinture, au Baril, entre forêt et champs de cannes, L’auberge paysanne Les Palmiers et son luxuriant jardin accueille gourmets et gourmands depuis une douzaine d’années. Jules-André et Marie-Line Fiarda y cultivent l’amour de la cuisine et l’art de recevoir.

Il est de ces lieux un peu magiques, comme hors du temps, qui vous dépaysent et vous permettent de trouver le calme intérieur. Devant la porte de l’auberge, Buddha monte la garde. Sur sa droite, les fameux palmiers éponymes offrent leur ombrage à une table en bois. Le jardin se prolonge jusqu’à l’arrière de la maison, plus privé, ou un pied de Cœur-de-Bœuf profite du soleil capricieux de Saint-Philippe.
Nous voilà apaisés, mais « goni vide tient pas dobout », il est temps de passer à table.
L’espace réservé aux clients, tout en longueur, suit pour ainsi dire le jardin jusqu’à l’arrière. Marie-Line y a disposé quelques tables à part, pour que chaque groupe ait son intimité. Elle peut accueillir jusqu’à 120 personnes, mais les temps ne sont pas propices aux grandes agapes.
Ne vous offusquez pas si vous arrivez de bonne heure et que vous ne voyez personne. La cuisine va sonner le branle-bas-de-combat, surtout si plusieurs dizaines de convives sont attendus. Un bon vieux « na d’moune », le cri au baro, et pas du Pétrel, suffira à faire venir Marie-Line ou une aide-de-camp, charlotte réglementaire sur la tête, qui vous invite à « prendre un asseoir » et à entamer les trois rhums arrangés que tonton Iréné a repéré depuis le jardin.
Vous avez le temps de prendre des nouvelles de toute la clique arrivant au fur et à mesure, #vilé bienmwinlébienmerci, avant que les samoussas soient servis.


Samoussas palmiste et poulet, pour nous, à pâte fine et croustillante, avec quelques vapeurs pimentées sans exagération, et quelques chips de bananes sur lesquels se jette la marmaille affamée.
Pendant ce temps quelques-uns ont déjà le nez dans leur petits verres. Les rhums arrangés sont succulents. Un jus de tangor frais arrange les gosiers softs. C’est la saison.
Les conversations tournent déjà autour de la politique et de l’actualité quand Marie-Line arrive avec les plats. Ce sera cari poulet palmiste et boucané chou de vacoa pour nous aujourd’hui. Taïaut !

Le poulet est fermier, pour sûr. La vue le suggère, avec cette belle couleur de roussi curcumaté. Les dents le confirment. C’est ferme. Les cuisses sont fières, les ailes aussi, et on prend plaisir à dépiauter la viande de l’intérieur des côtes où tout le goût s’est concentré, appuyé par quelques restes d’entrailles. « O ki lé lo gésier ? ». « A la in bout, pas besoin batay ».

Un petit verre de Bordeau là-dessus tourne la page pour l’autre cari. Le chou de vacoa est presque croustillant, tout imbibé du fumet du boucané. C’est d’ailleurs davantage un chou de vacoa au boucané, ce qui ne nous dérange pas le moins du monde, bien au contraire. Avec le bon riz, ça fait des bouchées magnifiques. Le rougail concombre au piment éclatant fait merveille par-dessus.
Les lentilles sont délicieuses, avec leur parfum de terre rincée par une averse longtemps attendue.

Pause. C’est l’heure où les estomacs sont remplis. On taille quelques costumes. Des élus, les belles-doches, plus des voisins indésirables sont rhabillés pour l’hiver jusqu’en 2030.

Le gâteau chouchou arrive, avec un jus de bissap pour lui fouetter les flancs. On va lui trouver une petite place, pas d’inquiétude. Il est assez moelleux pour ça, avec un sucre dosé juste assez pour préserver les saveurs délicates de cette pâtisserie péi.

