Kel Délice, du potentiel à la rue Bois de Nèfles

Nous poursuivons notre tour de l’île des restaurants à la recherche de nouvelles fourchettes d’or. La récolte des dernières semaines n’a pas été à la hauteur de nos espérances. Certaines tables, comme une terrasse du côté de Saint-André nous ayant laissé sur notre faim, gustativement parlant, et trop hésitants sur la note. Aujourd’hui retour à Saint-Denis, du côté de la rue Bois de Nèfles, où plusieurs personnes nous ont recommandé un petit restaurant sans prétention.

Nous arrivons peu avant midi, après avoir fait trois tours du quartier pour trouver une place de parking. Si un peu de marche ne vous fait pas peur, et que vous répugnez à ronger votre frein et à mordre votre volant de rage, le « parking de la Sécu » est une solution envisageable. Et si toutefois vous trouvez une place pas loin, jouez au Loto, c’est votre jour. Le restaurant est logé au rez-de-chaussée d’un immeuble en retrait de la rue, juste à côté d’une pâtisserie. Le menu du jour est posé sur le trottoir.
Cabri massalé, poulet brèdes, cari de daurade, poulet croustillant et riz cantonnais, sauté de bœuf aux oignons, tagliatelles au poulet pesto et tomates séchées, et « pavé de saumon, haricot vert crème d’aneth potatoes ». Deux derniers plats qui prouvent une ouverture (et une compétence) vers d’autres cieux culinaires.
Nous voulions déjeuner sur place, mais la configuration des lieux ne nous y incite guère. Dedans les tables sont en désordre, dehors aucun parasol visible pour parer les premières ardeurs de midi. Tant pis, nous repartons avec des barquettes. Cabri, poisson et bœuf seront testés.

Nous commençons par le poisson, qui n’est pas un cari mais un poisson au gingembre. Le menu affiché à l’intérieur est bon mais pas celui de l’extérieur. Changement de dernière minute sans doute.
Les bouchées sont très goûteuses et moelleuses. Le poisson, relevé par le rhizome et par un assaisonnement doux salé délicat, est très bon. Son côté un peu brut a été domestiqué, sans pour autant être étouffé. Les carottes et les lamelles de gingembre croquantes passent sous la dent avec bonheur. La barquette pourrait se terminer sans difficulté, mais deux autres plats sont à goûter.

Le cabri se renifle avec plaisir. Si l’aspect visuel en barquette fait « pâté », l’odeur du massalé est plutôt suave et raffinée. La couleur l’annonce déjà, nous n’avons pas affaire à ce « gros » massalé très torréfié, qui envoie des claques. Confirmation en bouche avec des saveurs assez complexes, qui baignent et réjouissent les papilles. Le plaisir est augmenté par une cuisson aboutie sans laquelle certains morceaux de cabri auraient pu servir d’élastique à lance-pierre. Là-dessus, le sel appuie sans exagération des contours acidulés peut-être envoyés par du tamarin, et qui excitent l’appétence. Ce cabri massalé est indiscutablement dans la moitié supérieure de la liste des meilleurs que nous ayons dégustés.

Nous terminons avec le bœuf. Le sauté aux oignons (et poivrons) affiche un côté « sauvage » intéressant. Cela ressemble au bœuf sauce grand-mère, dans l’esprit. Les morceaux exigent un peu de mâche, ce qui n’est pas pour nous déplaire. Les dents c’est fait pour ça, bien que la tendance générale penche vers la nourriture molle et prémâchée, celle des burgers des multinationales, qui a formaté les jeunes générations au point que celles-ci n’auront plus besoin de leur faïence un beau jour, et déjeuneront à la paille.

Mauvais point pour le riz. Si celui-ci est convenablement cuit, il ne fait pas mystère de sa basse extraction. Les grains détachés suintent un peu. C’est du demi-luxe, sauf erreur. Intéressant pour la marge, moins pour la mâche. Rien à dire en revanche au sujet des grains blancs, bons et veloutés.
Le rougail dakatine envoie du bois question piment, un vrai dopant pour le Grand Raid. Le rougail « zognons » est bon aussi quoique grossier à la présentation. Le rougail concombre s’impose avec le cabri massalé en apportant un croquant frais bienvenu.
Nous réglons 23,50€ pour les trois barquettes. Le rapport qualité-prix est acceptable.

