L’Escale Créole

Le restaurant, de l’extérieur, est banal mais l’intérieur a été plutôt bien arrangé. C’est propre et fonctionnel, avec quelques tables « neutralisées » pour respecter les distanciations physiques. Restent une vingtaine de couverts, plus six à la petite terrasse latérale. Le menu est affiché dehors : sept caris sont proposés, comme tous les jours sauf le dimanche.
Les plats sont assez classiques, mais on peut aussi retrouver des caris moins courants quoique traditionnels comme le poulet pipangaille par exemple, dégusté en barquette, ou le rougail Ti salé, que nous commandons aujourd’hui, en compagnie du rougail morue du vendredi.

Poulet frit ou en shop-suey, porc bringelles, sauté de mines aux crevettes et poisson au gingembre sont aussi au menu du jour. Celui de la semaine est d’ailleurs disponible sur la page Facebook du restaurant et sous forme de flyer à coller sur la porte du frigo. Nous nous installons tranquillement. La dame qui nous a gentiment accueillis nous apporte les boissons, puis les plats, nous demande si nous voulons de l’eau, puis repart vaquer à ses occupations.

Nous attaquons le Rougail Salé. Ce dernier renifle un fond d’odeur porcine un peu sauvage, comme attendu. Les morceaux présentent une peau peu dorée, et un rapport entre le maigre et le gras qui balance largement vers ce dernier. Quelques petits bout d’os issus de la coupe se baladent ici et là. La mâche révèle une peau croquante d’abord, puis assez tendre. Cette légère résistance contribue au plaisir en assistant la diffusion du goût du rougail, qui ne s’avère pas salé pour un sou. A vrai dire, nous sommes même assez surpris par ce sel raisonnable. La sauce est juste assez présente pour enrober les morceaux de viande et compléter leur saveur sur un nez doux-acide. Quelques tranches de gros piment apportent leur croquant frais mais assez neutres en force.

Le Rougail morue est timide. Sans doute lui manque-t-il aussi d’un peu de sel, et surtout d’un croûtage en fond de marmite qui lui aurait fouetté les flancs.
On le sens à l’odeur d’abord, et cela se confirme à la dégustation.La texture est assez moelleuse en bouche bien que l’emiettage ne soit pas très fin. Quelques morceaux plus gros ont tendance à faire des boulettes sous les molaires. Heureusement la sauce tomatée relève un peu tout ça, assistée ici aussi de tranches de gros piments.

Le rougail boucané et le cari de poulet pipangaille achetés deux jours plus tôt nous avaient plu davantage. Le boucané, bien équilibré en gras et maigre proposait sa saveur fumée en bonne entente avec la sauce du rougail, pour des bouchées très convenables. Le poulet pipangaille souffrait peut-être de manque de ce légume à peau de dragon, fort en goût quand il est bien choisi, et qui amène aussi parfois un côté terreux dont les viandes fortes s’accommodent.
Si l’on met de côté cette frustration, le cari était assez bon, même si le poulet n’était pas du haut de gamme.

Le riz est à revoir. Encore qu’il nous a paru meilleur aujourd’hui que dans les barquette l’avant-veille. C’est du riz pas cher, aux grains détachés, pas parfumé. Il faut certes marger un peu pour gagner sa vie, mais il est peu profitable d’oublier que le riz, c’est la base de la cuisine créole, et que le négliger est un mauvais calcul. Nous l’avons souvent signalé. Certains l’entendent, d’autres s’en fichent comme de leur première chaussette. Les clients départagent.

Les grains font le travail, bien que la sauce manque d’épaisseur, comme si de l’eau avait été ajoutée au dernier moment. Le goût est correct. Le rougail dakatine est plus efficace encore, surtout avec le Ti Salé. Le piment vert écrasé avec des oignons qui accompagnait le poulet et le boucané aurait fait merveille en compagnie de la morue. Quand on propose sept plats différents, il est sans doute difficile de proposer un rougail piment qui aille avec tout, la solution est simple : il faut en mettre deux, voire trois différents.

Nous repartons sans dessert, les glaces ne sont pas encore disponibles et refusons le café. La note : 24 euros, soit 12 euros par personne. Le rapport qualité prix est correct, mais pourrait être meilleur.

Ce rapport qualité prix serait en effet meilleur si la qualité grimpait un peu. Il reste un petit effort à faire avant de proposer à la clientèle du midi (et aussi du soir en temps normal) des caris aboutis, quand le virus qui rigole des hésitations et atermoiements des autorités aura fini de nous casser les pieds.

La cuisine de L’Escale Créole a en effet le mérite d’être correcte, malgré l’utilisation de produits très (trop ?) standards, mais nous soupçonnons que, parfois, quelques plats mériteraient qu’on leur consacre davantage de temps.
Sept plats, n’est-ce pas trop ? Mieux vaudrait cinq plats davantage soignés que sept dont deux ou trois sont expédiés. Deux salades de crudités seraient aussi les bienvenues, proposées en petite portion, en entrée, ou en pleine assiette selon le désir du client. Cela viendra peut-être. En attendant, allez donc vous asseoir à la table de l’Escale Créole au Butor, pour l’aider à prendre son envol. L’accueil et le service sont souriants et sympathiques. Vos remarques permettront au cuistot d’ajuster ses plats au mieux pour vous satisfaire.

