L’Ichtus, le Sud sauvage débarque à Saint-Pierre

Le Vieux Port, Le Warren Hastings, puis, aujourd’hui L’Ichtus, la famille Dalleau a de la suite dans les idées en reprenant cet établissement de Saint-Pierre, avec les recettes qui ont fait sa réputation à Saint-Philippe.

“Ichtus”, kwé ksé encore ce zafer là ? Il s’agit d’un poisson et Jerôme Dalleau ne le sait peut-être pas (car il nous l’aurait dit), mais ce poiscaille-ci est très spécial. Il s’agit du signe de reconnaissance des premiers chrétiens. “Pour
l’instant on garde cette enseigne, plus tard on verra si on la change”, déclare le chef du tout nouveau restaurant
de cuisine réunionnaise installé à Saint-Pierre, remettant le compteur au chi!re a »ché avant le départ de l’Entracte vers les cieux petite-îlois, dont nous nous sommes fait l’écho dernièrement lors d’une critique. Le restaurant installé à l’angle des rues Désiré Barquisseau et du Four à Chaux est caractérisé par son flamboyant posé au milieu de la salle. L’ambiance est assez zen, avec un côté un peu méditerranéen qui devait correspondre à l’ancienne identité. Au menu du jour, nous retrouvons des plats qui fleurent bon la tradition culinaire péi et aussi les embruns entre le Baril et Mare-Longue, les Dalleau ayant tenu le Warren Hastings, certifié fourchette d’or l’année dernière dans le guide jaune.

Nous goûtons une morue au chou de vacoa et un rougail zandouille. Impossible de ne pas entamer le repas avec une salade de palmiste. La salade offre du croquant, encore que nous préférons une découpe en biseau du chou, et l’assaisonnement reste équilibré, même s’il est plus sage de le proposer à part pour que chacun puisse le doser à sa convenance, mais le mélange est sans doute plus compliqué sur la planche en ardoise. Cette dernière est proprement effacée quand les caris rappliquent.

L’andouille du rougail dégage une belle odeur poivrée, est sagement musquée, pour ne pas indisposer les palais délicats qui, de nos jours, se refusent aux saveurs franches qui font pourtant les bonnes charcutailles. Dans la balance gras-maigre, le plateau du gras est légèrement plus lourd, mais pas au point de devenir dérangeant. Au contraire. Renseignement pris, l’andouille a été confectionnée dans une charcuterie très connue
du Sud, laquelle approvisionne par ailleurs bien d’autres restaurants du secteur.

La morue au chou de vacoa, comparativement, est plus “light”. Mais pas moins goûteuse. La salaison a perdu son sel superfétatoire tout en gardant sa saveur typique, que la petite amertume du chou de vacoa accompagne élégamment. Les sensations masticatoires sont satisfaisantes, sur des morceaux de morue qui résistent légèrement et le vacoa qui conserve du croquant. Le riz, cuit presque collant, auquel on ajoute une pointe de piment citronné, emballe tout ça comme un cadeau pour que ça glisse tout seul. Le vacoa est également
marié aux saucisses, aux crevettes et aussi au poulet pour satisfaire tout le monde. C’est un peu l’ADN de la famille, ramené de Saint-Philippe, qui sert de colonne vertébrale aux menus quotidiens.

On rince l’affaire avec une bonne gorgée de bière de conflore (plus Réunionnais, tu meurs) aux arômes rafraîchissants. La valorisation du conflore étant le dada, on dira même plus, l’engagement militant du papa Dalleau, qui compte bien ne pas en rester là et ramener d’autres produits à base de ce rhizome lontan,
comme les biscuits.

Une part odorante et moelleuse de gâteau de patate accompagnée de chantilly et d’une boule de glace demandée à la cardamome vient clore ce satisfaisant moment gustatif.

La famille Dalleau n’a pas perdu la main, depuis Le Vieux Port au Tremblet où elle tenait la dragée haute à un voisin très (trop ?) fréquenté des touristes. Cette nouvelle aventure saint-pierroise s’est décidée sur une idée de Sheryl, la fille, qui souhaitait s’installer dans un environnement di!érent. Ce qui est perdu en cadre (dffcile de faire mieux que la côte du Sud sauvage, faut bien se l’avouer), est gagné en facilité d’accès aux services. “Ça change d’aller chercher son pain à pied !”, se réjouit Sheryl. En même temps, cela rapproche un peu plus la cuisine péi du front de mer, avec “Gros Louis” qui fait de la résistance à quelques distances de là depuis des années. En e!et, en dehors des snacks à samoussas et sandwichs américains, le boulevard Hubert Delisle, spot touristique du Sud, est davantage occupé par de la restauration généraliste, tendance métropolitaine, avec une présence de plus en plus a »rmée des enseignes de fast-food. Ce qui fait râler dans le landerneau.
Pourvu que l’Ichtus, ou quel que soit son nom futur, ne tombe pas dans la facilité touristique et l’appât du gain concomitant, qui fait tant de mal à la tradition culinaire réunionnaise, c’est tout ce qu’on demande. Le nombre de couverts, limités à 54, et la passion indéfectible de Sheryl, Jennifer et Jérôme Dalleau sont de solides garde-fous. Y contribueront les six plats par jour, préparés uniquement avec des produits frais et quelques produits annoncés de haute qualité tel que le vrai coq péi, la cuisse alerte, la crète fière et l’ergot luisant, réveil matin des campagnes, nourri aux galets de la cour, celui qu’on ne travaille qu’en cuisson longue et marmite noire, comme son voisin canor, foutor !

Bouis-Bouis les Bains

Chercher une très bonne table de cuisine réunionnaise entre Saint-Gilles et La Saline les Bains est une gageure. Hélas. Et pourtant, la zone balnéaire est un pôle touristique majeur, en première ligne pour la faire découvrir à nos visiteurs.

C’est sans doute pour ça que le mot  « touristique » est devenu péjoratif quand il est utilisé pour décrire un commerce, un restaurant. On utilise aussi l’expression « piège à touristes ». Car le touriste est, normalement, toujours dans de bonnes dispositions. Il est en vacances. Loin de son quotidien métro boulot dodo. Le touriste de métropole (et d’ailleurs) est déjà heureux de profiter du soleil, de l’océan, de la nature. Et de cette cuisine qu’il ne connaît pas ou mal.  Que c’est donc facile de lui faire avaler du tout-venant, préparé par-dessus la jambe, avec des produits congelés, bas de gamme, puisqu’il va trouver ça bon, jusqu’au jour où il ira manger chez une de nos fourchettes d’or…

Malgré un passage au peigne fin de toutes les adresses proposant de la cuisine péi, difficile d’en trouver qui sorte du lot, dans le secteur des plages. Chez Mité, en centre-ville de Saint-Gilles, à la rigueur. La Case DIC, pas très loin de là, naguère récompensée, fait du yoyo. Le coin marmite du Choka Bleu reste globalement pas mal. Les autres petits établissements des alentours naviguent dans les eaux incertaines du moyen. Allons plus loin, pour voir.

