Joyeuses fêtes

C’est une année en demi-teinte pour les critiques. Aucune fourchette d’or attribuée, quelques bonnes adresses tout de même, quelques déceptions et des restaurants de qualité « moyenne supérieure », qui m’ont fait souvent hésiter entre la fourchette en inox et la fourchette en argent.
A cause des manifestations des gilets jaunes, les restaurants de l’île ont été impactés à divers degrés. Hors de question, dans ces conditions, d’aller distribuer des mauvaises notes, quand elles auraient pu s’imposer. Inutile d’ajouter aux difficultés des restaurateurs des récriminations fussent-elles justifiées.
Aucune critique n’est donc parue en décembre.

Celles-ci reprendront en février pour cause de « vacances », pendant lesquelles je préparerai plusieurs événements et projets pour 2019.

Le Journal de l’île et Clicanoo continuent d’être les médias partenaires, un grand merci à eux.

Je vous donne donc rendez-vous début février, et vous souhaite de passer d’excellentes fêtes de fin d’année.

Le Ti Mahi Mahi

IMG_0971Aujourd’hui, je suis descendu au Ti Mahi Mahi, à Saint-Gilles-les-Bains. Un restaurant recommandé par plusieurs amis. Je débarque à 11h30, et on m’accueille avec un large sourire. Il fait une chaleur à griller sur place, et j’ai déjà dû perdre dix litres d’eau.
Les lieux sont très « vacances balnéaires », chaises et tables en bois, parasol, etc… on me place à une table en me précisant qu’il faudrait partir à 13h30, pour cause de réservation, ce qui me laisse largement le temps de déjeuner. Je découvre que la carte bleue n’est pas acceptée. Y’a encore des restaurants à Saint-Gilles… pas Mafate, Saint-Gilles… qui n’acceptent pas les cartes bleues. Qu’à cela ne tienne on m’invite à aller au distributeur du Crédit Agricole « à côté »… même en passant par la passerelle du marché, c’est en ville quand même, et le restaurant est sur la rue du port… bon… allez, c’est parti pour une petite marche supplémentaire sous le soleil exactement, « pouakant ».

IMG_0954Je reviens, et le petit « beurre » de poisson aux fines herbes m’attend toujours à côté des tranches de pain. Il fait bougrement chaud. Heureusement, une brise légère vient me faire la bise…

Plats chaud et plats froids, spécialité poisson du jour. De l’ultra frais, semble-t-il, puisqu’on précise sur la carte que s’il n’y a pas de pêche, le restaurant est fermé. Carrément.

IMG_0961Aujourd’hui donc le thon alcacore est au programme. Plusieurs formules de tartare sont disponibles, assaisonnés avec des produits locaux : ananas, cotomili… je choisi le tartare à la tomate cerise – basilic. La portion est correcte, accompagnée d’un « riz vert » et d’une salade.

Le riz rappelle furieusement du taboulé, un peu en texture et davantage en goût. De la menthe fraîche donne du répondant aux oignons verts. La salade est correcte, même si je n’apprécie pas trop la sauce et son vinaigre velléitaire, du balsamique, ou si ce n’est lui c’est donc son frère. La salade verte est un poil fatiguée.

IMG_0960Le tartare est excellent. C’est frais, éclatant en bouche comme au nez, gourmand avec des morceaux coupés assez gros qui proposent une jolie mâche emprunte des saveurs marines de bon thon. Les tomates cerises et leur acidité parfumée font un beau couple avec le riant basilic, qui domestique le côté un peu sauvage du thon.

IMG_0966Un café liégeois met un point final heureux au repas. J’ai décliné la panacotta maison praliné qui menaçait d’être trop sucrée à mon goût.

Addition : 27 euros pour une mousse, un plat, un dessert et un café. Et le sourire de la patronne en prime. Qui a dit que Saint-Gilles était cher ?

Chez Lucay

IMG_0638Aujourd’hui nous sommes à Cilaos, assis là-haut à la table de Chez Lucay, dans les murs du centre artisanal faisant face à un autre restaurant testé en 2015, le Petit Randonneur. Très belle salle à la décoration sobre et gaie, que jouxte une non moins belle terrasse pour les midis chauds du cirque. Nous débarquons dès l’ouverture, comme à notre habitude, accueillis aimablement et installés aussi sec.

IMG_0630Au menu du jour : joue de bœuf braisée au vin, travers de porc sauce aigre doux, blanquette de poissons (espadon, moule, thon, saint-Jacques, crevettes, saumon) qui eût pu s’appeler plus justement « blanquette de poissons et fruits de mer », carry d’ailes de dinde, lapin à la crème aux poivres, carry bichiques (des bichiques déor, vu le prix), porc pommes de terre et un pied de porc au vin de cilaos. Ce dernier fera notre affaire. La carte, riche, fait dans le classique et les plats autour des lentilles mariées à multiples cochonnailles. Nous ne sommes donc clairement plus dans un « petit » établissement, et la variété des plats proposés montre une volonté de ratisser large, tout en maintenant un certain côté qualitatif.
Nous optons pour la patte cochon au vin de cilaos, intelligemment non estampillé « civet », car il s’agit bien là du breuvage traditionnel, sucré, issu du cépage Isabelle. Et nous sommes curieux de voir ce que cela peut donner.

IMG_0631En préambule, nous prenons un classique boudin-achard de légumes. Celui-ci est servi rapidement, trop sans doute. Car il est encore froid.
L’assiette est pleine, et c’est peu dire pour une entrée. Pour terminer ça, sachant ce qui vient derrière, vaut mieux débarquer pedibus cum jambis direct du Piton des Neiges avec une « dalle » à engloutir un cochon entier.
Le achard de légumes est déplorablement coupé au robot. C’est sans doute une nécessité pratique, mais l’aspect visuel en pâtit. L’on eût préféré une quantité moindre, mais taillé comme il faut, en julienne, comme chez gramoun. Le côté froid n’est pas forcément dérangeant, si l’on attend un peu, et en bouche, le curcuma ne fait pas dans la dentelle. Hélas, point de piquant à l’horizon pour des sensations vives, hormis des atours poivrés. Heureusement, c’est croquant.
Le boudin, quant à lui, donne dans la texture équilibrée, pas trop pâteuse, pas trop molle. Ici et là, des morceaux d’oignons vert garnissent la farce. Au goût, le boudin s’avère sage, et même timide.
L’entrée est plutôt correcte dans l’ensemble, sans casser des briques.