Le Relais des Cimes tient bon

A dire vrai, nous ne devions pas aller au « Relais des Cimes », mais chez son voisin « La Villa Marthe », histoire de lui donner une deuxième chance pour cause de cabri massalé fadasse. Ce sera pour plus tard, cette table guillerettement disposée dans un beau jardin créole mérite mieux qu’une critique mi-figue mi-raisin, nous voulons y croire. Nous avons en effet été arrêtés dans notre élan quand la serveuse du « Relais » est venue poser le menu devant l’entrée du restaurant, un menu alléchant.

Le gratin de chouchou et le boudin créole sont toujours là, depuis notre dernière visite en 2015. Romazava au bœuf, vindaye, poulet au lait de coco, rougail zandouille et civet zourite suivent, avec l’incontournable truite locale. Nous prenons donc cette tangente pour faire confiance à notre nez, pour ne pas dire nos sinus.
L’intérieur est toujours aussi propret, et presque désert. Nous sommes accueillis poliment, mais le « placez vous où vous voulez » est peu raccord avec le cachet de l’endroit, même si on a le choix des tables covidement espacées. Ce genre d’accueil est bon pour les boui-bouis, restons classe tout de même. Un punch coco vient nous rafraîchir les gencives. Bien épais, avec les miettes de noix râpée et tout. Très bon. Nous nous décidons pour le boudin d’abord, et pour le romazava ensuite. On nous propose de l’eau, puis la commande fuse en cuisine, l’attente est assez courte.

Le boudin est servi bien chaud, avec sa salade de cresson, et trois tranches de pommes au four. Du boudin et du cresson du cirque. Le premier n’est pas trop compact, mais légèrement sec en bouche, et ses oignons verts et persil ne sont pas assez nombreux pour en relever la saveur. Le sel seul ne suffit pas à rendre la charcuterie intéressante, ni même la chaleur persistante du piment, au point en tout cas d’en jeter des « mmmh » de satisfaction. La pomme lui arrange un peu le sang, avec douceur, et l’affaire passe sans trop de difficulté. Le cresson est frais, et apporte sa force typique. Nous n’aurions pas dit non pour brouter quelques touffes supplémentaires.

Le plat principal arrive, dressé, avec le bol de cari dans l’assiette. Ce n’est pas forcément heureux, mais c’est peut-être plus facile à servir ainsi.
Les quantités sont assez généreuses, bien que notre front se barre d’une ride en voyant le riz grain long. Va-t-on encore chercher les grains derrière les dents comme un chien de berger court derrière des brebis folles ?
Deuxième ride pour le rougail… ananas !
Avec un romazava, vraiment ? Nous collons le riz avec les haricots. Au pied. Pas bougé. Puis nous l’humectons de l’abondant bouillon du plat malgache, avec une belle cuillérée de brèdes Mafane. Têter sa cuillère à soupe avec un gros bruit de suscion est très mal poli, mais nous nous retrouvons seul un moment, alors pourquoi pas. Les goutteurs font ça non ? Les effluves tourbés de fond de ravine qui nous montaient au nez envahissent la cavité bucale, explosent, puis le bouillon dégluti nous fouette les papilles d’une délicieuse astringence qui nous picotte la langue. ça y est, nos lèvres tremblent. Un tremblement tout de même modéré. Ces « Acmella oleracea » semblent peu chargées en ces principes actifs qui, en dehors de vous électriser les lèvres, seraient propices à l’endormissement. Il est vrai que nous avons détecté peu de fleurs, qui les concentrent davantage. Le bœuf lui même est moelleux, et assez fort en goût, comme on peut le rencontrer habituellement dans un bon « roumazave ».

Nous essayons d’y incorporer le rougail d’ananas, et finalement, le mélange est intéressant, sans aller jusqu’à dire que nous aimons ça. Les inconditionnels du Victoria même sur les pizzas apprécieront certainement.
Les haricots sont très bons. Parfumés et veloutés, ils ont tenu le riz comme demandé, mais ne peuvent pas faire grand chose de plus. Ce type de riz est inadapté à notre cuisine, et que les fashion-victimes du basmati à toutes les sauces aillent rouler sur la highway…
La petite salade de crudité, qu’on aurait pu confondre avec une décoration si elle n’affichait une lichette d’assaisonnement, est tout à fait inutile à notre sens.

Trois profiterolles terminent le repas. Bonne glace vanille, bon chocolat chaud, mais choux déjà datés, à ce qu’il semble.
Qu’importe, cela descend pas trop mal. Addition : 33,90 euros pour un punch, une entrée, un plat et un dessert. Le rapport qualité-prix est relativement satisfaisant. On a vu largement pire, mais on a vu mieux aussi.

Point n’est besoin de secouer le cocotier, la qualité du restaurant du Relais des Cimes se maintient. Nous sommes toujours dans la banlieue du très bon, tout en étant protégés du « tout-venant » du périphérique, pour continuer dans la métaphore routière.
Nous notons un effort supplémentaire dans la présentation de certains plats, à l’ardoise. La cuisine, sans être très originale, a le mérite de respecter suffisamment la tradition pour contenter le Réunionnais connaisseur et pas trop maniaque, au terme d’une ballade aux ruines des thermes. Pour bien faire, si c’était possible, il faudrait aller prendre l’apéritif à la Villa Marthe, qui réalise un cocktail à base de rose à se rouler par terre, puis revenir manger au Relais, pour retourner déguster le dessert à la Villa, où il a quelque chance d’être plus original et plus goûteux !
Les cuistots de « La Villa » auraient des leçons à prendre du chef du « Relais », en échange d’utiles suggestions de présentation, et de recettes de desserts « tendances ».
Et si les deux ne vous satisfont pas encore, essayez « Le Gouleo », sur la droite juste après la boutique de souvenirs. Ce sera une prochaine visite.