Du côté de Saint-Paul, rien de reluisant, mis à part Chez Monmanzé du côté de Tour des Roches, où nous avons retrouvé une cuisine réunionnaise conforme aux canons. Rien de transcendant non plus du côté des restaurants de la route Digue. Chez Sully, c’est bon, mais pas de quoi krazer un maloya. Et du côté de la grotte, ce qui est remonté à nos oreilles ferait se dresser celles des inspecteurs de la DAAF. A vérifier. Ce sera fait. Sur les hauteurs Saint-Pauloises, il y a peu de très bon et davantage de pas très bon, comme un infâme saucisses bringelles goûté la semaine dernière en version barquette achetée dans un boui boui de la Saline les Hauts, un lieu dont le manque de netteté apparent pourrait être imputé à l’ancienneté des murs. Les saucisses étaient plus sèches que les chaussettes de l’archiduchesse. Et sans aucun goût de surcroît.

Ce sont aussi les saucisses qui ont pêché dans un établissement de l’Ermitage. On ne sait pas d’où elles viennent, mais s’il y a plus de 50% de viande là-dedans, c’est le bout du monde. Tout ça arrangé à la sauce bien rouge, aussi, des tomates en boite ou autre concentré. Les tomates fraîches sont chères en ce moment ? Le rougail s’avale quand même, mais ce n’est pas un creux qu’il faut pour s’envoyer ça, c’est une grosse dalle bien épaisse, de celles où on pose les fusées. 

Le cari poulet est du même acabit. La sauce est plutôt correcte, et il remugle lointainement des accents d’épices là-dedans, du caloupilé peut-être… Là où ça coince, c’est à la mâche de la viande, sur le blanc, qui, lui, va au-delà de la sécheresse… ce machin mâché se transforme en poudre. Au secours. C’est quoi l’histoire ? C’est du poulet de chez Tricatel (Les vieux se rappellent) ? Lyophilisé et reconstitué ? Et ce n’est pas la bouchée de rougail tomate, salé à la truelle, qui va faire passer l’affaire, d’autant plus que le riz, de son côté, sent le dessous d’évier sale, pour rester poli. On ne sert pas ce genre de riz. Mais il faut sans doute tenir le budget de 14,90€ la formule. Alors hop, on achète premier prix. Et là, le bât blesse. Il blesse d’autant plus qu’on constate une certaine technicité, un savoir-faire empirique, qui mériterait de s’épanouir avec des produits plus choisis. Plus chers aussi oui, et alors ? Pour pas cher, avec les salades, les clients ont déjà du choix.  A propos de crudités, on note leur présence dans l’assiette. Volonté d’équilibrer le menu ou coquetterie touristique ? Elles sont fraîches et croquantes, mais la vinaigrette industrielle est infecte.

Tout ça nous amène à rebours sur l’entrée, qu’on peut choisir composée ou à composer. Les samoussas poulet et poissons sont mangeables. Les bonbons piments sont croustillants et excellents. Et les bouchons maison que nous avons commandé ? Passés à l’as par un serveur moins concentré que les tomates susnommées, qui ne nous a pas proposé d’eau non plus. Mais nous avons l’habitude.

Le virgin mojito était bon, mais pas très joli à voir. Ça manque de soin tout ça. Le restaurant propose aussi des grillades, des burgers et des salades. Peut-être que ces plats-là sont meilleurs. Huit salades – frites, trois salades grillades, six salades tout court, et bien entendu le « menu enfant ». Question salades, ils s’y entendent.

« C’est où ? ». Devinez. On ne donne pas le nom de l’établissement. Les personnes concernées se reconnaîtront et pourront si elles l’estiment nécessaire, corriger le tir en montant en gamme sur le choix des produits. Ce serait pas mal pour présenter une cuisine péi plus authentique et plus goûteuse. Ceci étant dit, tant que les ventres vides et les palais formatés à la malbouffe s’en contenteront, pourquoi faire mieux ? I fé honte nout’ nassion zafer kom’a. Honte en effet puisque dans la zone balnéaire, pour le moment, la cuisine péi est généralement en dessous de la métro, fusion ou créolonomique pratiquée dans la plupart des autres établissements, qualitativement parlant, tant sur le service que dans l’assiette. On mange beaucoup mieux du côté du Port par exemple. Mais il reste de l’espoir. Bientôt des « anciens » vont revenir, et espérons-le, relever le niveau général. Qui ? Où ? Affaire à suivre.

L’Entracte, une foi militante dans la tradition culinaire

Aujourd’hui, nous allons vanguer entre Petite Ile et Saint-Jo, pour atterrir à l’Entracte, ex-restaurant Saint-Pierrois, qui a récemment pris ses quartiers dans la belle demeure créole toute blanche posée en face de la fameuse petite chapelle consacrée à Sainte-Marguerite, dite « des trois sans hommes », référence aux sœurs Valentine, Lucille et Adèle Payet.

Un bâtiment inscrit aux Monuments historiques consacré par Mgr de Langavan en 1944. Toute la propriété, maison comprise, est d’ailleurs chargée d’histoire. On y fit même la classe pour les bambins pauvres d’autrefois et longtemps après qu’elle soit morte, Adèle, des gens bons s’en souviennent. L’aubergiste, le sieur Hoareau Patrice, ci-devant militant de la cause culinaire traditionnelle réunionnaise devant l’éternel, a même reçu la visite de l’un de ces enfants éduqués dans l’école aujourd’hui en ruine, mais qu’il compte bien retaper. De Saint-Pierre, ce bricoleur patenté a gardé son mobilier en bois de palettes, qu’il a disposé sur un caillebotis sous chapiteaux, lesquels ne se voient pas de la route, préservant ainsi le cachet unique de la demeure.

Le buffet est à l’arrière. Moult plats sont proposés dans les marmites, dont deux chauffent encore sur la braise dans une cuisine typique qui pique notre curiosité. Passage de porte en baissant la tête, on a changé d’époque, et un regard sur le plafond noir de suie indique que plusieurs générations de cari la kour et de boucané, qui rès pendillé kan i koz ek saucisse, ont fumé et mariné là bien avant Tino Rossi.

