L’Orangerie, La nouvelle table tendance du Nord

Tout en bas de la ZI du Chaudron, rue Gabriel de Kerveguen, une nouvelle table vient tout juste d’ouvrir ses portes, et, déjà, affiche une fréquentation record, signe qu’elle est déjà la nouvelle coqueluche du Nord. Ses atouts sont nombreux, et son chef n’en est pas le moindre. Visite de l’Orangerie.

Pierrot Prugnières, chef lui même et patron du restaurant voisin La Fourchette depuis 2014, affiche le sourire satisfait de l’homme arrivé au bout de son projet, malgré les difficultés, tracas, et autres enquiquinades qui parsèment le sentier classique de tout projet d’envergure, sans compter La Covid, il va sans dire. En plein début de pandémie l’année dernière, il fallait quand même un optimisme en acier trempé serti de platine et une paire de « cojones » à faire verdir de jalousie un taureau normand pour oser réaliser ce rêve aujourd’hui partagé avec une clientèle conquise.

Écrin de verre

«  A la Fourchette, j’avais observé un accroissement de la demande sur de l’événementiel. On s’est dit pourquoi ne pas créer un lieu pouvant accueillir davantage de personnes, plus qualitatif, et inédit » raconte Pierrot. Inédit est le mot. L’idée d’une verrière lui a été inspirée par les orangeries qu’on trouve en métropole, près des châteaux. « C’est la première orangerie de La Réunion » déclare le patron, qui a préféré réaliser sur place la structure plutôt que d’en importer une qui aurait souffert du climat local. 400 m2 dont la moitié est modulable à volonté pour répondre à tous les besoins de la clientèle : salon privé, salle de conférence ou espace événementiel, avec climatisation possible, et une immense terrasse donnant sur un espace vert sympathique, aménagé par un paysagiste avec force transpiration pour remplacer une « quasi-déchetterie » ainsi que l’appelait le taulier. Tout cela complété d’un spa privatisable, n’est-ce pas, pour aller au bout de la philosophie « bien être » du lieu. « Nous avons également intégré de nombreux luminaires et spots, de couleur personnalisable en fonction des événements et du désir des clients » ajoute Pierrot.

L’ensemble évoque l’architecture industrielle du XIXe siècle, mais épurée. Les rideaux et le mobilier en bois réchauffent l’ambiance. L’effet est immédiat : dépaysement, sérénité, détente, surtout quand le personnel au petit soin vient vous cueillir sur le pas de la porte. 16 emplois ont d’ailleurs été créés, d’autres sont susceptibles de l’être en fonction de la suite des événements.

Le choix du chef

Tout cela est bien joli, mais sans chef à la barre, l’Orangerie est une coquille vide. Pierrot a donc pris grand soin dans le recrutement de son cuisinier, qu’il est allé pécher du côté de la Haute Normandie, pays de la teurgoule et des tripes à la mode de Caen (voir par ailleurs). Le patron a porté une attention particulière à la personnalité de sa recrue Jonathan en suivant son parcours et en échangeant avec lui pour mieux le connaître. Pierrot ne souhaitait pas avoir à faire à un ego enflé comme une montgolfière, et du genre gueulard comme nous en connaissons deux ou trois dans le landernau. « Je laisse Jonathan libre de s’exprimer. Il a les clés de la cuisine» affirme-t-il, tout en conservant son droit de regard. Une bonne attitude quand on sait que d’autres, dans d’autres lieux, se sont « frités » avec leur chef, clash à la clé. Une capacité à la confiance qu’il explique : « Ma force est peut-être mon parcours dans toutes les étapes du métier, de chef de partie à directeur de restauration en passant par second puis chef de cuisine». Pierrot Prugnières a notamment officié pendant 14 ans au Baccara, la table du casino de Saint-Denis.

Signature d’épices

« L’Orangerie propose une cuisine fusion et bien être. Je ne prétend pas faire de la gastronomie, mais je souhaitais une cuisine différente et complémentaire de celle de la Fourchette (qui est une brasserie, ndlr). » Jonathan Michel débarque donc sous nos cieux et passe derrière le piano qui se joue debout. Et ce n’est pas un détail pour nous : les assiettes que nous avons dégustées ne mentent pas, de l’entrée au dessert, ce fut un moment délicieux dans tout le champ sémantique que peut générer le terme.

Au menu du jour : œuf parfait, sabayon yuzu et légumes croquants. Variation de textures sur sublimation des saveurs et sans sel superfétatoire. Un filet de maquereau aux accents saumonés, iodés et de corail, moelleux comme un amoureux transi. Un demi magret de canard tendre, avec ce petit fumet caractéristique qui va jouer avec la purée de carotte arrangée à l’orange et au cumin, pour un plaisir gustatif sans égal, sur des atours raffinés. « En tant que chef, j’ai eu l’habitude de ne pas multiplier les épices, déclare Pierrot Prugnières. Pour moi, c’est le produit avant tout. Travailler avec plus de deux ou trois épices, c’est prendre des risques. Jonathan y arrive, il maîtrise sa signature d’épices. Aujourd’hui, la carte de l’Orangerie propose des saveurs dont on a peu l’habitude à La Réunion».

Au dessert nous avons opté pour une marmelade de pruneau au vin chaud, poire confite au bissap, bonbon de noisette et sa crème glacée feuilletée. Une bombe du chef armée avec le concours du pâtissier Etienne, qui a joué du rouleau notamment chez les rosbifs, et amené à prendre de plus en plus ses marques avec le temps.
Pour le moment en phase de rodage, l’Orangerie proposera une carte spécifique et restreinte le midi, une autre le soir. « Notre objectif est de garder certains soirs pour de l’événementiel, mais nous souhaitons organiser aussi, en semaine, une soirée avec l’animation musicale d’un groupe, sur une ambiance lounge et campagnarde»… Un concept à lancer, dans un esprit « à la bonne franquette » que nous devinons quand le patron cite les « Pattes Jaunes » en guise d’exemple. Nous avons hâte de retourner chez l’ami Pierrot, au clair de Lune ou pas.