Qualité stable au Resto de la Bretagne

Aujourd’hui, nous allons chercher nos barquettes à la Bretagne, dans le restaurant du même nom, placé pile dans le premier tournant avant d’arriver au centre du patelin. Si vous avez du mal à trouver de la place pour vous garer, un grand parking est disponible 50 mètres plus haut sur votre droite, à côté de l’école. Ce restaurant a été testé en 2013, déjà, et avec un bon résultat puisque nous lui avions attribué une fourchette en argent.

Depuis, des travaux ont embelli la salle et le jardin de la villa. C’est coquet. Au menu du jour : civet bœuf, poisson aigre-doux, massalé poulet, sauté de poulet aux brèdes, riz cantonnais avec manchons de poulet frits et sauté de porc au gingembre. Nous aurions aimé déguster le rougail chevaquines au piment cabri de la veille, tant pis. Un rougail bringelles vient accompagner tout cela. Nous entrons à 11h00 pile, heure d’ouverture. Le service est poli mais “speed”. Demi tour gauche, nous constatons que la queue est déjà faite. A croire que les gens sont sur dans les starting-blocks avant l’ouverture des portes. Un succès certain donc. Ce n’est certes pas en vendant des repas médiocres que les rénovations ont pu se faire.

Nous repartons avec des barquettes bien pleines de poulet massalé, de bœuf et de sauté de porc.

Le poulet massalé, imbibé, reflue la bonne odeur de la poudre d’épices, mais la première bouchée est décevante. La chair est sèche et archi-sèche, duchesse, blanche et assez carton pâte, signe reconnaissable du poulet “de lo” pas cher. C’est dommage car le cari lui même est correct, encore que nous avons apporté un complément en sel, ce qui nous arrive rarement. La sauce compense un peu, en mouillant le riz. Le Kaloupilé relève le tout agréablement avec sa saveur fumée et musquée.

Le porc fleure bon les assaisonnements chinois, siave, sauce d’huître, avec des remontées nettes degingembre. La couleur est belle et appétissante, toute luisante avec des aspects plus marqués de fond de karay. Pas de mauvaise surprise en bouche cette fois. La viande est tendre, bien enduite d’une pellicule de sauce épaisse, très bonne. Les morceaux d’oignons qui se promènent manquent de croquant, mais les tranches de gros piments, pas forts, rattrapent l’afaire pour fournir des cuillerées équilibrées en terme de texture. La barquette se termine sans grimace.

Le meilleur est pour la fin. Le civet de bœuf envoie au nez des charges giroflées et un peu acidulées, avec un fond sauvage qui rappelle un peu l’odeur caractéristique du foie cuit. La viande elle même est d’une tendreté agréable, avec tout de même un léger croquant qui apporte du plaisir à la mastication. La finale acidulée et salée met en avant la saveur du bœuf qui reste un peu dans les narines. Le girofle, qui semblait rouler des mécaniques, est finalement
moins velléitaire qu’on aurait pu le craindre, et fait son travail avec justesse. Davantage de persil aurait conféré à ce civet un “peps” frais qui fait défaut, si vous aimez les fines herbes fraîches. Là aussi, la viande profite de la sauce au vin réduite qui l’imprègne à cœur.

Rien à dire au sujet du riz grain long, qui, bien qu’avec des grains détachés, ofre des bouchées convenables. La cuisson sans doute. De leur côté, les lentilles sont bonnes, mais sont-elles justifiées avec le bœuf et le sauté de porc à la chinoise ? Chacun appréciera. Pas de bon point en revanche pour le rougail bringelles, et pourtant nous sommes
bons clients ordinairement. C’est acide. Pas de remontées d’odeurs grillées qui font saliver. La bringelle plus bouillie que grillée a sans doute ses adeptes, mais nous n’en sommes pas.

Les barquettes sont tout de même terminées sans gros incident, avec peut-être une frustration sur le poulet massalé et le rougail bringelles. Le Resto de la Bretagne semble tenir le niveau de qualité que nous avons constaté voici maintenant 8 ans. Ce qui est plutôt bien. Sa cuisine respecte les fondamentaux de la tradition culinaire réunionnaise, autant que les produits le permettent. Les menus changent tous les jours et sont variés : la patte cochon, rôti de canard, rougail “sounouk”, rougail boudins, camarons au combava figuraient dans le menu des jours précédents. Nous sommes tombés sur un jour où seul le bœuf tire vraiment son épingle du jeu. La fréquentation confirme notre sentiment, mais nous reviendrons plus tard pour essayer de déguster des plats moins classiques, et cette fois-ci sur place, si bon Dieu na pitié.

Café Hippi’Eat, peace, love and carry

Terre Sainte, un jour ordinaire. Quelques pêcheurs à la gaulette taquinent les pêche-cavales sur le pont de la Rivière d’Abord, pour aller les griller ensuite. De belles pièces de thon Germon et Albacore attendent preneur dans les kiosques des professionnels, à deux pas de là. On discute sur les bancs, on écluse une bière, on regarde le temps qui vire au beau.