Gros pois citrouille, rôti poulet, sauté de chou et chou de Chine, rougail saucisses fumées, agneau au miel, sauté de crevettes, mais aussi riz chau!é, cambar et fruit à pain au sel et poivre sont au menu du jour. Des plats cuisinés autant que faire se peut avec des produits frais et au feu de bois. Même le poulet vient d’un élevage « réservé » des hauts. Nous nous installons. La carte des cocktails avec et sans alcool donne envie. Les rhums sont estampillés Isautier.

La carte des vins compte 18 références toutes couleurs confondues. Dans un coin, quelques matériels sonos rappellent l’ADN de l’établissement, avec un appareil réglementaire pour a »cher les décibels. Patrice Hoareau souhaite de bonnes relations de voisinage. Nous faisons l’impasse sur les trois entrées, dont du palmiste frais, pour taper dans le dur tout de suite : la formule à 25 euros. Cinq grillades sont également à la carte. En deux services, nous faisons le tour de la question.

Entamons le repas avec le riz chauffé. Incontestablement, il s’agit là du meilleur et du plus authentique riz chauffé que nous ayons jamais dégusté dans un restaurant. Un riz cuit à la perfection, dont les grains collent assez pour fournir de la belle mâche sans ressembler à une pâte informe. Le piment vert est présent, mais en version « light » pour les palais délicats. On l’apprécie quand même, heureusement. Le sel, dosé juste pour qu’on le sente sans qu’il devienne autoritaire, soutient cette a!aire, qui nous rappelle le temps lontan. Rien à voir avec ces ersatz de riz chau!é plus proches du riz frit, bourrés d’ingrédients qui n’ont rien à y faire, et pourtant sans saveur, qu’on trouve dans certains établissements citadins qui utilisent la tradition comme du marketing auprès des ignorants de la vraie cuisine péi.

Le poulet rôti, et sa sauce, fleurent bon la bonne viande, sans étalage de gras superfétatoire. Les saucisses sont dans le même esprit. Ici peu de sauce, même si les sauces y sont. Ça ne baigne pas dans l’huile comme on a pu le voir trop souvent par ailleurs. Et la couleur fait plaisir aux mirettes. Si les saucisses sont relativement bonnes dans l’ensemble, et correctement épicées, nous avons quelques réserves quant à leur texture. C’est un peu compact mon capitaine. Le sauté de chou est encore croquant et y ajouter des brèdes chou de Chine lui donne de la couleur. Cela vient équilibrer les plats.

Les crevettes pour leur part n’en ont pas besoin, étant fournies avec des légumes aussi, surtout des carottes en julienne. Très fortes en goût, comme juste sorties de l’eau, les crustacés s’apprécient avec la pâte piment vert. Les sensations sont enlevées et un peu sauvages. Les pois citrouille sont en crème. On sent davantage le pois que la citrouille d’ailleurs.

Le fruit à pain et le cambar sont préparés comme avant, au plus simple, ce qui laisse leur saveur naturelle s’exprimer pour rappeler le vieux temps, qui n’était pas forcément bon pour tout le monde, mais qui fait partie de chaque réunionnais comme les racines font partie de l’arbre. Une version sucrée, « ravage », est également prévue. Avec tout ça, pas question de tester les desserts, on vous laisse faire !

Nous repartons repus, ayant réglé une note de 73€, cocktails compris, pour deux personnes.

Le restaurant a changé d’endroit, mais pas de style de cuisine, et la qualité est toujours présente, pour le peu que nous ayons dégusté ce jour. C’est une cuisine réunionnaise simple, familiale, qui ne s’embarrasse pas de circonlocutions gustatives et va à l’essentiel. La formule bu!et est tout à fait indiquée dans ce lieu où la convivialité est de mise. Pour les repas plus « mondains », les tables dressées à l’intérieur sont idéales, sur un plancher en bois, comme avant, dont les années n’autorisent plus les talons aiguilles, n’en déplaise à madÂme. Un plafond créole viendra coi!er tout ça. L’accueil est correct, le service est professionnel et souriant. Patrice Hoareau prend encore ses marques, même si beaucoup a déjà été fait. En vitesse de croisière, avec une équipe au complet, nul doute qu’il va faire des étincelles. C’est le moins que l’on puisse lui souhaiter. À ce stade, décrocher la fourchette d’or est largement faisable.

Kom’la caze, qualité stable dans le Karay

Aujourd’hui, retour à Saint-André où nous allons mettre les pieds sous la table du restaurant « Kom’la caze », en montant à droite, derrière l’église, situé juste en face de la boutique Nehoua dont la réputation des sarcives était certaine.

Nous arrivons par un temps où les crapauds font des rave party. Le fond de l’air est plus frais qu’à l’ordinaire et c’est bon pour l’appétit. La vaste terrasse de plus de 50 couverts n’a semble-t-il pas changé depuis notre dernière visite de 2016. La carte non plus. Ici, le karay est maître et on l’entend chanter. Les viandes, poissons et crustacés sont tous déclinés en plusieurs versions de sautés, avec arrangement de siave et autres sauces d’huître. Le menu pour sa part est plutôt réunionnais traditionnel, sauf pour le sauté de mines. Nous hésitons un peu sur le « cari de filet de rouge », excluant d’entrée le « cari bichique » qui, vu son prix, n’est pas fait avec nos bichiques à nous.

Ouverture de parenthèse sur ces fameux « caris bichiques » dont les alevins viennent d’ailleurs sous forme de pavés congelés. Que ce soient ou non les mêmes poissons que chez nous n’est pas le souci. Si le Réunionnais lambda sait très bien qu’à 10€ les bichiques ne peuvent pas sortir de la rivière des Roches, les touristes, eux, ne sont pas censés le savoir. Nous suggérons donc aux restaurateurs de faire apparaître la mention « bichiques importés » sur leurs ardoises. Pour bien faire, il faudrait même réserver le nom « bichiques » à nos alevins pêchés localement et appeler le reste « alevins » tout simplement. Mais n’en demandons pas trop.

