Le Grand Baie

[visite en décembre 2011]

Saint-Paul, un samedi. C’est les vacances. Joyeuse cohue au marché forain du bord de mer, entre les clients habituels ou de passage et les touristes « cramés », les yeux émerveillés, qui découvrent nos produits locaux.

“C’est quoi ça ?” “La pâte piment cabri madame, sa lé bien bon.” “Ah oui ? j’en prendrai un bocal”… Ouh ! Coup de chaud en perspective ! Et c’est vrai qu’il fait chaud, mais raisonnablement, grâce à une brise légère qui nous ramène l’odeur de l’océan, mélangée à celle des épices nombreuses et variées en ce samedi de marché. Pas besoin de plus pour nous ouvrir l’appétit. Quelques encablures plus loin, près du cimetière marin, c’est beaucoup plus calme. Et c’est là qu’est installé « Le Grand Baie » dont la varangue, immense, est ouverte sur la plage. On nous y accueille poliment et nous nous installons au plus près de l’extérieur afin de continuer à profiter au maximum de la brise et du superbe paysage.

Le « Grand Baie » s’affiche comme restaurant à grillades avec spécialités créoles et métropolitaines. La carte des apéritifs est très fournie. Outre les boissons classiques, on y trouve des préparations locales comme le « ti’punch » (rhum citron) et le planteur. La carte est au panneau. Au menu aujourd’hui : civet de canard, poulet rôti, magret de canard poêlé, Échine de porc grillée, pavé d’espadon, entrecôte, brochettes de langouste… Bien, bien.
A part le civet, pas grand-chose d’autre comme plat créole. Nous interrogeons le personnel. “En fait, la spécialité créole c’est le civet aujourd’hui, ça change tous les jours”. Il y a aussi un zembrocal, mais c’est un peu mince… Qu’à cela ne tienne, pour une fois nous goûterons à la cuisine métro, sauce locale. Nous prendrons donc une darne de dorade coryphène poêlée avec le zembrocal en accompagnement et des crudités. Suivra un magret de canard, saignant.

L’assiette du poisson arrive. Jolie. Et cela sent bon. Coup de fourchette : quelle agréable surprise de voir la chair de la dorade encore souple. En bouche, elle est moelleuse, parfumée et se mélange superbement avec la sauce au beurre. Voilà ce qui s’appelle faire cuire du poisson ! C’est cela le respect du produit. Et le poisson est un produit délicat. Les crudités sont rafraîchissantes, et nous les finirons sans vinaigrette, celle mise à notre disposition dans une bouteille en plastique ne nous emballe pas. Le zembrocal est correct, mais nous nous attendions à mieux. La saveur du riz safrané est un peu en berne. Le magret remplace l’assiette vide du souvenir de la dorade. Nous l’avions demandé saignant, il l’est !  (un magret de canard saignant, ce devrait être un pléonasme). Il est beau, il est dodu, il est doré, le magret, avec sa peau « en graton » sur le dos. Et la sauce !  Coup de couteau. C’est une belle viande tendre et rouge qui se révèle. Du canard mes enfants, fin, joyeux, soumis sous la molaire du fond, enveloppé de sa sauce sucrée-salée au miel, avec un parfum de poivre et la touche subtile des sucs déglacés. Du magret simple, honnête, sans chichis, à savourer tout seul ou accompagné de son verre de vin rouge et sa modération de rigueur. Après une viande comme celle-là, il faudra un peu de temps pour que vos papilles se calment.
Pas de dessert ni de café. Il faut qu’on rentre. Tout cela nous a coûté 35 euros. Si on parle de rapport qualité-prix, certains devraient en prendre de la graine.

Vacances. Soleil. Farniente. Détente. Plaisir. Evasion. Voilà des mots qui conviennent au « Grand Baie ». On y mange bien, on y est à l’aise, que demander de plus ? Davantage de cuisine créole, par exemple, pour justifier sa publicité, et peut-être un peu plus d’enthousiasme aussi dans l’accueil et le service. Celui-ci est correct et poli mais rappelle un peu trop ce qu’on trouve dans les bistrots des villes. Seuls les habitués ont droit à quelques égards. Rien de grave. Le “Grand Baie” est une destination agréable si vos vacances vous mènent du côté de Saint-Paul, après une virée au marché, et un coucou au père La Buse, le voisin d’à côté. C’est la dernière fourchette de l’année, et elle est en argent. Joyeux Noël à tous, amis gourmets, et bonne et succulente année 2012.

Pour résumer
Accueil : moyen
 • Cadre : moyen • 
Plats : très bons • 
Rapport qualité/prix: correct
Notre impression globale : bonne table
Fourchette en argent
 

Le Cap Méchant

[visite en décembre 2011]

Aujourd’hui, nous nous rendons au Cap méchant, mettre les pieds sous la table du restaurant éponyme de ce lieu magique prisé des touristes tout frais, des groupes en tout genre et des familles créoles. Le Cap Méchant est à Saint-Philippe ce que le Reflet des îles est à Saint-Denis, un poids lourd de la gastronomie créole traditionnelle.

Il partage le site avec deux concurrents : l’Etoile de mer et le Pimpin, que nous visiterons l’année prochaine. Pas de souci pour se garer : le parking est vaste (et poussiéreux). De l’extérieur, l’établissement ne paie pas de mine. Et de l’intérieur non plus, d’ailleurs. La décoration est inexistante, pas le moindre bouquet de fleurs sur les tables. L’endroit est divisé en zones tout autour d’un grand espace vide que nous supposons être la piste pour les soirées dansantes. Le lieu est calibré pour recevoir beaucoup de monde (plus de 300 personnes). L’accueil est cependant convivial. Nous nous installons à la terrasse, pour profiter de l’air marin ouvreur d’appétit.

A la carte : plats chinois et créoles essentiellement. Tandis que nous la compulsons, on nous emmène l’apéritif, un punch maison au fruit de la passion et un jus de mangue frais très goûteux, qui déclenchent un sourire de plaisir. Nous prendrons un cari bichiques (de saison) et un civet de canard.

