Restaurant Law Shun, la qualité dans la simplicité

Aujourd’hui nous visitons un restaurant de Saint-André dont nos antennes nous ont vanté les caris. Il se situe dans le haut de la ville. Pour éviter les embouteillages, vous pouvez passer par la route menant à Salazie, puis, au rond point de la station, redescendre l’Avenue de Bourbon. Vous le trouverez sur votre gauche un peu plus bas. Un bâtiment relativement récent, une grande salle très propre à la décoration minimaliste, des tables et chaises en plastique, sans nappes, voilà le décor.

L’accueil est très sympathique et souriant. Il est 11h00, les plats sont prêts et attendent les clients. Au menu du jour : gratin de brocolis, salade fermière, vindaye de thon, brèdes songe morue, rougail boucané, porc aux trois merveilles, poulet croustillant, shop-suey poulet, cuisses de poulet rôties, riz safrané aux légumes. Soit une dizaine de plats, un nombre raisonnable qui laisse espérer davantage de soin dans leur préparation. Nous demandons le rougail boucané accompagné du riz safrané, plus un vindaye et une morue brède-songe à emporter.

Le boucané affiche une jolie couleur, assez appétissante. La première bouchée confirme le visuel : c’est du boucané « dur ». Non pas qu’il nécessite une mâchoire de néandertalien pour être mastiqué, il est juste composé de plus de viande que de gras. Pour autant, cette dernière n’est pas sèche et si elle offre une belle mâche, propice à diffuser sa saveur fumée, elle reste accessible aux molaires. La sauce réduite emballe les morceaux sans supplément d’huile. Rien à voir avec certains caris qui nagent dans la flotte comme nous en voyons parfois. Le sel est légèrement bavard, on s’y attendait, mais il se fait plus discret sur la longueur, quand le palais s’est habitué. Bon point donc tant sur le choix du boucané que sur sa préparation.

Nous sommes en revanche un peu plus nuancés concernant le riz safrané, et moins sur son assaisonnement que sur sa nature même. En effet, si les saveurs n’ont rien à se reprocher, et si pour une fois le riz long en grains détachés s’impose par le cousinage du plat avec le briani, la dégustation est un peu gênée par une sensation sableuse ou farineuse sur les grains de riz. Peut-être un morceau de pomme de terre s’est-il effrité, peut-être est-ce du à la qualité du riz lui-même, ou bien encore à la sauce des haricots blancs, ce qui dédouanerait le riz. On aurait d’ailleurs aimé que ces derniers soient plus en crème. Le rougail Dakatine pour sa part est efficace.

Le vindaye est un des meilleurs que nous ayons dégusté, et nous en avons dégusté de très bons. Le plat n’agresse pas, avec des saveurs fortes où le citron est revendicatif. Ici, place au raffinement, autant que cela est possible, avec un trio safran, citron et graines de moutarde qui jouent leur partition en parfaite harmonie. C’est délicat, et laisse au nez des odeurs complexes d’épices fraîches. Le thon n’est pas top sec, et profite amplement de ce festival de saveur.

La morue brèdes songe, ou l’inverse, n’est pas en reste. C’est de la belle ouvrage, très proche de ce que l’on pouvait apprécier naguère dans le regretté restaurant Chez Ti Fred. La texture n’est pas humide, signe d’un essorage des songes réglementaire, et l’on y distingue à peine les morceaux de morue, signe d’un émiettage patient, façon grand-mère. En bouche, c’est bien la morue qui s’impose, mais pas au détriment des brèdes songe, dont on sent quand même le goût si particulier.

Sur place, nous terminons avec un gâteau banane maison, pas trop sucré, et qui évite d’être compact et laisser la sensation d’avaler un parpaing après le boucané. C’est bon, mais une présentation à l’assiette avec une boule de glace, de la chantilly, du chocolat fondu et/ou un fruit serait un plus apprécié, quitte à ajouter 2 ou 3 euros au tarif.

Nous repartons après avoir réglé une note de 24€ pour trois plats dont deux à emporter, une boisson et un dessert. Le rapport qualité-prix est très bon.

Les « majors » de Saint-André ayant tous été visités, nous désespérions d’y trouver un établissement qui puisse soutenir la comparaison. Les nombreux petits restaurants, snack et point de vente à emporter sont en effet de qualité très inégale, et frisent la plupart du temps le très moyen. Ce n’est pas le cas du Law Shun auquel il ne manque pas grand chose pour atteindre le niveau supérieur, celui qui va déplacer les foules depuis loin. La cuisine est simple et bonne, si tous les plats ressemblent à ceux que nous avons testé. Le chef connaît visiblement son affaire. Une assiette de crudités pour accompagner le plat (et qui pourrait servir d’entrée), des desserts plus variés et travaillés, des nappes ou des sets de table (même en papier), avec des couverts, quelques plantes vertes, un peu plus de déco, autant d’éléments qui inciteraient davantage la clientèle à rester sur place. Pour l’heure, le Law Shun a de bonnes chances d’entrer dans le prochain « guide jaune ».

Zarboutan ? De quoi ?

Deux restaurants créoles de Sainte-Marie figurent dans le guide jaune 2022, mais cette commune en abrite bien plus, surtout des petites structures, à la qualité inégale et inconstante. Aujourd’hui nous visitons officiellement Le Zarboutan, qui n’est pas spécialement petit, après plusieurs passages tout au long de l’année qui nous avaient donné l’espoir de le voir rejoindre ses deux confrères dans le guide l’année prochaine. Eh bien c’est pas gagné.