Refermons la parenthèse avec le civet de zourite, commandé en version barquette. Le plat va contenter les palais délicats, qui apprécient modérément les assauts francs et râpeux des civets au gros rouge qui atomisent la saveur du produit, canard, lapin, porc, zourite aussi. Ici, on est davantage dans la subtilité, mais pour le coup, c’est trop subtil. Le juste équilibre est peut-être compliqué à atteindre si on veut contenter un maximum de monde. La saveur du vin cuit est en retrait mais cela bénéficie à l’octopus, dont la chair Kom’la caze, qualité stable dans le Karay est cuite de manière à proposer un certain mordant, sans pour autant donner l’impression de mâchouiller du caoutchouc. Bémol : le sel surnuméraire à la première bouchée, mais qui, heureusement, se fait tolérer au fur et à mesure. Les haricots en accompagnement sont tout à fait cuits et assez bons.

Sur place nous demandons « l’assiette Kom la Kaz » composée de deux beignets de crevette, deux nems et des sarcives. Ne tournons pas autour du pot, préférez plutôt une assiette de sarcives, tout simplement. Celles-ci sont, en e »et, très bonnes, même si, depuis, on a vu largement mieux ailleurs. Le reste est sans intérêt. Crevettes à la saveur neutre, même croquées sans leur pâte huileuse. Le nems sont mangeables, mais du diable si l’on sait ce qu’il y a dedans. C’est compact et pâteux. Les quelques brins de chou posés sur l’assiette sont parfaitement inutiles. Autant ne pas les mettre.

Nous partons ensuite sur un sauté, du bœuf gros piment, lequel est servi généreusement. Les effluves de sauce, légèrement poivrée, sont encourageantes. La première bouchée appelle sans difficulté les suivantes. La viande est suffisamment tendre pour éviter une crampe de la mâchoire et son assaisonnement « chinois », avec sa sauce épaisse qui dégage un fumet intéressant, affiche comme des notes légères d’anis sur le fond doux salé. Les gros piments coupés en tranche sont encore croquants et ont visiblement essaimé leur capsaïcine. Ça chauffe un peu. Nous y ajoutons une cuillerée de rougail tomate. Grosse erreur. Ce n’est pas un rougail pour touriste. Il a assez de caractère pour chauffer not’ mimite. Le riz est correct.

Si l’accueil et le service se sont montrés aimables et professionnels, l’attente se fait longue pour que la serveuse enlève les plats et prenne notre commande de dessert, une crème brûlée maison. Tout le reste, tarte comprise, provient de l’extérieur.

N’ayant pas que de l’ail à éplucher, nous zappons la crème et allons régler la note. 31,50€ pour une boisson, une entrée, deux plats dont un à emporter. 9,50€ le bœuf gros piment, ce n’est pas très cher mais le rapport qualité-prix global est tout de même perfectible.

En sept ans, difficile de voir un changement au restaurant Kom la caze, (la kaz, la case, on a trouvé toutes les écritures possibles, faudrait choisir), un nom qui évoque davantage le cadre, l’accueil et le service sympathique que la cuisine elle-même. Cette dernière est très correcte. On devine que l’équipe et la direction s’en contentent, voire se complaisent dans ce ronronnement quotidien d’où peut sortir, de temps à autre, un plat plus original et joyeux que les autres. C’est un choix et nous le respectons, d’autant que les habitués, eux, sont au rendez-vous. Nous avons croisé un couple qui était déjà là il y a sept ans ! Pour mieux faire, et pour autant qu’il existe une volonté en ce sens, il faudrait déjà débarrasser les entrées des fritures et autres surgelés industriels, quitte à réduire la liste de moitié, et proposer davantage de desserts maison. Le restaurant « Kom la case » sera-t-il sélectionné dans le futur « guide jaune » ? Réponse dans quelques mois.

Ti piment doux

Aujourd’hui nous sommes de retour du côté de Bras-Panon, au restaurant le Ti Piment, établissement jusqu’ici bien noté et prisé de chefs d’entreprise et des cadres du secteur. Le portillon est ouvert à midi moins le quart. A midi et demi de nombreuses tables sont occupées. L’indice de fréquentation est le premier indice de la bonne santé d’un établissement, et conséquemment de la qualité de sa cuisine.

Le menu est toujours « métissé », métro et créole. Magret, truite, burger et brochettes côtoient aujourd’hui un cari de poisson rouge (certainement du vieil ananas « de l’océan indien », vu le prix), un rougail saucisses, un boucané pomme de terre, un sauté de porc ananas, plus deux plats moins courants : un jarret de porc rôti au miel romarin et un un snoek margoze, que nous choisissons, avec un cari de poulet fumé à emporter.

En entrée, nous hésitons un moment entre ne gratin de papaye et le beignet de bringelles farcie au poulet, avant d’opter pour ce dernier, qui nous rappelle des excellents beignets bringelles farcis du point chaud de l’ancien « Score » Bellepierre.
L’affaire est servie rapidement, toute chaude. L’aspect est luisant et gras, pour un beignet, c’est normal, et c’est découpé en plusieurs tranches. En bouche, nous notons le croquant de la pâte, dont l’huile superfétatoire a été bien épongée. La farce est bonne. Nous sentons moins le poulet que la bringelle dont on retrouve le côté « liant », lequel véhicule la saveur particulière du légume, teintée de son subtil piquant. L’exercice pourrait être poussé plus loin, en terme de quantité d’abord, ce qui aurait un impact positif sur le goût. D’autre part, un ou deux piments verts « zoizo » et du persil concassé donneraient une claque à la viande, pour l’aligner avec la bringelle. Enfin, que la pâte croustille c’est bien, mais elle pourrait être encore plus fine, avec un trempage à l’huile chaude moins appuyé pour laisser la bringelle s’exprimer davantage encore.

L’assiette est vidée avec plaisir et remplacée par le « sounouk » dans sa petite marmite. Si elle est vue et revue à de nombreuses autres tables, cette présentation a tout de même l’avantage de convenir à nos caris et rougails, en soulignant le côté traditionnel. Il en résulte une assiette simplement mais joliment présentée, où la couleur du poisson émietté attire l’œil et met un pied au derrière des glandes salivaires, si tant est qu’elles dormaient.
Quand on dit « sounouk », on s’attend à avoir l’odeur puis le goût de chaussette de randonneur macérée ajoutée au reflux cuit des aisselles de voyageurs des transports urbains. Tout ce qu’on aime. Eh ben là, non. Il faut plonger le pif dans la marmite pour avoir l’odeur, et le goût est contenu, comme le sel d’ailleurs. Dès lors, on se dit que la margoze a une belle carte à jouer, mais il n’en reste en définitive qu’une petite amertume sur le dessus de la langue. En bouche, le snoek joue du sec et du moelleux entre la consistance des morceaux plus gros et ceux qui sont bien imbibés de sauce épaisse, d’où des atours fumés intéressants ressortent. On pourrait dire que la qualité du plat est son principal défaut : il est trop bien exécuté, formaté impeccablement pour les palais rétifs aux expériences différentes, comme il en existe hélas de plus en plus.
Nous attendions un snoek plus revendicatif, soutenu par des margozes encore vertes et croquantes.