Et pour nous éveiller les papilles, nous choisissons un gratin de palmistes. Ce dernier nous arrive brûlant, et c’est par petites touches que nous entamons la dégustation. Nous soulevons la fine croûte de fromage et la gardons pour la fin, pour pouvoir apprécier pleinement le palmiste. De bonne texture, coupé en morceau suffisamment gros pour ne pas disparaitre totalement dans la béchamel, le palmiste est divin. Juste assez de poivre pour relever le tout, une dose de sel idéale, un vague parfum de muscade et une crème onctueuse précipitent la fin du gratin dans son apothéose : la croûte du fromage, en un plaisir gustatif presque violent. Le temps d’une pause, et les bichiques sont servis. Sans piment vert « crasé ». Sacrilège. Ce n’est certes pas le rougail tomates qui convient ici, même si celui-ci est bon. Nous réclamons notre « piment Martin » qui nous est livré derechef, avec une explication : « On en mettait autrefois, mais la clientèle touristique a un peu de mal »…

Le cari bichique, lui, ne s’en porte que mieux. Juste un bout de cuiller de piment saupoudré dessus et c’est le soleil sur la forêt primitive après les grandes pluies. Tous les parfums remontent, et en bouche, c’est sublime. Le cari est « sec », comme il faut, les alevins ne sont pas abîmés, ce qui révèle une main experte dans le « tournage » en marmite avec un coup de poignet et la délicatesse requis. Le curcuma joue la partition à la perfection avec le gingembre, une humeur de thym amène de la fraîcheur, chaque épice vient porter la saveur exquise des bichiques, qui se savourent du coup autant avec la bouche qu’avec le nez. Le canard, quant à lui, est noir. Mais pour le coup c’est un heureux présage. La viande est ferme, rouge à l’intérieur, et les épices « croûtées » dans le vin en une sauce rare, épaisse, mais délicieuse, ont imprégné le canard au coeur. La viande se laisse mâcher en souplesse, libérant cette légère amertume caractéristique du vin cuit et le civet s’en va. Point de dessert. Nous sommes repus. Addition: un peu plus de 85 euros pour deux personnes. La faute aux bichiques, (22 euros la portion, deux portions minimum obligatoires) mais c’est sans regret.

Le Cap Méchant, ayant pignon sur falaise depuis des lustres, poursuit son petit bonhomme de chemin en proposant à ses convives une cuisine de qualité. Un défi pas facile tant il est aisé de tomber dans le tout venant culinaire face à la pression touristique. Pour autant, le service semble en pâtir un peu, même s’il demeure efficace et aimable. Mauvais point en revanche concernant le cadre, trop dépouillé. Il suffirait de peu de chose pour rendre le lieu plus attrayant et plus confortable. Aucun effort non plus n’est fait sur la présentation des plats. C’est un peu à la bonne franquette, c’est sans doute plus sûrement une question de manque de temps, ou au pis, de motivation. Ce côté « cantine » retire au restaurant la possibilité d’avoir une fourchette d’or, que sa cuisine mérite pourtant. Par conséquent, nous attribuons au Cap Méchant une très belle fourchette en argent. Si vous y allez le week-end, il est prudent de réserver.

Pour résumer
Accueil : bien • Cadre : très moyen • Plats : très bons
• Rapport qualité/prix : correct
Notre impression globale : très bonne table
Fourchette en argent

Le Vieux Bardeau

[visite en novembre 2011]

Ce dimanche, nous sommes allés prendre le frais au Tampon, 23e km, et nous nous sommes arrêtés au Vieux Bardeau, logé dans une charmante petite maison créole typique, avec jardin en terrasses, faux plafond d’époque et parquet en Tamarin. 

Nous sommes accueillis princièrement par un dénommé Jean-François, yab pur chouchou devant l’Eternel, alternativement serveur, guide touristique, agent d’accueil et boute-en-train en diable. Il nous présente le restaurant, nous fait l’article devant les buffets froid et chaud et nous pose à une table à proximité dudit buffet dont le humage nous fait déjà saliver. La carte ne nous propose pas de cari, ceux-ci étant au buffet, mais des grillades, entrées et desserts. Après moult tergiversations, nous nous décidons pour une quiche aux brèdes et une demi-douzaine d’escargots, pour changer. Nous irons ensuite à l’assaut des plats chauds. En attendant, un léger punch coco nous met en condition. Les entrées sont servies. La quiche est bonne, salée comme il faut, moelleuse, et glisse avec une étonnante facilité. Le fromage éteint un peu le goût des brèdes mais on lui en tiendra pas rigueur. De leur côté les escargots se défendent pas trop mal, mais manquent un peu de répondant : la persillade n’est pas franchement accrocheuse et le mollusque lui-même est microscopique.

Nous nous rabattons assez vite sur le buffet, et décidons de goûter un peu à tout, à savoir : cabri massalé, pied de porc, cari de poulet, rougail d’andouillettes et une originalité : un rougail de bouchons. En accompagnement, des pois du Cap en crème, parfumés au laurier, et un piment vert « crasé » transpire-zoreils. Tout cela sentait bon, mais nous avons un peu déchanté à la vue : le massalé cabri n’a ni forme, ni consistance, et les andouillettes ne paient pas de mine davantage. Seuls le poulet et les pattes-cochon présentent pas trop mal, même si ce dernier nage allègrement dans l’huile.

La dégustation n’amènera aucun réconfort notable à notre désappointement. Le massalé cabri est correct gustativement parlant, mais il serait plus juste de parler de bouillie de cabri tant les chairs s’effondrent sur la fourchette. Le poulet ne fait guère mieux, la cuisse « i largue lo corp », révélant ses origines de volaille de batterie surgelée. Et la sauce, fade, n’arrange pas son cas, hélas. Les andouillettes suivent le même chemin, et ont perdu totalement leur goût si caractéristique. Envolé le piquant du poivre, disparu le fumet de la viande, ratatiné le croquant des cartilages qui font le charme de toute andouillette créole orthodoxe. Le porc sauve un peu l’honneur, si on prend la peine d’apprécier la texture de la peau…mais c’est tout juste. Nous préférons nous abstenir de commentaires sur le rougail bouchons.