Kel Délice ! Promesse tenue ? En tout cas, le restaurant de la rue Bois de Nèfles n’a pas à avoir honte de sa cuisine. La prestation du jour ne nous a pas déçus, excepté peut-être le riz, à revoir selon nous. Pour changer des caris, le cuistot sait aussi proposer des plats différents, ainsi que des salades et quelques gâteaux maison. Un effort serait à faire sur le cadre d’abord, et sur l’accueil, poli mais manquant de chaleur, si l’on se fie à notre expérience du jour. On espère que c’est différent la plupart du temps. Si la tendance se confirme lors de notre prochaine visite, Kel Délice devrait entrer facilement dans le « guide jaune » l’année prochaine. A suivre donc

La Terrasse Kréole, une escale intéressante

Aujourd’hui nous allons explorer les rues de Saint-André, et plus précisément le Chemin du Centre, qui compte plusieurs petits restaurants « barquettes ». Nous nous arrêtons à la Terrasse Kréole, qui offre non seulement des tables dans une salle confortable (quoique fatiguée par les ans) mais aussi un grand parking.

L’accueil est souriant et particulièrement gai de la part d’une jeune femme, « Jojo », comme l’indique une ardoise. Les tables ont toutes l’air réservées, heureusement il en reste une pour nous. Jojo nous propose un thé glacé « maison », qu’elle vante. Nous nous laissons convaincre. Au menu du jour : civet cabri, shop-suey poulet, cari poulet chou rave, cari pêche cavale, plus des desserts maison et des salades. Va pour le cabri, plus le poisson à emporter.

Le thé est très frais et bien aromatique. Des olives sont mises à disposition. A peine avons-nous le temps d’y toucher que le plat est servi, avec un enthousiasme non feint de Jojo.


Le civet de cabri est un plat délicieux quand il est réussi. Les humeurs un peu sauvages de cette viande s’accommodent très bien avec un vin, pour autant que ce dernier ait du tanin de caractère.
A la vue, presque rien à dire. La couleur est appétissante, mais nous remarquons que la sauce est claire, et pas très épaisse. La viande est parfaitement cuite, et même au-delà du nécessaire, rapport probablement à certains morceaux qui, sans cette cuisson poussée, auraient pu servir d’élastique à un lance-pierre. La mâche est correcte. Au niveau du goût en revanche cela se discute pour ceux qui aiment les civets forts. Ici, le gustatif est poussif. Le vin a-t-il été mal choisi ? La dose est-elle trop faible ? Ou un surcroît de flotte qui a-t-il noyé tout ça ? L’intérêt est que le goût du cabri lui-même est bien plus présent. Les oignons verts par-dessus font de la figuration avec le persil, qu’on aurait aimé plus démonstratif, histoire qu’il réveille un peu la saveur de vin cuit.

Nous avons demandé le cari pêche cavale à emporter, un plat très rare dans les restaurants. Nous aurons une pêche cavale, ni deux, ni trois. On trouve ça un peu pingre. C’est d’autant plus frustrant que ça sent bon et que le plat est qualitativement au-dessus du précédent.
Ce poisson n’est vraiment apprécié que par les amateurs, qui ne se laissent pas rebuter par les nombreuses arrêtes qu’il contient, et qui le dépiautent méticuleusement. La chair est plus dense que d’autres poissons courants en cari, avec une tendance à être sèche si on le cuit trop. Ici elle reste agréable à manger, d’autant que la sauce est parfaitement exécutée. Nous croyons même y déceler du piquant, un piment s’est sans doute baladé par là, pour notre bonheur. Un peu de combava là-dessus, ou dans une sauce piment vert en accompagnement, et le plaisir est décuplé.

Rien de spécial à dire sur le riz. Un « grain long » parfaitement cuit. Les lentilles sont délicieuses avec ce soupçon de massalé qui va bien. En revanche nous commençons à en avoir un peu assez de cette légumineuse qui devient systématique un peu partout. C’est le client qui réclame, ou bien est-ce une histoire de coût ? Les deux peut-être. Le rougail de courgettes est excellent. La petite salade verte en accompagnement est appréciable.

Nous terminons par un dessert maison recommandé par la tonique Jojo. Un « chococcino », pendant cacaoté du tiramisu cappuccino. Bon, mais un peu épais quand même. De la légèreté ne lui ferait pas de mal.

Nous réglons la somme de 30 euros pour une boisson, une bouteille d’eau, deux plats dont un à emporter et un dessert. Le rapport qualité prix est passable.

La terrasse créole est indéniablement une bonne adresse pour qui désire déjeuner rapidement, et correctement, du côté de Saint-André. La cuisine se défend, mais il est compliqué de noter suite à cette visite, avec les plats que nous avons dégustés. Le civet manquait de saveur, clairement, mais le poisson était parfait pour le peu qui nous a été servi. Le dessert, quant à lui, peut encore être amélioré. L’accueil et le service sont impeccables. Pour cette fois, nous attribuons à la Terrasse Kréole une « petite » fourchette de bronze. Le potentiel est là. Ce restaurant sait faire mieux, nous en sommes persuadés. Une seconde visite est nécessaire pour conforter cette note et qui sait, la remonter.