IMG_0632Le pied de porc au vin de Cilaos est ce genre de plats qui n’est pas spécialement recommandé aux mauviettes, aux étiques de régime, aux traumatisés de la bonne chair réfugiés dans le véganisme de circonstance.
C’est du lourd. Certes, la patte cochon n’est, en soi, pas le genre de cari qu’on déguste avec l’espoir d’affronter l’après-midi sans une once de somnolence digestive, mais ainsi marié au vin de Cilaos, cela devient une ode pantagruélique de la bouffetance, façon gibier, à Bacchus lui même.
Car, oui, messieurs-dames, le plat qui nous est servi n’est pas moins rempli que le défunt achard.
Même si l’on inclut la présence des os. Les morceaux qui baignent dans une sauce passablement huileuse, suintent de reflets marrons et orange foncés, avec leur peau tirant sur le noir.
En bouche, le gras fait bande à part, et la viande rougie, archi-cuite, s’effile sous la dent. La saveur franche et musquée laisse des réminiscences sucrées trahissant les origines du vin, mais pas seulement, car en fermant les yeux, elle rappelle furieusement la charge gustative épicée d’un civet de tangue phénoménal, gras compris.
Nous ne finissons pas le plat.

IMG_0635Le riz est bon, bien cuit, bien buvant. Les lentilles sont assez décevantes. Nous avons connu des lentilles de Cilaos plus goûteuses et plus en crème que celles-ci. Renseignements pris auprès d’agriculteurs du cirque, la culture souffrirait d’une baisse de qualité consécutive à un appauvrissement des sols pour cause de surexploitation. Une information qu’il convient de creuser.
Le rougail tomates, pour finir, est parfaitement inintéressant. C’est fade.

Une boule de glace à la vanille clôt ce riche repas de sa douceur glacée.

Addition : 29 euros, entrée, plat et dessert, le prix de la formule. Le rapport qualité prix est correct.

Ne tournons pas autour du pot de lentilles, le restaurant Chez Lucay est une bonne table. Pour apprécier le genre de repas que nous avons dégusté aujourd’hui, il faut avoir du répondant stomacal, mais tous les plats sont différents, bien que sans doute servis avec la même générosité, qui confine au gaspillage pour ce qui concerne notre entrée. Le service est efficace et souriant. Le cuisine est variée. Tout cela mérite rien de moins qu’une jolie fourchette en argent.

 

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Farg2
Pour résumer. 
Accueil : bien • Cadre : bien • Présentation des plats : aucune
• Service : très bien • Qualité des plats : bons • Rapport qualité-prix : bonImpression globale : bonne table

Fourchette en argent

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La Ferme du Pêcher Gourmand

Depuis le temps qu’on nous rebat les oreilles avec la Ferme du Pêcher gourmand, nous avons décidé de tester cet établissement de la Plaine-des-cafres, à la faveur d’un déjeuner dominical entre amis. L’endroit se situe à trois minutes de Bourg-Murat, en descendant vers le Tampon. Un panneau bien visible sur la RN3 vous invite à prendre un petit chemin bordé de filaos qui vous conduit à un vaste parking. Une grande maison, un jardin immense, équipé de jeux d’enfants qui vont vous débarrasser de la marmaille remuante, laquelle s’empressera d’aller torturer les lapins en liberté et faire tourner le lait des poules. La salle, décorée façon chalet, cheminée comprise, peut accueillir confortablement jusqu’à 120 convives.

IMG_0315Nous sommes accueillis avec le sourire par une dame sympathique. Les suggestions du jour sont à l’ardoise. Aujourd’hui sont proposés une salade de lentilles de Cilaos au magret de canard frit, un parmentier de canard, riz frit aux légumes et aux crevettes, une « petite marmite des ô » avec lentilles de Cilaos, cuisse de canard confite et saucisse frites, et deux desserts classiques : profiteroles et coupe de glace. Total entrée, plat et dessert : entre 30 et 38,50 euros, par personne. Vu les tarifs, nous espérons que la qualité va suivre.

IMG_0325La spécialité de la ferme est le canard, cuisiné en cari, grillé, confit, en cassoulet, en magret, sans oublier le foie gras et les rillettes que les propriétaires vous vendent aussi en bocaux, pour prolonger le plaisir chez vous. Toutefois la carte comprend aussi un rougail saucisses au ti-jacque et un cari crevette à choisir dans une formule pour 25 euros. Le menu marmaille à 10 euros comprend un cari canard fumé, le même que celui qui figure parmi les plats de résistance. Nous optons pour la « marmite des ô », avec un foie gras de canard mi-cuit en entrée, plus un cari de canard fumé. Le temps que les apéritifs soient éclusés, la danse des canards commence, avec une petite mousse légère et des petits pains savoureux en amuse-bouches.

IMG_0334L’entrée est assez bien présentée. Salade fraîche et petites juliennes de carottes croquantes côtoient un confit d’oignon et la tranche de foie gras sur pain de mie. Confit d’oignon qui n’est pas si confit que ça. Pain de mie qui manque de couleur, et de croquant, pour qui préfère les toast chauds et dorés qui vont bien avec le foie gras dont la tranche est ici un peu mince. à 18 euros nous nous attendions à une entrée plus gourmande. Le foie gras fond en bouche, et donne un peu de fumet au nez. Effectivement le confit d’oignon ne casse pas trois pattes à… vous devinez.

Les plats de résistance suivent, mais l’un des convives reste en plan. Le cari canard a du retard. En jargon musical on appelle ça un… vous devinez ?
Dans un établissement pratiquant ce genre de tarif, l’on est en droit d’attendre que tout le monde soit servi en même temps, comme il sied chez les bonnes gens.