L’omelette norvégienne que nous avons choisie comme dessert ne nous consolera pas, même si elle nous procure quelques plaisirs sucrés, à grand renfort de chantilly.

Addition : 61 euros pour deux personnes. Correct si la qualité avait suivi.

Le Vieux Bardeau présente bien, et l’on fait tout pour que vous vous y sentiez comme chez vous. L’accueil est très chaleureux, et le cadre, authentique, est confortable, cosy. Le seul souci c’est que sous cette couche attrape-touriste, il n’y a pas grand-chose. Les plats dans leur ensemble nous ont clairement donné l’impression d’être trop cuits, et faits à la va-vite. Il serait mentir de dire que c’était immangeable. Mais le décor, l’accueil, et le prix, laissent présumer d’une qualité bien supérieure à cette cuisine de camion-bar pour travailleur pressé. C’est donc à regret que nous décernons au Vieux Bardeau une bien triste fourchette en inox.

Pour résumer
Accueil : très bien • Cadre : très bien • Plats : très moyens • Rapport qualité/prix : perfectible
Notre impression globale : moyen 
Fourchette en inox

Le Beauvallon

[visite en octobre 2011]
 

Ce dimanche, nous sommes allés nous promener du côté des berges de la Rivière des Roches, à l’ombre des pimpins, tandis que quelques pêcheurs, au loin, cuisaient littéralement au soleil, assis sur les galets, gaulette en main. Nous nous sustenterons au restaurant du coin, le Beau Vallon, qui propose outre la cuisine créole et chinoise, quelques plats métros, et affiche à sa carte pas moins d’une dizaine de spécialités de la mer, pour tous les goûts et tous les portefeuilles.

Nous sommes accueillis avec entrain et placés sur une table pas loin de la baie vitrée du fond. La salle, immense, toute de bois décorée, abrite une soixantaine de couverts éparpillés. La carte est assez exhaustive, et affiche quelques plats très traditionnels comme le cari de porc au bois de songe, le bouillon coquilles-la-rivière et le poulet fumé au baba-figue. A quelques mètres, le personnel s’affaire à l’installation d’un buffet à dominante chinoise. 

Avec la rivière des Roches à côté, il serait presque un crime de lèse-majesté de ne pas faire honneur au cari bichiques, pour peu qu’on ait calculé l’affaire et qu’on n’ait pas d’oursins dans les poches : 27 euros tout de même…  Nous finirons par passer commande d’un porc au bois de songes et d’un cari bichiques, donc, et entamons le repas avec une entrée baptisée «assiette de Bourbon», comportant achards de légumes, farce créole, salade de palmiste, fricassée de brèdes chou-de-Chine et gratin de chouchou. Un mélange que ne renierait pas notre diététicienne.
La vue de l’entrée nous met déjà en appétit, joliment présentée dans une assiette carrée. Et nous ne sommes pas déçus, si on excepte le fait qu’à la place de la farce annoncée, on découvre un (petit) morceau de boudin. Ce dernier s’avère assez bon, léger et pimenté à bonne dose, du genre qu’on peut trouver chez les charcutiers de quartier qui mettent un soin composé à la préparation de ce mets. De la bonne vieille recette de boudin créole, avec une juste mesure de mie de pain. Le gratin de chouchou ne se défend pas mal, goûteux et crêmeux
L’achard suit le boudin dans la qualité. Le palmiste émincé sur la longueur est légèrement résistant sous la dent, ce qui n’est pas désagréable d’autant que les sensations gustatives sont plus franches qu’avec des salades taillées davantage au cœur. Mention spéciale pour les brèdes qui sentent bon le gingembre et l’oignon fondu, et qui, bien que cuites à point, restent croquantes. L’entrée est expédiée. Les caris arrivent, accompagnés de lentilles parfumées au coriandre et d’un rougail citron.
Les bichiques sont présentés dans une jolie petite marmite, en quantité anorexique. A tout prendre, il doit y en avoir 150 grammes. Et ce n’est certes pas le meilleur cari bichiques que nous ayons dégusté. Cela manque de «croûtage», et la dose de curcuma est un peu forte : on ressent encore l’amertume caractéristique de l’épice orange. Un peu trop salé aussi. Toutefois le plat est correctement relevé, les bichiques ont un bel aspect, et dans l’ensemble, tout cela tient assez la route pour avoir un goût de «pas assez». Le porc s’en sort presque mieux. La saveur de la viande est très agréablement complétée par celle du songe, très fondant, aux accents lointains de poivre et d’ail transpirés dans une sauce onctueuse. Seule la présentation pèche un peu. Le plat ne ressemble pas à grand chose et la petite déco réalisée n’y change rien. La vaisselle vide est enlevée et nous optons pour finir sur la note sucrée d’un gâteau maison. Ce sera mousse de fruits et nougatine, qui remplissent correctement leur office. Addition : 73 euros et des arêtes de bichiques, pour deux personnes. Pas trop exagéré par rapport à la qualité globale, mais nous avons encore un peu faim. Pourrait mieux faire.
Le Beau Vallon est une bonne idée de sortie en famille, si vous n’avez pas envie de vous casser la tête à cuisiner et si belle-mère est tatillonne des papilles. L’endroit est agréable et vous pourrez à loisir y reconstituer l’ambiance «repas créole» comme à la maison, tout en dégustant des plats bien composés et d’un niveau acceptable. Si vous avez des bons mangeurs comme invités, le genre qui disparaissent derrière leur butte de riz et qui n’ont pas peur d’un coq entier, ou si votre grand-mère est du style : «reprend encore un peu mon enfant, vous lé blème», optez plutôt pour le buffet du dimanche. Et demandez l’assiette Bourbon, c’est toute la tradition familiale créole qui s’y retrouve, il ne manque plus que la tranche de rôti de porc (avec la peau bien entendu).
Quoiqu’il en soit, si le Beau Vallon propose une dégustation un cran au dessus de son voisin bénédictin le Vieux domaine, testé ici, il n’est quand même pas encore à la hauteur d’une fourchette en argent, même s’il n’en est pas loin. Nous lui attribuons par conséquent une fourchette en inox à considérer comme un encouragement à travailler la qualité de sa cuisine et de son service. Et un peu plus de bichiques dans la marmite!

