Le Beauvallon

Dans la série des mises à jour, après « Kom ‘ la case » la semaine dernière, nous poussons jusqu’aux berges de la Rivière des Roches, par un beau midi, au restaurant « Le Beauvallon ». La précédente critique date d’octobre 2011, soit 5 ans en arrière. Nous arrivons curieux de voir si la qualité a pris l’ascenseur, suite à la fourchette en inox qu’il avait récolté.

img_1096Les lieux semblent un peu plus propres et mieux entretenus que la fois précédente. Cette grande salle est prévue pour les agapes en groupe dont nous autres réunionnais sommes friands. Accueil minimal mais souriant. Nous prenons place et consultons la carte, après avoir commandé un cocktail de fruits. Le menu du jour est exclusivement local, avec des caris classiques, et la carte affiche toujours les bichiques, qui nous avaient un peu déçus la fois précédente.

Aujourd’hui nous testons le bouillon coquille la rivière, sorte de madeleine de Proust pour beaucoup d’anciens, pimenté bien sûr, et un rougail boucané. Les plats sont amenés rapidement, avec un rougail zoignons… « encore » pensons nous jusqu’au moment où son humage révèle l’acidité piquante d’un citron bien gaillard. Ça va mieux.

Nous terminons le cocktail avec un mauvaise impression. Si le verre est joli, son contenu est archi-sucré. Le sirop de grenadine en porte en partie la responsabilité, et le tout en laisse un arrière goût de jus de fond de brique prononcé.

img_1123Nous entamons le repas par le rougail boucané. Déjà, à l’oeil, on se demande où sont les tomates ! Autant que nous sachions, le mot « rougail » sous-entend « cuisiné avec de la tomate » … en y regardant de plus près, nous en apercevons en effet quelques traces, par-ci, par-là, comme une misère. Pourtant il n’y a pas eu encore de cyclone, et le prix des tomates est plutôt abordable. Le vert des oignons verts, hâchés gros, prédomine presque plus que le rouge dans ce plat. La dégustation laisse d’abord la sensation d’un sel prédominant, qui compense à peine un arrière goût de viande fumée industrielle, qui remugle le plastique brûlé. La texture est dure. Ce boucané là est mal cuit, indiscutablement. Heureusement pour lui il n’est pas gras, et reste mangeable, mais c’est limite.

img_1115Le bouillon coquilles boit…le bouillon ! Mais qu’est-ce donc que cette chose ? Les coquilles sont caoutchouteuses comme des vieux chewing-gums, leur goût d’escargot et de fond de rivière est atomisé par le piment. Nous avons demandé « pimenté » certes, mais pas au godet de tractopelle… La sauce terre de sienne très foncée propose un arrière goût de civet zourite. C’est brut de décoffrage, sans nuances, sans complexités : un massacre. Notez que le dernier bouillon coquille que nous avons dégustés, à quelques encablures de là, était excellent, mais la fourchette d’or qu’il avait contribué à donner a disparu depuis des lustres avec son restaurant du centre ville de Bras-Panon. Comme quoi, tout est relatif. Les lentilles sont en revanche bien parfumées et en crème, mais ne suffisent pas pour rattraper le reste. Un café gourmand termine ce repas de quelques douceurs de vitrine froide. Et puis c’est tout.

Addition : 61 euros, tout compris, pour deux personnes. Le rapport qualité-prix est catastrophique.

Ca sent le plastique. Comme le boucané. En dépit des nombreux couacs, les plats restaient mangeables, la pire fourchette n’est donc pas tombée. Mais le respect de la tradition réunionnaise est traité comme quantité négligeable dans les plats qui nous ont remplis l’estomac aujourd’hui. Dommage, car l’endroit est pittoresque, voire bucolique et le service est souriant et efficace. Rien d’autre à dire, sinon que la fourchette en inox est plus que jamais de mise, un inox qui commence à se détériorer sérieusement.

finoxPour résumer : Accueil : bien • Cadre : bien • Présentation des plats: moyen
Service: très bien • Qualité des plats: très moyens • Rapport qualité-prix : mauvais.
Impression globale : table très moyenne
Fourchette en inox

La présente critique a été réalisée le 15 décembre 2016, à partir de midi, et ne prétend pas être une vérité absolue et définitive. Notre point de vue est subjectif, par nature, mais parfaitement honnête. Nous certifions n’avoir aucun rapport de près ou de loin avec les propriétaires de ce restaurant et aucun intérêt à attribuer à ce dernier une bonne ou une mauvaise note. Dans tous les cas, le restaurant dispose d’un droit de réponse.

Kom’ la case

img_0703Le restaurant Kom’ la case est toujours là. Toujours sa vaste terrasse couverte, son pied de letchis au fond (chargé, cette fois, mais défense d’y toucher!) et a priori le même personnel avenant.

Depuis octobre 2013, date de notre première visite, ils ont tout de même dû changer quelque chose, car l’endroit nous paraît moins sombre.

La carte, elle, est identique, avec les sautés aux viandes interchangeables et les plats créole au menu, exécutés par le même chef que le Francis-céa, restaurant plus « standing » situé à quelques centaines de mètres de là, et noté lui, fin de l’année dernière, d’une fourchette en argent avec recommandation. Kom’ la case, comme son nom l’indique, c’est comme à la case, plus authentique et familial. Et moins cher. La boutique, en face, approvisionne le restaurant en sarcives « qui déchirent ». Entre le civet de coq et la patte cochon, nous tentons la patte cochon, plus un sauté de poulet au gros piments, pour chinoiser un peu, et voir de quoi est capable le cuistot préposé au karay. Après l’apéritif sage, sans bulles ni houblon comme la fois précédente, nous voyons arriver les plats. Le service est rapide et guilleret.

img_0711La patte cochon présente mal. La viande est quasi explosée dans son plat, à tel point qu’on n’en distingue pas les morceaux. Elle nous paraît un peu pâlotte également, sauf la peau qui est assez cuivrée. Heureusement, « le goût lé là ». Oté. Son parfum nous avait déjà cueilli à l’entrée. Dans la sauce épaisse la viande offre un fumet convenable, où nous croyons déceler l’humeur légère d’un quatre-épice joyeux. Tout est fondant, comme la vue le laissait entendre. Si ce particulier là n’a pas passé quelques heures à la marmite, il a dû tâter de la cocotte.

img_0707Le sauté de poulet affiche un peu plus d’ambition. Les vertus gustatives de la simplicité des plats au karay jouent en sa faveur. Pourtant, de prime abord, nous lui trouvons des airs de poulet cramé. La sauce est un peu noircie, mais les tranches de gros-piment ont semble-t-il été épargnées. Elles ont dû être rajoutées alors que la viande était déjà bien chatouillée par l’huile, le siave et leurs suivantes. D’ailleurs, ils gardent un certain croquant, non dénué de mordant au hasard d’un grain un peu plus autoritaire que les autres. Les gros piments, c’est un peu comme la roulette : un coup c’est fort, un coup pas du tout. On ne gagne pas à chaque fois. La viande coupée petit est tendre et glisse bien sous la dent. La dose de sel est correcte, et la saveur de l’assaisonnement, aux accents grillés, ne montre aucune espèce d’amertume suspecte. Le poulet a eu chaud au derrière mais il a été enlevé à temps.