Jules-André fait le tour des tables. Il nous raconte les débuts de l’auberge, montée sur un « travailler plus pour gagner plus » d’un président à talonnette. L’agriculteur a investi pour « ne pas mettre tous les œufs dans le même panier ». Il contemple son jardin, et évoque avec une pointe de regret ce trou d’eau jaillissante qui, autrefois, abreuvait les quelques habitants du coin, en plus des lièvres, et en lieu et place duquel pousse aujourd’hui un palmier.
« L’eau est encore là, il faut juste creuser pour la trouver » lâche-t-il comme s’il avait une vieille idée derrière la tête.
Il est encore jeune, mais pense déjà à la transmission. Le fiston, élevé dans la conscience de la valeur du travail, pourrait un jour prendre la suite, perpétuant pour les générations à venir cette hospitalité réunionnaise que nos touristes apprécient tant.

Les Palmiers, auberge paysanne
21 Chemin de Ceinture
0692 69 03 48

La Table de Lyne, accueillante et généreuse.

Direction Saint-Pierre aujourd’hui. Nous allons mettre les pieds sous la Table de Lyne, restaurant revendiqué traditionnel créole de la rue Marius et Ary Leblond.
Nous arrivons de bonne heure, comme d’habitude, et sommes accueillis avec le sourire masqué de circonstance par une jeune demoiselle bien aimable qui nous invite prendre place après quelques jets de gel hydroalcoolique.

La commande des boissons est suivie de la présentation des plats. Aujourd’hui, rien qui sort des sentiers battus à par un riz « sofé » morue pimenté, en tête de liste, proposé aussi en accompagnement des autres plats pour un supplément de 5 euros. Cari poulet, boucané bringelles, cari de poisson gingembre (du marlin), rougail saucisses gros piment, et aussi du magret de canard, entre autres classiques. Neuf plats en tout, plus les accompagnements. Un menu relativement réduit qui augure l’utilisation de produits frais. Bon point déjà, surtout que la cuisine ouverte ne laisse pas entrevoir de brigade au grand complet. Les tarifs allant de 12 (pour le riz « sofé » tout seul) à 21 euros, nos attentes en termes de qualité n’en sont que plus fortes.
Après quelques hésitations nous choisissons de goûter au sauté de poulet aux brèdes et au boucané bringelles assorti du riz « sofé ».

Les assiettes dressées ne tardent pas, accompagnées de deux petites marmites contenant les pois du Cap et le rougail tomate. Nous notons l’effort de présentation. Les quantités nous semblent généreuses. A l’attaque.

Le sauté de poulet est plutôt bon. Les escalopes arborent une couleur marron clair – beige, sans traces prononcées d’exposition plus que nécessaire au fond de karay. Elles ont sans doute mariné un peu, vu la légère saveur un peu barbecue, un peu cacahuète, qui ressort. Celle-ci est soutenue par un sel bavard, dont le riz se charge de calmer les ardeurs. Les brèdes sont très bonnes, et leur mariage avec le poulet est réussi, bien qu’elles soient en sous-effectif par rapport à la viande, à notre goût.

Le boucané bringelles chante plus haut. Le boucané, très équilibré en gras et viande, fait en effet des vocalises sur des tomates mûres compotées, du curcuma élégant, et expose sans pudeur son caractère fumé teinté d’épices roussies dans l’huile, baignant dans les sucs. Leur couleur en dit déjà long sur leur cuisson, le passage en bouche confirme : c’est un poil gras, mais on s’en fiche, c’est succulent. Les bringelles fondues font un peu de figuration mais, avec la sauce, elles gagnent en épaisseur et se glissent avec bonheur dans les bouchées appréciées par une mastication lente.

Le riz blanc est tout à fait bon. Son pendant « sofé », quoique naturellement plus lourd, est un délice où la morue en goguette, toute en miettes, vous en met plein le nez autant que plein la bouche. Finalement, en plat seul, le riz « sofé » est très suffisant, car consistant, fidèle à ses origines, où il « tenait au corps », dans la froidure du matin des Hauts, au concert des coqs.
Les pois sont en crème, et conséquemment soyeux. Le rougail tomate ne chante pas en play-back. Cette tomate fraîche, quoique hachée et non pilée, profite d’un piment chaud et parfumé pour éclairer les bouchées de son acidité tout en saveur. Ça change des tomates sous serres au goût de flotte qu’on ose encore servir aux citoyens sous couvert de rentabilité.