De son côté le poulet fumé, dégusté plus tard, offre autant de satisfaction, sans plus de surprise. Voilà un « cari » simplissime dont la qualité s’appuie essentiellement sur celle de sa matière première principale. Un bon poulet fumé, bien assaisonné, est très satisfaisant à déguster car riche en saveur fumée et grillée. Dès lors, rater un tel plat est peu probable, à moins que le poulet lui-même soit infâme, comme celui que nous avions goûté voici quelques années dans un restaurant dyonisien, et qui respirait le caoutchouc et le pétrole.
La barquette est proprement vidée, et le rougail « zognon » coloré y a contribué en ajoutant son croquant acidulé au délicieux poulet.

Les accompagnements sont globalement corrects. Les lentilles sont standard. Le riz est collant par endroit, ça peut gêner ceux qui le préfèrent en grain. Le rougail d’oignon est bon, même si c’est ciselé assez gros. Le piment vert écrasé et confit est un bon adjoint aussi.

Nous terminons avec une mousse de patate douce, préférée à la crème brûlée, au café gourmand, à la cabosse au chocolat, au flan coco et à la banane flambée. Peut-être qu’on n’aurait pas dû.
En effet, la « mousse » tient davantage du mastic que de ce à quoi on s’attendait, de la légèreté et de l’éclat gustatif. Du goût, il en reste peu. Pas assez douce la patate. Le froid n’a rien arrangé. Le dessert est un peu frustrant, mais pas rébarbatif et se laisse manger quand même.

Nous repartons en réglant une note de 47€ pour un cocktail sans alcool, une boisson gazeuse, une entrée, deux repas dont un à emporter, et un dessert. La carafe d’eau filtrée est facturée 1€. Le rapport qualité prix est juste correct.

Rien de vraiment nouveau au Ti piment, dont la qualité de la cuisine semble relativement stable et régulière. Si l’on doit se fier à notre expérience du jour, on pourrait constater un léger fléchissement, mais ce n’est pas vraiment signifiant sur un mois ou même une semaine. Après tout, tant qu’un minimum syndical est respecté, le client n’a pas matière à se plaindre, sauf à être extrêmement tatillon. Pour autant, quand une minuscule voie d’eau apparaît dans la cale du bateau, il est bon de garder un œil dessus, et d’intervenir rapidement en cas de nécessité.
Pour l’heure, aucune raison de quitter le navire. Le Ti piment est toujours une bonne adresse de l’Est, et nous nous ferons un plaisir de la recommander dans le prochain guide des restaurants de cuisine réunionnaise

La coulée est figée

Direction Piton Sainte-Rose, où nous allons mettre à jour la fourchette en argent de « La Coulée 77 », testée en 2019. Une note « par défaut », nous avions estimé que la fourchette en inox aurait été trop sévère. Qu’en est-il aujourd’hui ?

Nous arrivons peu avant midi. La configuration des lieux n’a pas changé. Une salle lumineuse toute en longueur à gauche, une terrasse et quelques tables à droite, le comptoir avec des vitrines froide au fond, ainsi qu’un coin artisanal.
Personne dans la salle pour l’heure. Quelques clients en terrasse. Au milieu du repas un couple de sexagénaires viendra nous tenir compagnie. En ce mercredi, ce n’est pas la foule. L’accueil est très aimable et le service à l’avenant.
Une dizaine de caris sont inscrits à l’ardoise. Du rougail saucisses au rôti de poulet en passant par le cari de camarons et le civet de cerf. C’est très varié. Le cari bichique est là aussi, de l’importé, vu le prix. Nous lui préférons le cari de poisson frais, du vivaneau.

En entrée, pas de samoussas aujourd’hui. La serveuse nous suggère donc les bouchons et des beignets de légume maison, facturés à l’unité. Comme d’habitude, bien malin qui peut dire quels sont les légumes utilisés car ces beignets ont un l’éternel goût de… beignets ! De la pâte frite dans l’huile. Pour autant, ils expriment quand même assez de saveur pour être appréciés. Les bouchons pour leur part ne sont pas de compétition non plus, mais se mangent bien aussi. Notons l’effort de dressage même s’il y a encore du travail. Nous réclamons de l’eau, après avoir éclusé le Perrier qui a lui-même tardé à être servi.

Le plat principal arrive assez rapidement. L’assiette est jolie, avec ses crudités sur le côté, marque de fabrique de la Maison. S’il est toujours appréciable d’avoir sous la dent de la fraîcheur légumière croquante, il serait en revanche indiqué de proposer la vinaigrette à part. Tout le monde n’apprécie pas l’assaisonnement de la même façon. Pour certain il peut y en avoir trop, pour d’autres pas assez. Autant laisser le client doser à son goût. En l’espèce, nous aurions apprécié les crudités nature car cette vinaigrette n’est pas terrible.

La serveuse nous demande si nous souhaitons des grains et du piment pour accompagner. Un peu qu’on veut ! Pourquoi ? Cela n’est-il pas censé être automatique dans un repas réunionnais ? Si on commence a laisser au touriste le choix des accompagnements, c’est le début de la fin. Le touriste qui se déplace dans un pays, le fait pour découvrir ce pays dont sa culture culinaire. Si celle-ci ne lui convient pas, il n’a qu’à se tourner vers la restauration « internationale », ou rester chez lui.

Nous attaquons le poisson. Il est goûteux, sur une texture légèrement poisseuse, et un côté sec sur la langue. Trop cuit ? Pas assez salé, c’est sûr, ce qui n’est pas le cas de la sauce. Ce vivaneau « frais » est passé par la case congélation, probablement. Le décalage entre sauce et poisson, qui se disent « merde », nous laisse une frustration. Le plat reste mangeable mais n’est pas transcendant.

Le rôti de coq pris à emporter s’en sortira mieux, même si l’emplumé n’a pas du connaître de nombreux matins. Le roussi est correct. La viande, de belle couleur, est assez bonne, avec un peu de mordant, mais sans que cela laisse de trace indélébile qu’on ne puisse enlever avec le liquide vaisselle du temps.