 

Pour résumer
Accueil : bien • Cadre : bien • Plats : moyens/bons • Rapport qualité/prix: passable
Notre impression globale : moyen
Fourchette en inox

La Cascade blanche

[visite en octobre 2011]

Cette semaine nous nous arrêtons au pont de l’escalier, sur la route de Salazie, où un nouveau restaurant a vu le jour en lieu et place de la bâtisse moisie qui trônait de l’autre côté du parking, à l’opposé de la célèbre chapelle aux volets rouges. 

« La cascade blanche », s’affiche aussi comme relais touristique et accueille dans ses murs un fleuriste. Le lieu est verdoyant et aménagé de kiosques et d’un espace gazonné tout à fait propice aux pique-niques. L’intérieur est décoré avec goût, et s’inspire largement de la luxuriance de la nature. L’établissement propose une petite trentaine de couverts. « Nous somme en train de terminer l’aménagement de la salle derrière, pour les réceptions », nous informe le patron. Du reste, avec un tel emplacement, nous avons le choix entre déjeuner à table, au restaurant, ou profiter du bon air pour pique-niquer dans l’herbe ou sous un kiosque, puisque « la cascade blanche » a la bonne idée de proposer aussi des plats à emporter.
Nous optons pour le kiosque, histoire de changer. A la bonne franquette, ou à la bonne barquette plutôt. Concernant l’accueil, c’est déjà très bien. Il est très détendu, quasi-familial. La bonne humeur et le sourire sont de rigueur. Nous faisons donc l’impasse sur l’entrée et les desserts, (gâteaux locaux et tout-venant sucrés) et qu’on nous annonce plus nombreux le dimanche, pour cause d’affluence.

Nous nous concentrons sur le civet de canard et le ti-Jacques boucané, choisis parmi les plats du jours, traditionnels (rougail saucisse, boucané brigelles, rougail morue et cari de poisson… et un confit de canard sauce poivre vert pour l’originalité). Du fond de la gorge étroite que franchit le pont de l’escalier, la chanson perpétuelle des eaux vives monte jusqu’à nous, accompagnant la délicieuse odeur du civet, libérée à l’ouverture de la barquette. La couleur confirme notre humage : ce civet-là a bien été cuit au feu de bois, comme on nous l’a annoncé un peu plus tôt. Et au palais, c’est bingo ! On a touché la timbale de saveurs du vrai civet de chez « momon », avec son parfum de vin rouge cuit, son fumet extraordinaire, un peu sauvage, qu’on va dénicher en suçant le moindre petit os baladeur non sans délectation. Manque juste le bouquet frais de persil hâché par-dessus, et peut-être un dose d’huile en moins (le riz du fond baigne un peu) pour que ce soit parfait. Pause.

Nous attaquons le Ti-Jacques, qui fait presque aussi bien. Le fruit vert est délicieux mais presque trop fondant : on aurait aimé un peu plus de résistance sous la dent. Mais le boucané est parfait, ni trop gras, ni trop maigre, avec une saveur authentique qui vaudrait à elle seule un certificat de traçabilité. «La cascade blanche» se prévaut non seulement d’une cuisson au feu de bois mais aussi de produits frais achetés avec les éleveurs et les agriculteurs du coin. Pour finir, le riz, du grain long parfumé, est sans reproche tant au niveau de la cuisson qu’à celui du goût, et les lentilles, servies généreusement, restent dans la moyenne. Un petit « rougail zognons » vient relever le tout sans agressivité, à noter qu’il accompagne mieux le civet.
Les barquettes vides vont au sac poubelle de pique-nique, les jambes s’étirent et on attend un peu pour terminer au café cet excellent repas, avant de monter du côté de Hell-Bourg, dire bonjour aux chouchous. Avec des tarifs compris entre 9,50 et 15 euros, on peut dire que le rapport qualité-prix est honnête. C’est le cuir du ventre en peau de tambour que nous reprenons la route, en laissant au passage une belle fourchette en argent qui vient ici récompenser la cuisine familiale de la « Cascade blanche ». 

Voilà une escale intéressante sur la route du cirque vert. A tout point de vue. « La cascade blanche » est de ces petits restaurants sans prétention qui vous préparent de la bonne cuisine traditionnelle avec l’ingrédient principal de tout bon cari : le plaisir. Venez en famille, vous avez le choix entre la belle table de l’intérieur, la terrasse ou la nature au dehors, et votre progéniture en bas âge pourra se dégourdir les jambes à loisir. Le dimanche, l’établissement met les petits plats dans les grandes feuilles de bananes, pour encore plus de couleur locale. Demandez un rince-doigt et allez-y alors franco, à la main ! Demandez le poisson. « Le dimanche, c’est poisson rouge » nous promet-on. Réservez, c’est plus prudent.

Pour résumer
Accueil : très bien • Cadre : bien • Plats : bons • Rapport qualité/prix : correct
Notre impression globale : bonne table
Fourchette en argent

Note août 2013 : Cette critique est l’une de celles qui a déchaîné le plus de passion, notamment par commentaires interposés sur l’ancien blog. Evidemment nous ne pouvons pas savoir si les gens qui postent des commentaires sont de bonne foi ou non. Ils peuvent très bien être téléguidés par un concurrent, par des malfaisants en tout genre, ou par la famille ou des amis, et ce pour venir appuyer ou aller dans le sens contraire de la critique, selon les intérêts. Comme souvent, nous sommes repassés voir les gérants de la Cascade Blanche un an après. Ils nous ont remerciés pour l’article, en nous informant que « certains » leur en voulaient pour avoir eu cet emplacement en or, et que depuis une personne en particulier leur mettait des bâtons dans les roues. Il s’agit d’une personne très connue sur la place et dont nous tairons ici le nom pour des raisons évidentes.