Un mot sur le rougail dakatine : il fait un peu pitié. D’abord parce qu’on a largement vu mieux, dans la famille des rougails, dans le genre moins liquide et plus parfumé, par exemple. Ensuite parce qu’il ne va avec rien de ce que nous avons commandé. L’excuse «on n’a rien d’autre, on a pas été livré », etc, ne tient pas. On est à La Réunion, nom d’un petit piment, et il est inadmissible que dans un restaurant réunionnais du style de celui-là (et les autres aussi), le rougail ou le piment «crasé» soient aux abonnés absents. On devrait pouvoir choisir son piment en fonction du plat qu’on mange, et non se voir imposer un rougail «par défaut», entre le sempiternel piment zognon et un dakatine liquéfié. Et le message vaut pour tout le monde, pas seulement pour «Chez Nehoua ».

Une crème brûlée tout a fait civilisée vient clore le repas, avec un café. L’addition se monte à 25 euros et des grains de gros-piment, tout compris, pour deux personnes, soit un peu plus de 12 euros par tête de yab. Le rapport qualité prix est correct.

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En saison ou hors saison, l’emplacement sous le pied de letchi est inexploité. Dommage.

Dans cette bonne ville de Saint-André, Kom’ la case fait figure d’institution, surtout avec la boutique familiale d’en face où les sarcives jouissent d’une réputation galactique (vendus 7 euros la portion au restaurant). La carte, chinoise et créole, offre plusieurs possibilités de formules, et un service traiteur vous est proposé pour les événements divers. L’endroit est typique. Le pied de letchi est un plus indéniable surtout en saison. Nous trouvons toujours dommage qu’on ne puisse pas manger dessous. La cuisine créole, commune à celle du Franciscéa, est de bonne tenue. Les sautés chinois sont assez réussis. Des accompagnements supplémentaires seraient un vrai plus, comme deux ou trois rougails par exemple, et une fricassée de brèdes. Kom’ la case garde donc sa fourchette en argent, mais on pourrait espérer mieux, vu le potentiel du lieu.

FOURCHETTE EN ARGENT
Fourchettes
Accueil: bien • Cadre : bien • Présentation des plats: moyen
• Service:
 très bien • Qualité des plats: bons • Rapport qualité-prix: correct.
Impression globale : bonne table

La présente critique a été réalisée le 1er décembre 2016, à partir de midi, et ne prétend pas être une vérité absolue et définitive. Notre point de vue est subjectif, par nature, mais parfaitement honnête. Nous certifions n’avoir aucun rapport de près ou de loin avec les propriétaires de ce restaurant et aucun intérêt à attribuer à ce dernier une bonne ou une mauvaise note. Dans tous les cas, le restaurant dispose d’un droit de réponse.

Le palais de l’eau de coco

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Aujourd’hui, nous sommes du côté de la grotte des premiers migrants, à Saint-Paul, pour mettre les pieds sous la table du Palais de l’eau de coco, petit restaurant d’une quarantaine de couverts en bord de l’ancienne nationale, presqu’en face du cimetière marin.

L’endroit est arrangé simplement, avec quelques plantes ici et là, des tables et chaises en plastique et un gros tas de cocos « d’lo » en attente d’être consommés. De l’autre côté, une vitrine avec des rhums arrangé, et un meuble à crèmes glacées. C’est propre dans l’ensemble, mais un rafraîchissement général (y compris au niveau des toilettes) ne serait pas du luxe. On nous accueille avec le sourire. Nous nous installons.

Le menu est inscrit sur un panneau. Aujourd’hui : civet de cabri, coq massalé, rougail saucisses, boucané bringelles et camarons au lait de coco. Nous goûtons au rougail saucisses et au coq massalé, après un apéritif mousseux bien frais. Les plats sont servis assez rapidement, agrémentés d’une salade verte, de lentilles (en conserve) et d’un rougail piment-vert-oignons.

img_0669Le rougail saucisses est très réussi. Il démontre que l’on peut faire un plat qui tient la route avec des ingrédients moyens. Les saucisses sont en effet assez correctes gustativement parlant, mais molles au niveau de la texture, la faute à une présence de gras exagérée, courante dans les saucisses bon marché. Pour autant, la sauce bien rouge est très équilibrée tant au niveau du sel que celui de sa consistance, ni trop liquide ni trop épaisse. Les oignons y ont bien fondu en bonne harmonie avec les tomates. Sans aller jusqu’à choisir des saucisses de luxe, des produits plus goûteux et mieux épicés auraient donné au plat davantage de relief.

Le coq massalé est dans la même veine. Même si ce n’est pas un « coq la cour », aux gambettes musclées avec une chair de caractère, le gallinacé parvient tout de même à afficher un peu de saveur, ainsi qu’une certaine rondeur dans la viande. Il faut dire qu le massalé, parfumé mais peu puissant, le laisse s’exprimer. On sent en revanche assez peu le caloupilé dans cette belle sauce aussi bien réussie que celle du rougail précédent.

Heureusement que le « piment-zognons », de la famille des chauffe-zoreils, et des chauffes-créoles aussi d’ailleurs, amène sa belle saveur claquante dans tout cela. Les lentilles, fussent-elles en conserve, sont parfaitement préparées. Elles ne sont certes pas assez en crème, mais on ne va pas trop leur en demander non plus.