Nous avons du mal à terminer les assiettes tant ce fut riche. Nous déclinons donc la proposition de desserts qui inclue des fruits frais, et un café gourmand. Nous terminons par un café tout court.

Nous réglons l’addition : 50,50 euros pour deux boissons, deux repas et un café, soit un peu plus de 25 euros par personne. Le rapport qualité-quantité-prix est bon.

Cadre clair, décoration moderne et minimaliste, accueil chaleureux et service aux petits soins, tout est mis en œuvre pour que vous soyez à l’aise à la Table de Lyne.
Le restaurant, tenu par la famille Volnay, propose surtout une cuisine réunionnaise fort bien exécutée, et qui ne laisse pas sur leur faim les appétits costauds. Voilà une adresse qui, quelques années auparavant, aurait récolté une belle fourchette. Aujourd’hui, nous l’inscrivons sur la liste des meilleures adresses de La Réunion, et sans doute de Saint-Pierre, jusqu’à preuve du contraire. Une prochaine visite dans la ville au plus beau marché forain pourrait en effet nous faire mentir. Il paraîtrait que du côté de Terre-Sainte, un jeune chef mettrait un point d’honneur à satisfaire ses clients. Affaire à suivre.

L’Atelier Béton, pour un moment unique autour d’une authentique table familiale réunionnaise

Les nostalgiques du temps lontan vous dirons volontiers que la Plaine-des-Cafres a bien changé, et qu’elle est de plus envahie par le béton. Ce Béton-ci, il en faudrait davantage. André Béton, tout à la fois artiste et cuisinier, est ce que le créole appelle un « zarboutan » de notre culture réunionnaise. N’allez pas le lui dire, sa modestie va le faire rougir. Visite gourmande à l’Atelier Béton, à deux pas du restaurant O’QG, qu’il a lancé en 2009.

undefinedLe personnage nous accueille avec le petit accent chantant du yab des Hauts, avec, sur le visage, le sourire de bonheur sincère qui caractérise l’hospitalité réunionnaise authentique.
L’Atelier prend place dans une modeste case créole, entourée d’un petit jardin regorgeant de fleurs, d’épices et de « zerbages » divers et variés. Un trésor végétal aux bons soins de Rose, madame Béton, teint de jeune fille et verbe direct, qui vous soutient mordicus qu’elle n’a pas la main verte.

C’est pas tout ça, mais en parlant de Béton, nous on a la dalle. La température sans doute, et l’odeur alléchée. André nous guide vers sa salle à manger. On ne sait plus où mettre les yeux. Le lieu est rempli de peinture, de sculpture, avec des capillaires magnifiques qui ont « poussé comme ça » comme dit la chanson.

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La table est dressée, André fait le tour des convives pour l’apéritif. « Ici on me dit ce qu’on ne mange pas, mais on ne sait pas ce qu’on va manger » prévient André. Ce sera donc la découverte tout du long. Et l’amuse-bouche nous met tout de suite dans l’ambiance : des margozes ont joué de la mandoline avant de tâter de la poêle ; c’est croustillant, et l’amertume pointe avec deux secondes de retard et tient sur la longueur. Très original.

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L’entrée nous surprend, agréablement : un sosso-maïs rougail tomate, dans son plus simple appareil. Quelle bonne idée, quelle évidence en fait, par ces températures, que cette madeleine de Proust des Réunionnais des Hauts particulièrement, mais pas que. Ce sosso sans sauce et si sensas se suce sans souci, avec la petite claque acidulée-pimentée du rougail tomate. Et nous ne résistons pas à l’itération des coups de cuillère.