IMG_0343La «petite marmite des ô», renifle bon la lentille gorgée de soleil poussée dans la terre caillouteuse comme du côté d’Ilet à Cordes, la graisse de canard fondue au cul de marmite, la peau frite du palmipède, et le piquant frais et léger des oignons verts disséminés. Tout cela se retrouve en bouche. Belle mâche de viande avec la peau «in ti guine» croustillante qui appelle les bouchées suivantes, lentilles en crème remplies de cette subtile saveur terreuse caractéristique, mais quid des saucisses ?

Les quelques tranches qui baignent dans les lentilles sont assez fades, comme des saucisses de conserve. Elle n’apportent rien de particulier au plat. 

IMG_0344Le cari de canard fumé (au bois d’acacia) est très bon. Sa sauce collante aux gencives amène un franc caractère de thym, de poivre et d’oignon fondu, avec la belle longueur du fumé. La viande rouge foncé se laisse mordre à cœur en offrant juste assez de résistance pour procurer du plaisir. Le sel est maîtrisé. C’est gras, bien sûr, mais sans exagérations rédhibitoires. C’est du bon cari des hauts, assez proche de celui qu’on trouve à la marmite des cordons bleus des familles. A déguster avec les doigts, pour nettoyer les os.

Les accompagnements sont corrects. Le riz est civilisé, avec des grains souples et absorbants, le rougail chouchou apporte un croquant et une fraîcheur opportune sur ces plats par nature lourds. Les masochistes de la capsaïcine se sont vu offrir une coupelle de piment vert « krasé », sans demander. Seules les lentilles servies à part avec le cari canard pêchent par manque d’assaisonnement. Trop peu de sel, pour une fois. Et leur sauce est plus claire que celle de la « marmite des ô ». Comme si c’était servi dans l’urgence.

Nous faisons l’impasse sur les desserts, pour ne pas nous alourdir l’addition, et les estomacs. Nous réglerons tout de même une note de 80 euros pour trois boissons, une entrée, trois repas dont un menu enfant à 10 euros et deux cafés. Soit une moyenne de plus de 33 euros pour deux adultes. Le rapport qualité prix est perfectible.

IMG_0352La Ferme du Pêcher Gourmand est incontestablement une adresse prisée de la Plaine-des-cafres. Le lieu est bucolique, au creux de la verdure des hauts, et offre un espace idéal pour les enfants. Très bon accueil du personnel présent aujourd’hui, mais quelques couacs dans le service, sans gravité.  La cuisine, axée sur le canard, respecte la tradition réunionnaise, dans une certaine mesure : celle du nombre de clients. En effet, si tous les plats étaient bons dans l’ensemble, on pourrait tout de même souhaiter un « petit supplément d’âme » comme chantait France, moins dans le cadre que dans l’assiette.

Il est vrai que la stratégie du nombre et la cuisine « lontan » comme « chez momon », est un exercice d’équilibre délicat.  La Ferme du Pécher Gourmand ne s’en sort pas trop mal, mais jusqu’à quand ? Aussi longtemps que possible, souhaitons-le, sachant que les tarifs pratiqués commandent d’être irréprochable. Pour aujourd’hui, nous serions injustes d’attribuer à cet établissement et à son équipe autre chose qu’une fourchette en argent avec recommandation.

 

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Fargent

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Pour résumer. Accueil : bien • Cadre : très bien • Présentation des plats : moyen
• Service : bien • Qualité des plats : très bons
• Rapport qualité-prix : perfectible
Impression globale : très bonne table

Fourchette en argent avec recommandation

Les délices du Moulin joli

IMG_3153La Possession. Les Délices du Moulin Joli. Un restaurant à caser dans la catégorie des lieux de rendez-vous du midi pour les personnes qui travaillent dans le quartier, comme il en existe partout sur l’île. Et plus si affinités, car l’on y organise aussi des soirées et autres événements privés ou familiaux. La surface conséquente qui dénombre déjà 150 couverts les midis ordinaires, autorise les grosses fêtes. Le parking est également spacieux, bien que passablement poussiéreux et caillouteux.

Nous débarquons là par hasard, passé midi de peu. On nous accueille très poliment, et nous prenons une table chez les non fumeurs. De toute manière la terrasse abritée sous chapiteaux est assez vaste et ventilée pour le pas trop subir les fumées cancérigènes des suceurs de clous de cercueil.

Une pression, et nous nous intéressons au buffet à volonté, politique choisie par l’établissement. Sept salades diverses et un gratin de chou-fleur se posent pour les entrées, avec quelques amuse-gueules comme des nems au poulet et des samoussas bien frits, moulus fins, pas trop gras. Vous pouvez aussi passer directement aux caris. Dix plats de résistance attendent. Aujourd’hui, entre autres : poulet au citron, massalé d’agneau, cari de dorade, cari coq estampillé «fermier», rougail saucisses, et une étrangeté nommée « agneau-poulet et merguez mouton au poivre vert » …

Tout cela est accompagné au choix de riz blanc ou riz jaune, plus deux rougails. De quoi faire baigner les dents du fond. Voyons tout de suite si la qualité est aussi au rendez-vous.

IMG_3137Le coq, en tout cas, a bien l’air de ce qu’il prétend : fermier. La chair tient bien à l’os, et le couteau standard fourni est à la peine. La mâche est bonne, mais nous nous laissons dire que quelques minutes de cuisson supplémentaires n’auraient pas fait de mal. La saveur est honnête, mais manque de punch, et si l’on espère que la sauce aide un peu, c’est raté. En effet, cette dernière est salée juste au-delà du raisonnable pour les palais éduqués au sel éthique. Les autres n’y verront que du feu. à la place, nous aurions aimé un thym plus présent sur un croûtage d’épices efficace. Globalement, on a l’impression que sauce et viande se regardent en chien de faïence au lieu de s’épouser.