L’Iloha

[visite en septembre 2011]

Ce dimanche, nous mettons les pieds sous la table d’un hôtel-restaurant Saint-Leusien, l’Iloha. L’établissement est niché dans un creux de verdure dans le quartier de la Pointe-des-Chateaux, sur la route des Colimaçons. 

Le lieu respire le calme, les vacances et les touristes en goguette. A peine arrivé, le personnel nous accueille avec bonne humeur et se montre aux petits soins. Nous sommes placés sur l’une des tables en bois décorée d’un anthurium et de jolies vaisselles. Les moineaux viennent nous dire bonjour, tandis que le personnel nous apporte la carte. Une carte riche et classe ou se côtoient différents mets gastronomiques métropolitains, teintés de couleur locale, avec quelques exotismes comme le filet de kangourou ou le pavé d’autruche. Les plats traditionnels créoles ne sont que 4. Nous nous y attendions un peu. Nous choisissons de tester le poulet palmiste et le civet zourite, et commençons les hostilités par des entrées faites d’amuses-bouches typiques (samoussas, bouchons frits, beignets de crevettes…), plus une salade de palmiste.

Deux cocktails du jour sont proposés ; avec et sans alcool. Ils sont frais et délicieux, quoiqu’un peu sucré pour celui sans alcool où nous avons crû déceler l’arrière goût d’un jus de fruit exotique industriel bien connu localement. La salade de palmiste arrive, joliment présentée, et déjà assaisonnée. Bonne surprise : l’assaisonnement, à base d’huile d’olive, vient relever avantageusement la saveur fragile du palmiste, lequel est légèrement croquant. On a de bonnes sensations en bouche. Peut-être un peu trop salé, mais c’est sans importance : c’est délicieux et l’assiette est vite terminée. Les amuses-gueule s’en tirent tout aussi bien. Du beignet de crevette au samoussas en passant par le achards maison : tout est bon et proche de la tradition.

C’est avec un astucieux repose-plats qu’on vient nous servir la suite, présentée dans des petites marmites individuelles. Très joli, mais ce n’est plus original. Le « Reflet des îles » testé il y a quinze jour, fait cela depuis longtemps, et beaucoup ont suivi. D’abord, le poulet. Un seul regard : la messe est dite.La petite marmite révèle…cinq pilons, cinq, au milieu de plusieurs morceaux de palmiste jaune-safran. La première bouchée confirme nos soupçons : il s’agit de viande surgelée bas de gamme, fade, sans consistance. Les morceaux de palmiste s’en sortent un peu mieux, mais la dose d’épices injectée dans le plat ne suffit pas à lui donner un tant soi peu de tenue. 

Le civet zourite est un ton au-dessus, mais à peine. Rien à voir avec l’excellent civet dégusté au Gadiamb, à Saint-Denis, il y a deux mois. Ici le zourite est bien plus récalcitrant sous la dent, et sa sauce pourtant de belle couleur, est sans caractère. Du réchauffé. Mauvais point aussi pour le riz, bas de gamme à n’en point douter, la présence de brisures et la texture farineuse en font foi. Les desserts remontent quelque peu notre moral. Une mousse aux fruits rouges, à la saveur de goyavier, rafraîchissante et délicate vient terminer ce médiocre repas, pour lequel nous nous demandera, accrochez-vous : 84, 50 centimes pour deux personnes ! (Cocktail, entrées, plats et desserts). Dire que le rapport qualité-prix est particulièrement mauvais relève du doux euphémisme. C’est sans doute le tarif pour manger au bord de la piscine. Cette critique bi-mensuelle a pour objet de tester les plats créoles. Nous vous laissons donc apprécier par vous-même la cuisine métropolitaine de l’Iloha, mais si vous voulez mangez créole, ce n’est certes pas une adresse que nous vous recommandons. Et c’est dommage.

Dommage que dans un hôtel de ce standing, osant afficher des prix comme ceux-là, la cuisine créole soit la cinquième roue du carrosse, alors que ce genre d’établissement est en première ligne pour défendre et promouvoir le tourisme.  Servir de la nourriture bas de gamme, préparée par-dessus la jambe, aux touristes souvent ignorants de notre gastronomie, mais avides de découvertes, c’est d’abord leur manquer de respect, et aussi s’asseoir sur la cuisine locale. Seuls les entrées et le dessert, à la hauteur, parviennent à sauver l’Iloha de l’hallali, qui, aujourd’hui, arrache péniblement une misérable fourchette en inox.

Pour résumer
Accueil : très bien • Cadre : très bien • Plats : insignifiants • Service : très bien • Rapport qualité/prix : scandaleux
Notre impression globale : cuisine médiocre
Fourchette en inox

Le Reflet des îles

[visite en septembre 2011]

Aujourd’hui, nous rendons visite à l’un des mammouths de la gastronomie créole du chef-lieu, angle des rues Pasteur et Issop Ravate: le Reflet des Iles. Mammouth par son âge d’abord : l’établissement officie depuis pas moins de 38 ans. Mammouth par le nombre de couverts aussi : 150 au compteur, et mammouth encore par le nombre de plats à la carte puisque nous en avons dénombré en tout près de 37, oui madame, sans compter les grillades et les brochettes, 28 affichés, c’est comme on vous le dit, monsieur.  