Zembrocal et patate-chouchou

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Après échanges et palabres sur la Réunion et ses trésors, André disparaît dans la cuisine où Rose s’affaire. Il revient avec la marmite de zembrocal. Un zembrocal-vouèmes, orange comme le curcuma frais, celui qui calme les coliques de la marmaille en bas âge.
L’odeur du zembrocal chaud quand on soulève le couvercle de la marmite, vous savez ce que c’est ? Si vous ne savez pas il n’est jamais trop tard. Ça vous ouvre les chakras, comme disent les babas. Et le plus cool arrive, tête devant, zergots derrière, dans ce sens ou dans un autre, avec la patte, le sang, le foie, dans son camaïeu de tons jaunes et marron clair d’une cuisson dans les règles de l’art, Gaspard.

undefinedLa chair est celle des poulets qui ont grandi aux herbes et aux galets de la cour. Nous retrouvons cette vraie saveur authentique du cari de volaille estourbie aux aurores, cuite au feu de bois ti lamp ti lamp, et les patates-chouchou empruntées au rôti, sublimes, imbibées, lui relèvent le croupion, lui lustrent la cuisse.

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Un petit rougail tomates-arbuste là-dessus ? Mais comment donc ! C’est frais, c’est ensolacidulé… concaténation avec enfoncement d’ensoleillé et acidulé, adjectifs qui vont bien à ce fruit au goût si prononcé, qui respire la cour d’moune dans les campagnes.

Un p’tit brède moutarde, Hildegarde ? Mais bien sûr. Croquantes à souhait, les brèdes, plus vertes que vertes, elles distribuent leur parfum généreux dans la bouchée de poulet, et cocotte s’excite.

undefinedLe rôti s’impatiente ? Nous viens pou luuuu.
Le cochon à califourchon sur son os envoie des effluves du trio ail-poivre-thym, piqué de la veille, dans cette viande aux atours ronds, cuite doucement, presque en mode confit. Un vrai délice quand la décharge des épices se glisse entre deux coups de dents. La patate-chouchou raffinée revient au porc, et jette l’ancre dans un morceau bien étagé, peau légèrement collante, couche de gras, couche de viande, et envoie tout ça valdinguer à l’estomac qui crie « encore, encore !», avec la dose de plaisir vers le cerveau, qui devient fou.

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Un p’tit rougail citron margoze pour fouetter tout ça ? A votre convenance, Hortense. Ce dernier fait une politesse au porc en lui donnant des décharges d’arômes d’agrumes, bras-dessus bras-dessous avec un margoze croquant et vivifiant.

Nous devisons encore sur les sorts et l’essor de notre culture culinaire. Le feu crépite plus fort. Les bananes flambent bientôt, et sont servies avec un jus d’orange. Etrange ? Au contraire… le fruit cuit et arrangé ainsi, avec son délicat fumet de rhum évaporé, descend encore mieux, si vite que c’en est presque frustrant. Na pa assez, mète enkor …

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André propose le café. Il revient avec une improbable casserole, suiffée, racornie, défoncée. Cet antique ustensile devrait parler, elle en aurait à raconter, des histoires ! Le café réveillerait un train de sénateurs sous triple dose de Témesta. Succulent.

C’est le moment de se séparer. Nous nous décoinçons péniblement le bombé de la table, en pensant avec résignation à la route à faire vers le littoral. André et Rose nous raccompagnent, sous un flot de remerciements sincères, avec en poche, les 25 euros par personne que nous avons réglés avec plaisir, non sans avoir cherché les codes de CB au travers des brumes d’une digestion qui réclame une sieste béate.

L’Atelier Béton est l’un de ces lieux où la tradition culinaire réunionnaise est jalousement préservée. Avec la cuisine des pattes Jaunes, et Ti Fred à la Petite Ile, entre autres. La réservation est obligatoire. André et Rose s’attachent à ne recevoir qu’une famille ou qu’un groupe à la fois, jusqu’à 12 personnes maximum, afin que le repas, au-delà de l’excellence de la cuisine, soit un vrai moment de bonheur et de partage.