Les plats sont finis. Nous concluons le repas avec une tranche de confiture de papaye un peu seule dans son assiette en plastique. Une présentation simple avec de la chantilly, même en bombe, plus une feuille de menthe aurait été appréciée. Mais la papaye est tendre et savoureuse. Elle met un point final joyeux au repas.

img_0678Le palais de l’eau de coco existe depuis 76 ans ! C’est certainement l’un des plus vieux restaurant de La Réunion. Trois générations de gérant s’y sont succédées. Le restaurant est idéalement placé, à proximité du parc de la grotte et du cimetière marin. Sa cuisine est dans l’ensemble correcte, si nous en jugeons par ce que nous avons dégusté, même si les plats ont manqué de « peps ». Les portions de cari sont aussi un peu justes pour les bons mangeurs. L’accueil et le service sont très satisfaisants. Un rafraîchissement des lieux et une cuisine plus aboutie, moins ronronnante, qui sait préserver ses racines tout en sortant des sentiers battus, devraient amener davantage de monde. De bonnes raisons pour octroyer au Palais du coco une belle fourchette en argent. Tienbo larg’pa.

FourchettesPour résumer
Accueil : très bien • Cadre : moyen
• Présentation des plats : moyen • 
Service: très bien
• Qualité des plats : bons
• Rapport qualité-prix : correct
Impression globale : bonne table
Fourchette en argent 

La présente critique a été réalisée le 26 novembre 2016, à partir de midi, et ne prétend pas être une vérité absolue et définitive. Notre point de vue est subjectif, par nature, mais parfaitement honnête. Nous certifions n’avoir aucun rapport de près ou de loin avec les propriétaires de ce restaurant et aucun intérêt à attribuer à ce dernier une bonne ou une mauvaise note. Dans tous les cas, le restaurant dispose d’un droit de réponse.

Le Bertel

imag2059C’est un pur hasard qui nous conduit aujourd’hui jusqu’à la rue d’Après, et la table du Bertel, restaurant-snack-pizzeria installé en face de la station service qui fait l’angle avec la rue Bois de Nêfles, depuis quelques années, à l’initiative du sieur Lebeau.

Les plats à emporter sont proprement alignés dans leur longue vitrine, et la queue se forme déjà à 11h30, qui pour déjeuner sur place, qui pour emporter les barquettes ou les sandwichs. Ceux qui décident de rester profitent des quelques tables installées devant et sur le côté. Nous commandons nos plats et on nous les apporte en terrasse.

imag2061Nous choisissons le rougail morue (c’est vendredi), assorti de quelques cuillérées d’une version à la mangue, et un poulet au coco. Puis nous demandons un rougail saucisses à emporter. Le service est rapide et aimable, tout comme le fut l’accueil, l’assiette n’est pas une œuvre d’art mais nous saluons l’effort consenti à la présentation, avec la petite salade colorée qui offre le croquant frais très agréable avec un cari.

Le rougail morue nous avait déjà tapé dans l’oeil avec ses atours rouge-orange, coagulé par touches, et son aspect sec et luisant tout à la fois. Le riz nous est témoin : point de gras superfétatoire, nulle trace d’huile suintante. Ce rougail morue sait se tenir, et la dégustation vient le confirmer. En bouche il nous montre un moelleux de bonne facture, avec quand même la sensation de la chair sous la dent qui ne veut pas qu’on oublie qu’elle fut salaison et sèche. De la morue dans le gant de velours d’une sauce tomate en juste quantité pour emballer les morceaux comme un paquet cadeau. Des morceaux que nous avons trouvé grossièrement émiettés, de prime abord, mais qui à la longue ne s’est pas révélé gênant. Les saveurs sont authentiques : l’équilibre entre l’acide délicat et fruité de la tomate mûre et le caractère fumé de la morue est parfait, assisté des réminiscences roussies d’oignons discrets et d’un sel tenu en laisse.

Ceci nous porte à nous interroger sur la version à la mangue. Bien sûr, les morceaux de mangue là-dedans ne sont pas mauvais en soi. Ils donnent une petite douceur de début de maturité qui n’est pas inintéressante, mais qui, au final, n’apporte pas grand chose. Il aurait mieux valu, peut-être, imaginer mélanger au rougail morue un rougail mangue bien pimenté, juste quelques minutes avant de servir, le temps que le piment vert au contact de la chaleur commence à chanter, entraînant la mangue verte. Car c’est précisément l’effet obtenu en assiette, puisqu’un rougail mangue est servi en accompagnement.

imag2065L’effet rougail mangue est tout aussi fort, voire davantage, sur le poulet au coco. Les morceaux de viande, coupés version shop-suey, sont enduits de la belle sauce jaunie par un curry magnifique. A l’instar de la plupart des épices, le curry demande un dosage millimétrique que seule l’expérience permet de maîtriser. Trop peu : on ne le sent pas ; trop : il devient « ragoulant ». Ici, il porte la douceur du coco comme il faut, même s’il a tendance parfois à mal maîtriser sa propre force. Et c’est là que l’acidité pimentée de la mangue joue son rôle à plein : elle rééquilibre tout et y mettant sa petite claque. En bouche c’est un bonheur. La viande glisse toute seule, et le curry s’attarde un peu au nez, le temps que la fourchette ramène la bouchée suivante.

Le rougail saucisse ressemble comme un frère à celui que nous avons dégusté la semaine dernière au P’ti Koin Kréole, à la différence que la sauce est plus homogène et moins salée. Les saucisses, bien que de qualité inférieure à celles de chez Marianne, moulues et non battues, mais pas moulue trop finement tout de même, en tirent un plus large bénéfice, pour un résultat comparable. Nous retrouvons le bon goût du rougail saucisse réunionnais qui a fanafouté tout ce que l’Hexagone peut nous envoyer comme zoreils, surindexés ou pas, en cravate ou en savates. Rien de particulier à dire sur le riz, de meilleure qualité qu’à bien d’autres endroits, ni sur les grains. Nous considérons qu’il ne serait pas raisonnable de céder aux desserts, étant donné l’aspect de notre épiderme du ventre : bien tendu ! Deux cafés suffisent à nous faire redécoller, non sans avoir réglé une addition d’une vingtaine d’euros et des poussières de morue, pour trois caris dont un à emporter. Le hasard fait bien les choses, a-t-on coutume de dire. Ce n’est pas cette fois que nous démentirons.

imag2071Le Bertel n’est pas un restaurant prétentieux. Il a pignon sur la rue d’Après : on est quand même loin du carré d’or de Saint-Denis. Il n’affiche aucun décor particulier. Mais ses clients ne s’y trompent pas : dans la barquette ou dans l’assiette : il assure. Voilà de la vraie bonne cuisine réunionnaise comme on aimerait la voir plus souvent : simple, goûteuse. Ce qui n’empêche pas le cuistot de sortir de temps à autre des sentiers créoles battus en proposant des plats moins courant ou originaux. Cette curiosité et cette ouverture d’esprit est la marque des grands chefs. Il ne nous en faut pas davantage pour décerner au Bertel une juste fourchette en or.