Aujourd’hui nous sortons de notre train train de caris et rougails pour tester un petit restaurant différent, qui nous a été recommandé. 

10h, le Café Hippi’Eat est déjà ouvert depuis longtemps. Logique, l’établissement se définit comme “Restaurant pour petit déjeuner et brunch”, et le menu du jour est exposé dehors. Dedans, la déco est “seventies”, avec les mythiques combis VW au mur et sur les étagères, en compagnie des vinyls des stars de cette époque. Dommage que la musique d’ambiance ne soit pas raccord. 

Une belle dame nous accueille avec politesse, nous invitant à consulter le menu avant notre commande, qui sera à emporter, évidemment, compte tenu des circonstances. Nous lisons.

Tartare de thon, mangue, sauce soja, coriandre, avocat, frites de patate douce ; “Signature burger” (Pain artisanal, poulet croustillant, mayo curry, œuf poché, emmental, crudités, potatoes) ; “Avoc’n’Love” (Poulet croustillant, salade de lentilles et fêta , mini club avocat emmental crudités œuf dur, frites d avocat, patate douce carotte guacamole) ; “Yoko Ono” (Crevette marinées coco gingembre, coleslaw wasabi, nouilles, crevettes panées aux céréales) ; Salade façon césar (poulet crispy  ou crevettes panées , pâtes au pesto, œuf poché, croûtons, crudités, sauce cesar maison) ; “Bowl veggie” (gratin dauphinois revisité,  courgettes à la niçoise, quinoa gourmand, légumes crus et cuits).

Nous repartons avec le burger et « Yoko Ono », plus un cheese-cake, délestés de 29 euros réglés en espèces pour cause de non acceptation de la carte bleue. 

Aussitôt rentrés, le four est mis à contribution pour réchauffer tout ça. Le cheese-cake, lui, va se rafraîchir.

Le Burger n’a rien à voir avec ses cousins « Mac » et « King », encore heureux, ni avec ceux des autres spécialistes de la place. Il est moins gras, tendant même vers un côté léger et dépouillé. C’est sans doute le blanc de poulet pané qui fait cet effet. Pour autant ce dernier reste assez tendre sous la dent, sans cet aspect carton pâte et qu’on retrouve parfois. L’oeuf poché vient avantageusement l’enduire de son jaune. Il est d’ailleurs prudent de découper le burger dans sa barquette, ou dans une assiette. La base du pain légèrement imbibé de mayonnaise au curry donne un peu de soleil gustatif à l’ensemble dont la saveur générale est trop sage à notre goût. Le pain lui-même, avec sa mie moelleuse, comme briochée, est une réussite. Ses graines apportent une touche croquante et parfumée qui, en bouche, profitent au poulet, que nous avons égaillé d’une pincée de sel. Les pommes sautées, en robe des champs, sont gobées avec plaisir.

« Yoko Ono » est très généreusement servie. Nous attaquons par le Coleslaw de chou rouge, arrangé au wasabi. La claque. Ce croquant associé à la sauce crémeuse et à la force du Wasabi nous secoue les papilles, et c’est absolument vivifiant. Les crevettes ne sont pas en reste, davantage celles qui sont marinées au coco et gingembre, présentées avec les nouilles, que celles qui sont pannées, même si ces dernières paraissent plus en chair. Les nouilles ont bonne mine. Elle refluent d’appétissantes odeurs d’assaisonnement aux couleurs asiatiques, et sont cuites à la perfection, ni trop molles, ni trop ferme. Elles sont vite englouties et le dernier coup de dent sur une crevette panée termine le plat.

Le dessert est délicieux. Le cheese-cake velouté et fondant affiche des notes gourmandes dont le côté gras est tout de suite équilibré par le coulis de framboise acidulé. Un équivalent au goyavier viendrait donner une touche plus locale, la saison commence. Nous nous demandons si le Café Hippi’Eat propose des babas.

Tout ceci fut bel et assez bon, mais nous restons sur notre faim. Il manque clairement quelque chose pour que ce repas soit apprécié à sa juste valeur. Pas besoin de réfléchir longtemps : il manque… le restaurant ! Les plats à emporter sont un moyen pour les restaurateurs qui le peuvent de s’en sortir en ces temps de crise, nous jouons le jeu et vous invitons à faire de même. Mais tout le monde est d’accord, rien ne remplace le fait de mettre les pieds sous la table d’un restaurant, en bonne compagnie, et deviser avec les serveurs ou le chef, voir passer les plats des voisins en se disant “la prochaine fois je prend ça”, apprécier la musique quand elle est bonne comme disait Jean-Jacques, et simplement buller après le dessert en appréciant l’ambiance et le paysage. Glenn Viel, chef trois étoiles que nous avions rencontré lors de ses vacances à La Réunion, le disait très bien : la cuisine, c’est d’abord une affaire de psychologie, de bonne disposition, d’état d’esprit qui précède et accompagne le repas lui-même. Tout cela reviendra, et le plus tôt sera le mieux. Des gens, des familles, en vivent.