Le Petit Randonneur se prend une gamelle

Le Petit Randonneur, a qui nous avions donné une première fourchette en argent en 2016, suivie d’une autre dans le premier guide jaune, était l’un des plus réputé du cirque. Visite à l’improviste, comme d’habitude.


L’établissement se trouve pile dans le « triangle d’or » de Cilaos, avec deux concurrents à proximité, Les Sentiers à côté et Chez Lucay en face, dont les remontées de nos différentes antennes ne disent pas grand-chose de bon. Le Petit Randonneur a-t-il su résister au « syndrome du touriste couillon » ? Vous vous demandez de quoi il s’agit ? C’est tout simplement le fait de faire de la cuisine business, c’est-à-dire rentable avant tout, et par-dessus la jambe, sans saveur ni sentiment, pour les touristes d’outre océan qui ne connaissent pas ou mal la cuisine réunionnaise.
Aujourd’hui les touristes sont peu nombreux. La salle est davantage occupée par des locaux, venus pour la fête de Saint-Vincent et aussi pour le joli marché forain où l’on trouve des pépites comme de l’ail péi à 10€ la botte et des grains rares.
Au menu du jour : la traditionnelle assiette créole (nems, samoussas, fromage de tête), salade de poulet ou de chèvre chaud, émincé de poulet à la vanille, les saucisses aux lentilles de Cilaos, un steack de bœuf à la chinoise et des andouillette « à la créole ». Dès fois que les touristes prendraient ça pour des andouillettes zoreilles, peut-être. Magret, burger et steack de thon figurent aussi au programme. Et le sempiternel « menu enfant », encore. Un « supplément de lentille de Cilaos » est facturé 7€.
Nous choisissons l’assiette créole et les andouillettes, en fait un rougail zandouillettes pour appeler un chat, « un chat ».

La salle se remplit. L’attente est sensible entre chaque plat.

L’assiette créole débarque, bien garnie. Trop à vrai dire. C’est plus qu’une entrée, c’est presque un plat. Mais si c’est bon, ça passe tout seul. Ce n’est pas le cas. Les samoussas sont gras. La farce est épaisse, compacte et assez lisse gustativement. La pâte à la couleur bizarre d’un zombi perdu dans le brouillard, avec des reflets cramés. Les nems, pas avares en gras non plus, ont les relents de plastique et de fond de frigo des préparations industrielles. Aucune sauce n’est proposée avec. La salade verte en décoration est fatiguée. Appeler cette tranche de viande agglomérée « fromage de tête » revient à qualifier une voiture sans permis de Ferrari sous prétexte qu’on la peinte en rouge. Rien d’artisanal dans tout ça. A Cilaos. C’est un scandale.

Nous espérons nous rattraper avec le rougail zandouillettes. C’est pire. La chose qui nous est servie est spongieuse et remugle une arrière odeur forte et sauvage d’andouille mal préparée. La texture molle donne l’impression de mordre dans de l’inconsistant gorgé de sauce. Le sel bien présent est accompagné d’une amertume qui reste sur la langue, reflet de la tomate en boite peut-être. Nous laissons les 9/10e du rougail dans le plat, sans que personne n’y trouve à redire. Pas une seule question relative à la possibilité d’un souci quelconque, hormis le classique « ça s’est bien passé ? » au départ du client.
Le riz pour sa part, collant et sans une once de saveur, peut servir de joint pour du carrelage. Le rougail concombre arrache. Les pois du Cap sont très salés.

Le dessert, un très bon moelleux au chocolat, ne suffit pas à rattraper le repas.