L’agneau massalé suit le même chemin. Sur cette viande cuite tendre le massalé s’exprimerait mieux, de concert avec le caloupilé, si le sel ne venait pas mettre la zizanie. 

Le poulet au citron est un ton au-dessus. Sans doute l’acidité parfumée de l’agrume compense-t-elle quelque peu le…sel ! Toujours est-il que le poulet s’en sort mieux que le réveil de basse-cour susmentionné, bien accompagné d’émincés de concombre dans une sauce épaissie riche en sensations gustatives appuyées par le mordant des tranches de citron.

Nous terminons l’assiette par l’étrangeté. Drôle de plat en effet que ce poulet-agneau-merguez au poivre vert, tout imbibé de sa sauce à la crème. Il ne fait pas exception à la règle : son sel est bavard. Néanmoins, le plat est assez urbain pour nous procurer du plaisir. Le poivre vert, sévère, saute au nez et au palais sans faire semblant, tout en se mariant assez bien avec l’agneau (surgelé, mais bon), et les merguez de caractére. Ce n’est pas un plat pour les mauviettes, mais pour des badass habillé(e)s en cuir, bottes jusqu’aux genoux et munitions en bandoulière. Vous voyez le genre ?

Tout cela est bel et bon, mais en définitive nous nous interrogeons sur la pertinence du poulet dans cette histoire. Quitte à donner dans le puissant, une pintade fournirait plus de répondant aux ovins. Après tout ce sel, heureusement que l’eau vint.

Une crème brulée termine, froidement, ce repas, complétant ainsi une addition qui se monte à 23,60 euros pour une boisson, un buffet et un dessert. Le rapport qualité-prix est correct.

IMG_3155Pour conclure, parlons d’abord du service : aimable, souriant, professionnel, efficace.
Concernant la cuisine, cette fois encore, nous avons rencontré celle d’un chef qui a une faiblesse de poignet quand il se saisit de la salière. C’est dommage, car les caris se seraient bien mieux portés sans cet excès de chlorure de sodium. Nous connaissons la chanson, on nous l’a assez chantée : « les clients aiment comme ça, si on diminue le sel, ils réclament. » Dans ce cas, il y a toujours le recours à la salière de table, n’est-il pas ? Mais faut-il céder aux désidératas de gens dont les palais sont formatés à la nourriture industrielle, salée par nature, au risque d’oblitérer les vraies saveurs des aliments, que le sel est censé relever, et seulement relever. Pas écraser.

Jugez donc de la difficulté de noter un tel repas. Il vaut plus qu’une fourchette en inox, car nous avons relativement bien mangé. En revanche, cette cuisine en grande quantité n’est pas assez aboutie. On ne lui demande pas du raffinement, mais davantage de subtilités gustatives sans leurre, com-me dans le poulet au citron. La fourchette en argent s’impose donc, par défaut.

 

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Farg2
Pour résumer. 
Accueil : bien • Cadre : moyen • Présentation des plats : buffet
• Service : très bien • Qualité des plats : bons • Rapport qualité-prix : correct Impression globale : bonne table

Fourchette en argent

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Le Néflier

IMG_0118Nous débarquons aujourd’hui dans un de ces petits restaurants de quartier, où l’on a souvent d’heureuses surprises, sur la route montant à la clinique Saint-Clotilde. « Le Néflier » est son nom. Nous espérons ne pas y aller pour des Nèfles.

IMG_0126L’endroit est sympathique, au fond d’une allée très fleurie, et vous fait oublier la route fréquentée où trouver une place pour se garer est impossible. Pour ce faire, vous pouvez tenter la ZAC Finette, en contre-bas. Près de cinquante couverts, dehors et dedans. Un dedans très ouvert remarquez, avec vue sur un petit jardin. Nous sommes accueillis par un barbu aux atours de patron pêcheur, casquette sur la tête, sourire franc du collier et gouaille portée sur le ballon rond, et une dame de tempérament au service des barquettes derrière son comptoir, où quelques fins de salade sont exposés.

Il nous prie de nous installer, s’enquiert de nos choix, et nous rapporte les assiettes dressées séance tenante. Nous testerons le cari de grenadier, le civet de cerf et l’agneau au menu du jour, qui côtoient un « boucané aubergine », ici on dit « bringelles », des cuisses de poulet aux oignons et un agneau au curry, cousin métrosexuel putatif de notre cabri massalé. Les assiettes ont un semblant de présentation, voyons si le ramage se rapporte au plumage.

IMG_0122Le civet de cerf n’est pas mauvais. La viande ne fait pas mystère de son ADN de gibier en dégageant son caractère musqué, même si ce dernier a été assagi par un vin qui laisse sur les entournures quelques acidités non dérangeantes. C’est cuit fondant, et la sauce donne du liant à un riz en grain, qui renâcle à s’en imbiber. Mais si la viande est archi-cuite, elle manque tout de même de rondeur. Globalement, ce n’est pas très fin.

IMG_0123Le cari de grenadier ne voltige pas non plus dans les hauteurs gustatives, fut-il assaisonné au gingembre mangue comme croit bon nous préciser le patron. Sa chair en équilibre instable entre la finesse poissonnière et la sécheresse, a quand même le mérite d’être correctement cuite, pour ne pas gâcher le produit. La sauce, gingembre mangue ou pas, reste cependant superficielle, et a du mal à pénétrer le poisson, comme le riz d’ailleurs, pour les mêmes raisons mentionnées plus haut. Elle propose une humeur correcte, enrobée de douceur, mais sans casser des briques.

L’agneau au curry est sucré. Il affiche une parenté plus proche avec la gastronomie maghrébine que celle des indianités auxquelles nous sommes accoutumés par chez nous. Nous y décelons d’ailleurs ce qui ressemble fort à des raisins secs. Pour tout dire, c’est gras, très fort en goût et le côté sucré est écœurant. Si curry il y a là-dedans, il est atomisé.