Les grains sont bien cuits, mais bruts de décoffrage. Pas une feuille de thym n’émerge de la sauce. Le rougail tomate a la bienséance d’avoir un petit goût de tomate. Ne riez pas, ce n’est plus si évident de nos jours. Rien à signaler au sujet du riz très tendre.

Nous prendrons une tarte au citron pour finir sur une note sucrée. Tarte dont la serveuse ne sait nous dire la provenance. Vu sa trombine, de la tarte pas de la serveuse, c’est du bon vieux produit industriel du style de chez Yong. Ce n’est pas mauvais en soi, mais très standard.

Avant de partir nous réglons un note de 43,70 € pour une boisson, une entrée, deux plats dont un à emporter, un dessert et un café. Le rapport qualité-prix est perfectible.

Aucun changement flagrant à la coulée 77 par rapport à notre visite de 2019. La coulée est figée, comme à l’entrée de l’église voisine. Figée dans le moyen, pour faire court. Il ne ressort rien de cette cuisine qui se voudrait intéressante, vu le menu, mais dont on ne garde absolument aucun souvenir. On nous demande souvent ce qui fait la différence entre le moyen/bon et le bon/très bon. On pourrait répondre qu’avant toute analyse fine où intervient une bonne dose de subjectivité, la première des caractéristiques qui intervient est l’odeur ! Les bons plats sont précédés de leur odeur. Quand ça sent peu, ou rien, c’est mal engagé. Le restaurant est pourtant « encadré » par une fourchette d’or, un peu plus loin, et un confrère juste à côté, non encore testé, mais dont on nous dit grand bien. Le réveil c’est pour quand ? A moins que vivoter dans le moyen soit le but ! On peut comprendre. A ce stade, il n’y aura aucune fourchette pour la Coulée 77 dans le prochain guide des restaurants de cuisine réunionnaise, et cela est bien dommage.

Les Letchis, rapport qualité prix perfectible

Comme à notre habitude nous arrivons de bonne heure, le restaurant ouvrant dès 11h30. Rien n’a changé en 5 ans. Toujours le même toit en tôle sur la terrasse qui nous avait choqués lors de notre dernier passage, nous qui avons connu cet établissement avec les tables sous les arbres.

Les intempéries avaient été évoquées comme explication à cet enlaidissement de l’endroit. Les bassins à l’entrée, où nagent les poissons, sont toujours là, mais ils auraient besoin d’un bon nettoyage. Dans le prolongement de la terrasse, un caillebottis fatigué, qui s’affaisse quand mon marche dessus, accueille quelques tables et on nous y installe. Après les épisodes de pluies intenses, le ciel est d’un bleu magnifique. La Rivière des Marsouins chante a quelques mètres, et des pieds de longanis chargés s’y penchent. Tout cela est très bucolique, mais la fumée d’un feu, un peu plus loin, est assez désagréable.  L’accueil est aimable, détendu et très professionnel.

Aujourd’hui, en sus de la carte, on nous propose du poisson rouge. Nous sommes au courant. Mais la photo sur la page Facebook montre des juvéniles, et notre expérience a montré qu’ils sont parfois bien moins goûteux que les adultes, lesquels ont logiquement mangé davantage et nagé plus longtemps dans l’océan. Aller pêcher ce genre de poisson sans attendre qu’ils grandissent, c’est un peu la même histoire qu’aller casser toutes les mangues vertes de leur pied, sans en laisser à mûrir. L’appât du gain immédiat.

Nous ne prenons donc pas le risque, et nous nous rabattons sur l’un des plats qui a fait la réputation du lieu, selon la recette du sieur Lhomond père, à l’époque patron du restaurant, le canard braisé. En préambule nous demandons un mojito sans alcool qui nous rincera avant d’attaquer la salade de palmiste rouge (présenté comme tel en tout cas) choisie en entrée.

Si le palmiste est probablement rouge, son dressage ne laisse pas l’apprécier à sa juste valeur. Nous avons droit, une fois de plus, à cette sempiternelle découpe en fines lamelles qui n’autorise qu’un croquant limité impropre à apprécier la saveur subtilement lactée de ce produit d’exception. Tout ça sous prétexte que c’est joli. Mais on s’en cogne la couenne que ce soit joli, ce qu’on veut c’est que ça ait du goût ! Et là, le goût est forcément limité, et ce ne sont pas les quelques filasses un peu dures, signe d’un dépiautage pas trop soigneux, qui peuvent y remédier. L’assiette est aimablement enlevée, et le canard promptement servi, avec ses accompagnements.

La couleur fait plaisir à l’œil. C’est foncé, c’est luisant sur les bords, ça respire le fumet de fond de vieille marmite, celles qui sont si carbonées qu’il faut les nettoyer au marteau piqueur. Des reflets de poivre, de thym et de girofle, poussés jusqu’au bout du bout d’un roussi dans le gras qui va chatouiller le brûlé sans franchir le point de non retour, nous rappellent ce monument de cari dégusté voici quelques années chez les compères Pat’Jaunes. La première bouchée confirme. Si la viande affiche quelques filandres, elle n’en demeure pas moins moelleuse, presque confite. Les morceaux colorent le riz, puis on ajoute une cuillère de haricots bien en crème, puis un peu de rougail d’orangine, et c’est le paradis en bouche.

Le rougail bringelle est aussi très bon, mais manque de ce côté fumé-cramé du soulier verni qui a tâté du feu directement. Le rougail d’orangine est mieux présenté que la fois dernière. Il est délicieux, mais nous supposons qu’il aura mieux fait son travail en compagnie du poisson rouge que Sarah Patel a eu dans son assiette ce midi là, après que nous ayons quitté les lieux. En revanche, une fois la fumée dispersée, nous avons été incommodés par l’odeur du tapis de letchis pourri à proximité de notre table. Leur état indique qu’ils ne sont pas tombés dans la nuit et qu’ils macèrent ainsi depuis plusieurs jours, sans que personne ne connecte deux neurones pour aller les ramasser. Cette négligence aux conséquences tant olfactives que diptériques est parfaitement inacceptable dans un établissement qui affiche de telles prétentions, avec des tarifs plutôt salés. Les ronds de jambes devant les clients, c’est bien, l’hygiène, c’est bien aussi.

Le café gourmand du dessert est très varié et conclue positivement le repas.

Addition : 64,50€ pour un cocktail, une entrée, un plat, une eau gazeuse et un dessert. Le rapport qualité prix est perfectible.