Nous sommes reçus très aimablement par le personnel et nous nous installons dans l’espace ouvert sur un joli jardin intérieur qui nous fait oublier la ville et le boulevard tout proche. L’endroit a grandi au fur et à mesure et se pare d’une décoration traditionnelle créole en bois vert et blanc. Nous prenons le temps d’éplucher la carte avant que le serveur vienne prendre la commande. Le choix est impressionnant. Entre les plats du jour assez classiques, où on retrouve entre autre cari de porc, poulet palmiste et canard à la vanille, et la carte qui, mine de rien, fait la part belle aux produits de la mer et des eaux vives (camarons, bichique et coquilles la rivière), on ne sait plus où donner de la tête. Nous y trouvons même des plats dits de « tradition lontan », comme les brèdes songes à la morue, petit salé-brèdes manioc et du riz chauffé !
Nous faisons notre choix en plaisantant avec le serveur, qui ne manque pas de gouaille. Jus de fruits frais et punch coco viennent ouvrir le bal, de jolie façon puisque le jus est très désaltérant et ensoleillé, et le punch est satisfaisant quoiqu’un peu trop sucré à notre goût.

Nos entrées arrivent : un gratin de chouchou, « de Salazie » nous précise-t-on, et des boulettes de morue. Enfin, « de morue » : la première bouchée révèle qu’il s’agit plus de boulette de pommes de terre à la morue. Pas mauvaises, au demeurant, mais plutôt bourratives. Les estomacs d’oiseau se contenteront d’une ou deux sur les quatre qui remplissent l’assiette. Le gratin est plus satisfaisant : de jolis petits morceaux de chouchoux bien verts, qu’on dirait cueillis à la treille le matin même, trempent dans une superbe sauce blanche poivrée. Le chouchou est ferme et parfumé. Un vrai délice pour zenfan d’mon’ne d’Hell-Bourg !
Les assiettes enlevées, nous terminons nos jus de fruits. La salle continue de se remplir, sous l’oeil alerte et vigilant du sieur Banon, patron des lieux. Voici qu’apparaissent le cari de légine et le rougail «zandouille» que nous avons sélectionnés, avec peine. Cassons le mythe : on nous a souvent rebattu les oreilles avec la légine, ce poisson des eaux froides n’a pourtant rien d’extraordinaire gustativement parlant. Et c’est encore pire si on parle des morceaux de second choix congelés (joues) qu’on trouve couramment. Tout ça pour dire que le cuisinier, c’est Harry Potter : il a réussi une vraie symphonie de saveurs avec la chair a priori filandreuse de la joue de légine. Un concert magique d’une sauce ou le gingembre répondait à la tomate, ou le parfum d’iode chantait avec le piment. Notre magicien a tout de même eu la baguette un peu lourde sur le sel, sans quoi le plat aurait été parfait.

Le rougail « zandouille » joue dans le même registre, c’est même mieux, si on juge la dose de sel. La viande, coupée en petits morceaux et couverte de persil émincé, baigne dans une magnifique sauce rouge cramoisie. La chair fondante glisse littéralement en bouche sans qu’une seule fois on se dise : « c’est gras ». Son odeur naturellement assez forte a été très domestiquée par des tomates bien mûres et une cuisson lente. De la cuisson à la presque-braise où l’on rajoute régulièrement des doses d’eau homéopathiques en exerçant sur la sauce un contrôle rigoureux. Cela se sent en bouche mais aussi au nez. Et l’andouille fut. Nous testons la tarte tatin au dessert. Elle est bonne. La pâte est plus goûteuse que les pommes. Le tout passe très bien avec la boule de vanille qui termine ce repas comme il avait commencé : dans la fraîcheur. Addition : 77 euros pour deux personnes, (apéritifs, entrées, plats et dessert). Ouf.

A ceux qui ne connaissent pas (encore) le Reflet des Iles, allez-y les yeux fermés et le porte-monnaie grand ouvert, pour peu que vous fassiez comme les hordes de clients qui ont emmené là leurs amis touristes pour goûter aux joies de la gastronomie locale ! Le restaurant, après 38 ans, vaut encore le déplacement. C’est un bel exploit, que d’autres, testés ici, n’ont pas réalisé. La cuisine est très bonne, même si c’est devenu quelque peu cantine. Il n’y a plus ce charme d’avant. Le progrès est passé par là, et l’âme créole, celle qui donne cet indéfinissable « plus » au fond des marmites, a quelque peu pâli. Pourtant, elle n’a pas disparu. Il appartient à ceux qui font vivre le restaurant de lui redonner sa vraie place. C’est avec cet encouragement et nos félicitations pour ce parcours que nous attribuons au Reflet des Iles une belle fourchette en argent.

Pour résumer
Accueil : très bien • Cadre : très bien • Plats : très bons • Service : très bien • Rapport qualité/prix : correct
Notre impression globale : Très bonne table
Fourchette en argent

Le Longani

[visite en août 2011]

Ce dimanche nous faisons une visite au « Longanis », restaurant situé en plein centre du charmant village de l’Entre-Deux, dans le bon air vivifiant des hauts. Autant dire que l’appétit est là.L’établissement est accueillant et coquet, avec une terrasse à l’arrière. Nous nous installons à l’intérieur, près du bar. Nous sommes reçus courtoisement et on nous dépose une jolie carte . 5 plats traditionnels créoles y sont affichés. C’est peu, mais après tout, si c’est bon… Et puis on nous annonce que des plats supplémentaires sont prévus, dont un rougail morue, que nous commandons derechef, plus un cabri massalé. 

En entrée on nous propose un gratin de choka, emblématique du village. Va pour le gratin, et nous patientons en dégustant un excellent punch coco, très velouté, probablement réalisé avec de la crème liquide. Le fameux gratin est servi, nous l’attaquons à bras raccourcis.

Et palsembleu, c’est le choc. La fourchette soulève une portion et nous constatons d’abord que la béchamel est… inexistante ! Un gratin sans béchamel ? Cette surprise est suivie de grimaces : le plat est épouvantablement amer et salé. Amer comme mille fiels, salé à tuer net un hypertendu. Pourtant la présentation, dans des ramequins en forme de barque, promettait. La faute peut-être au safran, utilisé à la louche, vu la couleur de l’agave. « peut-être un peu trop de gingembre », s’excuse la dame qui nous dessert. C’est le front quelque peu soucieux que nous voyons arriver la suite. Pour le coup, sur le rougail comme sur le massalé, il semblerait que le sel ait disparu. Totalement. Le rougail morue c’est le désert de Gobi : plus que sec, et notre palais, comme la soeur Anne, ne voit rien venir. La saveur normalement très expressive d’un rougail morue qui se respecte est en berne. Créole i dit : « lé plate ».