Nous avons déjà parlé du riz. Les lentilles sont relativement bien apprêtées. Le rougail tomate est misérable. Encore un de ces rougails hachés gros doigts, plus proches de la salade de tomate fadasse que du bon rougail au pilon. Notons la présence louable de brèdes chouchou, pas mauvaises  mais définitivement trop cuites à notre goût, et passablement mal triées. Des fils subsitent ici et là.

IMG_0125En dessert, on nous propose quelques pâtisseries maison. Nous optons pour un « gâteau de crêpes au chocolat », qui « manque d’un peu de froid » de l’aveu même du patron. C’est effectivement mou, mais se mange sans faim pour qui aime le chocolat en bonne quantité. Une petite chantilly eut été bienvenue, pour donner une touche aérienne à ce pavé gourmand.

Nous prenons congé en réglant une adition de plus de 40 euros, pour une boisson, trois repas (dont un à emporter) et un dessert. Le plat est à 14 euros ! Eu égard à la qualité globale, c’est cher.

Le Néflier semble tourner avec sa petite clientèle d’habitués, au creux de Sainte-Clotilde, sans se poser de question. Le cadre est agréable, l’accueil et le service sympathiques, mais la cuisine est assez moyenne. Nous n’attendions pas forcément un feu d’artifice gustatif dans l’assiette, mais au moins un minimum syndical que n’autorise sans doute pas des produits bas de gamme et surgelés, préparés avec une routine handicapante. Une impression nette de laisser aller et de désinvolture… qui va jusqu’à la propreté de la table : des couverts vieillissants et tâchés, des sets de tables sales, et le tutoiement de la dame au moment de payer alors que nous n’avons pas gardé les cabris massalés ensemble.

Sans être une mauvaise adresse (il y a sans doute de meilleurs jours, souhaitons le) le Néflier, aujourd’hui en tout cas, ne nous a pas motivé à sortir ne serait-ce qu’une brave fourchette en argent. L’inox tombe donc logiquement.

 

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Finox

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Pour résumer. Accueil : bien • Cadre : bien • Présentation des plats : moyen
• Service : très bien • Qualité des plats : moyen
• Rapport qualité-prix : mauvais
Impression globale : décevant

Fourchette en inox

Le Ti’Resto Lontan

Aujourd’hui nous grimpons à Bourg-Murat pour une mise à jour de fourchette. En effet, la fourchette d’or du Ti Resto Lontan est déjà vieille de six ans.

Nous débarquons de bonne heure comme à l’accoutumée, et l’on nous accueille avec le sourire. Nous nous posons à une table préalablement réservée et l’on nous apporte la carte sous sa forme originale propre à l’établissement : dans un vanne, qui était plus «artisanal» (et plus authentique) auparavant. Les lieux sont aussi propres et bien ordonnés que dans nos souvenirs, nonobstant le fait que les orchidées sont remplacées par une petite plante, type Chlorophytum elatum, dont certaines manquent d’un peu d’entretien.

IMG_9168La carte est toujours aux couleurs locales, avec quelques plats originaux tout de même, dont un poulet au miel et au citron, qui attire notre curiosité. Dans le registre des plats moins courants, nous notons aussi la présence d’une salade de foie de volaille à la crème, d’un gratin de songe, d’un millefeuille d’espadon aux brèdes sauce crème gingembre et des camarons crème vanille, combava ou porto. La tripotée locale classique des divers caris et rougail sont au nombre de treize, pas moins. Nous y piochons le rougail zandouille.

Si l’on compte les grillades, les entrées, le tutti et le quanti, le «vanne-carte» présente une quarantaine de plats différents. Quarante ! Une réflexion nous vient : Il y a encore des brontosaures qui s’imaginent qu’en ratissant large ils vont satisfaire tout le monde, avec l’illusion de pouvoir garder la qualité, même s’il y a la quantité. Il y a encore des restaurateurs qui font de leur établissement des usines à bouffe.
Le service est en tout cas efficace, agréable et professionnel. Testons donc.

IMG_9176Le poulet au miel et au citron est intéressant. Les émincés de poulet, coupés peut-être un peu épais, baignent dans une sauce crémeuse douce et acidulée,
veloutée, tout en finesse. Le miel et le citron se répondent en parfait équilibre. Quand l’un avance sa saveur boisée et profonde, l’autre donne son éclat frais d’agrume. Dommage que la plupart des morceaux de viande aient la consistance du carton pâte sur les bords, mais la sauce les aide bien à descendre.
IMG_9173Le rougail zandouille est présenté dans l’assiette comme du vomi. Il affiche en effet un aspect flasque et prédigéré peu engageant. Evidemment, quand on a quarante plats à la carte, sans une armée pour les cuisiner, on surgèle la plupart, et quand on réchauffe, cela peut donner cette chose. Et si encore l’andouille n’était que vilaine, on aurait pu pardonner. Mais elle aussi totalement exsangue de goût, ce qui est un comble tout de même pour cette charcutaille, qui, généralement, envoie du lourd. Celle-ci a été bouillie et rebouillie, on peut l’attaquer à la paille. Un plat d’hôpital. A 19 euros, oui m’sieur-dame. Nous réalisons soudain que la véritable andouille n’est peut-être pas celle qui gît dans l’assiette.

Un mot sur les à-côtés. Le riz, jaune ou blanc, est insignifiant en consistance comme en goût. Les grains, c’est encore pis. Pas une once d’épice, pas un grain de sel. Comme s’ils avaient été juste cuits à l’eau, et puis c’est tout. La (toute) petite fricassée de brèdes qui fait de la figuration a un goût de renfermé. Aucun intérêt. Seul le rougail de courgettes sauve un peu l’honneur.
Juste un mot sur le menu enfant, à douze euros. Douze, pour quelques frites navrantes et une saucisse. Là, on frise l’escroquerie. Heureusement, un supplément de frites est offert, ce qui n’explique en aucun cas le tarif.

IMG_9187Des beignets de bananes fort joliment présentés, très bons, croustillants dehors, tendres et chauds dedans, et leur chocolat fondu, viennent tempérer notre humeur jusqu’à ce que nous réglions l’addition : plus de 72 euros pour trois repas, apéritif et cafés compris. Le rapport qualité prix est mauvais.