Pour réserver : 0692 96 53 16

Art, cuisine et contemplation

L’Atelier Béton existe depuis une trentaine d’années.  «J’ai toujours fait la cuisine. On me sollicitait pour les communions, les mariages. Je faisais beaucoup de grand repas à plus de 300 personnes. J’aimais ça » raconte André Béton. Une réputation qui, petit à petit, le met sur la voie de la création du QG. « Il y a avait toujours des touristes qui venaient à trois heures de l’après midi au QG, qui cherchaient un endroit où manger, sans en trouver. J’ai fait le tour des restaurants du village pour les sensibiliser, et faire en sorte qu’ils soient plus souples sur les horaires ». Bredouille, André se décide à le faire lui-même, rencontre Abdou, et ouvre le QG, qui récoltera quelques années plus tard l’une des premières fourchettes d’or du Jir.

« Aujourd’hui mon activité principale est la contemplation » s’amuse André. « La cuisine c’est pour garder le lien social, grâce à cette table qui ne fonctionne que sur réservation. » explique celui qui, plaisantant à peine, se définit comme « cari-thérapeuthe ». André s’adapte aux régimes et aux goût et désirs de chacun, y compris de ceux qui ne souhaitent pas forcément manger local.

Tradition contre mondialisation

Quel rapport entre la cuisine et l’art, c’est la même fibre ?
A.Béton : (rires) C’est l’appel du ventre permanent ! Si on veut garder des amis, il faut bien les nourrir, dans tous les sens du terme !

Quelles têtes connues avez-vous reçues à l’Atelier ?
La première de l’année : Manu Payet. Mais l’idée n’est pas de recevoir des gens connus, mais des gens qui ont envie de passer un bon moment.

Quelle est votre définition de la bonne cuisine créole authentique ?
C’est celle qui fait remonter les souvenirs, ce goût qui vous rappelle toute votre histoire familiale, que ce soit une daube chouchou, un rôti de porc ou un rougail sardine. La cuisine créole c’est d’abord des bons produits de chez nous. Mais de nos jours, pour tuer un poulet dans les règles, il faut respecter tout un circuit de contrôle et d’hygiène imposés par l’Europe ; mais l’Europe n’a jamais mangé un cari de volaille, elle ne peut pas me dire que c’est pas bon ! (sourire).

Les règles d’hygiène européennes tuent-elles notre tradition ?
Elles tuent toutes les traditions culinaires. C’est ce qu’on appelle le goût de la mondialisation. Nous sommes sollicités par toutes sortes de saveurs industrielles, faciles d’accès, c’est ça qui tue la tradition.

Comment voyez-vous l’évolution de notre tradition culinaire dans 20 ans ?
Il y aura toujours des gens pour résister à l’envahisseur. Ces gens ont le devoir de transmettre le goût créole. Aujourd’hui je cuisine des patates chouchou avec un rôti de porc, en sachant que je ne suis pas tout seul. Nous sommes tous reliés par cet universel combat pour perpétuer cette saveur créole.

La Cascade Blanche, l’adresse touristique…

La Cascade Blanche jouit d’un bel emplacement juste à côté du pont de l’Escalier sur la route de Salazie. Un emplacement un peu délaissé par les services communaux, visiblement, si l’on en juge par la hauteur des herbes et l’état de délabrement des kiosques. C’est sans doute un nouveau concept touristique : le « moisi authentique ». Notre dernière visite date des débuts de la rubrique, en 2011. Une fourchette en argent fut attribuée. Il est plus que temps de faire une mise à jour, pour voir si ce restaurant de cuisine réunionnaise mérite une sélection dans la liste des meilleures adresses.

undefinedNous débarquons peu avant midi, il n’y a pas encore grand monde en ce jour de semaine. Nous choisissons notre table et l’on nous apporte la carte des boissons, et le menu où trois entrées sont suivies par deux salades et 16 plats, dont du cari de langouste, du magret de canard sauce miel, un rougail zandouille, un canard à la vanille et de la dorade grillée, entre autres. 16 plats. Tout ça, oui.

