Réveil difficile au Relais des Plaines

Notre dernière visite au Relais des Plaines ne date pas d’hier mais de huit ans exactement, avec une fourchette en argent en récompense. De l’eau a coulé sous les platanes. Le Covid est passé. La disposition des lieux
a changé, forcément. Les écarts entre les tables sont conséquents. La grande salle le permet.

Du côté carte, changement aussi puisqu’il nous est proposé de la cuisine française classique – magret de canard, cuisse de grenouilles, escargots, côtelette d’agneau – deux plats créoles, et des originalités comme le gratiné de crevettes au palmiste que nous commandons, avec un cari de poulet. L’accueil est avenant. On nous propose de l’eau. Le chef passe voir les clients. Rien à dire sur le service, aimable et efficace. Les plats en revanche…
Un jus de goyavier nous est proposé avec une lichette d’alcool. Nous sentons à peine l’alcool, ce qui n’est pas bien grave. Mais nous sentons à peine le goyavier aussi. L’apéritif a un goût de flotte. Ça commence mal.

Le Gratin de Palmiste, qui a un goût de gratin, et pas de palmiste.

Nous attaquons avec un gratin de palmiste, il fait frais, préféré à la salade du même tronc et à l’assiette créole classique. Le gratin est dressé le plus simplement du monde, avec une salade verte fraîche. Présentation kitsch. C’est chaud. Pas besoin de plusieurs bouchées pour en avoir le coeur net, la première suffit. Nous ne nous faisions pas beaucoup d’illusion au départ, tout en espérant un miracle, mais le palmiste peut difficilement garder sa saveur délicate et fragile sous les assauts de la béchamel et du fromage. Il ne peut prêter au plat que son nom, sa texture et son croquant, quand toutefois les morceaux sont assez gros pour qu’on ressente quelque chose sous la dent, ce qui est loin d’être le cas ici. Nous avons donc un gratin, plutôt bon, mais dire qu’il est au palmiste relève de la rhétorique, au mieux. Il faudrait arrêter avec ce genre de plat comme les beignets par exemple, à ceci ou à cela, qui n’ont la plupart du temps qu’un goût de pâte au bain d’huile. Aujourd’hui c’est le produit qui compte, et la mise en valeur de son goût. Si on mange un gratin et qu’on ne sent pas le produit, quel intérêt ?

Quelques crevettes se battent en duel au milieu d’un autre… gratin de palmiste !

Nous restons dans le gratiné, et dans le palmiste. «Gratiné de crevettes palmiste» est le nom du plat. Le nom « crevettes » étant placé avant, c’est donc cela que nous nous attendons à déguster principalement,
en imaginant par exemple des crevettes sautées à l’ail prises en sandwich entre des tranches de palmiste, le tout passé au four sous une couche de fromage. Que nenni. A la place nous avons… un gratin de palmiste aux crevettes, enfin, à la
demi-douzaine de misérables crevettes vapeur qui se tapent une belote en s’emmerdant à cent sous de l’heure au beau milieu de palmiste effiloché, pas plus goûtu donc que l’entrée. Ce plat est au mieux une erreur, au pis un attrape-couillon.

Le Cari poulet manque de punch

Passons au cari. Bizarre ce poulet. Ses origines industrielles ne font pas mystère, et pour autant sa tenue est bonne. Mais il nous paraît assez pâlichon. Nous goûtons la sauce. C’est fade, le roussi est indigent, et la viande n’a pas tâté assez le fond de marmite pour exalter sa saveur. On dirait un cari fait en vitesse au micro-ondes. Le plat est mangeable,
mais quand on fait des kilomètres pour savourer un cari de poulet à la Plaine, on s’attend à autre chose qu’à cet ersatz de ration de l’armée pour bidasse affligé d’agueusie. Le riz est à l’image du reste : pauvre en goût, sec et sans intérêt. Les gros pois suivent le mouvement. Le rougail de concombre est bon, bien pimenté, croquant, et essaie de sauver
le cari mais n’y parvient pas. Il aurait plutôt fallu un rougail tomate arbuste ou bringelle, bien grillée, pour apporter un peu de fumet et d’éclat à cette volaille gustativement étique.

Nous terminons par un fromage des Plaines au coulis de goyavier, rajouté à la main sur la carte des desserts, comme un oubli. Il devrait être imprimé comme les autres, et en haut de la liste. Quand on est implanté dans un lieu, on essaie de mettre à l’honneur le terroir, un tant soit peu. Le fromage est frais et plutôt bon, le coulis est très caramélisé, trop sans doute pour qu’on profite pleinement du bel éclat gustatif du petit fruit rouge emblématique de la région. Ce dessert pourrait d’ailleurs être plus travaillé, et décliné en différentes versions, avec d’autres fruits locaux. Quelques baies de goyavier bien mûres en décoration avec leurs feuilles n’auraient pas été de trop, surtout en saison. D’une manière générale il est rare que les restaurateurs mettent des fruits de saison à leur table, ne serait-ce qu’en clin d’oeil, et c’est très dommage. Coût supplémentaire ? Manque d’idée, d’intérêt ou de temps ? La raison nous échappe. Addition : 49,50 euros pour une boisson, une entrée, deux plats et un dessert. Le rapport qualité-prix est perfectible.