Force est de constater que le Ti’ Resto Lontan nous a déçu aujourd’hui. La stratégie des cartes pléthoriques n’est pas celle qui mettra en valeur nos produits locaux dans une cuisine de qualité. Tout cela pourquoi ? Pour offrir du choix ? A quoi bon le choix si les plats doivent en pâtir. Ou alors cela devient du business. Au feu de bois, mais du business quand même, et cela est inacceptable.
Honte à la cuisine-business. Honte aux caris et rougails médiocres qui ne satisfont plus que les clients sans palais formatés à la mal-bouffe industrielle, ou les touristes  qui ne connaissent pas la vraie gastronomie réunionnaise. C’est d’autant plus dommage ici que le Ti’ Resto Lontan, avec ses plats originaux, pourrait aisément se positionner différemment par rapport aux autres établissements alentours, en proposant, en sus de deux ou trois caris classiques correctement réalisés, une cuisine locale nouvelle pleine de saveur et d’éclat. Du gâchis. Six ans après, la fourchette d’or s’est changée en fourchette en inox.

 

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Finox

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Pour résumer. Accueil : bien • Cadre : bien • Présentation des plats : moyen
• Service : très bien • Qualité des plats : moyen
• Rapport qualité-prix : mauvais
Impression globale : décevant

Fourchette en inox

Le Tangor

La Plaine des Grègues est connue, ici et aussi outre l’océan, comme la « capitale » du curcuma. Pour avoir emprunté la jolie route qui y mène, depuis Saint-Denis, nous vous le certifions : ce n’est pas aussi loin que ça, et il y a bien moins de tournants que pour monter dans les hauts de l’ouest, par exemple.

Le village, perché qu’à 600 mètres d’altitude, est pour ainsi dire lové dans une sorte de cirque miniature. Si le curcuma est connu et reconnu, c’est la faute de Mémé Rivière, que les visiteurs de salons, foires et autres réjouissances champêtres diverses connaissent bien maintenant. Vous retrouverez tout ces bons produits du terroir à la Maison du curcuma, la case à Mémé en quelque sorte. Achard, gingembre ou piments confits, bonbon la rouroute, et le produit phare : la poudre de curcuma « de luxe », fabriquée à partir du cœur du rhizome, là où la curcumine est la plus concentrée. Mais nous ne sommes pas venus dans ce joli coin de Saint-Jo pour la poudre orange, même si nous sommes repartis avec un bocal ! Notre intérêt se porte plutôt sur le restaurant le Tangor (en référence à ce délicieux agrume qui semble trouver ses aises alentours), naguère racheté par Mémé Rivière itou, après huit mois de fermeture. La cuisine à Mémé, si l’on peut dire.

IMG_8487Nous débarquons donc le nez en l’air, en ce week-end ensoleillé, au barreau sans pétrel de la jolie petite maison qui abrite l’établissement, nichée dans un non moins sympathique jardin. Le fond de l’air est frais, et l’appétit est là. Le chef, en revanche, n’est pas là, lui. L’homme est en vacances, et remplacé au pied levé par un ami. Tant pis, puisque nous y sommes, nous goûterons la cuisine de l’ami, en priant pour qu’il soit à la hauteur. Nous n’aimerions pas dégainer la fourchette en inox dans ces circonstances.

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« Petit » punch (l’iPhone donne l’échelle) au curcuma. Bon, mais très sucré.

L’accueil est poli, souriant, mais un poil speed. Pourtant il n’y a encore aucun client. L’on nous installe à l’intérieur à notre préférence, ce qui nous permet d’apprécier la déco et la chaleur qui se dégage de cette salle confortable, aux tables bien mises. Au menu du jour : des créolités. « Nous avons momentanément réduit la carte, le temps que le chef revienne » nous apprend-on. Aucun souci, les plats disponibles conviennent très bien, dont certains peu courant, entre le steak de porc et le rougail saucisses : baba figue snoek, friture de guêpes (à 25 euros, ben oui madame) et boucané aux brèdes lastron. S’ils ont des brèdes au menu ici, c’est déjà un bon point. Avec un (petit, tout petit) punch parfumé au… curcuma, trop sucré, une mise en bouche : des beignets de carottes, qui, oh miracle, ont un goût de carotte et non de graillon.

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Peu de goût pour le cari de coq fermier

Nous partons sur un cari de coq « fermier » et le baba. Nous commençons avec un gratin de chouchou où le légume a perdu toute existence gustative, assassiné par une béchamel liquide et un fromage tyrannique. Et quand, en plus, le légume a été débité en morceaux trop petits, rien d’étonnant.

Baba, le coq ne nous rendra pas. Fermier, il est pourtant. La chair est souple, fière, et donne une belle mâche. En revanche le cari manque de punch gustatif. Nous sommes les premiers à décrier les assaisonnements à la truelle, le sel à la louche et les épices surdosées (dont le curcuma d’ailleurs) pour masquer l’insignifiance et la décrépitude dans certaines cuisines, flinguées à la fourchette en plastique. Mais ici c’est l’inverse. C’est un cari de coq éteint, coincé du croupion. Les saveurs sont minimales. Ça manque de roussi. Et ce n’est pas gras du tout. Nos artères l’en remercient. Notre palais moins. Une lichette supplémentaire de sauce épaisse aurait été bienvenue. Et plus de sel aussi, pour une fois. Le cari se termine quand même sans difficulté.

IMG_8498Le « sounouk » en robe de baba figue n’a pas de mal à faire mieux. Le sel est maîtrisé, l’amplitude grasse du poiscaille, qui renifle ses émanations classiques de sous-vêtements après deux heures de jogging, trouve son maître dans la consistance fouettée et humide du baba figue, qui répond avec son amertume légère. C’est très bon. Ça manque de piment quand même. Heureusement que le piment vert écrasé, et confit, vient aider un peu, malgré un côté vinaigré qui ne passe pas trop avec ce plat-ci. Dommage de ne pas avoir au moins deux rougails plus originaux à cette table.