Nous optons pour un civet la patte-cochon et de la morue chouchou margoze. L’attente est courte. Nous avons juste le temps d’apprécier les cocktails sans alcool. Ou bien les caris ont été cuits depuis très tôt le matin, ou bien la cuisson n’est pas du jour et les plats sortent plutôt du congélateur. Le service est à l’assiette, et les quantités sont généreuses.

undefinedLe civet la patte présente une jolie couleur lustrée, tirant sur le marron foncé. Le premier coup de dents révèle une chair tendre et bien cuite. Et puis c’est tout. En effet, gustativement parlant, nous avons droit à un girofle tyrannique auquel résiste difficilement les saveurs du pauvre porc, réfugiées par-ci par-là au coin des os, ou dans la sauce épaisse où les épices et la tomate ont bien compoté. C’est du civet de girofle à la patte-cochon.

undefinedLa morue fait un peu mieux, bien que le plat soit davantage mouillé que sec, au contraire de ce que nous a déclaré la serveuse.
Nous nous attendions à de la morue frite, émiettée comme il faut, avec des oignons émincés, toute enrobée d’une pellicule de sauce légèrement grasse réduite à son minimum, accompagnée de juliennes de chouchou encore fermes et de margoze croquante qui distribue avec finesse son amertume fraîche dont la morue profite largement dans un plat correctement exécuté. A la place nous avons droit à de la morue émiettée avec les pieds, qui baigne dans un fond de sauce liquide où la margoze et le chouchou trop cuits se font fouetter par un gingembre autoritaire. C’est mangeable, certes, mais ça ne ressemble à rien.

Le riz est insignifiant. Du bas de gamme avec des brisures et des grains secs. Le rougail fait son travail sans zèle. Les lentilles sont en revanche assez crémeuses et généreuses en saveur. Le petit achard de légumes en juliennes épaisses est très bon et croquant, il apporte une touche de fraîcheur aux deux caris.

Les onze desserts sont assez classiques : gâteau chouchou, gâteau banane, crème brûlée, tarte tatin… Nous terminons par une mousse au chocolat assez bonne, et qui a la courtoisie de ne pas être compacte.

L’addition grimpe à 56,50 euros soit 28 euros et des miettes de morue par personne pour deux boissons, deux plats, un dessert et un café. Le rapport quantité prix est correct. Le rapport qualité prix est mauvais. Heureusement que nous avons fait l’impasse sur les « tapas », facturés à 18 euros pour 20 pièces.

La Cascade Blanche, nonobstant un environnement dont la mairie de Salazie semble se foutre comme de l’an quarante, présente bien. Case en tôle, salle décorée et habillée façon ambiance authentique agréable aux touristes, tout est fait pour que les visiteurs se sentent à l’aise. La cuisine se veut authentique, à des tarifs… touristiques justement. Pour l’instant les touristes ne sont pas encore revenus. Il serait bon, peut-être, d’ajuster prix et qualité pour faire en sorte qu’à leur retour ils ne se sentent pas les dindons de la farce, ou des pigeons… voyageurs. Car sait-on jamais, ils pourraient être accompagnés d’un(e) Réunionnais(e) qui, elle ou lui, a l’habitude de manger des bons caris, et qui va trouver le menu de la Cascade Blanche un peu cher pour ce que c’est.
Quelques cuistots devraient se rappeler que la cuisine réunionnaise, c’est autre chose que des produits cuisinés à la va-vite et maquillés à grand renfort de girofle ou de gingembre, comme s’il fallait en écouler dans l’urgence le surplus.
Nous avons bien conscience que par les temps qui courent, les critiques négatives des restaurants ne sont pas politiquement correctes (si tant est qu’elles le fussent un jour), mais il ne faut tout de même pas trop pousser mère-grand dans les galaberts.

La présente critique a été réalisée sur la foi de la dégustation du jeudi 2 juillet 2020. Cette critique est subjective par nature et ne prétend pas constituer une vérité absolue et définitive concernant la qualité des plats et du service de ce jour, ni des jours suivants. Nous certifions n’avoir aucun lien avec les responsables de ce restaurant ni aucun intérêt à donner une bonne ou une mauvaise appréciation. Dans tous les cas, les personnes concernées bénéficient d’un droit de réponse. Nous vous invitons à tester vous-mêmes ce restaurant et à vous faire votre propre opinion.