Fourchettes

Pour résumer : Accueil : bien • Cadre : bien
• Présentation des plats: bien • 
Service: très bien • Qualité des plats : très bons
• Rapport qualité-prix: très bien
Impression globale : très bonne table
Fourchette en or 

La présente critique a été réalisée le 21 octobre 2016, à partir de midi, et ne prétend pas être une vérité absolue et définitive. Notre point de vue est subjectif, par nature, mais parfaitement honnête. Nous certifions n’avoir aucun rapport de près ou de loin avec les propriétaires de ce restaurant et aucun intérêt à attribuer à ce dernier une bonne ou une mauvaise note. Dans tous les cas, le restaurant dispose d’un droit de réponse.

Le P’ti Koin Kréol

p1120450Un samedi matin, par un temps magnifique, Le bourg du marquis de Hell a fait le plein de touristes. Ceux-ci compulsent avec intérêt et curiosité les menus des différents restaurants du village, du plus petit au plus gros. Nous mêmes n’avons pas encore fait le tour, et certains méritent une mise à jour, mais ce sera pour plus tard. Aujourd’hui nous gravissons les quelques marches menant au nouvel emplacement du Ti’coin créole, qui n’est donc conséquemment plus si « ti » que ça, à quelques pas du ‘Ti’chouchou » naguère testé et (mal) noté.

L’établissement est logé dans une case créole en bois sous tôle traditionnelle, et a récupéré en même temps l’arrière cour où feu « La coco lé la » régalait jadis sa clientèle. Le menu du jour consiste en un cari et un civet de poulet, un rougail saucisses et un cari de thon (congelé, nous précise-t-on). Va donc pour les trois premiers. Il est 12h15. Les seuls clients à part nous : six personnes.

p1120459En entrées, nous goûtons au gratin de chouchou et au boudin. Du boudin de chez Marianne, charcutier à Bras-Panon, nous indique-t-on quand nous nous enquérissons de son origine. Idem pour les saucisses.
Fameux le boyau farci ! C’est rare de trouver du boudin qui ne soit pas chargé en mie de pain, compact et plus chauffe-palais que goûteux. Celui-ci est tout à fait civilisé : moelleux sous la gencive, musqué mais pas trop, avec son fumet de sang cuit aux herbes fraîches, et son piquant de circonstance.
Le gratin est également très bon, même s’il manque d’épaisseur. L’excellente béchamel, correctement dosée, laisse parler un chouchou volontaire qui transpire encore sa saveur subtile de treille fraîche du matin. Le fromage est resté sage également, grâce à un dosage étudié et un gratiné modéré. Si la suite est comme ça, c’est de bon augure.

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Les caris arrivent. Nous dégustons d’abord le civet. La viande, assez ferme, est portée par une belle humeur de vin cuit, peut-être un peu timide, mais heureusement assistée du girofle et du poivre. Le plat, d’une jolie couleur, est honnête dans l’ensemble.

p1120465Le cari en revanche nous pose question par la présence d’une sauce abondante aux tomates surnuméraires qui nous ferait lui trouver une parenté avec du poulet basquaise, poivron en moins. Rappelons que pour beaucoup, la tomate dans le cari de poulet est aussi assassin que le safran dans les brèdes mourongue, comme chantait l’autre. Qu’est-ce donc ? Il n’y a d’ailleurs pas que la tomate qui est envahissante, le safran suit pas loin derrière ! La viande est de plus assez peu imbibée par sa sauce, ce qui trahit une incorporation dans cette dernière après coup. Tiens donc.
Fort heureusement, elle est aussi ferme que celle du cousin civet, bien frite et l’ensemble, nonobstant les tomates, offre un résultat satisfaisant.

p1120462Le rougail saucisse se hisserait allègrement sur le podium d’un concours si ce n’était un sel trop bavard, bien plus encore que dans les caris précédents, à tel point que le riz seul peine à le faire taire. Si l’on fait abstraction de ce surdosage d’amoureux (ou du manque de dessalage), les saucisses elle-mêmes, qui sortent de chez le charcutier précédemment cité, sont de la bel ouvrage artisanal, battues, autant qu’on puisse en juger par les morceaux de viande qui les composent, avec des épices qui montent au nez. Elles baignent dans une jolie sauce rouge, justifiée celle-ci, qui aurait été encore plus polie si elle exhibait un peu moins ses oignons.

p1120463Le riz pour sa part n’est pas mauvais, mais sans plus. Les grains en revanche sont aussi des haricots de compétition, bien en « creume » et correctement assaisonnés. Le rougail « zognons » est un peu bateau. Sur demande, on nous apporte un piment la pâte rouge accommodé au gingembre mangue qui eut été fort seyant sur le thon.

Un gâteau patate et un autre au chocolat ferment la marche. Très bons dans l’ensemble. Sauf la densité un peu trop importante pour le gâteau patate.

Addition : 63 euros pour trois personnes, soit 21 euros par tête de touriste, boissons comprises. Le rapport qualité-prix est perfectible.

p1120455Depuis que Francine Edwige a pris ses quartiers dans les nouveaux locaux, elle se sent un peu plus à l’aise. A l’aise et débordée par moment, puisqu’elle nous informe que sur certains plats, elle s’est faite aidée par un « extra ».
Ceci explique donc les quelques entorses au bon goût créole que nous avons constaté. Explique mais n’excuse pas. Attention aux extras. Les patrons de restaurant devraient goûter les plats qu’ils proposent à leurs clients (ce que Francine a fait) et en aucun cas les envoyer s’ils constatent un trop de ceci ou pas assez de cela. Rien de dramatique quand même aujourd’hui. Certaines « bouches salées » n’y auront sans doute vu que du feu, et n’y a que les ayatollahs du cari de poulet qui auront remarqué une sauce trop tomatée. Francine dit respecter davantage la tradition, et nous pouvons supposer que ses caris à elle sont un cran au dessus.
Attention quand même au service aussi. Il est très aimable et agréable mais un peu long. D’autant plus long qu’il n’y avait pas foule. Nous sommes sortis de table à 14h30 passés. Certains clients pressés pourraient y trouver à redire. Qu’est-ce qu’il se passe quand il y a affluence ?
Autant de remarques nous espérons constructives afin que le Ti’coin créole trouve rapidement sa nouvelle vitesse de croisière, et qui ne nous empêchent pas de lui attribuer une belle fourchette en argent pour la qualité globale de sa cuisine, en attendant mieux.