Il est quand même navrant de constater que ce genre de cuisine existe encore. Le Covid a fait beaucoup de mal, les restaurateurs en ont souffert, et il nous est donc pénible d’en rajouter une couche mais si certains s’imaginent qu’ils peuvent compter sur la mansuétude des clients pour accepter les à-peu-près, ils se fichent le doigt dans l’oeil à se gratter l’omoplate par l’intérieur. Les clients restent exigeants, et le sont de plus en plus. Il est grand temps de proposer de la vraie bonne cuisine réunionnaise authentique à la Plaine-des-Palmistes, en plus de la gastronomie française, pourquoi pas, l’un n’empêchant pas l’autre. Dans un cadre comme celui du Relais des Plaines, c’est le moins qu’on puisse attendre.

Chez Philo inspire confiance

Aujourd’hui nous empruntons la route des Plaines, à quelques encablures de Saint-Benoît dans le quartier de la Confiance, pour tester les plats de chez Philo. La Confiance est le dernier patelin de Saint-Benoît avant d’attaquer les rampes des Plaines, et écrin du domaine du même nom aujourd’hui fermé, hélas. Le radar du coin ne doit pas être la seule raison de lever le pied. Ce quartier verdoyant, ou les champs de cannes sont entrecoupés de pieds de letchis, recèle quelques arrêts gourmands, de la pâtisserie de quartier au vendeurs d’ananas, en passant par le petit restaurant « Au Bon Mangeur » référencé dans le guide « 45 » des bonnes tables de cuisine réunionnaise. C’est là que commence le Chemin de Ceinture qui vous rapprochera notamment de l’un des meilleurs établissements hôteliers de l’île, le Diana Dea Lodge.

Chez Philo est posé en bord de route dans le sens montant, vous ne pouvez pas le rater. La salle étant fermée pour cause de rigueur préfectorale, nous repartons avec trois barquettes : poulet au citron, civet canard et civet zourite, avec un petit temps d’attente pour le poulet pas encore prêt. Rougail morue, Shop suey poisson, Porc gros piment, Sauté boeuf étaient également au menu du jour. Au comptoir nous notons un service poli mais qui pourrait être un peu plus souriant. Voyons où les plats de Philo mènent.

Civet Zourite

Le civet zourite est assez bon dans l’ensemble. La sauce au vin épaisse l’enrobe dans une gangue tomatée qui renifle un roussi appétissant, le girofle et le poivre, mais imprègne mal la chair de l’octopus d’origine congelée fort probablement. Ce dernier a bien perdu de sa consistance de gomme pneumatique à la cuisson sans pour autant devenir vraiment moelleux. Visiblement le temps de marmite a eu un léger souci, mais c’est sans gravité. Les bouchées sont appréciées à leur juste de valeur. Nous avons tout de même déjà trouvé mieux.

Civet Canard avec zembrocal

Son cousin civet de canard nous a été servi avec le riz zembrocal du jour, à notre demande. La couleur est déjà engageante et la chair tient assez bien aux os. Gustativement parlant le palmipède s’en sort un peu mieux que le zourite, avec une saveur intrinsèque plus présente qui donne la réplique au vin cuit efficacement. Les épices du civet lui vont comme un gant, avec un roussi qui leur a bien profité. Le riz zembrocal gros pois est un bon partenaire du canard. En bouche, il apparaît plus épais que le riz blanc respirant le curcuma, avec un côté soyeux qui aurait mérité une humidification de sauce plus importante.

Nous apprécions le persil hâché saupoudré par-dessus avant la livraison des barquettes.

Poulet au citron

Le poulet citron nous mène à des horizons plus asiatiques. Les morceaux de viande ne sont pas secs, et font des avances douces et parfumées qui calment les élans acidulés du citron. Les tranches de peau de l’agrume sont d’autant plus vives en goût, comme elles le sont dans les vindayes. Mais le poulet revêt ici un caractère plus rond qu’un poisson et les bouchées mêlent la tendreté de la viande et le croquant des bouts de citron et de poivron, que la sauce de piment vert finit d’arranger. Un plat doux-acidulé-salé très réussi.

Rien à signaler au sujet des gros pois, à part peut-être une sauce qui aurait pu être plus crémeuse. Le riz blanc ne fait pas d’étincelles mais joue son rôle honnêtement. Le rougail Dakatine assure aussi, même s’il est un peu « mastic » sur les bords. Une petite tomate grillée dedans quand on est arrivé à la case, et le tour est joué.

Le restaurant « Chez Philo », qui est le diminutif du nom du gérant et non le prénom de la gérante, apparaît à première vue comme une bonne adresse de cuisine locale à Saint-Benoît, qui compte par ailleurs plusieurs excellentes tables. La salle a l’air confortable, même si on ne peut pas en profiter tout de suite, et on peut y déguster un large panel de plats typiques réunionnais, et aussi « créole chinois » comme le porc sauce grand-mère, le riz cantonnais et poulet croustillant et les shop-sueys.
La cuisine semble respecter les standards gustatifs que les clients sont en droit d’attendre, mais il manque un je ne sais quoi pour qu’elle soit plus éclatante, plus goûteuse. Les raisons sont peut-être à chercher davantage dans les temps de préparation que du côté de la qualité des matières premières car nous avons rencontré à d’autres tables des plats plus « punchy » réalisés avec des produits pas chers. Nous devront y retourner pour juger plus avant de la qualité du service dans une configuration normale.
En attendant nous inscrivons tout de même « Chez Philo » sur la liste des restaurants à fréquenter.