Cela fait en effet cher pour une seule personne, même si, globalement, le repas fut très bon. Mais pas forcément meilleur qu’à d’autres tables de l’île, moins onéreuses. L’étude d’une formule ne serait pas du luxe. Le luxe, lui, est dans le cadre unique de ce verger en bord de Rivière des Marsouins, qui fait faire une pause au temps lui-même (mais est-ce une raison pour assommer le client ?) Le luxe serait aussi de fournir des salades de palmiste croquantes comme il faut. A part ces détails, et l’entretien des espaces verts qui laisse à désirer, et auquel les interpellés ont promis de remédier, rien de spécial à dire. Les Letchis font bien mieux qu’à notre dernière visite. La possibilité d’attribution d’une fourchette est très envisageable, mais en l’état actuel des choses, l’or est exclu. En espérant que ce sera encore mieux la prochaine fois.

La marmite tient le bon cap !

Nous profitons de notre présence à Cilaos pour continuer notre tour des restaurants de cuisine réunionnaise en vue de la parution du prochain guide jaune. L’année dernière deux d’entre eux ne s’étaient pas montrés sur leur meilleur jour. Deux autres sont testés le week-end dernier. Une découverte prometteuse et une déception.

Nous entamons ce nouveau tour avec La Marmite du Cap, situé à quelques dizaines de mètres en amont de l’hôtel Tsilaosa et du restaurant « Chez Noé », qui recevra aussi une visite d’ici août. La baie vitrée est en partie masquée par un adhésif qui expose la carte aux visiteurs. Le chevalet posé sur le trottoir, affiche pour sa part les plats du jour : boucané ti jacque, rôti de porc pomme de terre, cari canard, sanglier petit pois, civet de pigeon au vin de Cilaos, cari camaron, coquelet entier et cari d’espadon. La salle d’une quarantaine de couverts est encore vide. Bois verni et murs bleus composent la décoration. Tous les goûts sont dans la nature. Nous prenons place. L’accueil est poli et le sourire est composé. Nous prenons place, et examinons la carte, version réduite de celle de la vitrine. Un gratin « du jour » et un civet cabri, un de nos « plats test » préférés, feront l’affaire, sous le mode de la formule entrée plat et dessert à 26 euros. Ce qui paraît raisonnable.

Le gratin de citrouille est servi rapidement. Visuellement, le fromage est plus fondu que gratiné d’ailleurs, avec des reflets huileux, et quand nous en faisons la remarque à la serveuse, sa réponse, elle, est gratinée, avec une pointe d’ironie : « monsieur est cuisinier » ? Non, mais c’est pas notre premier gratin ! Pourquoi ? En dessous du fromage, de la citrouille très polie, accompagnée de morceaux de patate dirait-on. La dose de sel qui vient équilibrer avec justesse les atours doux de la cucurbitacée tout en relevant son goût. C’est très bon. Le gratin pas gratiné est quand même apprécié en dépit de l’absence de pain frais pour l’accompagner, et nettoyer le ramequin. Nous l’avons attendu un temps certain avant de nous résoudre à le réclamer. Quelle ne fut pas notre surprise de voir arriver des tartines passées au four, toute dures. Fait exprès, ou plutôt oubli d’achat du pain ce jour-là ? Il existe pourtant une boulangerie pas loin.

Voici le cabri, en présentation petite marmite, c’est vintage, vu et revu, mais ça reste apprécié. Belle couleur, texture très moelleuse, odeur un peu en retrait, qui manque de fragrance, mais saveur fidèle au poste, ce cabri se situe au-dessus de la moyenne. La viande archi-cuite (probablement réchauffée) s’arrange bien des feuilles de caloupilé et d’une légère acidité en fond de bouche, accentuée avec éclat par un rougail zévis goûteux. Zévis, zé tout fini. Belle idée de marier le massalé et la prune de Cythère, pour voir si le silon s’y terre. Les os sont nombreux mais ils contribuent au goût et au suçage, tout enrobés qu’ils sont dans la sauce épaisse. Prétexte pour attaquer l’affaire à la main, à la traditionnelle.` Les haricots ont bon thym, et bon roussi. Le riz est sans défaut, épais et moelleux sans être collant, il donne avec le massalé de belles bouchées jouissives.

En dessert nous demandons une tarte tatin, non faite maison mais tant pis. Elle est servie chaude et la chantilly coule dessus. Joli point final au repas. Nous repartons en réglant une note de 29€ pour une boisson et une formule. Le rapport qualité-prix est bon.

Nouvellement testée, La Marmite du Cap donne des signes encourageants pour l’obtention d’une jolie fourchette au « guide jaune ». Sans atteindre des sommets, la cuisine créole est de bonne facture, dans tous les sens du terme. L’accueil est correct mais le service est perfectible. Cette fois encore nous avons déjeuné au régime des dromadaires, sans eau proposée. Si la politesse est globalement de mise, ça manque de chaleur. Faudrait peut-être repeindre les murs en jaune pour ça, allez savoir.  D’autre part, le genre de pique gentille « vous êtes cuisinier ?» ne passe pas avec tout le monde. Enfin, « Les clients préfèrent le fromage fondu plutôt que gratiné », sourire en coin, ressemble à un léger « foutant » à peine déguisé. Ce restaurant devra confirmer avant d’entrer dans le guide des meilleurs restaurants de cuisine créole, ce qui remplumerait les pages dédiées aux cirques, hélas bien désertes.

Le Petit Randonneur se prend une gamelle

Le Petit Randonneur, a qui nous avions donné une première fourchette en argent en 2016, suivie d’une autre dans le premier guide jaune, était l’un des plus réputé du cirque. Visite à l’improviste, comme d’habitude.


L’établissement se trouve pile dans le « triangle d’or » de Cilaos, avec deux concurrents à proximité, Les Sentiers à côté et Chez Lucay en face, dont les remontées de nos différentes antennes ne disent pas grand-chose de bon. Le Petit Randonneur a-t-il su résister au « syndrome du touriste couillon » ? Vous vous demandez de quoi il s’agit ? C’est tout simplement le fait de faire de la cuisine business, c’est-à-dire rentable avant tout, et par-dessus la jambe, sans saveur ni sentiment, pour les touristes d’outre océan qui ne connaissent pas ou mal la cuisine réunionnaise.
Aujourd’hui les touristes sont peu nombreux. La salle est davantage occupée par des locaux, venus pour la fête de Saint-Vincent et aussi pour le joli marché forain où l’on trouve des pépites comme de l’ail péi à 10€ la botte et des grains rares.
Au menu du jour : la traditionnelle assiette créole (nems, samoussas, fromage de tête), salade de poulet ou de chèvre chaud, émincé de poulet à la vanille, les saucisses aux lentilles de Cilaos, un steack de bœuf à la chinoise et des andouillette « à la créole ». Dès fois que les touristes prendraient ça pour des andouillettes zoreilles, peut-être. Magret, burger et steack de thon figurent aussi au programme. Et le sempiternel « menu enfant », encore. Un « supplément de lentille de Cilaos » est facturé 7€.
Nous choisissons l’assiette créole et les andouillettes, en fait un rougail zandouillettes pour appeler un chat, « un chat ».