FourchettesPour résumer : Accueil : très bien • Cadre : bien
• Présentation des plats: moyen • 
Service: moyen • Qualité des plats : bons
• Rapport qualité-prix: perfectible
Impression globale : bonne table
Fourchette en argent 

La présente critique a été réalisée le 15 octobre 2016, à partir de midi, et ne prétend pas être une vérité absolue et définitive. Notre point de vue est subjectif, par nature, mais parfaitement honnête. Nous certifions n’avoir aucun rapport de près ou de loin avec les propriétaires de ce restaurant et aucun intérêt à attribuer à ce dernier une bonne ou une mauvaise note. Dans tous les cas, le restaurant dispose d’un droit de réponse.

Ô Libané

14435181_1160079780695464_1537535101926668241_o-1Après 8 ans d’ouverture sur Le Tampon de son restaurant Éclats d’Aromes, Chef Roula et son compagnon David ont décidé de poursuivre leur route culinaire libanaise sur les douces pentes bucoliques de la commune de l’Entre-Deux avec une nouvelle enseigne : Ô Libané.

Ce choix s’apparente tout d’abord à un choix de vie : « Depuis longtemps nous souhaitions emménager sur la commune de l’Entre-Deux dont nous sommes tombés amoureux depuis de nombreuses années déjà, mais attendions de trouver la bonne habitation pour pouvoir également y implanter notre restaurant libanais » nous explique la chef Roula Eid.

Fin 2015, c’est chose faite avec l’acquisition d’une maison créole inscrite au patrimoine de l’Entre-Deux, recouverte d’un bardo pure tradition et située à l’entrée de la commune juste derrière l’office du tourisme. « Nous avons eu un véritable coup de cœur pour cette demeure qui possède tant de cachet. Nous avons dû faire de nombreux travaux d’aménagement et de rénovation avant de pouvoir enfin ouvrir mi-septembre, quasiment un an plus tard » continue Roula. Mais le jeu en vaut la chandelle : le cadre est raffiné et intimis-te avec des jeux de lumières soignées éclairant çà et là des cadres photo design, les banquettes et coussins élégants, et bien entendu ce fameux bar-do traditionnel des maisons créoles. Un nouveau concept de gastronomie libanaise Côté carte, la créativité culinaire de la chef a évolué depuis le restaurant Éclats d’Arômes.

11698604_893101120726666_112276562377359679_nL’enrichissement du vocabulaire précède la découverte culinaire : Labné, Mehché Malfouf, Chiche Taouk, Atayef bel achta… et leur définition, annoncent déjà la couleur. « Ce sont des menus uniques à 35€ qui sont proposés avec un choix entre 3 entrées, 3 plats et 3 desserts, renouvelés tous les mois. On retrouve naturellement les classiques de la cuisine libanaise, mais le plus souvent revisitée d’une touche féminine qui ravive les papilles, comme ce taboulé libanais où le boulgour est remplacé par du quinoa. » Les épices et saveurs du Liban sont bel et bien respectées, mais l’élégance des assiettes et l’association des mets sont indéniablement montées en gamme par rapport au restaurant du Tampon. Toujours dans la pure tradition libanaise, les viandes mijotées, les grillades ou à l’inverse les plats purement végétariens sont à l’honneur, tout comme les fameux desserts arrosés de fleur d’oranger et de sirop de rose. « Nous avons voulu continuer à entretenir les arômes qui plaisaient à nos clients du Tampon tout en prenant un virage dans la manière de composer la carte et les assiettes« . Les clients semblent apprécier ce tournant, depuis la quinzaine de jours d’ouverture du restaurant, la salle de désemplit pas : à noter que le restaurant n’est ouvert que du mercredi au samedi uniquement les soirs, et ne peut accueillir que 17 couverts. ` « Là encore, c’est un choix de vie : aujourd’hui nous souhaitons nous consacrer aussi à notre famille, notre enfant, et la restauration est un métier difficile pour concilier le tout, tout en continuant d’exercer ce métier avec passion ». Un choix qui se respecte. Souhaitons à Roula et David de pouvoir nous faire apprécier encore longtemps les belles saveurs du Liban.

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Portrait de Chef

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David Elwert et Roula Eid

 

Roula Eid, originaire du pays au cèdre, est arrivée à la Réunion en 2007, après une douzaine d’année d’expérience professionnelle à Paris, où elle a exercé son talent à l’Arpège notamment (3 étoiles Michelin) et au restaurant de l’hôtel le 123 Elysées, rue Faubourg Saint-Honoré, dans le 8e. « Je voulais voir autre chose, changer ma vie parisienne et retrouver un peu cette chaleur de mes racines. » Elle la trouvera à La Réunion, avec son compagnon David Elwert, au point de ne plus vouloir en repartir. Roula, comme beaucoup d’autres, a été séduite par la qualité de vie de notre ti pei, et ses petits plats comme le rougail morue et le civet de zourite, son préféré. « La cuisine libanaise est méditérannéenne et se rapproche beaucoup de la cuisine grecque. Il y a en revanche peu de point commun avec la cuisine réunionnaise, si ce n’est le caviar d’aubergine et aussi la façon d’amener les plats, avec tous les accompagnements. C’est une cuisine très parfumée mais peu relevée. » On laisse le piment vert qui arrache à notre civet de zourite !

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La Marmite (l’Ermitage)

L’Ermitage, fin d’hiver austral, il faut déjà chaud et la plage est bondée. A proximité de la boutique Carpaye, le restaurant «La Marmite» s’apprête à ouvrir son «baro». Cet établissement a été récompensé en 2011 de la première fourchette d’or de cette rubrique. Depuis le changement de propriétaire, des informations inquiétantes nous sont parvenues de sources diverses. Nous décidons donc d’y remettre les pieds, le nez, la langue et le reste, pour en avoir le cœur net.

p1120103L’accueil est souriant, nous nous installons et observons les lieux. La grande salle de soixante-dix couverts environ joue la carte touristique à fond, avec les rhums arrangés alignés et les fameuses marmites au feu de bois. Le principe est toujours celui du buffet à volonté avec différentes formules, selon les «options», à partir de 18 euros. Nous passons commande des apéritifs dont un «Ti punch». Ce dernier est si avare en rhum que nous ne craignons pas l’affolement de l’éthylotest. Passons au buffet.

Sous les marmites, le feu crépite encore. Déjà une chose nous interpelle : aucune odeur ne se dégage spécialement. Nous commençons par un gratin de pommes de terre, puis abordons les caris, massalé cabri en tête. Afin de goûter à un maximum de plats, nous nous servons en petites quantités.