Le Zarboutan est planté au bord de la traversante principale de la zone de La Mare, et bénéficie de l’ombrage des arbres et d’un vaste parking à l’arrière qui permet d’éviter de chercher de la place jusqu’à ce que mort s’ensuive.
70 couverts sous chapiteaux, des tables hautes et basses, globalement propres si on n’y regarde pas de trop près (la nôtre affiche une vieille tache de café), plus un local équipé d’une vitrine où les clients choisissent leurs plats en mode buffet à volonté.
Le menu du jour comprend, outre les entrées, un massalé cabri, un cari la patte cochon, un rougail saucisses fumées poulet, un sauté de courgettes, un cari bichiques (importés), des grillades. L’accueil est poli, et le service efficace.

En entrées nous demandons des œufs mimosa, des petits sandwichs Dakatine, quelques feuilles de salades variées, et de la charcuterie. Les œufs sont assez bons, bien que salés plus que de raison. L’idée des sandwichs, des petits pains viennois, est à saluer. Le rougail Dakatine est standard, fort probablement industriel, avec un piment léger. Les feuilles de salades sont fraîches et croquantes.

Nous refaisons la queue pour les plats cette fois et entamons le cabri massalé. La viande est bien cuite et très moelleuse, mais le goût général est éteint. C’est du massalé pour palais zoreil fragile, si fait exprès, ou plus sûrement un plat fait à l’étouffée, sans roussi, avec une poudre éventée. Les quelques feuilles de caloupilé peinent à donner au plat un semblant de relief gustatif. C’est frustrant pour les amateurs de massalé. Il ne manque pourtant pas grand-chose pour qu’il sorte la tête de cette déprime.

Le rougail saucisses est un tas de sel. Ce qui est dommage car les saucisses sont assez bonnes, quoiqu’un peu grasses, signe d’un pedigree bas de gamme. En fait, la sauce est salée aussi, le cuisinier ne s’est peut-être pas contenté d’exploiter le sel de la charcuterie et en a rajouté. Certaines personnes aiment ça, sans doute.

Le cari bichique n’est ni fait ni à faire. On le sait, les bichiques importés, congelés, ont beaucoup moins de saveur que leur congénères locaux, vendus à prix d’or pour cause de rareté (la faute à la surpêche et au je-m’en-foutisme des pouvoirs publics concernés). Voilà pourquoi les cuisiniers ont tendance à y aller au godet de tractopelle pour l’assaisonnement, surtout concernant le gingembre. C’est aussi le cas présentement, mais cela aurait pu éventuellement passer si les bichiques n’étaient pas bouillies ! Un cari bichique mouillé est un scandale en soi. On peut comprendre que ça prenne du temps à tourner dans la marmite délicatement pour ne pas que ça attache trop au fond, mais dans ce cas pourquoi proposer le plat ? Pour faire joli ? Le « Z » de « Zarboutan » devient « Z » comme « Zéro ».

Le cari la patte pour sa part est très bon. Belle viande tendre, dont la peau fond presque en bouche. Jolie couleur appétissante. Le goût est conforme à ce qu’on attend de ce cari emblématique de la cuisine réunionnaise, épicé, profond, gourmand. Nous constatons la présence dans la sauce de plusieurs grains de ce qu’il semble être des baies roses. Celles-ci sont assez nombreuses pour oser une tentative d’aromatisation du cari, en dépit du fait que leur saveur est pâle. Il faut vraiment tomber dessus pour la ressentir. Fraîche, les baies roses s’emploient avec bien plus de prudence. Qu’importe, leur présence a donné à la sauce un côté un peu plus corsé, à la marge, et le cari s’en trouve valorisé.

Le riz a les grains trop détachés pour nous satisfaire, mais le restaurateur suit la tendance actuelle imposée par la clientèle appréciant la « sensation basmati », un riz qui, rappelons-le, ne convient pas aux plats en sauce comme les caris. Les grains sont corrects. Le rougail margoze est ciselé épais, avec un assaisonnement très passable, ou alors il a été mal mélangé.

Un tiramisu pour clôt le repas. Fait maison ou acheté à un prestataire, c’est un « tirami-en-dessous ». C’est lourd et grossier, avec une crème trop épaisse. Du comblage flingue-diabétique.

Nous réglons une note de 64 euros pour deux formules « à volonté », deux desserts et des boissons. Le rapport qualité-prix est mauvais.

Le Zarboutan est l’archétype du restaurant du midi pour travailleurs qui sait de temps en temps sortir des plats très corrects, mais qui semble globalement privilégier la quantité à la qualité, et cuisine à la va-vite, à l’économie. Les idées sont pourtant là. Si nous avons vu largement pire dans la catégorie des buffets à volonté, celui-ci mériterait un peu plus d’attention de la part du (des) cuistot(s), même si certains clients ne viennent que pour se remplir le ventre en vitesse. Excepté trois groupes, sans doute des entreprises du coin, il n’y avait pas tant de monde que cela ce jour-là, et apparemment pas mal d’habitués. Nous sommes certains que ce restaurant peut faire beaucoup mieux, mais pour le moment, on se demande de quoi est ce « Zarboutan »… pas de la cuisine traditionnelle réunionnaise en tous les cas.

Cette critique est faite suite à notre visite du mardi 22 novembre à midi. Elle est subjective par nature et ne prétend pas être une vérité absolue et définitive sur la qualité du service et des plats de ce restaurant. Nous certifions n’avoir aucun lien avec les responsables de cet établissement ni aucun intérêt à lui donner une bonne ou une mauvaise note. Faites vous votre propre opinion.