La salle se remplit. L’attente est sensible entre chaque plat.

L’assiette créole débarque, bien garnie. Trop à vrai dire. C’est plus qu’une entrée, c’est presque un plat. Mais si c’est bon, ça passe tout seul. Ce n’est pas le cas. Les samoussas sont gras. La farce est épaisse, compacte et assez lisse gustativement. La pâte à la couleur bizarre d’un zombi perdu dans le brouillard, avec des reflets cramés. Les nems, pas avares en gras non plus, ont les relents de plastique et de fond de frigo des préparations industrielles. Aucune sauce n’est proposée avec. La salade verte en décoration est fatiguée. Appeler cette tranche de viande agglomérée « fromage de tête » revient à qualifier une voiture sans permis de Ferrari sous prétexte qu’on la peinte en rouge. Rien d’artisanal dans tout ça. A Cilaos. C’est un scandale.

Nous espérons nous rattraper avec le rougail zandouillettes. C’est pire. La chose qui nous est servie est spongieuse et remugle une arrière odeur forte et sauvage d’andouille mal préparée. La texture molle donne l’impression de mordre dans de l’inconsistant gorgé de sauce. Le sel bien présent est accompagné d’une amertume qui reste sur la langue, reflet de la tomate en boite peut-être. Nous laissons les 9/10e du rougail dans le plat, sans que personne n’y trouve à redire. Pas une seule question relative à la possibilité d’un souci quelconque, hormis le classique « ça s’est bien passé ? » au départ du client.
Le riz pour sa part, collant et sans une once de saveur, peut servir de joint pour du carrelage. Le rougail concombre arrache. Les pois du Cap sont très salés.

Le dessert, un très bon moelleux au chocolat, ne suffit pas à rattraper le repas.

Le Petit Randonneur aurait-il glissé dans un fond de ravine ? Ça arrive parfois quand on devient trop sûr de soi sur un sentier glissant. En tout cas, ce n’était pas son jour selon notre expérience. A noter que d’autres clients semblaient pourtant y prendre du plaisir avec des grillades. Nous nous sommes donc trompés de plat. Avoir un emplacement pareil et gâcher des plats créoles comme ça est très dommage, pour utiliser un euphémisme. Comment peut-on oser présenter ça à des clients ? C’est vraiment les prendre pour des cochons de payeur sans palais, ce que certains sont peut-être. Ce qui n’excuse rien. Le service quant à lui est resté aimable, quoiqu’un peu stressé.
Si de meilleures nouvelles nous sont remontées d’ici six mois, une nouvelle visite sera programmée. Autrement, le Petit Randonneur grossira le nombre des disparus sur les sentiers.

Le Riz Sofé ne décolle toujours pas

Passage éclair du côté du Riz Sofé, petit restaurant posé sur la traversante de Terre-Sainte et qui, depuis son ouverture, avait donné des signes positifs quant à la qualité de ses plats. Nous l’avions visité à peine un mois après son ouverture et nous avions également acheté des barquettes à l’occasion.


Nous nous y arrêtons une fois de plus en cette année 2022 finissante. Au menu : rougail saucisses, civet de cerf, rougail boucané, porc chouchou, rougail morue, Civet la patte cochon fumé, rougail chevaquine et cari poulet. Soit huit plats. Sont-ils tous du jour ? Non, certains sont de la veille.
Dans les accompagnements figurent des brèdes chou-de-Chine, et le plat le Riz Sofé éponyme.
L’accueil est sans défaut, le service non plus. Sourire et efficacité sont présents. Le cadre est agréable et confortable.
Nous demandons le rougail morue, sur place, plus le civet la patte à emporter.
Le plat arrive assez rapidement, le temps de se désaltérer.


A la vue le rougail morue présente bien, avec une jolie couleur. Au nez aussi, bien que nous ayons vu des rougails plus odorants que celui-ci. En bouche, surprise : la salaison envoie de la douceur, et pas subtilement. Qu’est-ce qui s’est passé ? Tomates trop mûres ou est-ce la faute aux oignons ? Heureusement que la texture est satisfaisante, bien que nous aurions aimé un plat un peu plus sec. Les brèdes sont à la fois croquantes et délicates, leur amertume est légère et la dose de sel est impeccable. Le riz « sofé », marque de fabrique de l’établissement, est assez bon. Les grains de riz sont tendres et collent juste ce qu’il faut, mais ici le sel fait défaut. On le compense avec le petit piment la pâte orange.

Le civet la patte cochon fumé est en soi un non-sens, selon nous. Mais il fallait le goûter pour en avoir le cœur net. Le verdict est imparable : le côté vin s’accommode mal de la viande fumée, et inversement. En effet les saveurs se mélangent et annulent mutuellement leur intérêt respectif. On n’apprécie plus ni le fumé et de la viande, ni la cuisson au vin. Mieux vaut faire un civet avec la patte fraîche, et un cari avec la patte fumée, c’est plus clair.

La crème brûlée du dessert fait son office, sans plus.
Nous repartons en réglant 33 euros pour une boisson, un plat, une barquette, un dessert.
Le rapport qualité prix est perfectible.

Le Riz Sofé figurait dans le « Guide Jaune », mais dans la liste de fin de chapitre, celle qui indique les restaurants dont la cuisine est correcte mais sujette à amélioration et/ou de qualité inconstante.
Nous avons bon espoir de le sortir de là pour lui attribuer une fourchette, mais ce ne sera pas le cas aujourd’hui. Il faudra une nouvelle visite pour cela. Il manque justement de rigueur et de constance. Parfois les plats sont bons, parfois ils naviguent dans les eaux grises du passable, celles fréquentées par les bouis-bouis dont l’ambition n’est que de remplir les ventres de clients peu exigeants. C’est inadéquat avec les tarifs pratiqués. Le décor c’est bien, les prestations aussi, mais ce qui compte au final c’est le goût. Il ne faudrait pas l’oublier.