D’abord nous nous posons une vraie question sur le gratin. L’affaire est flasque et sans autre goût que celui de l’eau, aplati au fond de son bac comme une trace de pneu, sans la moindre molécule de béchamel. Ça commence bien ! La question est : qu’est-ce donc que cette chose ? Passons.

p1120120Dans notre assiette les cuillerées de caris entourent un piton de riz jaune. Le massalé cabri affiche ses feuilles de caloupilé, mais aussi des bouts de viande caoutchouteux et dont il serait bien difficile à un aveugle de dire de quoi il retourne. En effet, la saveur du massalé est spectrale. Même le caloupilé, pourtant d’ordinaire puissante épice, a de la peine à sortir de ce brouillard gustatif. Passons.

Le civet de canard est du même acabit que le cabri : fantomatique au niveau du goût. La viande est molle, le vin est éteint, le girofle aux abonnés absents, de même que le poivre. Nous avons rarement vu un civet aussi plein de rien. Il faut quand même faire fort pour retirer sa saveur à un canard.

p1120116Le rougail boucané est-il bien un rougail ? Car excepté les gros morceaux de viande qui nagent le crawl dans leur marmite d’huile, on ne voit pas bien la trace des tomates. En bouche, c’est d’abord le sel qui cause, puis un vague fumet aussi ectoplasmique que les cabri et canard sus-mentionnés. Chose positive : nous arrivons à les mastiquer. Ce n’est pas le cas de leurs congénères qui garnissent le ti-jacques et qui se transforment très vite en boulettes filandreuses de viande sèche qu’on finit par recracher comme un matou sa boule de poils. Le Ti-Jacques d’ailleurs est tout à fait bouilli. Le résultat est clair : pas l’ombre d’une sensation gustative autre que celui de la flotte. A côté de ça, les pires plateaux-repas des hôpitaux font figure d’exploit culinaire de grands chefs. Passons encore.

Nous tournons notre fourchette vers le civet zourite. Celui-ci, visiblement préparé au gros rouge qui tache, tente de faire mieux. Le mollusque congelé déclare vite forfait après avoir révélé sa consistance de papier mâché trempé dans la piquette. Un cari se détache cependant : le rougail saucisses (avec tomates celui-là), si l’on passe sur un sel là encore excessif et une texture ultra moulue qui laisse une impression de gras rédhibitoire.

Nous retournons au buffet chercher espoir dans le cari de poulet, mais sa seule vue nous dissuade : les chairs du gallinacé partent en lambeaux. Pas beaux. Nous allons arrêter là et faire l’impasse sur les accompagnements. Un petit mot sur le riz jaune peut-être : c’est un simulacre. Sans goût ni sentiment lui non plus. A croire que même le curcuma a perdu de sa saveur. Addition de cette alignement d’ersatz : 54,50 euros pour deux adultes et un enfant. A noter que le menu enfant comprend lui aussi le buffet «à volonté» mais à 15 euros. Quelle blague !

Compte tenu de la médiocrité générale, le rapport qualité-prix est très mauvais.

p1120109Que dire ? Une fois de plus, hélas, nous avons affaire ici à ce qui ressemble à un piège à touriste. Comment de nos jours peut-on encore oser proposer ce genre de cuisine à des clients ? C’est sûr que pour le touriste ignorant et les gens sans palais, ça passe. C’est bien là le problème, car on trompe ces gens. La cuisine créole authentique est heureusement à des lieues de cette bouillie, aux épices inexistantes, faite à l’économie. La passion a disparu de ces marmites. Et c’est d’autant plus dommage que l’accueil, le service et le cadre sont très agréables. Au Moyen-Age, des alchimistes ont vainement cherché à transformer le plomb en or. A la Marmite de l’Ermitage, ils ont changé l’or en plastique !

FourchettesPour résumer : Accueil : bien • Cadre : très bien • Présentation des plats: buffet marmite • Service: bien • Qualité des plats : médiocre • Rapport qualité-prix: mauvais.
Impression globale : à éviter
Fourchette en plastique

La présente critique a été réalisée le 25 septembre 2016, à partir de midi, et ne prétend pas être une vérité absolue et définitive. Notre point de vue est subjectif, par nature, mais parfaitement honnête. Nous certifions n’avoir aucun rapport de près ou de loin avec les propriétaires de ce restaurant et aucun intérêt à attribuer à ce dernier une bonne ou une mauvaise note. Dans tous les cas, le restaurant dispose d’un droit de réponse.

Chez Tonton

p1010089Le joli quartier de La Montagne ne nous a jamais été favorable : une fourchette en plastique, au tout début de la rubrique, et une fourchette en inox quelques années plus tard. Inutile de citer ces restaurants de nouveau ici, accordons leur le bénéfice du doute à défaut de celui de la remise en question, exercice difficile pour ces deux propriétaires qui sont descendus jusqu’au journal pour nous demander des comptes, l’un avec des gros bras, l’autre avec des insultes plein la bouche.

Aujourd’hui nous nous arrêtons chez Tonton, au bord de la départementale, à quelques centaines de mètres après le centre du village. L’endroit nous est connu de longue date, et nous avons gardé le souvenir de barquettes de rougails zandouillettes magnifiques, charcuteries cartilagineuses, musquées, et baignant dans une sauce rouge cramoisi.

Nous débarquons sans tambours ni trompettes, comme d’habitude. Il est 11h30 et la queue au comptoir des plats à emporter commence. A midi nous nous installons dans la petite salle d’une dizaine de couvert à l’arrière. C’est propre dans l’ensemble, et assez familial. Deux bouteilles de goyavlet et de punch garnissent une étagère qui mériterait quand même un bon coup de chiffon. L’accueil est souriant et sympathique. Les plats, choisis devant, nous sont servis en quelques minutes. Nous avons choisi le sauté de porc aux haricots verts et le porc massalé, plus un poulet sauce d’huître à emporter. Le tout est accompagné de lentilles avec un piment vert « crasé » et d’un rougail tomate. Le bol de riz est bien rempli.

C’est parti !

p1010070Le sauté de porc est bon. Il transpire de sa bonne odeur de sauce chinoisante et ses émincés glissent sous le palais avec souplesse. La dose de sel est correcte, mais nous regrettons quand même les haricots verts peu nombreux et pas assez croquants qui auraient pu apporter un équilibre au plat, surtout sur la texture. Son frère au massalé joue dans la même cour : correct mais perfectible. En effet le massalé est un peu timide. Il conviendra tout à fait aux palais délicats, mais certes pas à un descendant de malbar habitué aux assauts bruts et toniques de nos indianités dravidiennes ! Heureusement que le caloupilé apporte au massalé un peu de soutien car la viande du cochon ne s’en dédit point : elle est un peu forte, au nez surtout, mais reste assez moelleuse malgré les apparences. Le poulet sauce d’huître donne avec bonheur dans le sucré-salé du goût unique de cette sauce épaisse et collante avec cet arrière nez d’oignon fondu. La chair, étonnamment ferme pour un poulet de batterie, a gardé sa saveur. Quelques cubes de courgettes y font plus de figuration qu’autre chose, mais ont le mérite d’exister.