IMG_8495Le riz est correct. Les gros pois en crème, avec un joli roussi, eux aussi. La daube de citrouille qui accompagne les caris est bienvenue, d’autant qu’elle est réussie. Elle équilibre l’assiette. Du velours. Nous faisons l’impasse sur les desserts. Si les bonbons la rouroute proposés sont les mêmes que ceux vendus sous emballage à la Maison du curcuma, 2 euros pièce, pas très poudreux, ce n’est pas grave. Nous réglons une note de plus de cinquante euros pour une entrée, deux caris, les boissons et un café. Le rapport qualité prix est perfectible.

Le Tangor est une bonne adresse du Sud sauvage « des hauts », idéal pour les familles, avec un cadre intérieur cosy, plaisant à voir, et un jardin bucolique par beau temps. Étape incontournable après une balade dans les environs, avec ou sans provision de curcuma. L’ami remplaçant du chef ne s’en est tout de même pas trop mal tiré, malgré un cari de coq approximatif réalisé avec un volatile pourtant badass, et un gratin de béchamel au fromage ou inversement. Tout le reste fut bon. Y compris le service. Nous nous ferons une opinion sans doute plus précise lors d’un passage ultérieur si le chef officiel est de service. En attendant, nous avons tout de même le plaisir d’attribuer au Tangor une juste fourchette en argent.

 

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Farg2
Pour résumer. 
Accueil : bien • Cadre : très bien • Présentation des plats : moyen
• Service : bien • Qualité des plats : bons • Rapport qualité-prix : perfectible Impression globale : bonne table

Fourchette en argent

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L’Horizon 41

IMG_7931Sur les pentes raides de la départementale de la Possession, secours des automobilistes infortunés pour cause de route du littoral fermée, à peu de kilomètres du centre-ville, l’Horizon 41 vous propose des plats sur place ou à emporter, ainsi que quelques menus produits d’épicerie, pour que les gens du coin n’aient pas à redescendre chercher le sel malencontreusement zappé de la liste de courses.

IMG_7940L’endroit offre un point de vue magnifique sur le Port et la Possession, ainsi que sur l’horizon, d’où son nom sans doute. 41 faisant référence au numéro de la départementale. Une sorte de rondavelle un peu fatiguée et patinée par le temps, celui qu’il fait et celui qui passe, accueille les clients. Le sourire de deux dames ajoutent la chaleur et l’hospitalité. L’apparence des caris en vitrine nous décide à prendre place. Il est encore tôt, mais des tables sont déjà dressées pour des réservations. On nous invite poliment à nous rapprocher de l’armoire à boissons fraîches, le temps de servir. La vaisselle est propre, mais les couverts aspirent à une retraite méritée, et les verres à eau sont tout petits, une dînette. D’ailleurs, aucune eau n’est servie à table. C’est vendredi et nous goûterons donc au sacro-saint rougail morue, mais aussi au bœuf sauce tomate au menu du jour.

Les assiettes nous sont servies rapidement, dressées, avec un rougail « zognons » et des lentilles à part. La présentation est sommaire, mais elle a le mérite d’exister quand certains bouis-bouis vous envoient encore des assiettes « à la familiale », ou à la va-comme-je-te-pousse.

Des carottes râpées font office de crudité, tout en prétendant sans doute ajouter de la couleur à l’ensemble. Pas râpées du jour, vu l’aspect. Mais encore à peu près présentables, même si elles n’ont que peu de saveur. Les caris sont bien davantage ensoleillés.

IMG_7936Le rougail morue est plus en morceau qu’émietté. En barquette, ça passe, à l’assiette ça fait négligé. Heureusement qu’il est tout à fait bon. L’épaisseur des morceaux, bien que peu esthétique, a tout de même l’avantage de leur conférer une mâche intéressante, où la saveur de la salaison est bien arrangée par un assaisonnement correct, où les épices jouent pleinement leur rôle. C’est gras sur les entournures, sans exagération, ce qui compense la sécheresse relative des éléments plus gros. Au final, le mélange rougail-riz est parfait, avec un sel juste. Il ne manque qu’un peu de piment vert « crasé » pour les finitions, mais l’on ne peut nous proposer que quelques maigres piments entiers à la place. Rien d’étonnant, vu le tarif actuel de ces derniers.

IMG_7933Le bœuf quant à lui est présenté en tranches fines. Ce n’est pas du Kobé, c’est sûr. Il renifle une humeur de cuir musqué de viande brute de second choix, ce que confir-me une texture ferme et un brin crissante. Néanmoins, c’est très bien cuit, et la sauce tomate qui a pris des couleurs roussies, comme aidée par du siave, donne à la chair de l’allant, et du glissant. Le rougail « zognon » danse bien avec. L’oignon et le bœuf ont toujours été de bons compères.

IMG_7938Là dessus les lentilles, en crème, viennent jouer les trouble-fête. Si elles accompagnent mieux le bovidé, elles jurent un peu la morue. En effet, elles remuglent une odeur forte de ravensare, complété en bouche par celle d’un curcuma à la louche. C’est un peu fort. Un cari de canard, un civet de coq ou un cari « la patte » auraient été de meilleurs partis pour ces lentilles de caractère. Le riz est très bon. Bombé, gourmand, un rien collant, et goûtu comme on l’aime.

Addition pour deux caris, deux boissons et deux cafés : 22,40 euros, soit 11,20 euros par personne. Le rapport qualité prix est très bon.

L’Horizon 41 est un petit restaurant sans prétention qui propose une cuisine réunionnaise correcte pour un prix modique, sans faire payer la vue pour ceux qui déjeunent sur place ! De l’art de bien cuisiner avec des produits pas chers. Quelques améliorations seraient tout de même souhaitables. Des sets de table, une carafe d’eau, des crudités moins «cheap» pour décorer l’assiette… rien de forcément très cher, ni de très chronophage. L’affaire tourne, mais quel-ques signes laissent à penser qu’un peu d’argent frais serait bienvenu, histoire de renouveler la vaisselle, donner un coup de jeune au caillebotis, et commencer à proposer le minimum de confort et de décor pour égayer tout ça. Car le potentiel de marmite est certain, comme en témoigne la fréquentation. Par-dessus le marché, on peut se garer, que demande le peuple ? Du chemin reste à faire pour donner du lustre à ce restaurant, sans toucher à son authenticité et son hospitalité. Puisse cette fourchette d’argent contribuer à y attirer la clientèle. Petit à petit, paille en queue fait son nid.