Le massalé cabri est un peu mieux, mais fait quand même pâle figure, nonobstant une cuisson correcte et une viande moelleuse. On dirait du succédané de préparation industrielle vendue en barquette sous vide pour les feignants de la casserole. Pour couronner le tout : le riz manque de cuisson. Quelques grains perdus broyés entre deux molaires du fond nous donnent des frissons jusque dans les doigts de pied. Les pois du Cap, pour finir, pourraient servir de munition dans les antiques tromblons des familles utilisés à l’endroit des voleurs de canards.

Les desserts, vite ! Nous choisissons des crèmes brûlées pour réconcilier nos papilles avec la vie, et terminons par des cafés. Addition : 24 euros et des brouettes par personne. Ce serait parfait si la qualité avait suivi. Bon. Sans tourner autour du pot, Le Longanis a frôlé de très près la fourchette en plastique. Que c’est-il donc passé ? Un mauvais jour ? Le cuistot était mal réveillé ? Où est-ce tout le temps comme ça ? Dans tout les cas, il est clair que les habitués et les quelques touristes que nous avons croisés ne soulevaient aucune protestations. Pour les premiers, par habitude, pour les second, par inexpérience de ce qu’est la cuisine créole de qualité. Si ce n’est le gratin, à oublier, les plats restent mangeables mais manquent sérieusement de caractère. Et pourtant un effort certain est fait sur la présentation, et l’accueil, comme le service, est très chaleureux. Le Longanis récolte donc fort logiquement une généreuse fourchette inoxydable galvanisée.

Pour résumer
Cadre : bien • Plats : très très moyens • Service : très bien • Rapport qualité/prix : perfectible
Notre impression globale : insignifiant
Fourchette en inox

L’Anse des cascades

[visite en juillet 2011]

Aujourd’hui nous nous sommes arrêtés à l’Anse des Cascades, afin d’y tester le restaurant du même nom, niché dans ce creux de verdure de la côte Est prisé des touristes et des pique-niqueurs patentés. L’établissement a été refait à neuf et n’a plus rien à voir avec l’épouvantable boui-boui qui vendait des bouchons suspects, il y a quelques années encore. La salle, spacieuse, lumineuse et confortable est recouverte par une structure de poutres en carrousel non dénué d’intérêt.

Lumineux aussi les sourires qui nous accueillent. Nous nous installons à côté de la baie vitrée afin de profiter un maximum du panorama. La carte qu’on vient de nous déposer fait la part belle aux produits de la mer : langoustes, camarons, crevettes et poissons. On y trouve également quelques shop-suey. Au menu ce jour : un cari de vivaneau qui fera bien l’affaire, précédé d’un gratin de papaye au saumon. Nous commandons aussi un cari Ti-jacques boucané et une salade de palmistes frais.

Pour éveiller nos sens, nous demandons le punch maison. Le breuvage, un planteur amélioré, est délicieux, léger, et servi frais comme il convient. Le temps que les plats arrivent, nous goûtons à la quiétude de cet endroit magique. Et voici les entrées. La salade de palmiste est copieuse, les minces lamelles reposent sur un lit de laitue et sont accompagnées, à part, d’une sympathique sauce blanche au citron. Vous avez le choix du dosage. Le palmiste ne s’en porte que mieux, tant au niveau de sa texture, qu’à celui de son parfum, si délicat. Le gratin de papaye est structuré en épisodes : le fromage, d’abord, qui en impose. Le saumon, ensuite, qui communique sa saveur à la sauce onctueuse. La papaye enfin, qui, bien que coupée un peu trop finement, tire quand même son épingle du jeu en affirmant sa personnalité typique que l’on retrouve dans les confitures, tout en laissant une très légère amertume en finale. Plats nettoyés. Place à la suite.
C’est service à l’assiette. Très bon point pour la déco, mais les quantités semblent un peu justes. Pure illusion d’optique : en fait les proportions sont correctes. Nous mélangeons un peu de riz à de la sauce ducari de vivaneau, portons le tout en bouche et un ange passe… vous entendez ? Vous sentez ces effluves d’iode et cet air du large qui vient caresser la grande cocoteraie qui murmure, là, au-dehors ? Clignant des yeux, nous rajoutons au mélange un peu de chair du poisson et le rougail de courgettes. Mais pourquoi trouve-lui-t-on un arrière goût de margoze ? Peu importe… cela magnifie encore la symphonie gustative. Par-dessus le marché, à notre agréable surprise, on nous a demandé si on voulait du piment dans le cari, et à quelle dose. Quelle délicatesse ! C’est rare. Et comment qu’on en veut du piment ! Et il affirme bien sa présence, le bougre, mais tout en relevant sans méchanceté les sensations que nous procure le cari, comme le vent soulève la houle qui chante au-dehors. Et ce n’était « que » du vivaneau, on vous laisse deviner ce que doit donner le poisson rouge !
A côté, le boucané Ti-Jacques n’est pas en reste. Le fruit vert, très finement haché, accompagne une viande pas grasse du tout et nous emmène dans ces vieilles cuisines au feu de bois « lontan », au fond de la cour, qui sentaient le canard fumé aux feuilles de mangue, la cendre chaude, et le bois fraîchement coupé. Le tout est tendre sous la dent, même le boucané maigre, qui en fin de compte capitule très vite. Nous sommes repus quand les desserts débarquent. Une banane flambée et une crème brûlée, très bonnes, viennent clore la rêverie. Addition : 51 euros et des molécules, pour deux personnes (apéritifs, entrées, plats et desserts). Autant dire très très correct en regard de la qualité des mets.
L’anse des cascades est indéniablement un établissement à fréquenter. Non seulement l’endroit est magique et reposant, mais en plus on nous y gratifie d’une cuisine très fine et goûteuse comme il sied à tout ce qui touche à l’art culinaire des produits de la mer. A l’instar de la Marmite, il y a quelques semaines, il n’est pas difficile de deviner que c’est la passion du métier qui anime ceux qui s’activent derrière, aux fourneaux. Le registre n’est pas le même, la manière non plus, mais alors les enfants, qu’est-ce qu’on y mange bien ! Preuve en est que la diversité des recettes et des « coups de main » est une grande richesse de notre gastronomie. Conséquemment, nous adressons à l’Anse de cascade une très méritée fourchette en or.