Le Petit Randonneur aurait-il glissé dans un fond de ravine ? Ça arrive parfois quand on devient trop sûr de soi sur un sentier glissant. En tout cas, ce n’était pas son jour selon notre expérience. A noter que d’autres clients semblaient pourtant y prendre du plaisir avec des grillades. Nous nous sommes donc trompés de plat. Avoir un emplacement pareil et gâcher des plats créoles comme ça est très dommage, pour utiliser un euphémisme. Comment peut-on oser présenter ça à des clients ? C’est vraiment les prendre pour des cochons de payeur sans palais, ce que certains sont peut-être. Ce qui n’excuse rien. Le service quant à lui est resté aimable, quoiqu’un peu stressé.
Si de meilleures nouvelles nous sont remontées d’ici six mois, une nouvelle visite sera programmée. Autrement, le Petit Randonneur grossira le nombre des disparus sur les sentiers.

Le Riz Sofé ne décolle toujours pas

Passage éclair du côté du Riz Sofé, petit restaurant posé sur la traversante de Terre-Sainte et qui, depuis son ouverture, avait donné des signes positifs quant à la qualité de ses plats. Nous l’avions visité à peine un mois après son ouverture et nous avions également acheté des barquettes à l’occasion.


Nous nous y arrêtons une fois de plus en cette année 2022 finissante. Au menu : rougail saucisses, civet de cerf, rougail boucané, porc chouchou, rougail morue, Civet la patte cochon fumé, rougail chevaquine et cari poulet. Soit huit plats. Sont-ils tous du jour ? Non, certains sont de la veille.
Dans les accompagnements figurent des brèdes chou-de-Chine, et le plat le Riz Sofé éponyme.
L’accueil est sans défaut, le service non plus. Sourire et efficacité sont présents. Le cadre est agréable et confortable.
Nous demandons le rougail morue, sur place, plus le civet la patte à emporter.
Le plat arrive assez rapidement, le temps de se désaltérer.


A la vue le rougail morue présente bien, avec une jolie couleur. Au nez aussi, bien que nous ayons vu des rougails plus odorants que celui-ci. En bouche, surprise : la salaison envoie de la douceur, et pas subtilement. Qu’est-ce qui s’est passé ? Tomates trop mûres ou est-ce la faute aux oignons ? Heureusement que la texture est satisfaisante, bien que nous aurions aimé un plat un peu plus sec. Les brèdes sont à la fois croquantes et délicates, leur amertume est légère et la dose de sel est impeccable. Le riz « sofé », marque de fabrique de l’établissement, est assez bon. Les grains de riz sont tendres et collent juste ce qu’il faut, mais ici le sel fait défaut. On le compense avec le petit piment la pâte orange.

Le civet la patte cochon fumé est en soi un non-sens, selon nous. Mais il fallait le goûter pour en avoir le cœur net. Le verdict est imparable : le côté vin s’accommode mal de la viande fumée, et inversement. En effet les saveurs se mélangent et annulent mutuellement leur intérêt respectif. On n’apprécie plus ni le fumé et de la viande, ni la cuisson au vin. Mieux vaut faire un civet avec la patte fraîche, et un cari avec la patte fumée, c’est plus clair.

La crème brûlée du dessert fait son office, sans plus.
Nous repartons en réglant 33 euros pour une boisson, un plat, une barquette, un dessert.
Le rapport qualité prix est perfectible.

Le Riz Sofé figurait dans le « Guide Jaune », mais dans la liste de fin de chapitre, celle qui indique les restaurants dont la cuisine est correcte mais sujette à amélioration et/ou de qualité inconstante.
Nous avons bon espoir de le sortir de là pour lui attribuer une fourchette, mais ce ne sera pas le cas aujourd’hui. Il faudra une nouvelle visite pour cela. Il manque justement de rigueur et de constance. Parfois les plats sont bons, parfois ils naviguent dans les eaux grises du passable, celles fréquentées par les bouis-bouis dont l’ambition n’est que de remplir les ventres de clients peu exigeants. C’est inadéquat avec les tarifs pratiqués. Le décor c’est bien, les prestations aussi, mais ce qui compte au final c’est le goût. Il ne faudrait pas l’oublier.