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Farg2
Pour résumer. 
Accueil : bien • Cadre : moyen • Présentation des plats : bien
• Service : très bien • Qualité des plats : bons • Rapport qualité-prix : bonImpression globale : bonne table

Fourchette en argent

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Le Gasparin créole

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L’entrée rue Lucien Gasparin

Retour sur Saint-Denis pour cette critique dominicale. Nous débarquons dans un nouveau restaurant installé à l’étage du bâtiment adjacent au Grand Marché, tout en haut de la rue Maréchal-Leclerc, à l’angle avec la rue Lucien-Gasparin, maire du chef-lieu au pénultième siècle, dont l’établissement a emprunté le nom.

La grande et longue salle, remise aux normes, est très lumineuse. Rapport aux baies vitrées avec vue imprenable sur la Montagne, la Petite-île, la Délivrance. Les tables sont mises simplement. La déco est encore minimale, et l’ensemble respire un classicisme confortable. Nous sommes accueillis avec le sourire, mais le personnel est affairé. En effet, presque toutes les tables sont occupées par un groupe de personnes dont nous situons la moyenne d’âge au-dessus de cinquante ans. Un repas d’un club de la troisième jeunesse, sans doute. D’ailleurs, de dos, il nous semble reconnaître monsieur le maire. Nous supposons conséquemment que le service sera long. Il n’en sera rien. À peine avons-nous commencé à attendre les apéritifs, en réfléchissant au plat que nous allons tester. Au menu du jour : brochette de poisson, côte d’agneau, magret de canard, steak de bœuf, cari de thon au combava, boucané pommes de terre et civet de canard. Nous optons pour ces derniers. Les plats arrivent. Ils font déjà bonne impression.

IMG_2268Le civet de canard affiche une jolie couleur de cuivre patiné. Les morceaux ne sont pas décharnés. Certains arborent encore de jolis carrés de cette appétissante peau que tous les diététiciens honnissent, mais qui vous sortent les yeux des orbites de gourmandise. La sauce au fond ne paraît pas trop grasse. L’odeur est tout à fait conforme aux effluves de vin cuit d’un civet bien élevé, où transpire un girofle circonspect. En bouche, c’est très bon. La viande est souple, tendre, très charnue. Trempée de sauce, elle exprime bien sa saveur de canard soutenue par les humeurs complexes du quatre-épices. Le sel est juste. Le bon rougail concombre donne un complément acidulé, pimenté et croquant à la bouchée. Le plat se finit avec les doigts, et tant pis pour la bienséance.

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IMG_2266Le boucané pommes de terre est très élégant aussi. La viande et les patates ne sont pas avachies et gardent une relative fermeté qui leur fait bien se tenir. Le boucané est très équilibré en gras et maigre, pour une mâche intéressante. Son fumet est à des lieues des relents bruts qu’on a l’habitude de voir trop souvent. C’est fin, et il y a même des notes florales en pointillé, comme s’il avait été fumé à la traditionnelle, avec des feuilles vertes de pêche ou de mangue, comme certains le font encore dans les hauts. « Il vient de chez Minatchy » nous informe la patronne. Tiens, cela nous rappelle un poulet fumé provenant du même endroit, naguère fouetté pour cause de saveur rédhibitoire. Comme quoi, rien n’est jamais écrit dans le marbre, et le charcutier en question fournit également de très bons produits. Les ratages peuvent arriver à tout le monde. Ce boucané-ci est réussi en tout cas. Et les patates qui ont bu la sauce vous remettent une couche de son bon goût de fumé, que le rougail tomate accompagne parfaitement.

IMG_2275Suivent des petits bouts de gâteau péi, dont un au songe, superbe, et une crème brûlée un peu froide mais correcte. Addition : 46 euros pour un cocktail, une bière, deux caris et deux desserts, soit 23 euros par tête de yab. Le rapport qualité-prix est bon.

« Je vous offre un autre cocktail, le lait de coco du premier est un peu caillé« … nous l’avions remarqué mais n’avons pas jugé utile de le relever. Ce genre d’attention est assez rare pour mériter d’être noté. Malgré l’affluence du jour des gourmets « toujours jeunes », qui sont censés savoir ce qu’est un bon cari, et qui, visiblement, appréciaient leur repas, le service est resté souriant et efficace. La cuisine aussi est efficace. Le sieur Jean-Marc Sornom, patron du Gasparin créole, n’est autre que celui qui tient le restaurant Chez Jean-Marc, au fond du Grand Marché, tout à côté. Les plats que nous avons dégustés aujourd’hui furent délicieux et fidèles à la tradition culinaire réunionnaise. Même le riz est choisi avec soin, avec des grains épais qui confèrent aux bouchées de belles sensations. Si le boucané vient de chez Minatchy Sainte-Marie, le canard est du sud, de chez Duchemann et Grondin. « Nous essayons de travailler avec de bons produits« , déclare la patronne. Cela se voit dans l’assiette en tout cas, avec le coup de main expert du chef. Ouvert officiellement depuis trois mois, le Gasparin créole doit encore sans doute parfaire sa déco, mettre en place des entrées (s’il le juge utile), compléter les desserts et garder cette attention spéciale portée aux clients. D’ores et déjà, ce que nous avons dégusté aujourd’hui mérite amplement une belle fourchette en argent avec recommandation.

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Fargent

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Pour résumer. Accueil : bien • Cadre : bien • Présentation des plats : moyen
• Service : très bien • Qualité des plats : très bons
• Rapport qualité-prix : bon
Impression globale : très bonne table

Fourchette en argent avec recommandation