Pour résumer
Accueil : très bien • Cadre : très bien • Plats : excellents • Service : bien • Rapport qualité/prix : sympa
Notre impression globale : excellente table
Fourchette en or

Lé Gadiamb

[visite en mai 2011]

Cette semaine nous avons jeté notre dévolu sur un restaurant du chef-lieu, « Lé gadiamb », qui a pignon sur la rue Roland Garros, non loin du petit marché. Au fond d’une petite cour verdoyante aménagée en terrasse, une charmante maison créole authentique vous accueille.

Nous nous installons sous la varangue, mais notre regard a été attiré par la décoration intérieure, faite de multiple objets « lontan », qui rappelleront des souvenirs aux nostalgiques du café coulé à la grègue. Ca et là, des outils, des vieux appareils photos, des ustensiles divers font de l’endroit un mini-musée. Le patron nous accueille presque comme si on était de la famille : le personnage est assez boute-en-train et fait preuve d’un humour qui nous met à l’aise. 

Il nous dépose la carte. Celle-ci fait la part belle aux plats traditionnels créoles, les communs (rougail morue, canard la vanille, cabri massalé…) et d’autres moins courants dans les restaurants, comme le bœuf aux brèdes songes ou le Civet de zourite au vin blanc, qui pique notre curiosité.  Le chef revient pour prendre la commande, en nous annonçant qu’en plus de la carte, le plat du jour consiste en une sauce sardine au gros piments. Pour être traditionnel, ça l’est. Ce qui nous fait dire que la cuisine « Lé Gadiamb » se démarque vraiment de ces menus « touristiques » proposés par ailleurs. Nous optons pour le civet zourite et un boucané baba-figue, histoire de le comparer à celui que nous avons dégusté chez Noël, à Saint-Pierre. Pas vraiment d’entrées proposées sur la carte, mais un assortiments d’amuse-bouches créoles, présentés dans un van, et par lesquelles nous ouvrons le bal.

Autant le dire tout de suite : nous expédions les amuses gueules, mais notre sentiment est mitigé.Les samoussas aux poissons ont un goût de chou, les nems au fromages sont bonnes mais sans plus, et les bouchons au combava gratinés ne satisferont que les amateurs à forte dose du petit agrume parfumé. Seules les boulettes de morue emportent notre suffrage : elles sont très délicates et fondantes, et elles auraient été parfaites si la proportion de pomme de terre était moindre. Passons à la suite, servie en deux temps trois mouvements.  Notre palais retrouve sa joie de vivre. Le boucané baba figues s’avère bien meilleur que dans l’établissement Saint-Pierrois. Le baba est fondant, avec cette petite amertume indispensable en fin de bouche.

Le boucané est savoureux, bien qu’un peu sec, et le plat dans son ensemble n’est pas gras. Il y a eu juste la dose d’huile qu’il faut, et on imagine que les ingrédients ont été remués dans la marmite avec soin et patience. Le civet zourite quant à lui, est une vraie découverte. Amateurs de civet au vin rouge, poivrés à l’excès, et des sensations fortes qui vont avec : passez votre chemin. Ici on donne dans la subtilité, dans le délicat, dans le goûteux dans sa plus noble expression. Et nous nous disons « bon sang mais c’est bien sûr, le vin blanc au lieu du vin rouge…« . Mais il y a certainement d’autres secrets. En questionnant le chef nous apprenons que la bestiole à tentacule a cuit au feu de bois longtemps. « 4 heures, c’est un minimum » nous glisse-t-il. On comprend mieux pourquoi l’aspect caoutchouteux du céphalopode a quasiment disparu. Quasiment, pas entièrement, juste de quoi vous donner le plaisir de la mastication pendant laquelle la sauce veloutée provoquera chez vos papilles gustatives une révolution avec ses parfums de laurier, de thym, de poivre et cette lointaine saveur iodée d’océan indien que nous essayons de retenir en regardant avec tristesse le plat de civet désormais vide.
Ajoutons au tableau la présence de brèdes chou-de-chine croquantes juste ce qu’il faut, cuites de la plus simple des façons et des pois du cap corrects dans l’ensemble, plus deux rougails très légèrement pimentés. Nous terminons avec deux cafés et demandons l’addition : 62 euros, pour deux personnes. Voilà qui soulage aussi notre porte-monnaie dans le sens positif du terme.

Lé Gadiamb est ce qu’on pourrait appeler un restaurant « engagé », qui a décidé de faire la promotion de la tradition et du terroir, avec une rigueur consommée dans le choix de ses produits. Cela se ressent dans l’assiette, nonobstant un bémol pour ce qui concerne les amuses-bouches, largement perfectibles. C’est assurément un établissement que nous vous conseillons vivement. Outre le fait qu’on y mange bien, on y est aussi très bien installés. Assis au frais sous la varangue, on se sent comme dans une oasis au milieu du béton environnant. Malheureusement, vous ne pourrez en profiter que la semaine, le patron ferme le dimanche et le lundi. Bon dimanche et à dans quinze jours pour de nouvelles aventures !

Pour résumer
Accueil : très bien • Cadre : très bien • Plats : bons/très bons
• 
Service : très bien 
Rapport qualité/prix : correct.
Notre impression globale : très bonne table
Fourchette en argent