Les lentilles grises pour leur part affichent une belle saveur un peu gâchée par un sel trop présent. Même constat pour le piment vert, fort , mais sans aucun goût. Comme les piments vendus en vrac sur les marchés forains et en barquette au supermarché. Le rougail tomate s’en sort un peu mieux. Rien à dire sur le riz, de bonne qualité, et correctement cuit. Cela a l’air de tomber sous le sens, mais hélas nous tombons fréquemment sur des restaurants et snacks qui servent du riz encore dur.

Deux cafés plus tard, nous réglons une addition de 19 euros pour deux repas et une boisson, soit moins de dix euros par personne. Le rapport qualité-prix est correct.

Si l’on doit comparer avec des restaurants de même catégorie, nous avons déjà mieux mangé ailleurs, et de loin. La cuisine chez Tonton est tout de même assez satisfaisante dans l’ensemble mais il lui manque un je-ne-sais quoi qui lui donnerait un peu plus de « couleur » gustative. Peut-être est-ce là une certaine inclinaison à la facilité due à la routine, à un jour sans, à des produits moyens, allez savoir. Dommage que les andouillettes n’étaient pas présentes, question couleur : elles envoyaient ! Nous avons tout de même fini nos plats, donc nous recommandons l’adresse. Les barquettes transportées au parc du Colorado, pas très loin de là, y dégageront des effluves qui, mêlées à l’air frais, vous ouvriront l’appétit. Autant de raison qui font mériter au restaurant « Chez Tonton » une juste fourchette en argent.

FourchettesPour résumer : Accueil : bien • Cadre : bien • Présentation des plats: bien • Service: très bien • Qualité des plats : bons • Rapport qualité-prix: très correct.
Impression globale : bonne table
Fourchette en argent 

La présente critique a été réalisée le 21 septembre 2016, à partir de midi, et ne prétend pas être une vérité absolue et définitive. Notre point de vue est subjectif, par nature, mais parfaitement honnête. Nous certifions n’avoir aucun rapport de près ou de loin avec les propriétaires de ce restaurant et aucun intérêt à attribuer à ce dernier une bonne ou une mauvaise note. Dans tous les cas, le restaurant dispose d’un droit de réponse.

Le Cap Horn

p1110972S’appeler Barbe et avoir le poil ras sur le caillou relève peut-être d’une sorte d’autodérision qui irait bien au personnage. Étienne Barbe, chef de talent, commence l’aventure du Cap Horn un soir de Saint-Valentin, comme une énième déclaration d’amour à sa maîtresse de toujours : la cuisine.

Les gens du quartier vous le diront : la bâtisse des années soixante de la rue Charles-Gounod a vu défiler pas mal d’enseignes avant ce 14 février 2014 qui a vu le Cap Horn larguer les amarres. La dernière en date n’avait tenu que quelques mois. C’est un peu par accident qu’Étienne retient l’endroit.
Son projet original était d’ouvrir un restaurant créole, dans la zone industrielle du Chaudron. « Tout était ficelé, l’argent était sur le compte, quand la commission de sécurité a mis son veto » nous raconte-t-il. Jusqu’à ce qu’il tombe sur l’annonce de « La Gourmandine », sitôt ouverte et sitôt fermée. « Vu la configuration des lieux, je me voyais mal faire un restaurant à buffet créole ici. Je décide donc de changer mon fusil d’épaule et d’ouvrir un restaurant spécialisé dans le poisson. J’ai toujours adoré travailler le poisson et les crustacés. J’ai beaucoup appris au Charlot, place de Clichy. » D’où le nom « Cap Horn », trouvé par hasard en surfant sur Internet. La fermeture du DCP de Saint-Denis avait certes laissé un boulevard pour un établissement de ce type. Étienne s’y rue joyeusement, avec quand même la frustration de ne pouvoir proposer des crustacés vivants, attrapés dans le vivier devant le client, par manque de place.

p1110994« Je voudrais faire davantage de poisson cru également, mais les contraintes sont draconiennes, et ma cuisine trop petite » regrette-t-il, avant d’avouer que si d’aventure une opportunité d’un local plus grand et accessible se présentait, il n’hésiterait pas à déménager. En attendant, le Cap Horn a su se construire une solide réputation, qui dépasse les limites du chef-lieu. Dans les assiettes : crustacés bien sûr, des noix de Saint-Jacques et des pélagiques (thon, espadon, marlin, dorade) « La langouste grillée à la plancha et le thon mi-cuit sont appréciés des clients » souligne Étienne. Il hausse le thon notamment avec du sésame parfumé au wasabi, à la prune ou au curry, préférant utiliser le traditionnel combava dans ses desserts. Sans oublier la cassolette de la mer en croûte. Une carte réalisée avec des produits frais, qui change tous les six mois en fonction de leur disponibilité chez Réunion Pélagique ou à Rungis.

Ne vous attendez pas à trouver un restaurant au décor surchargé évoquant grossièrement la mer et son univers, avec des filets de pêche et des aquarelles montrant des barques et des phares. La mer est dans l’assiette. « Un bon chef est celui qui ne trompe pas le client, tant sur le prix et la qualité que sur la quantité » justifie Étienne. On ajoutera qu’un bon chef est celui qui met de l’amour dans sa marmite, et celle d’Étienne n’en manque pas.

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L’équipage du Cap Horn autour de son capitaine

LE CV DU CHEF

Étienne Barbe, 50 ans tout frais, est tombé dans la marmite quand il était marmaille, en regardant sa mère cuisiner. Il commence ses études en hôtellerie et restauration à l’INFA. Six mois lui apportent les bases du métier qu’il mettra en pratique à Paris au poste de commis de cuisine dans des restaurants et brasseries comme Chez Charlot, roi des coquillages, spécialisé en fruits de mer, où l’idée du Cap Horn a dû sans doute germer. Il gravit les échelons petit à petit, puis atterrit chez Androuet, gare d’Austerlitz, maître fromager réputé.
Après 10 ans dans la capitale, notre Saint-Andréen rentre au pays. Il est embauché par Marcel Sabine au Roland Garros, où il reste 14 ans comme second de cuisine. En 2004, Étienne met enfin sa toque de chef au Bistrot de la porte des Lilas, avant d’en prendre la gérance en tant qu’associé pendant deux ans. Il achète aussi l’Auberge à Mare à vieille place en pleine crise du chik, et participe à l’ouverture du Restaurant de La Réunion à Paris. Puis ce sera le Phœnix au ciné Cambaie en 2011 comme directeur, puis le Luxor à la Possession où il obtiendra notre fourchette en argent pour son « rougail trois cousins » (morue, sounouk, hareng) une recette de Patrick Ramassamy. Ses maîtres en cuisine ? « Je n’ai pas de mentor people, c’est pas mon truc. Je me souviens plutôt de Monsieur Juin, une étoile Michelin chez Androuet, à Paris, qui faisait une excellente cuisine à base de fromages. Et aussi de Joseph Maillot, un Portois que j’ai rencontré à l’hôtel de Boucan Canot où il exerçait depuis 20 ans. Il était analphabète, mais c’était un génie, avec un savoir-faire incroyable. J’étais sidéré par ses connaissances. On a beaucoup appris l’un de l’autre. » Aux paillettes et aux projecteurs, le pudique chef Étienne, qui a grimpé les échelons du métier un à un, préfère la chaleur de sa cuisine, le travail et la satisfaction de ses clients. Bon vent capitaine !

Le Petit Gourmet

p1000945Aujourd’hui, nous remontons une fois de plus les sinuosités saint-pauloises pour nous rendre aux portes du Maïdo.

Un site où nous avons déjà testé trois restaurants ces dernières années, avec plus ou moins de bonheur, et plutôt moins que plus dailleurs puisque deux des établissements visités s’en sont sortis avec des fourchettes en inox.

C’est conséquemment plein d’espoir et carnet de chèque en poche que nous décidons de mettre les pieds sous la table du Petit Gourmet (qui n’accepte pas les cartes bancaires). Impossible de le manquer, en bord de route, avant la luge, sa tour Eiffel miniature posée sur le socle d’un alambic. Le restaurant d’une quarantaine de couverts est confortable et accueillant, avec sa cheminée où quelques braises appaisent les fraîcheurs hivernales, et ses petits bouquets sur les tables. C’est simple, mais coquet. A la carte : steack hâché au poulet (précisé pour les enfants), rougail saucisses, persillade de camarons aux baies roses flambée au pastis, cari poulet, civet zourite et civet de pied de porc. Gâteaux péi et crèpes sont disponibles au dessert.

Nous commandons le rougail saucisses, le civet de pied de porc et les camarons aux baies roses, le tout accompagnés de riz, grains et rougail tomate.

p1000993Le rougail saucisses, fumées, ressemble comme un jumeau à celui que nous avons dégustés tantôt au Moulin à eau. Belle sauce rouge coagulée, à la tomate en tôle, saucisse moulue, poivre causant, sel raisonnable. Du rougail saucisses standard certifié Réunion. Sans surprise bonne ou mauvaise.

p1000995La patte cochon s’en sort bien mieux, même si, sous la dent, la viande ne propose pas la souplesse fondante à laquelle nous nous attendions. En revanche, la belle peau au reflet cuivré cède sans difficulté. Le tout offre une saveur de vin cuit toute en subtilité, qui laisse s’exprimer les épices dans un fond de sauce au fumet intéressant. Ce n’est certes pas le meilleur civet la patte que nous avons mangé, mais il se situe dans une moyenne très honorable.

p1000994Les camarons baignent avec bonheur dans leur sauce à la crème, dont le riz profite largement, avec des baies roses heureuses qui apportent à l’ensemble leur parfum poivré et floral unique. Quelle belle idée ! Heureusement pour les crustacés qui pêchent par un léger défaut de goût. Un passage au fond de marmite trop rapide sans doute, qui manque de sucs, et qui aurait mérité un déglaçage flambé avec Johnny qui marche, ou Jack, selon les affinités, plutôt qu’avec le Pastis, dont l’inimitable saveur est ici trop timide en face des puissantes baies. Peut-être aurait-il fallu en mettre moins. Le persil y joue honorablement sa partition, en diffusant sa fraîcheur picotante. Pour accompagner tout cela, des grains rouges hélas trop salés et un rougail tomates haché et non pilé, calibré pour les touristes, sur l’échelle de Scoville, et assez bon.

p1000998Nous terminons avec deux parts de gâteau maison : ti-son et patate, joliment apprêtés de chocolat fondu et de chantilly. Le Ti-son est comme Vahiné : gonflé, nous irions jusqu’à dire aérien. La pâte est souple et un parfum légèrement caramel-café s’y déploie magnifiquement. Le gâteau patate est un peu plus dense, mais sans aller jusqu’au degré que le créole appelle « comblage ». Très bon aussi. Addition : 75 euros pour quatre personnes, boissons comprises, soit un peu plus de 18 euros par personnes. Le rapport qualité-prix est acceptable.

En dix ans, le Petit Gourmet a bien évolué. Il ne ressemble plus à la cabane pour randonneurs des origines et a gagné en confort. Dans l’assiette, ça s’est amélioré aussi, y compris le dressage. Une petite marmite pour les grains, une fleur de capucine, quelques éclats de tomates… on sent l’effort pour présenter aux clients une assiette la plus appétissante possible. D’autres restaurants devraient prendre exemple. Il y a largement matière à aller plus loin, ce ne sont pas les produits qui manquent à commencer par les graines de capucines, qui, confites, rappellent la saveur des câpres, et peuvent aussi servir de décoration. Une cuisine locale très bonne, un plat qui sort un peu des sentiers battus (et qui, espérons le, n’est pas le seul), un accueil souriant, un service efficace, un dressage soigné : autant de raisons valables pour décerner au Petit Gourmet une belle fourchette en argent avec recommandation de l’équipe.

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FourchettesPour résumer : Accueil : bien • Cadre : bien • Présentation des plats: bien • Service: très bien • Qualité des plats : bons • Rapport qualité-prix: très correct.
Impression globale : bonne table
Fourchette en argent 

La présente critique a été réalisée le 21 août 2016, à partir de midi, et ne prétend pas être une vérité absolue et définitive. Notre point de vue est subjectif, par nature, mais parfaitement honnête. Nous certifions n’avoir aucun rapport de près ou de loin avec les propriétaires de ce restaurant et aucun intérêt à attribuer à ce dernier une bonne ou une mauvaise note. Dans tous les cas, le restaurant dispose d’un droit de réponse.